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Date : 20230123

Dossier : T-1909-21

Référence : 2023 CF 103

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2023

En présence de l’honorable juge Pamel

ENTRE :

MUNICIPALITÉ DE CHELSEA

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

et

COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE

office fédéral visé par la demande

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La municipalité de Chelsea [Municipalité] demande le contrôle judiciaire d’une décision du premier dirigeant de la Commission de la capitale nationale [Commission] datée du 19 novembre 2021, à l’issue de laquelle la Commission a déterminé, en vertu de la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts, LRC 1985, c M-13 [LPRI], et du Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’État, DORS/81-1030 [Règlement], le montant total à verser à titre de paiement en remplacement d’impôts [PERI] à la Municipalité, pour le rôle triennal 2018 à 2020, à l’égard d’une trentaine de propriétés fédérales à l’intérieur du Parc de la Gatineau [Parc] qui sont situées sur son territoire [propriétés fédérales].

[2] Dans le cadre du conflit entre les parties concernant le calcul des PERI, et suivant le conseil de la Commission à cet égard, la Municipalité a demandé l’intervention du comité consultatif [Comité], lequel a rendu un avis majoritairement favorable à la position de la Municipalité, notamment quant à la valeur des montants demandés. La décision finale de la Commission a retenu une partie des recommandations du Comité et en a écarté certaines autres, en plus de s’appuyer sur des analyses effectuées postérieurement à la remise de l’avis aux parties. Globalement, la Commission a retenu des montants à verser à titre de PERI représentant environ 50 % des montants demandés par la Municipalité.

[3] La Municipalité prétend que la Commission, par sa conduite, a contrevenu aux attentes légitimes qu’elle avait créées à son endroit, à savoir qu’elle s’engageait à rendre une décision conforme aux recommandations du Comité. Elle soutient également que la décision de la Commission est déraisonnable, puisqu’elle va à l’encontre de l’objectif du régime législatif encadrant le versement des PERI, fait fi des enseignements du Comité quant aux principes applicables à l’évaluation des propriétés fédérales et s’appuie sur des éléments qui n’ont pas été débattus devant le Comité.

[4] Pour les motifs qui suivent, la Municipalité ne m’a pas convaincu ni que la Commission avait manqué à son obligation d’équité procédurale ni que sa décision était déraisonnable. Conséquemment, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée dans son entièreté.

II. Cadre législatif

[5] J’ai indiqué en annexe de ma décision le détail des dispositions législatives et réglementaires pertinentes aux fins de la présente demande.

[6] Le cadre législatif entourant les PERI a été clairement défini par la jurisprudence des Cours fédérales et de la Cour suprême. Pour les fins de la présente demande, il convient d’en rappeler les éléments essentiels, tout en prenant en compte le régime juridique propre à la Commission en la matière et contenu dans sa loi constitutive, la Loi sur la capitale nationale, LRC 1985, c N-4 [LCN], lequel prévoit également le versement de subventions aux municipalités à titre d’indemnisation fiscale.

[7] Aux termes de l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, reproduit dans LRC 1985, annexe II, no 5, la Couronne fédérale est exemptée d’imposition provinciale et municipale. Néanmoins, conscient que les propriétés de la Couronne s’insèrent dans le tissu des territoires provinciaux ou municipaux, et reconnaissant l’importance des services offerts par les municipalités auxdites propriétés, le législateur fédéral a mis en place un régime de compensation encadré par la LPRI et ses règlements d’application (Montréal (Ville) c Administration portuaire de Montréal, 2010 CSC 14 aux para 13-14 [Administration portuaire de Montréal]).

[8] La LPRI s’applique à l’égard des propriétés fédérales appartenant à Sa Majesté du chef du Canada dont la gestion est confiée à un ministre fédéral ou à une personne morale mentionnée à ses annexes III ou IV (art 2). Aux termes de son article 2.1, la LPRI a pour objet « l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts ». La LPRI utilise comme facteur de référence l’« impôt foncier » établi par une « autorité taxatrice » (art 2).

[9] Le ministre peut, à la demande d’une autorité taxatrice, verser un paiement pour toute propriété fédérale située sur son territoire en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition donnée (art 3). À titre de société d’État énumérée à l’annexe III de la LPRI, la Commission doit verser des PERI selon les modalités prévues au Règlement. Le paragraphe 7(1) du Règlement prévoit que les PERI versés par une société d’État ne doivent pas être inférieurs au produit du taux effectif et de la valeur effective de la propriété. Il est à noter que dans la présente affaire, l’opposition entre les parties concerne uniquement la détermination de la valeur effective des propriétés fédérales. Celle-ci correspond à la valeur qui, de l’avis de la société d’État, serait déterminée par une autorité évaluatrice comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était imposable.

[10] À cet effet, les principes guidant l’évaluation des propriétés sur le territoire québécois sont contenus à la Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ c F-2.1 [LFM], et ses règlements d’application. Cette évaluation doit notamment tenir compte de l’état de l’unité d’évaluation, des conditions du marché immobilier et de l’utilisation qui est la plus probable quant à l’unité (art 46), mais aussi de l’incidence que peut avoir sur le prix de vente le plus probable de l’unité la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de manière objective (art 45).

[11] D’autre part, le législateur fédéral a conféré à la Commission, avant même l’adoption du Règlement, un pouvoir d’indemnisation similaire à celui prévu par la LPRI, à l’article 16 de la LCN. En effet, le paragraphe 16(1) de la LCN prévoit que la Commission peut verser aux municipalités locales des subventions n’excédant pas le montant des taxes qui pourraient être perçues par celles-ci sur ses biens immeubles si elle n’était pas mandataire de Sa Majesté. Bien que les parcs soient exclus de cette catégorie par le paragraphe 16(2), le Parc de la Gatineau y est réintroduit par l’effet du paragraphe 16(3), qui prévoit que la Commission peut verser aux autorités compétentes, pour ceux de ses biens immeubles situés dans le Parc de la Gatineau, des subventions n’excédant pas, dans une année fiscale donnée, les montants qu’elle estime suffisants pour indemniser ces autorités des pertes de revenu de taxes municipales et scolaires subies par elles pendant l’année en question du fait de l’acquisition de ces biens par la Commission. En l’espèce, au cœur du débat entre les parties quant à la méthode de calcul appropriée de la valeur effective des propriétés fédérales réside la question de la prise en compte des contraintes objectives découlant de l’acquisition de ces propriétés par la Commission afin de les vouer à la conservation.

[12] Cela étant dit, il convient de noter que la Commission, à titre de personne morale énumérée à l’annexe III de la LPRI, et par dérogation à toute autre loi fédérale ou à ses règlements, est tenue de se conformer au Règlement pour tout paiement versé en remplacement de l’impôt foncier (art 11(1) de la LPRI). Autrement dit, c’est le Règlement, adopté en vertu de l’alinéa 9(1)f) de la LPRI, qui fixe la méthode de calcul de ces paiements, nonobstant toute autre disposition législative, dont l’article 16 de la LCN.

[13] Or, il arrive, comme en l’espèce, qu’un désaccord naisse entre une autorité taxatrice et une société d’État concernant la manière dont doivent être effectués les calculs qui mènent à la détermination des PERI. À cet effet, la LPRI prévoit la constitution d’un comité consultatif ayant pour mandat de donner des avis à la société d’État relativement, entre autres, à la valeur effective d’une propriété fédérale, suivant la tenue d’un processus de consultation des parties (art 11.1 de la LPRI; art 12.1 du Règlement). Le Comité ayant été saisi dans le cadre de la présente affaire, il sera notamment question d’évaluer l’incidence de l’avis rendu par celui-ci sur la raisonnabilité de la décision de la Commission.

III. Contexte

[14] Suivant le dépôt du rôle triennal pour les années 2018 à 2020 par la Municipalité régionale de comté des Collines-de-l’Outaouais [MRC], la Municipalité a formulé des demandes de PERI auprès de la Commission à l’égard des propriétés fédérales situées sur son territoire. Ces demandes étaient fondées sur des augmentations de valeurs au rôle de l’ordre de 19 % à 25 % pour ces propriétés. À titre comparatif, la moyenne d’augmentation pour tout type d’immeubles dans la municipalité de Chelsea était de 3,9 %.

[15] Face à ces augmentations en apparence ciblées et considérables, un agent d’évaluation foncière de la Commission a soumis des demandes de justification à la MRC en novembre 2017. En réponse, la MRC a transmis à la Commission, en mars 2018, un tableau de ventes dites « comparables ». Les terrains ayant fait l’objet de ces ventes étaient, de manière générale, plus petits que ceux à l’étude, et leur zonage permettait le développement résidentiel. Ils étaient situés dans des secteurs développés de la Municipalité, et avaient pour la plupart été transigés par des promoteurs immobiliers.

[16] Par la suite, des échanges et rencontres ont eu lieu entre la Commission, la MRC et la Municipalité. En mars et juin 2018, la Commission a versé des PERI à la Municipalité pour ses propriétés sur la base de ses propres calculs. Entre septembre et décembre 2018, les discussions se sont poursuivies entre les parties afin de parvenir à une entente, mais en vain.

[17] Le 24 septembre 2019, par le biais de ses avocats, la Municipalité a transmis au Comité une demande d’avis à l’égard des propriétés fédérales pour les fins du rôle triennal 2018 à 2020. Ces propriétés étaient de deux types, soit des terrains de grande superficie et des terrains de plus petite superficie situés dans des enclaves résidentielles en bordure des lacs Kingsmere et Meech, à l’intérieur desquelles la construction de résidences est permise. Pour les fins de la présente demande, il convient de s’intéresser aux observations présentées par les parties devant le Comité concernant la possibilité pour la Commission de regrouper, aux fins du calcul de la valeur effective des propriétés fédérales, les unités d’évaluation inscrites séparément au rôle de la MRC, ainsi que la méthode de calcul de la valeur effective des terrains de grande superficie. En effet, puisque la Municipalité affirme devant la Cour que la Commission aurait dû suivre l’avis du Comité en tous points, il s’ensuit que seuls les éléments de la décision qui s’en écartent sont contestés par la Municipalité. Ainsi, la Commission ayant accepté les recommandations du Comité concernant la valeur effective des terrains de petite superficie qu’elle a décidé de ne pas regrouper avec les terrains adjacents de grande superficie, ces valeurs et leur calcul ne font l’objet d’aucun désaccord entre les parties.

[18] Dans le cadre de l’audience devant le Comité, qui s’est tenue du 16 au 20 novembre 2020, la Commission a fait entendre M. Neil Gold, évaluateur agréé et directeur principal chez Groupe Altus limitée. M. Gold a proposé au Comité de regrouper en une seule toutes les unités d’évaluation correspondant aux propriétés fédérales. Il a également fait valoir une évaluation fondée sur l’usage le meilleur et le plus profitable [UMEPP] des propriétés fédérales, soit celui d’espace naturel dédié à la conservation et à la récréation, et sur la prise en compte de leur importante superficie. Pour sa part, la Municipalité a fait entendre M. Marc Lépine, évaluateur agréé chez LBP Évaluateur, aussi signataire du rôle d’évaluation de la MRC. M. Lépine a essentiellement défendu une analyse de la valeur des propriétés basée sur le comportement des acteurs du marché immobilier local, tout en s’opposant au regroupement des unités d’évaluation proposé par M. Gold.

[19] Le 16 février 2021, le Comité a rendu son avis. Concernant la question du regroupement souhaité par la Commission, le Comité a conclu que le regroupement des terrains de grande superficie et de certains terrains de petite superficie pouvait être fait, puisqu’il satisfaisait aux conditions prévues à l’article 34 de la LMF. Il ne l’a pourtant pas recommandé, en raison des conséquences qu’aurait un tel regroupement sur les catégories d’immeuble, et donc le taux effectif applicable aux propriétés.

[20] Quant au calcul de la valeur effective, le Comité a majoritairement retenu l’approche de la Municipalité. Le Comité était d’avis que, malgré l’absence de ventes de terrains à caractère institutionnel rapportées par l’évaluateur de la Municipalité, la comparaison au marché local était plus crédible que la démarche suggérée par l’expert de la Commission. Ainsi, les ventes de terrains de grande superficie répertoriées par M. Lépine, quoique d’une superficie inférieure à celles des propriétés fédérales, et à usage différent de celui-ci, étaient plus susceptibles de montrer ce que la Commission devrait payer si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur de ces propriétés, conformément à l’article 44 de la LFM. Le Comité a également procédé à une analyse de l’article 16 de la LCN et en a conclu qu’afin de déterminer le manque à gagner en taxes municipales et scolaires découlant de l’acquisition des propriétés par la Commission, le Comité devait envisager des utilisations alternatives et observer le comportement du marché local. Le Comité a ainsi retenu une valeur effective totale de 106 372 900 $ pour les terrains de grande superficie, alors que leur valeur inscrite au rôle était de 115 406 500 $.

[21] Suivant la réception de l’avis, la Commission a constaté l’importance accordée par le Comité à la localisation des ventes comparables et pris acte de ses conclusions accueillant les comparables de M. Lépine et rejetant ceux de son expert. Par contre, la Commission a estimé que le Comité faisait fausse route en ne considérant pas l’UMEPP et la superficie des terrains comme des facteurs pertinents à la détermination de la valeur effective des propriétés fédérales. La Commission a donc effectué des analyses supplémentaires afin d’obtenir des mesures permettant d’ajuster les valeurs identifiées par l’expert de la Municipalité, pour ainsi tenir compte à la fois de localisation, de l’UMEPP et de la superficie.

[22] La Commission a également reconnu qu’une unité d’évaluation unique créée par le regroupement de tous les terrains serait d’une telle envergure qu’il deviendrait très difficile de trouver des transactions réellement comparables en usage, en superficie et en localisation, afin d’en établir la valeur. La Commission n’a donc pas donné suite à son approche initiale quant au regroupement des terrains de grande superficie. Cependant, elle était d’avis que sept terrains de petite superficie satisfaisaient toutes les conditions applicables pour être regroupés avec les terrains de grande superficie leur étant adjacents, conformément à l’article 34 de la LFM.

[23] Le 28 septembre 2021, à l’aune de ces considérations, la Commission a communiqué à la Municipalité le contenu de ses analyses supplémentaires et les nouvelles valeurs résultant de ses calculs, l’invitant à formuler tout commentaire avant la finalisation de sa recommandation au premier dirigeant.

[24] Le 7 octobre, la Municipalité a mis la Commission en demeure de rendre sa décision finale conformément aux conclusions émises par le Comité dans son avis, précisant qu’elle considérait les nouveaux éléments soumis par la Commission comme non recevables, notamment puisqu’ils n’avaient pas été présentés au Comité. La Municipalité était également d’avis que la Commission s’était engagée par le passé à rendre une décision sur la base des recommandations du Comité. Dans sa lettre de réponse datée du 15 octobre 2021, la Commission a indiqué à la Municipalité qu’elle considérait l’avis comme une recommandation à laquelle pouvait s’ajouter des éléments nouveaux, et réinvité la Municipalité à les commenter ou à y répondre et à fournir tout autre élément jugé pertinent. La Municipalité a réitéré son opposition aux nouvelles démarches de la Commission et insisté pour que celle-ci rende sa décision dans les dix jours, ce qu’elle a fait le 19 novembre 2021.

[25] La décision de la Commission identifie les montants à verser à la Municipalité à titre de PERI pour les terrains de grande superficie et les terrains de petite superficie ayant été regroupés à 358 119,81 $ pour l’année 2018, à 370 632,02 $ pour l’année 2019 et à 383 240,85 $ pour l’année 2020, calculés sur la base d’une valeur effective de ces terrains totalisant 48 309 700 $. La décision reconnaît l’importance de considérer avec sérieux les recommandations faites par le Comité, mais souligne que la Commission n’est pas liée par celles-ci, puisque son rôle consiste à rendre la décision qu’elle considère conforme à tous les faits portés à sa connaissance et aux principes applicables. À cet égard, la décision mentionne que tant l’avis du Comité, la position de la Municipalité et celle de l’équipe de la Commission responsable des PERI que les principes applicables à l’évaluation foncière des propriétés en territoire québécois ont été considérés aux fins de déterminer la valeur effective des propriétés fédérales.

IV. Questions en litige

[26] Les questions soulevées par la présente demande, et formulées de façon similaire par les parties, peuvent se résumer de la manière suivante :

  1. La Commission s’est-elle engagée, par sa conduite, à suivre les recommandations rendues par le Comité dans son avis du 16 février 2021?

  2. La décision de la Commission est-elle raisonnable?

  3. Si la décision de la Commission est déraisonnable, quelles sont les mesures de redressement appropriées?

  4. La conduite de la Commission justifie-t-elle le remboursement d’honoraires extrajudiciaires engagés par la Municipalité?

V. Norme de contrôle

[27] La première question soulevée par la Municipalité fait intervenir la théorie des attentes légitimes, qui a été reconnue par la Cour suprême comme le prolongement des règles de justice naturelle et de l’équité procédurale (Centre hospitalier Mont-Sinaï c Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41 au para 32 [Mont-Sinaï]; Association des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c Winnipeg (Ville), [1990] 3 RCS 1170 à la p 1204). À cet égard, la Cour doit se demander « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » et la question fondamentale est « celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 54, 56; Fortier c Canada (Procureur général), 2022 CF 374 au para 15 [Fortier]).

[28] Par ailleurs, il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-17 [Vavilov]). Le rôle de la Cour est de déterminer si la décision possède les attributs de la rationalité, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si celle-ci appartient aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Vavilov aux para 85, 99). Ce dernier aspect de l’analyse est d’autant plus central dans la présente affaire. En effet, la décision de la Commission est loin d’être le fruit d’un choix binaire et, au contraire, commande l’évaluation de facteurs nombreux et complexes, ce qui multiplie les avenues possibles tant quant au processus décisionnel emprunté qu’au résultat final. La Cour doit donc veiller à examiner les motifs de la Commission avec une attention respectueuse et chercher à comprendre le fil du raisonnement qui l’a menée à ses conclusions afin de décider si, dans l’ensemble, la décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle (Vavilov aux para 84-85).

VI. Analyse

A. La Commission s’est-elle engagée, par sa conduite, à suivre les recommandations rendues par le Comité dans son avis du 16 février 2021?

[29] La Municipalité prétend que la Commission, par sa conduite, s’est engagée à suivre les recommandations du Comité. Elle identifie trois éléments qui, selon elle, ont créé des attentes légitimes de sa part à cet effet, soit que la Commission l’a incitée à s’adresser au Comité, a insisté pour que trois membres siègent au Comité et s’est engagée auprès de citoyens à suivre les enseignements du Comité.

[30] En effet, la Municipalité prétend que c’est sur la foi des informations qui lui ont été transmises par la Commission concernant la possibilité, pour une autorité taxatrice insatisfaite du montant versé à titre de PERI, de présenter une demande de révision au comité consultatif, qu’elle a déposé une première demande au Comité le 13 septembre 2018, puis une seconde le 24 septembre 2019. La Municipalité allègue également que les représentants de la Commission lui ont affirmé qu’ils espéraient, par ce processus, trouver un consensus et mettre en place une approche soutenable pour les années à venir. Ils auraient de plus rassuré les représentants de la Municipalité à diverses reprises, les invitant à faire confiance au processus prévu afin de faire trancher leur différend, et affirmant qu’il s’agissait d’un « bon processus ». Vu la durée substantielle de ce processus et l’importance des coûts engagés, la Municipalité s’attendait à ce que la Commission en suive les recommandations.

[31] La Municipalité soutient par ailleurs que la Commission a insisté pour que trois membres experts siègent au Comité lors de l’audition. Selon la Municipalité, cette demande démontre l’importance que la Commission accordait au processus devant le Comité alors que ses prétentions n’avaient pas encore été rejetées, et sa volonté d’obtenir les enseignements de trois experts pancanadiens afin de permettre une prise de décision conforme aux principes juridiques applicables.

[32] Finalement, la Municipalité réfère à deux lettres datées du 8 janvier 2019 et transmises par le premier dirigeant de la Commission à des citoyens inquiets de l’impact des décisions à venir en matière de PERI sur les contribuables de la Municipalité. La première, rédigée en anglais, indiquait que [traduction] « la [Commission] respectera le processus établi du Comité consultatif sur le règlement des différends associés aux paiements versés en remplacement d’impôts et suivra les conclusions qui en découleront », tandis que la seconde, rédigée en français, indiquait que « la [Commission] respectera le processus établi du Comité consultatif sur le règlement des différends associés aux paiements versés en remplacement d’impôts et tiendra compte des conclusions qui en découleront » [je souligne.]. La Municipalité soutient que ces affirmations de la Commission démontrent que cette dernière s’est engagée à tenir compte des conclusions du Comité et à les suivre. La Municipalité prétend que le cumul de ces éléments justifie l’application de la théorie des attentes légitimes, laquelle aurait pour effet de contraindre la Commission à rendre une décision conforme à l’avis du Comité.

[33] À mon sens, les arguments invoqués par la Municipalité ne sont pas de nature à permettre l’application de la théorie des attentes légitimes. Tout d’abord, il convient de rappeler que la théorie des attentes légitimes n’est qu’une composante de l’équité procédurale, puisqu’elle constitue l’un des cinq facteurs contextuels et non exhaustifs établis par la Cour suprême dans l’arrêt Baker afin de définir les droits procéduraux requis par l’obligation d’équité dans des circonstances données (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 22 à 28). Ainsi, il ne suffit pas pour la Municipalité de démontrer que la Commission n’a pas satisfait les attentes qu’elle avait créées; plutôt, elle doit parvenir à prouver qu’il en a résulté un manquement de la part de la Commission à son obligation d’agir équitablement (GCT Canada Limited Partnership c Administration portuaire Vancouver Fraser 2022 FC 1109 au para 248).

[34] Cela étant dit, la Cour suprême, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30 [Mavi], a présenté la théorie des attentes légitimes de la façon suivante :

[68] Lorsque dans l’exercice du pouvoir que lui confère la loi, un représentant de l’État fait des affirmations claires, nettes et explicites qui auraient suscité chez un administré des attentes légitimes concernant la tenue d’un processus administratif, l’État peut être lié par ces affirmations si elles sont de nature procédurale et ne vont pas à l’encontre de l’obligation légale du décideur.[…] Constitue un manquement à son obligation d’équité l’omission substantielle du décideur de respecter sa parole : Brown et Evans, p. 7-25 et 7-26.

[35] Dans l’arrêt Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 [Agraira], la Cour suprême a invoqué la possibilité qu’une attente légitime origine, non pas d’un engagement de nature procédurale, mais bien d’un engagement quant à l’issue formelle du processus :

[94] […] De même, si un organisme a fait une représentation à une personne relativement à l’issue formelle d’une affaire, l’obligation de cet organisme envers cette personne quant à la procédure à suivre avant de rendre une décision en sens contraire sera plus rigoureuse.

[95] Les conditions précises à satisfaire pour que s’applique la théorie de l’attente légitime sont résumées succinctement comme suit dans un ouvrage qui fait autorité intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada :

[traduction] La caractéristique qui distingue une attente légitime réside dans le fait que celle-ci découle de la conduite du décideur ou d’un autre acteur compétent. Une attente légitime peut donc découler d’une pratique officielle ou d’une assurance voulant que certaines procédures soient suivies dans le cadre du processus décisionnel, ou qu’il soit possible de prévoir une décision favorable. De même, l’existence des règles de procédure de nature administrative ou d’une procédure que l’organisme a adoptée de son plein gré dans un cas particulier, peut donner ouverture à une attente légitime que cette procédure sera suivie. Certes, la pratique ou la conduite qui auraient suscité une attente raisonnable doivent être claires, nettes et explicites.

[Je souligne.]

[36] Or, c’est bien ce que la Municipalité allègue en l’espèce : la décision de la Commission aurait dû être conforme à l’avis du Comité, comme elle s’y était engagée. Cependant, rien dans la preuve au dossier ne me permet de conclure qu’un tel engagement a été pris par la Commission. Il en ressort plutôt que la Commission a considéré la pertinence de s’engager dans le processus prévu à l’article 11.1 de la LPRI, compte tenu du désaccord entre les parties, et exprimé sa confiance d’en arriver ainsi à un consensus. Je note également que les lettres auxquelles réfère la Municipalité sont adressées à deux citoyens et non à la Municipalité elle-même. De plus, les lettres font état d’un engagement différent selon la langue utilisée, l’une indiquant que la Commission suivrait les conclusions du Comité, et l’autre qu’elle en tiendrait compte. En l’absence d’explications précises quant à leur impact sur les attentes, non pas des citoyens de la Municipalité, mais de la Municipalité elle-même, je ne suis pas convaincu que ces lettres constituent une conduite nette, claire et précise de la part de la Commission justifiant une expectative de l’ordre de celle qui est alléguée par la Municipalité. De même, je suis d’avis que la Municipalité n’a pas démontré comment la volonté de la Commission de constituer le Comité de trois membres plutôt que d’un seul pouvait être interprétée comme participant à l’expression claire d’un engagement de sa part à rendre une décision conforme aux conclusions du Comité.

[37] Par ailleurs, je considère que l’invitation formulée à la Municipalité par la Commission de saisir le Comité, tout comme ses remarques la conviant à faire confiance au processus consultatif, ne peuvent raisonnablement être interprétées comme l’expression d’une renonciation par la Commission à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire au profit de l’adoption aveugle des recommandations du Comité. Puisque la délégation de pouvoir prévue par la LPRI, le Règlement et la LCN quant au calcul des PERI est, sans équivoque, attribuée à la Commission uniquement, je suis d’avis qu’une telle renonciation reviendrait pour la Commission à entraver indûment l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Quoi qu’il en soit, et même en supposant que telle ait été l’intention initiale de la Commission, la jurisprudence indique clairement qu’une autorité publique ne peut être liée par des affirmations qui iraient à l’encontre de ses obligations légales (Mavi au para 68; Mont-Sinaï au para 29). À cet égard, la Municipalité n’a présenté aucune explication sur la façon dont la Commission pouvait raisonnablement donner suite à la renonciation alléguée sans contrevenir, du même coup, à son mandat légal.

[38] Qui plus est, la réparation recherchée par la Municipalité est, selon moi, incompatible avec les remèdes prévus par la théorie des attentes légitimes. Comme le rappelait la Cour suprême, l’impossibilité que la théorie des attentes légitimes constitue la source de droits matériels lui apporte une restriction importante, soit que la Cour, pour répondre à l’expectative légitime, peut uniquement accorder une réparation de nature procédurale (Agraira au para 97). Au stade du processus administratif, une attente légitime peut ainsi donner lieu au droit de faire des observations, au droit d’être consulté et possiblement, si les circonstances l’exigent, à des droits procéduraux plus étendus, mais ne peut avoir pour effet d’entraver le pouvoir discrétionnaire du décideur de façon à entraîner un résultat particulier (Moreau-Bérubé c Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), 2002 CSC 11 au para 78). Or, en exigeant la conformité de la décision de la Commission à l’avis du Comité, les attentes de la Municipalité portent nécessairement sur la finalité de la décision et commande un résultat précis, ce à quoi la Commission ne peut être légitimement contrainte par l’application de la théorie des attentes légitimes.

[39] Mais il y a plus. La Commission, dans ses correspondances du 28 septembre et du 15 octobre 2021, a communiqué clairement sa position quant à la nature non contraignante de l’avis du Comité et son intention de poursuivre son analyse, en plus de convier la Municipalité à en commenter les résultats et à faire valoir ses arguments. Or, il ressort de la preuve que la Municipalité a choisi de ne pas donner suite aux invitations de la Commission, et a plutôt réitéré son opposition aux nouvelles démarches entreprises par elle et insisté pour que celle-ci rende sa décision rapidement.

[40] Je peux comprendre que la Municipalité, comme elle l’affirme dans son mémoire, ait considéré le processus devant le Comité comme long et coûteux, se montrant ainsi réticente à poursuivre les démarches qu’impliquait la résolution de son différend avec la Commission. Cependant, le remède prévu par la théorie des attentes légitimes correspond, justement, à la possibilité de poursuivre le processus administratif advenant un changement de cap du décideur. Il en ressort qu’en plus de rechercher des conclusions qui sont incompatibles avec la théorie des attentes légitimes, la Municipalité, au moment où il était raisonnable de conclure que ses attentes ne seraient pas satisfaites, a sciemment refusé de se prévaloir de son droit de présenter des observations supplémentaires, lequel constituait précisément le remède prévu par la théorie qu’elle invoque maintenant au soutien de ses prétentions.

[41] Conséquemment, je conclus, en premier lieu, que la conduite de la Commission n’a pu faire naître d’attentes légitimes de la part de la Municipalité, et, en second lieu, que la Commission s’est aussi acquittée de son obligation en matière d’équité procédurale.

B. La décision de la Commission est-elle raisonnable?

(1) L’étendue du pouvoir discrétionnaire de la Commission lorsque le Comité consultatif est saisi et rend un avis

[42] Le premier enjeu soulevé par la Municipalité quant à la raisonnabilité de la décision concerne l’étendue du pouvoir discrétionnaire de la Commission. Spécifiquement, la Municipalité soutient que l’avis du Comité a eu pour effet de limiter considérablement les issues raisonnables dans l’exercice de sa discrétion. À l’appui de ses prétentions, la Municipalité cite la décision Trois-Rivières (Ville) c Administration portuaire de Trois-Rivières, 2015 CF 106 [Trois-Rivières], dans laquelle M. le juge Locke (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) mentionne :

[68] À mon avis, l’opinion du Comité consultatif constitue un élément pertinent qui limitera les issues possibles raisonnables, mais il n’incombe pas au ministre ou à une société d’État de saisir le Comité consultatif. […] Cette approche prive les parties de l’avis du Comité consultatif qui, bien que non contraignant, aurait certes été considéré subséquemment par l’APT et, si toujours nécessaire, dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[43] La Municipalité réfère également aux Règles de pratique du Comité consultatif sur le règlement des différends [Règles de pratique], qui régissent le dépôt d’une demande de révision, la procédure avant l’audience, mais également les règles de tenue de l’audience et de preuve. La Municipalité soutient que le Comité, conformément aux Règles de pratique, a tenu une audience de cinq jours selon un processus contradictoire incluant des contre-interrogatoires, où les deux parties ont présenté une preuve importante par le biais de rapports d’expertise et de témoins ordinaires et experts en évaluation. La Municipalité prétend donc que le processus devant le Comité était exhaustif, complet en soi et assimilable à une audience devant un tribunal, y voyant toutes les marques d’un processus quasi judiciaire.

[44] De plus, la Municipalité affirme que le Comité, formé de trois membres experts indépendants, a rendu un avis motivé et unanime au regard de la preuve et des principes applicables en matière d’évaluation foncière. Elle prétend que la Commission, contrairement au Comité, n’a pas une compétence spécialisée en évaluation foncière, citant la mission de la Commission prévue à l’article 10 de la LCN :

Mission de la Commission

Objects and purposes of Commission

 

10(1) La Commission a pour mission d’établir des plans d’aménagement, de conservation et d’embellissement de la région de la capitale nationale et de concourir à la réalisation de ces trois buts, afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale.

 

10(1) The objects and purposes of the Commission are to prepare plans for and assist in the development, conservation and improvement of the National Capital Region in order that the nature and character of the seat of the Government of Canada may be in accordance with its national significance.

[45] S’appuyant sur l’arrêt Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2 au paragraphe 18, la Municipalité allègue que l’expertise du Comité sur les questions soumises, laquelle est prévue au cadre législatif de la LPRI, combinée à l’absence d’expertise spécialisée de la Commission, forment un contexte conférant à la Cour un plus grand pouvoir d’intervention dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision. La Municipalité soutient que, bien que l’expertise de l’autorité administrative ne soit plus prise en considération dans le cadre de la détermination de la norme de contrôle applicable depuis l’arrêt Vavilov, elle doit malgré tout être prise en considération au moment de l’application du contrôle judiciaire de la décision (Vavilov au para 31).

[46] De plus, la Municipalité prétend qu’il est manifeste que la Commission a incité la Municipalité à s’adresser au Comité afin d’obtenir ses enseignements quant à la valeur effective et, ce faisant, s’en est remise au Comité afin de faire trancher le différend qui les opposait. La Municipalité soutient qu’en recevant l’avis du Comité sur des questions aussi spécialisées et pointues en fiscalité, l’étendue du pouvoir discrétionnaire de la Commission s’est considérablement réduite, et qu’en s’écartant de manière marquée des enseignements contenus à l’avis du Comité, la Commission a nécessairement rendu une décision arbitraire, déraisonnable, et qui n’appartient pas aux issues possibles.

[47] Je suis d’avis que les arguments de la Municipalité ne peuvent être retenus.

[48] Tout d’abord, il convient de rappeler les principes qui sous-tendent le pouvoir discrétionnaire d’une société d’État en matière de PERI, à savoir la préservation de l’immunité de la Couronne en matière d’imposition, la nécessité de faire preuve de souplesse à l’échelle du pays, l’aspect pratique si des différends devaient survenir, les difficultés relatives à l’établissement d’un taux ou de la valeur effective d’une propriété et la protection des intérêts fédéraux (Toronto (Ville) c Administration portuaire de Toronto, 2010 CF 687 au para 44 [Toronto]).

[49] Par ailleurs, je constate que la question de l’étendue du pouvoir discrétionnaire, si elle a déjà été analysée sous l’angle de la prise en compte par une société d’État des évaluations établies par les autorités taxatrices et évaluatrices (Trois-Rivières au para 65; Halifax (Regional Municipality) c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29 aux para 38-42 [Halifax]; Toronto au para 57; Administration portuaire de Montréal au para 31), elle est ici débattue pour la première fois sous l’angle de l’impact d’un avis du comité consultatif. En effet, dans les décisions Toronto et Halifax, où un tel avis avait été rendu, tant l’administration portuaire de Toronto que le ministre l’avaient adopté, à peu de choses près, dans son intégralité, si bien que la question qui nous occupe ne s’était pas posée.

[50] De plus, je suis d’accord avec la Municipalité que l’expertise du décideur administratif, bien qu’elle ne soit plus utile pour déterminer la norme de contrôle applicable depuis l’arrêt Vavilov, continue d’être pertinente lorsque vient le temps d’évaluer si ce décideur a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.

[51] Cela étant dit, les prétentions de la Municipalité, selon lesquelles l’article 10 de la LCN démontre que la Commission n’a pas de compétence spécialisée en évaluation foncière, ne peuvent faire échec à la preuve contraire contenue au dossier. En effet, celle-ci révèle que la Commission a une équipe spécifiquement responsable du calcul des PERI qui comprend des évaluateurs agréés, et dont le travail est d’évaluer la juste valeur de tout le patrimoine fédéral géré par la Commission et de faire des recommandations à ce sujet à son premier dirigeant. Dans le cadre du différend qui a mené les parties devant le Comité, la Commission a également retenu les services d’une firme d’experts indépendants, le groupe Altus, et fait entendre M. Gold, un évaluateur agréé qui cumule plus de quarante années d’expérience en tant que témoin expert devant les tribunaux. Bien que la Municipalité souligne qu’une part importante des arguments de M. Gold ait été rejetée par le Comité, je suis d’accord avec la Commission que ce dénouement n’a pas pour effet de remettre en doute sa qualification d’expert ni de lui retirer ses compétences et son expérience. Ainsi, je considère l’argument de la Municipalité quant à l’absence d’expertise spécialisée de la Commission comme étant sans fondement.

[52] De plus, je ne vois pas, dans les textes législatifs applicables à la présente demande, l’assise juridique dont se réclame la Municipalité pour soutenir ses prétentions quant à la nature quasi judiciaire du Comité. L’article 11.1 de la LPRI et l’article 12.1 du Règlement, qui prévoient la création du comité consultatif, mentionnent simplement que ses membres doivent posséder une formation ou une expérience pertinente et qu’ils ont pour mandat de donner des avis à la société d’État relativement au versement des PERI. Bien que la Municipalité réfère aux Règles de pratique pour évoquer le sérieux du processus suivi devant le Comité, rien dans la législation applicable ne me permet de conclure au caractère quasi judiciaire d’un comité que la LPRI qualifie de consultatif, et dont le rôle est de rendre des avis.

[53] De même, les arguments de la Municipalité concernant le caractère contraignant de l’avis du Comité sur la décision de la Commission ne trouvent appui ni dans le régime législatif encadrant le versement des PERI, ni dans la jurisprudence citée par la Municipalité elle-même. En effet, la valeur effective, dont la détermination est au cœur du présent litige, est définie par le Règlement comme la valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice si la propriété à l’étude était imposable. Il ne fait aucun doute, à la lecture de cette disposition et des décisions qui en ont fait l’analyse, que le dernier mot sur la question revient à la Commission (Administration portuaire de Montréal au para 22; Halifax au para 40).

[54] Par ailleurs, dans la décision Trois-Rivières, le juge Locke (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) mentionnait clairement que l’opinion du comité consultatif constitue un élément pertinent qui limitera les issues possibles raisonnables du décideur, mais que l’avis du comité demeure non contraignant (Trois-Rivières au para 68). Je note également le parallèle évident entre le présent principe et celui qui a été établi par la Cour suprême, dans Halifax, concernant le poids à accorder à l’évaluation de l’autorité évaluatrice :

[40] Le rôle du ministre selon la Loi n’est pas de revoir l’évaluation faite par l’autorité évaluatrice. Son rôle à cet égard consiste plutôt à se former une opinion de la valeur qu’une autorité évaluatrice déterminerait à l’égard de la propriété en question, ce qu’il fait dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de verser un PRI dont le montant ne doit pas dépasser le produit du taux effectif applicable à la propriété en cause par la valeur effective de celle-ci. Bien que le point de vue qu’adopterait une autorité évaluatrice constitue un facteur de référence important pour le ministre, je suis néanmoins d’accord avec le juge Evans pour dire que le ministre peut, pour se former une opinion, procéder à une détermination indépendante de la valeur qu’une autorité évaluatrice attribuerait à la propriété fédérale en cause.

[Je souligne.]

[55] Selon moi, le même raisonnement s’applique à l’avis du Comité en la présente instance. Celui-ci constituait un complément pertinent que la Commission avait le devoir de considérer dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, mais n’était pas déterminant et surtout, ne privait pas la Commission de la liberté de compléter son analyse par d’autres moyens suivant la réception de l’avis. Cela est d’autant plus vrai considérant les réserves qu’avait la Commission quant à la façon dont le Comité avait écarté certains principes clés en matière d’évaluation foncière. À cet effet, je note que, tant dans Toronto que dans Halifax, les conclusions contenues aux avis rendus ont été, dans une large mesure, jugées déraisonnables par la Cour, ce qui indique qu’un comité consultatif n’est pas à l’abri de l’erreur.

[56] La Commission ne conteste pas que l’opinion du Comité constitue un élément pertinent qui puisse limiter les issues raisonnables possibles. À tout événement, le comité consultatif est présumé posséder une formation ou une expérience pertinentes quant aux questions débattues devant lui (art 11.1(1) de la LPRI), et toute conclusion du ministre ou d’une société d’État qui s’écarte de celle du comité devra être suffisamment justifiée à cet égard pour satisfaire aux exigences de la raisonnabilité. Cependant, l’avis rendu par un comité consultatif ne saurait restreindre plus avant l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui découle de l’immunité fiscale de la Couronne fédérale. Tout comme il est logique que le régime hautement discrétionnaire que constitue les PERI soit en mesure de protéger au besoin les intérêts fédéraux contre le zèle excessif des autorités évaluatrices (Halifax au para 41), une société d’État doit pouvoir s’écarter des conclusions du comité consultatif si elle est d’avis que ces conclusions ne sont pas conforment aux principes applicables en matière de fiscalité foncière, pour autant que la société d’État s’assure d’appuyer ses propres conclusions sur une analyse raisonnable desdits principes.

(2) La Municipalité n’est pas parvenue à démontrer que la décision de la Commission était déraisonnable

[57] La Municipalité prétend que la décision de la Commission est déraisonnable puisqu’elle : a) est contraire à l’objectif du régime des PERI et au paragraphe 16(3) de la LCN; b) fait fi des enseignements du Comité; et c) comprend de nouveaux éléments qui n’ont pas été débattus devant le Comité. Pour les fins de la présente analyse, je traiterai conjointement des prétentions de la Municipalité impliquant le Comité.

a) La décision n’est pas contraire à l’objectif du régime des PERI et au paragraphe 16(3) de la LCN

[58] Je note que le premier argument de la Municipalité est développé de manière imprécise et verse à bien des égards dans des considérations qui intéressent plutôt son deuxième argument concernant les enseignements du Comité. Néanmoins, je suis d’avis qu’il peut être résumé essentiellement comme l’idée que les contraintes qui découlent de la possession des terrains à l’étude par la Commission ne peuvent servir de base pour justifier la réduction des valeurs foncières soumises par la Municipalité. Une telle approche contredirait la lettre et l’esprit du régime des PERI, dont le principe est de compenser équitablement les municipalités pour les pertes qui découlent de l’immunité fiscale. Elle irait aussi à l’encontre du paragraphe 16(3) de la LCN, spécifique aux propriétés de la Commission dans le Parc de la Gatineau, qui prévoit que les PERI sont versés aux municipalités locales pour « indemniser ces autorités des pertes de revenu de taxes municipales et scolaires subies par elles pendant l’année en question du fait de l’acquisition de ces biens par la Commission ».

[59] Spécifiquement, la Municipalité allègue que la Commission ne pouvait justifier la réduction des valeurs inscrites au rôle pour les propriétés fédérales sous prétexte que leur usage actuel en est un de parc, puisque cet usage est attribuable à la seule volonté du gouvernement fédéral de les vouer à la conservation. De même, elle soutient que la Commission a déraisonnablement basé ses calculs sur la prémisse que ses propriétés ne seront, selon toute probabilité, jamais utilisées à d’autres fins qu’un parc. À l’appui de ses prétentions, la Municipalité cite l’arrêt Halifax aux paragraphes 55 à 57, où la Cour concluait que la méthode d’évaluation adoptée par le ministre avait pour effet de rendre l’inclusion des lieux historiques nationaux prévue par la LPRI inutile, contrecarrant ainsi l’intention du législateur que des PERI puissent être versés pour de tels lieux. Or, je ne peux que constater la dissemblance importante qui caractérise les faits de la présente demande et ceux sur lesquels reposent les conclusions de la Cour suprême.

[60] Dans Halifax, la question en litige était de savoir si l’opinion du ministre selon laquelle une autorité évaluatrice attribuerait une valeur nominale de 10 $ à un glacis de 42 acres situé en plein cœur du centre-ville d’Halifax, sous motif que le terrain ne pouvait être aménagé ou faire l’objet d’une utilisation profitable sur le plan économique, était raisonnable. En l’espèce, la position catégorique du ministre sur la question confirmait la conclusion de l’expert du gouvernement canadien voulant que, compte tenu de son statut de lieu historique national, le terrain en question n’avait aucune valeur économique pour son propriétaire et donc aucune valeur d’échange. La Cour a conclu que ce raisonnement était incompatible avec l’objectif général de la LPRI consistant à traiter de façon juste et équitable les municipalités dans le versement des PERI.

[61] Or, dans le cas de la présente demande, la Commission a plutôt attribué une valeur effective totale de 50 189 600 $ à l’ensemble des propriétés fédérales, et versé à la Municipalité des PERI totalisant 1 155 264,21 $ pour le rôle triennal 2018 à 2020, ce qui n’a manifestement rien à voir avec une valeur nominale de 10 $. Pour ce faire, la Commission a effectivement tenu compte des restrictions émanant du régime statutaire fédéral, mais également du règlement de zonage et du plan d’urbanisme de la Municipalité, ainsi que de la loi provinciale, afin de conclure que l’usage reconnu par l’ensemble de ces autorités législatives, soit celui d’espace naturel voué à la conservation et à la récréation, ne pouvait être écarté du processus d’évaluation.

[62] Par ailleurs, je note que la Commission était bien au fait de l’existence, en droit québécois, de la présomption de valeur nominale des terrains zonés parc, et que cette présomption n’a pas été opposée à la Municipalité, comme en témoignent les montants mentionnés ci-dessus. Il est vrai, comme le souligne la Municipalité, que les montants versés représentent une diminution de plus de 50 % de la valeur recommandée par le Comité. Néanmoins, je suis d’avis que les conclusions de la Cour suprême dans Halifax ne sont d’aucun secours pour la Municipalité en l’espèce, et que les faits qui nous occupent ne permettent en rien de conclure que la prise en compte par la Commission du statut de conservation des propriétés a eu pour effet de contrecarrer l’objectif général du régime législatif des PERI voulant que la Municipalité soit traitée de manière juste et équitable.

[63] Par ailleurs, la Municipalité prétend que la décision va à l’encontre de l’objectif des PERI voulant que les autorités fédérales, afin d’atteindre l’équité envers les municipalités, doivent être considérées autant que possible comme si elles étaient des propriétaires imposables, citant l’arrêt Administration portuaire de Montréal aux paragraphes 42, 43 et 47. Le conflit entre les parties dans cette affaire, rappelons-le, découlait des fusions municipales réalisées sur l’île de Montréal à partir de l’an 2000, lesquelles avaient entraîné l’abolition de la taxe d’occupation commerciale et l’augmentation des taxes foncières sur l’ensemble du territoire de la Ville de Montréal. Les sociétés d’État impliquées n’avaient jamais versé de PERI à l’égard de la taxe d’occupation commerciale et se trouvaient par ailleurs désavantagées par l’augmentation des taxes foncières. Ces dernières avaient donc établi un taux effectif d’imposition leur permettant de déduire, dans le calcul de leurs PERI, des sommes équivalant à la part de l’augmentation des taxes foncières qui résultait de la suppression de la taxe d’affaires (Administration portuaire de Montréal au para 39). La Cour suprême avait condamné cette pratique, et conclu que les sociétés d’État devaient s’en remettre au régime fiscal en vigueur pour déterminer les valeurs et les taux effectifs d’imposition qui seraient applicables si leurs propriétés étaient imposables, et non à un régime qui n’existerait plus (Administration portuaire de Montréal au para 40).

[64] Dans le cas de la présente demande, il est vrai que l’augmentation de la valeur des propriétés à l’étude origine des modifications effectuées par la MRC au rôle triennal 2018 à 2020, modifications que les dispositions de la LFM lui permettent sans conteste de faire. Or, on sait que cette augmentation, allant de 19 % à 25 % pour les propriétés fédérales, a été justifiée par la Municipalité sur la base de ventes de terrains résidentiels qui, à une exception près, ne dépassaient pas 50 hectares. Suivant la conclusion du Comité que ces ventes étaient davantage représentatives du marché immobilier local, la démarche de la Commission a donc été de considérer ces valeurs comme point de départ pour ses calculs. Elle a ensuite cherché à ajuster ces montants pour tenir compte des caractéristiques qui distinguaient les propriétés fédérales des terrains résidentiels retenus, soit leur UMEPP à titre de parc et leur grande superficie, dépassant parfois 1 000 hectares.

[65] Contrairement à ce que la Cour suprême a déterminé dans Administration portuaire de Montréal, je ne peux pas conclure, comme me le demande la Municipalité, que la Commission a fait fi du régime fiscal local, ni qu’elle a omis de se plier à l’exercice de considérer ses propriétés comme si celles-ci étaient des propriétés imposables entre les mains d’un propriétaire privé. À cet égard, il convient de rappeler les nuances apportées par la Cour suprême, dans Halifax au paragraphe 41, sur la place à accorder aux évaluations municipales dans le calcul des PERI :

[…] Le calcul des PRI ne se réduit pas à la simple application mécanique des évaluations et des taux d’imposition municipaux. Il doit pouvoir s’adapter aux différents endroits où les propriétés fédérales sont situées et aux circonstances particulières applicables. Cela est d’autant plus vrai du fait de la diversité et de la nature parfois unique des propriétés fédérales. Le site de la citadelle — un terrain de 48 acres en plein cœur d’une ville moderne occupé par une fortification du 19e siècle — se veut un exemple évident. Les principes d’évaluation ne s’appliquent pas automatiquement.

[Je souligne.]

[66] Or, il ressort des faits de la présente demande que la Commission a bel et bien tenu compte des valeurs inscrites au rôle de la MRC, mais qu’elle a par ailleurs cherché à les ajuster à la réalité particulière du Parc. La Municipalité peut ne pas être d’accord avec cette approche, mais cela ne la rend pas pour autant contraire à l’objectif du régime des PERI, ni ne rend la décision de la Commission déraisonnable.

[67] À mon avis, l’argument de la Municipalité devant cette Cour aurait une autre portée, et rendrait le parallèle avec Halifax et Administration portuaire de Montréal plus fécond, si celle-ci était en pleine expansion, que ses quartiers résidentiels étaient aux portes du Parc et qu’il était évident que celui-ci gênait le développement de la Municipalité, et avec lui, l’accroissement de ses recettes fiscales. Cependant, tel est loin d’être le cas. En effet, la preuve au dossier, non contredite par la Municipalité, indique que le territoire de la Municipalité ayant fait l’objet d’un développement résidentiel au fil des ans se trouve presque exclusivement sur une bande de terre d’une largeur d’environ trois kilomètres, qui s’étend le long du côté ouest de la rivière Gatineau. Un plan particulier d’urbanisme adopté par la Municipalité en 2011 contient d’ailleurs les orientations particulières de développement pour ce secteur, et identifie les secteurs résidentiels que la Municipalité souhaite développer et les orientations particulières de ce secteur. Or, je constate que les propriétés fédérales ne se trouvent pas dans ce secteur. Qui plus est, la Municipalité a admis qu’elle n’envisageait pas de modifications réglementaires permettant le développement résidentiel ou commercial dans le Parc à court, à moyen ou à long terme, et qu’il n’y avait aucune raison de croire que les terrains ne demeureraient pas dans leur état naturel.

[68] La Municipalité a fait grand cas de l’objectif prévu au paragraphe 16(3) de la LCN et de l’importance d’être indemnisée de manière juste et équitable pour les pertes en taxes municipales et scolaires résultant de l’acquisition par la Commission des propriétés fédérales dans le Parc de la Gatineau. Or, pour prétendre que la valeur de ces pertes doive être calculée strictement sur la base de ventes en milieu résidentiel, encore faut-il que la Municipalité soit en mesure de démontrer que la source potentielle de ces taxes, c’est-à-dire le développement de secteurs résidentiels dont elle est privée sur ce territoire précis, n’est pas qu’une simple vue de l’esprit. Autrement dit, il n’est pas suffisant pour la Municipalité de prétendre qu’elle est empêchée de construire sur ce territoire pour justifier une perte de cette nature, encore faut-il qu’elle prouve qu’elle aurait l’intention et les moyens de le faire, n’eût été cet empêchement. Sans quoi, l’argument d’équité invoqué par la Municipalité devient essentiellement théorique, et ainsi, dépourvu de tout fondement. Puisqu’une telle démonstration n’a pas été faite par la Municipalité, je conclus que tel est le cas.

b) Les conclusions de la décision qui s’écartent des recommandations de l’avis du Comité, tout comme les éléments nouveaux qui n’ont pas été débattus devant le Comité, ne sont pas déraisonnables

[69] La Municipalité conteste les éléments de la décision qui, selon elle, n’étaient pas conformes aux recommandations du Comité. Pour plus de précision, ces éléments sont : (i) la décision de la Commission de regrouper certains terrains de petite superficie avec les terrains adjacents de grande superficie; (ii) la prise en compte des contraintes objectives liées aux propriétés, lesquelles confirment que leur UMEPP est leur usage actuel, c’est-à-dire un espace naturel dédié à la conservation et à la récréation, ainsi que; (iii) la nécessité d’ajuster les valeurs des ventes locales retenues aux fins de calculs pour tenir compte de l’UMEPP et de la superficie des propriétés à l’étude.

[70] D’entrée de jeu, je note que, nulle part dans son mémoire, la Municipalité ne présente d’argument indépendant quant à la déraisonnabilité de la décision de la Commission, c’est-à-dire d’argument qui ne revient pas simplement à dire que la Commission n’a pas suivi les enseignements du Comité. Or, comme je l’ai conclu précédemment, l’avis du Comité est un élément pertinent que la Commission devait considérer, mais dont elle peut s’écarter par une justification raisonnable. Ainsi, à défaut de présenter ses propres arguments fondés sur les principes d’évaluation foncière en vigueur au Québec, et d’expliquer en quoi ces principes n’ont pas été respectés par la Commission, la Municipalité demande essentiellement à la Cour de déterminer si la décision justifie raisonnablement son rejet des recommandations du Comité, et incidemment, des prétentions initiales de la Municipalité que celui-ci a retenues.

(i) Le regroupement des propriétés

[71] La Municipalité affirme que, concernant l’enjeu du regroupement des propriétés, la Commission y a procédé alors que le Comité avait déterminé qu’il n’était pas opportun. Elle prétend que la Commission aurait ainsi basé sa décision sur ses propres prétentions, pourtant rejetées par le Comité dans son l’avis.

[72] Sur la question, le Comité a tenu compte des critères de détermination d’une unité d’évaluation énoncés à l’article 34 de la LFM et les a appliqués aux faits en l’espèce. Le Comité a constaté qu’à l’égard des propriétés de plus grande superficie et de certaines propriétés de petite superficie qui leur sont adjacentes, les conditions de l’article 34 de la LFM étaient satisfaites, concluant que leur regroupement sous une seule unité d’évaluation était possible. Cependant, le Comité était d’avis qu’il serait inopportun de les regrouper, compte tenu des inscriptions existantes au rôle et de l’importante conséquence fiscale qui pourrait en résulter.

[73] Il convient de rappeler que, suivant la réception de l’avis du Comité, la Commission a reconnu que le fait de regrouper toutes les propriétés fédérales en une seule unité d’évaluation compliquerait considérablement la recherche de transactions réellement comparables en usage, en superficie et en localisation, aux fins d’en établir la valeur. Pour cette raison, la Commission a abandonné son approche initiale quant au regroupement des terrains de grande superficie. Le regroupement dont il est ici question concerne donc uniquement sept terrains de petite superficie qui rencontraient toutes les conditions applicables pour être regroupés avec les terrains de grande superficie leur étant adjacents, conformément à l’article 34 de la LFM.

[74] De plus, je note que la Commission a spécifiquement tenu compte des considérations du Comité dans sa décision, reconnaissant que ce dernier avait refusé de recommander le regroupement des propriétés de crainte que cela n’entraîne un changement de catégorie d’immeuble et une augmentation du taux d’imposition. La Commission a par ailleurs conclu que ces derniers aspects ne faisaient pas partie des critères prévus par la LFM pour le regroupement de propriétés en une seule unité d’évaluation, et qu’aucun précédent jurisprudentiel n’avait été recensé à l’appui des prétentions du Comité.

[75] En l’espèce, il incombe à la Municipalité de démontrer que la conclusion de la Commission sur ce point est déraisonnable. En l’absence de tout argument substantiel de sa part à cet égard, et compte tenu du fait que le Comité a reconnu la légalité du regroupement qui a finalement été effectué par la Commission, je ne puis conclure que sa décision sur la question est déraisonnable.

(ii) La prise en compte des contraintes objectives liées aux propriétés

[76] Tout d’abord, il importe de rappeler que l’article 2 du Règlement définit la valeur effective de la propriété d’une société d’État comme la valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable. Au Québec, l’autorité évaluatrice en question est l’organisme municipal responsable de l’évaluation, lequel fait dresser par son évaluateur, tous les trois ans, son rôle d’évaluation foncière (art 14 de la LFM). Les principaux outils de l’évaluateur municipal sont la LFM et ses règlements d’application, bien que la jurisprudence et la doctrine viennent éclairer plusieurs des principes applicables en la matière.

[77] La Municipalité allègue que la Commission tente de donner à la décision une apparence de raisonnabilité en se basant sur les ventes retenues par l’expert de la Municipalité, et confirmées par le Comité, alors qu’elle sabre celles-ci de 50 % sur la base de prétentions qui ont été rejetées par le Comité. La Municipalité soutient que, bien que le Comité ait refusé de considérer la mission de la Commission dans le cadre de son analyse, cette dernière a tout de même tenu compte des contraintes objectives liées à celle-ci pour conclure à un UMEPP à titre de parc. Sans expliquer en quoi cette démarche serait contraire aux principes d’évaluation foncière, la Municipalité soutient que cela ne peut mener qu’à la conclusion que la Commission a tout fait pour justifier un retour à ses prétentions d’origine et faire fi des enseignements du Comité, rendant la décision déraisonnable tant à la lumière de ses justifications que de son résultat concret.

[78] À cet égard, je constate que l’enjeu récurrent qui oppose les municipalités et les autorités fédérales quant au calcul des PERI est la question de savoir s’il doit être tenu compte des contraintes inhérentes à la nature des propriétés sujettes à l’évaluation et à leur statut de propriété fédérale. Ce dilemme, il me semble, tire sa source de la définition de « valeur effective », laquelle crée une fiction juridique qui permet, aux fins de calculer la valeur effective, de faire comme si la propriété fédérale était une propriété imposable entre les mains d’un propriétaire privé (Halifax au para 51; Administration portuaire de Montréal au para 40). Ainsi, doit-on interpréter ce changement fictif de propriétaire comme ayant pour effet de faire disparaître les contraintes qui sont le fait de leur possession par le fédéral, ou même de leur nature propre, que ce soit celle d’une citadelle, d’un aéroport, ou, comme en l’espèce, d’une vaste étendue de forêt vouée à la conservation et aux activités récréatives?

[79] Règle générale, les municipalités semblent avoir répondu à cette question par l’affirmative, n’accordant que peu ou pas de considération à ces contraintes, ce à quoi les autorités fédérales se sont fermement opposées (Halifax au para 18; Toronto aux para 18-19). Ce conflit de perspective se reflète nécessairement sur la méthode d’évaluation préconisée par les parties. Dans Halifax, par exemple, la ville avait fondé son évaluation du glacis sur la valeur marchande des propriétés voisines en y apportant divers ajustements, mais elle avait accordé peu d’importance aux restrictions à l’utilisation qui sont inhérentes à la désignation de lieu historique. Le gouvernement canadien était plutôt parti du postulat que ces restrictions enlevaient en fait toute valeur à la propriété, sauf dans la mesure où celle-ci pouvait se prêter à des usages commerciaux.

[80] Je suis d’avis que, pour répondre de manière satisfaisante à cette question dans le cadre de la présente demande, il importe d’abord de reconnaître que la fiction juridique opérée par la définition de « valeur effective » s’avère éminemment incompatible avec la prise en compte des critères prévus aux articles 45 et 46 de la LFM pour l’établissement de la valeur d’une unité d’évaluation :

45. Pour établir la valeur réelle d’une unité d’évaluation, il faut notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective.

[…]

46. Aux fins d’établir la valeur réelle qui sert de base à la valeur inscrite au rôle, on tient compte de l’état de l’unité d’évaluation et des conditions du marché immobilier tels qu’ils existent le 1er juillet du deuxième exercice financier qui précède le premier de ceux pour lesquels le rôle est fait, ainsi que de l’utilisation qui, à cette date, est la plus probable quant à l’unité.

[…]

L’état de l’unité comprend, outre son état physique, sa situation au point de vue économique et juridique, sous réserve de l’article 45.1, et l’environnement dans lequel elle se trouve.

[…]

Aux fins de déterminer les conditions du marché à la date visée au premier alinéa, on peut notamment tenir compte des renseignements relatifs aux transferts de propriété survenus avant et après cette date.

[Je souligne.]

[81] Ainsi, deux des trois critères de l’article 46 de la LFM, à savoir la reconnaissance de l’état physique de l’unité d’évaluation et de sa situation économique, juridique et environnementale, ainsi que la prise en compte de son utilisation la plus probable à la date d’évaluation, peuvent difficilement être mis en application sans considérer les propriétés, et les contraintes qui s’y rattachent, telles qu’elles existent réellement. Il en va de même pour la prise en compte de l’incidence des désavantages de l’unité d’évaluation sur son prix de vente prévue à l’article 45 de la LFM. Par ailleurs, le critère qui prévoit de tenir compte des conditions du marché immobilier perpétue l’ambiguïté du processus : si les propriétés sont considérées sans tenir compte de leurs caractéristiques et de leurs contraintes, elles deviennent aisément comparables à toute forme de vente locale; par contre, si elles sont considérées telles quelles, leur caractère unique rend la comparaison avec le marché local à toutes fins impossible, contrecarrant ainsi l’application de ce critère.

[82] Dans le présent cas, l’essentiel du débat entre les parties devant le Comité a précisément porté sur les difficultés inhérentes au calcul des PERI que je viens d’exposer. Les experts au dossier ayant témoigné pour les deux parties ont reconnu qu’il n’existait pas de ventes locales réellement comparables possédant des caractéristiques identiques ou similaires aux propriétés fédérales, celles-ci étant, de fait, uniques au Parc. Bien que les deux parties aient fondé leur évaluation sur la méthode de comparaison, la Municipalité a préconisé une analyse basée uniquement sur le comportement des acteurs du marché immobilier local et résidentiel, tandis que la Commission s’est appuyée sur les contraintes objectives inhérentes aux propriétés fédérales, et leur usage le plus probable, pour chercher à travers l’ensemble du territoire québécois des ventes de terrains de grande superficie dont l’UMEPP était la conservation et la récréation.

[83] La Commission a reconnu qu’une partie de ces contraintes objectives découlait effectivement de la législation fédérale, mais elle a par ailleurs retenu que la volonté de conserver le Parc émanait également de la législation provinciale et de la réglementation municipale. À cet égard, la Commission a noté que le Parc était désigné et géré comme une aire protégée de catégorie II selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, désignation reconnue par la province de Québec par l’inclusion du Parc dans un registre tenu par le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs en vertu de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, RLRQ c C-61.01. Elle a de plus souligné que les propriétés inscrites dans ce registre ne peuvent faire l’objet d’un changement d’affectation, d’une vente, d’un échange ou d’une autre transaction qui modifie son statut de protection à moins que le ministre provincial responsable n’ait été préalablement consulté.

[84] La Commission a également retenu que les règlements locaux qui encadrent l’aménagement du territoire de la Municipalité, dont le schéma d’aménagement, le plan d’urbanisme et le règlement de zonage, témoignent de la volonté de la Municipalité de limiter le développement du Parc à des fins résidentielles, citant le passage suivant du règlement de zonage de la Municipalité concernant le Parc de la Gatineau :

Tous les usages, toutes les activités et/ou toutes les constructions à l’intérieur des limites du Parc de la Gatineau doivent avoir comme principale caractéristique l’insertion à l’intérieur d’un espace naturel reconnu et défini ainsi par la Commission de la capitale nationale. Par ce point commun, il est justifié de regrouper les différents types d’usages permis dans le Parc de la Gatineau à l’intérieur d’un même groupe d’usage.

[85] Finalement, la Commission a tenu compte de l’admission de la Municipalité voulant qu’aucune modification réglementaire permettant le développement résidentiel ou commercial dans le Parc n’était prévue à court, à moyen ou à long terme. Ainsi, la Commission était d’avis que les probabilités que les propriétés fédérales soient un jour utilisées à d’autres fins qu’un parc étaient, à toutes fins utiles, inexistantes.

[86] Comme il le sera expliqué plus en détail ci-dessous, la prise en compte des contraintes objectives inhérentes à une unité d’évaluation constitue un aspect central de la détermination de l’UMEPP. Qui plus est, les articles 45 et 46 de la LMF indiquent clairement qu’il faut tenir compte de l’incidence des désavantages objectifs d’une unité d’évaluation sur son prix de vente, ainsi que de sa situation économique, juridique et environnementale, dans l’établissement de sa valeur réelle. Or, compte tenu de mes conclusions concernant la raisonnabilité des ajustements effectués par la Commission sur les valeurs des ventes locales retenues, je suis d’avis que sa décision de prendre en compte les contraintes objectives inhérentes à ses propriétés n’était pas déraisonnable.

(iii) L’ajustement des valeurs des ventes locales retenues

[87] Comme le rappelait la Cour suprême dans Halifax, bien que « le ministre ne soit pas tenu d’accepter l’évaluation faite par l’autorité évaluatrice compétente, cette évaluation doit tout de même servir comme facteur de référence » (Halifax au para 48). Toutefois, elle soulignait également dans Administration portuaire de Montréal que l’évaluation des propriétés fédérales peut soulever des difficultés techniques importantes quant à l’application des principes d’évaluation immobilière du fait que ces propriétés sont fort diverses et parfois même très particulières, sinon uniques ou presque en leur genre au Canada (Administration portuaire de Montréal au para 35). Ainsi, bien que la valeur fixée par une autorité évaluatrice serve de facteur de référence, sa validité est assujettie, comme la raisonnabilité de la valeur déterminée par l’autorité fédérale, aux principes d’évaluation immobilière applicables selon les circonstances données. En l’espèce, il convient de s’intéresser à la correspondance entre les critères qui ont fait l’objet des analyses du Comité et de la Commission, à savoir la localisation, l’UMEPP et la superficie des propriétés, et les principes d’évaluation immobilière prévus à la LFM, ainsi qu’à la façon dont ils ont été appliqués, pour juger de la raisonnabilité de la décision sur la question.

[88] Concernant la localisation des propriétés fédérales, le Comité a retenu, avec raison il me semble, que ce facteur était crucial dans l’examen de la valeur des propriétés. À titre d’exemple, il était évident pour le Comité que la valeur à l’hectare des unités d’évaluation situées dans le Parc national Forillon ou le Parc national de la Mauricie était inférieure à celle du Parc, du moins dans la portion de celui-ci se trouvant sur le territoire de la Municipalité, et qu’une comparaison de marché qui ne faisait pas apparaître cette distinction ne pouvait mener à une opinion bien fondée de la valeur des propriétés. Ainsi, le Comité a conclu que la démarche de l’expert de la Commission, qui écartait complètement ce facteur de l’analyse pour lui préférer des terrains de grande superficie situés aussi loin que la région de Québec, ne pouvait être avalisée.

[89] Suivant la remise de l’avis par le Comité, la Commission a reconnu cette lacune dans son processus d’évaluation, et a admis que les ventes comparables de l’expert de la Municipalité étaient plus appropriées que les siennes en termes de localisation. Cependant, elle était d’avis que la méthode de comparaison, à défaut de pouvoir se fonder sur des propriétés présentant les mêmes caractéristiques, devait alors tenir compte des dissemblances entre les immeubles pour ajuster la valeur des ventes retenues. À cet égard, elle a noté que les ventes comparables n’avaient pas été ajustées par l’expert de la Municipalité ni par le Comité, pour tenir compte de l’UMEPP et de la superficie des propriétés à l’étude.

[90] Pour ce qui est de l’UMEPP, la Commission a relevé que la jurisprudence, tout comme la doctrine d’ailleurs, identifie clairement ce facteur comme le point de départ de toute analyse en matière d’évaluation foncière. La décision Daniel Frigon c Municipalité Saint-Mathieu-Du-Parc, 2013 QCTAQ 04268, conclut en effet que :

[64] La détermination de l’usage le meilleur et le plus profitable est donc fondamentale et constitue le plus grand principe lorsqu’il s’agit d’évaluer la valeur d’un terrain. Notamment, il guide l’évaluateur dans la recherche des comparables qu’il devra analyser et lui permettre de conclure sur la valeur du terrain.

[91] Par ailleurs, les critères permettant de déterminer l’UMEPP ont été récemment résumés par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Fernand Gilbert ltée c Procureure générale du Québec, 2022 QCCA 209 au para 58, de la façon suivante :

[L]’évaluateur qui procède à un acte d’évaluation [d’un bien immobilier] doit rechercher l’UMEPP qui répond aux conditions suivantes : 1) constituer un usage possible sur le plan physique, 2) être permis par les règlements et la Loi, 3) être financièrement possible, 4) pouvoir se réaliser à court terme, 5) être relié aux probabilités de réalisation plutôt qu’aux simples possibilités, 6) qu’il existe une demande pour le bien évalué à son meilleur usage et 7) que l’usage le meilleur soit le plus profitable.

[92] Conformément à ces critères, la Commission a relevé que la détermination de l’UMEPP était intimement liée aux contraintes inhérentes aux propriétés fédérales, et en considération de ces contraintes, a conclu à un UMEPP à titre de parc. Il va sans dire qu’un UMEPP de parc a une incidence négative sur la valeur d’une unité d’évaluation, et à ce titre la Commission a retenu qu’il serait contraire aux principes fondamentaux d’évaluation au Québec que des terrains zonés « parc » dans la réglementation municipale et utilisés à cette fin depuis des décennies, sans probabilité réaliste de changement d’usage à court ou à moyen terme, soient évalués sur la base d’un usage spéculatif, comme s’ils pouvaient faire l’objet de développement résidentiel ou commercial. Ainsi, la Commission a conclu que s’écarter de l’UMEPP dans le processus d’évaluation foncière reviendrait en fait à ignorer le principe fondamental de l’utilité d’un bien sur lequel repose la notion de valeur.

[93] Finalement, la Commission a déterminé qu’elle devait aussi tenir compte de la superficie des propriétés, puisque celle-ci avait un impact sur leur prix unitaire. La Commission s’est appuyée sur les observations faites par l’auteur Jean-Guy Desjardins dans son Traité de l’évaluation foncière (Jean-Guy Desjardins, Traité de l’évaluation foncière, édition Wilson & Lafleur ltée, 1992 aux pp 140-141), lequel reprenait les propos de M. le juge Beetz dans l’affaire Saint-Laurent (Ville de) c Canadair Ltd., [1978] 2 RCS 79 aux pages 83 et 92, qu’il convient de reproduire ici :

[…] Selon l’expert de Canadair, la valeur potentielle est supérieure à la valeur réelle; il faut tenir compte, entre autres, de l’étendue inusitée des terrains, qui rend improbable que l’on puisse trouver un acheteur unique, et il faut rajuster la valeur potentielle pour arriver à la valeur réelle.

[…]

[…] Vu ces circonstances, il me semble inexact, je le dis avec égard, de soutenir que Canadair demande l’équivalent d’une réduction de taxe pour l’un ou l’autre de ses terrains sous prétexte qu’elle possède d’autres terrains dans le voisinage. Si l’immensité des terrains affecte leur valeur réelle, il devient nécessaire de la prendre en considération. Le dossier ne comprend sur ce point que l’opinion non contredite de l’expert de Canadair, l’expert de la Ville n’ayant aucunement discuté cet aspect de la question.

Pour ces motifs, je suis d’opinion que la Cour d’appel a eu raison d’intervenir et de rejeter l’évaluation municipale.

[Je souligne.]

[94] Suivant ses conclusions relativement à l’UMEPP et la superficie des propriétés, la Commission a ensuite effectué des analyses supplémentaires afin d’obtenir des mesures d’ajustement permettant de tenir compte de ces deux critères. Quant à l’UMEPP, elle a procédé à un exercice de comparaison des valeurs aux rôles entre parcs et terrains résidentiels avoisinants dans les villes pour lesquelles l’expert de la Municipalité était responsable de la confection du rôle d’évaluation. Elle a ensuite comparé les données recueillies par cet expert avec les données recueillies par l’expert de la Commission, qui comparaient des transactions de terrains résidentiels et de terrains de type conservation dans différents milieux; grands centres, villes plus petites et milieu rural. La Commission a également obtenu un complément d’expertise de la firme Altus qui, sur la base d’une méthode de lotissement en deux scénarios distincts, l’un en fonction d’une hypothèse de vente de terrains en vrac de 40 hectares et l’autre en fonction de vente de terrains à construire d’un hectare, établissait l’escompte attribuable à la superficie.

[95] Sur la base de ces analyses, la Commission a établi un barème qui prévoyait, pour les terrains de moins de 500 hectares, 50 % d’ajustement pour l’usage; pour les terrains de 500 à 1 000 hectares, 60 % d’ajustement pour l’usage et la superficie; et pour les terrains de 1 000 à 1 150 hectares, 70 % d’ajustement pour l’usage et la superficie. Elle a ensuite appliqué ces ajustements aux taux unitaires utilisés par l’expert de la Municipalité pour les terrains de grande superficie et les terrains de petite superficie pouvant être regroupés en vertu de l’article 34 de la LFM. De l’avis de la Commission, ces valeurs représentaient les valeurs qu’une autorité évaluatrice déterminerait, en date du 1er juillet 2016, si ces propriétés étaient imposables, puisque ces valeurs tenaient compte de la localisation, de la superficie et de l’UMEPP propres à ces propriétés.

[96] Comme je l’ai mentionné précédemment, la Commission a donné l’opportunité à la Municipalité de soumettre ses observations concernant les nouveaux éléments de sa méthode de calcul, opportunité que la Municipalité a choisi de décliner. De plus, dans le cadre de la présente demande, la Municipalité ne présente aucun argument qui remette en doute la raisonnabilité de la méthode développée par la Commission. Plutôt, elle prétend que cet élément additionnel est déraisonnable en soi puisque, d’une part, il a été soumis après que les parties aient fait valoir leurs arguments devant le Comité et, d’autre part, il a nécessité le recours à une expertise provenant de la même firme dont le rapport a été majoritairement rejeté par le Comité. Ainsi, la Municipalité affirme que la conduite de la Commission a rendu l’avis du Comité et le processus qui l’a précédé inutiles, ramenant de ce fait les parties à la case départ.

[97] Or, comme je l’ai déjà conclu, il était parfaitement loisible à la Commission de poursuivre ses analyses suivant la remise de l’avis du Comité, et l’obligation qui lui incombait était de le considérer, puis de justifier de façon raisonnable ses conclusions qui s’en écartaient, rien de plus. À mon sens, en affirmant que l’avis du Comité était inutile, la Municipalité se méprend dans son appréciation de la démarche suivie par la Commission que je viens d’exposer.

[98] Par ailleurs, je suis d’avis que la méthode présentée par l’expert de la Commission devant le Comité n’avait rien d’extravagant ou de fondamentalement contraire aux principes d’évaluation foncière; en conformité avec les critères de la LMF, et en l’absence de ventes locales réellement comparables, ce dernier a cherché des comparables qui tenaient compte des caractéristiques et contraintes des propriétés à l’étude, bien que, ce faisant, il ait négligé de considérer l’impact du marché immobilier local.

[99] Finalement, la Municipalité affirme que la Commission ne devait pas considérer les dépenses qu’elle engage pour l’aménagement des propriétés fédérales et les difficultés qu’elle aurait à protéger ce patrimoine naturel si les propriétés ne sont pas évaluées à leur juste valeur, affirmant que le financement de la protection du patrimoine naturel est un objectif louable mais étranger au régime des PERI. Je suis d’accord avec la Municipalité sur ce point, et je note également que d’autres éléments constatés par la Commission lors de son analyse, tels l’impact favorable du Parc sur la valeur des propriétés de la Municipalité et la qualité de vie de ses résidents, ainsi que les retombées économiques générées directement par ses visiteurs, et indirectement par ses vertus environnementales, ont à première vue peu à voir avec le régime des PERI. Cependant, dans la mesure où ces éléments ont principalement servi à établir le contexte factuel qui justifiait la Commission de retenir un UMEPP à titre de parc, ils n’ont en vérité eu aucun impact individuel sur le calcul des valeurs des terrains eux-mêmes, si bien que je ne puis souscrire à la prétention de la Municipalité selon laquelle la Commission a tenté par tous les moyens de diminuer les montants payables à la Municipalité pour d’autres objectifs que ceux visés par le régime des PERI.

[100] Sur la base des présents motifs, il devient évident que l’usage raisonnable par une société d’État de son pouvoir discrétionnaire de déterminer la valeur effective de ses propriétés en cas de désaccord avec une autorité taxatrice réside dans l’élaboration d’une méthode d’évaluation qui présente un compromis juste et équitable, lequel doit se refléter dans le choix des principes d’évaluation immobilière que retiendra la société d’État dans les circonstances, mais également dans le poids qu’elle accordera à chacun d’eux. Ce compromis est rendu nécessaire par les difficultés que cause l’application de la définition de « valeur effective ». En effet, celle-ci exige de considérer les propriétés comme si la société d’État n’en était pas propriétaire, ce qui incline les autorités évaluatrices à faire peu de cas des contraintes liées au statut fédéral de ces propriétés lors de leur évaluation, bien qu’inversement, les principes d’évaluation foncière qui guident ces mêmes autorités évaluatrices tendent généralement à rendre ces contraintes indissociables du calcul établissant leur valeur.

[101] Dans un tel contexte, la réconciliation de ces deux principes juridiques antagonistes est, à mon sens, essentielle pour assurer le caractère juste et équitable de la méthode d’évaluation retenue. Puisque les propriétés fédérales sont souvent des cas uniques sur le territoire local, et parfois même, national, un tel exercice peut certes constituer un défi de taille. Comme l’a reconnu la Cour suprême, des désaccords légitimes sont appelés à naître sur la question, qui n’appelle pas une seule bonne réponse (Halifax au para 41).

[102] Chose certaine cependant, le régime des PERI ne saurait être interprété comme permettant d’ignorer les principes les plus élémentaires reconnus en matière d’évaluation foncière dans l’établissement de la valeur effective d’une propriété fédérale. S’opposant à l’avis du Comité sur ce point, la Commission affirme que l’exercice consistant à évaluer une propriété de la Couronne fédérale comme si elle était imposable ne signifie pas qu’il faille faire fi de l’usage de cette propriété et la dépouiller de ses attributs et des contraintes objectives qui lui sont applicables. Cette proposition ne m’apparaît en rien déraisonnable. Je suis également d’accord avec la Commission qu’une autorité évaluatrice n’évaluerait pas le terrain d’un propriétaire privé en fonction d’un usage hypothétique, non probable, et qui n’est pas permis par le régime juridique en place, pour les fins de l’imposition foncière et que, de toute évidence, un propriétaire privé n’accepterait pas d’être imposé sur une telle valeur.

[103] En terminant, il importe de rappeler qu’en ce qui a trait aux terrains de petite superficie qui n’ont pas été regroupés, la Commission a accepté la recommandation du Comité de baser ses calculs sur des ventes comparables en milieu résidentiel. En effet, la Commission a retenu que, même si ces terrains faisaient partie du Parc et se trouvaient à l’état naturel, ils étaient situés dans des quartiers prisés en partie développés et dans lesquels la Municipalité permet la construction résidentielle et fournit certains services. De l’avis de la Commission, il était donc justifié d’établir leur valeur en considérant le zonage municipal qui, tout en reconnaissant que ces terrains font partie d’un espace naturel dans lequel les constructions doivent être tenues au minimum, permet leur développement à des fins résidentielles. Cette conclusion m’apparaît cohérente avec la démarche globale employée par la Commission pour le calcul de la valeur des terrains de grande superficie.

VII. Conclusion

[104] Pour conclure, je suis d’avis que la décision de la Commission, qui a cherché à combiner tous les critères dont une autorité évaluatrice devrait tenir compte dans l’établissement de la valeur effective des propriétés fédérales si celles-ci étaient imposables, appartient aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Vavilov au para 86).

[105] Le processus ayant mené à la décision de la Commission a débuté lorsque celle-ci a reçu les demandes de PERI de la Municipalité fondées sur des augmentations considérables des valeurs au rôle, basées sur des ventes de terrains résidentiels dont la seule caractéristique commune avec les propriétés fédérales était leur localisation sur le territoire de la Municipalité. Il s’est continué devant le Comité, suite à la mésentente entre les parties sur la prise en compte des caractéristiques et des contraintes inhérentes à ces propriétés. Puis la Commission a amendé son approche en fonction des recommandations du Comité qu’elle jugeait raisonnables. Se faisant, elle a continué de tenir compte des critères d’évaluation qui, bien qu’ils avaient été écartés par le Comité, lui paraissaient pertinents en vertu des principes d’évaluation immobilière applicables sur le territoire québécois, et a ajusté sa méthode de calcul en conséquence afin de déterminer les montants à verser à la Municipalité à titre de PERI.

[106] Dans l’ensemble, je suis d’avis que l’usage par la Commission de son pouvoir discrétionnaire eu égard au regroupement des propriétés et à la détermination de leur valeur effective était, tant du point de vue du processus que du résultat, à la fois transparent, intelligible, et adéquatement justifié (Vavilov au para 86). Pour toutes ces raisons, la Municipalité ne m’a pas convaincu que la décision de la Commission était déraisonnable.

[107] Conséquemment, il ne m’est pas nécessaire de répondre à la troisième question soulevée par la Municipalité. De plus, ayant conclu précédemment que la Commission n’a pas commis de manquement à l’équité procédurale, il convient de répondre par la négative à la quatrième question soulevée par la Municipalité.

[108] La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée dans son entièreté, le tout avec dépens.

 


JUGEMENT au dossier T-1909-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens sont accordés en faveur du procureur général du Canada.

« Peter G. Pamel »

Juge


ANNEXE

Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, reproduit dans LRC 1985, annexe II, no 5

Terres publiques, etc., exemptées des taxes

Exemption of Public Lands, etc.

125 Nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à aucune province en particulier ne sera sujette à la taxation.

125 No Lands or Property belonging to Canada or any Province shall be liable to Taxation.

[…]

Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts, LRC 1985, c M-13

Définitions

Definitions

2(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2(1) In this Act,

[…]

autorité évaluatrice Autorité habilitée en vertu d’une loi fédérale ou provinciale à déterminer les dimensions fiscales ou la valeur fiscale d’un immeuble ou d’un bien réel. (assessment authority)

assessment authority means an authority that has power by or under an Act of Parliament or the legislature of a province to establish the assessed dimension or assessed value of real property or immovables; (autorité évaluatrice)

autorité taxatrice

taxing authority means

a) Municipalité ou province, organisme municipal ou provincial, ou autre autorité qui, sous le régime d’une loi provinciale, lève et perçoit un impôt foncier ou un impôt sur la façade ou sur la superficie;

(a) any municipality, province, municipal or provincial board, commission, corporation or other authority that levies and collects a real property tax or a frontage or area tax pursuant to an Act of the legislature of a province,

[…]

impôt foncier Impôt général :

real property tax means a tax of general application to real property or immovables or any class of them that is

a) levé par une autorité taxatrice sur les immeubles ou biens réels ou les immeubles ou biens réels d’une catégorie donnée et auquel sont assujettis les propriétaires et, dans les cas où les propriétaires bénéficient d’une exemption, les locataires ou occupants autres que ceux bénéficiant d’une exemption;

(a) levied by a taxing authority on owners of real property or immovables or, if the owner is exempt from the tax, on lessees or occupiers of real property or immovables, other than those lessees or occupiers exempt by law, and

b) calculé par application d’un taux à tout ou partie de la valeur fiscale des propriétés imposables. (real property tax)

(b) computed by applying a rate to all or part of the assessed value of taxable property; (impôt foncier)

[…]

propriété fédérale Sous réserve du paragraphe (3) :

federal property means, subject to subsection (3),

a) immeuble ou bien réel appartenant à Sa Majesté du chef du Canada dont la gestion est confiée à un ministre fédéral;

(a) real property and immovables owned by Her Majesty in right of Canada that are under the administration of a minister of the Crown,

b) immeuble ou bien réel appartenant à Sa Majesté du chef du Canada et relevant, en vertu d’un bail, d’une personne morale mentionnée aux annexes III ou IV;

(b) real property and immovables owned by Her Majesty in right of Canada that are, by virtue of a lease to a corporation included in Schedule III or IV, under the management, charge and direction of that corporation,

[…]

valeur effective Valeur que, selon le ministre, une autorité évaluatrice déterminerait, compte non tenu des droits miniers et des éléments décoratifs ou non fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier qui serait applicable à une propriété fédérale si celle-ci était une propriété imposable. (property value)

property value means the value that, in the opinion of the Minister, would be attributable by an assessment authority to federal property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property; (valeur effective)

[…]

Objet

Purpose

2.1 La présente loi a pour objet l’administration juste et équitable des paiements versés en remplacement d’impôts.

2.1 The purpose of this Act is to provide for the fair and equitable administration of payments in lieu of taxes.

Paiements

Authority to make payments

3(1) Le ministre peut, pour toute propriété fédérale située sur le territoire où une autorité taxatrice est habilitée à lever et à percevoir l’un ou l’autre des impôts mentionnés aux alinéas a) et b), et sur réception d’une demande à cet effet établie en la forme qu’il a fixée ou approuvée, verser sur le Trésor un paiement à l’autorité taxatrice :

3(1) The Minister may, on receipt of an application in a form provided or approved by the Minister, make a payment out of the Consolidated Revenue Fund to a taxing authority applying for it

a) en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition donnée;

(a) in lieu of a real property tax for a taxation year, and

b) en remplacement de l’impôt sur la façade ou sur la superficie.

 

(b) in lieu of a frontage or area tax

in respect of federal property situated within the area in which the taxing authority has the power to levy and collect the real property tax or the frontage or area tax.

[…]

Règlements du gouverneur en conseil

Regulations by Governor in Council

9(1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre toutes mesures utiles à l’application de la présente loi et, notamment :

9(1) The Governor in Council may make regulations for carrying out the purposes and provisions of this Act and, without restricting the generality of the foregoing, may make regulations

[…]

f) régir les paiements à verser par les personnes morales mentionnées aux annexes III ou IV en remplacement de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie et prévoir, entre autres, que leur base de calcul sera au moins équivalente à celle prévue par la présente loi;

(f) respecting any payment that may be made in lieu of a real property tax or a frontage or area tax by any corporation included in Schedule III or IV and, without limiting the generality of the foregoing, providing that any payment that may be made shall be determined on a basis at least equivalent to that provided in this Act;

[…]

Observation des règlements

Regulations to be complied with in making grants

11(1) Par dérogation à toute autre loi fédérale ou à ses règlements :

11(1) Notwithstanding any other Act of Parliament or any regulations made thereunder,

a) les personnes morales mentionnées aux annexes III ou IV qui sont exemptées de l’impôt foncier sont tenues, pour tout paiement qu’elles versent en remplacement de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie, de se conformer aux règlements pris en vertu de l’alinéa 9(1)f);

(a) every corporation included in Schedule III or IV shall, if it is exempt from real property tax, comply with any regulations made under paragraph 9(1)(f) respecting any payment that it may make in lieu of a real property tax or a frontage or area tax; and

[…]

Comité consultatif

Appointment of members

11.1(1) Le gouverneur en conseil constitue un comité consultatif composé d’au moins deux membres de chaque province et territoire — dont un président — possédant une formation ou une expérience pertinentes. Les membres sont nommés à titre inamovible pour un mandat renouvelable d’au plus trois ans.

11.1(1) The Governor in Council shall appoint an advisory panel of at least two members from each province and territory with relevant knowledge or experience to hold office during good behaviour for a term not exceeding three years, which term may be renewed for one or more further terms. The Governor in Council shall name one of the members as Chairperson.

Révocation

Removal

(1.1) Les membres du comité nommés en vertu du paragraphe (1) le sont sous réserve de révocation motivée par le gouverneur en conseil.

(1.1) A member appointed under subsection (1) may be removed for cause by the Governor in Council.

Mandat

Mandate

(2) Le comité a pour mandat de donner des avis au ministre relativement à une propriété fédérale en cas de désaccord avec une autorité taxatrice sur la valeur effective, la dimension effective ou le taux effectif ou sur l’augmentation ou non d’un paiement au titre du paragraphe 3(1.1).

(2) The advisory panel shall give advice to the Minister in the event that a taxing authority disagrees with the property value, property dimension or effective rate applicable to any federal property, or claims that a payment should be supplemented under subsection 3(1.1).

[…]

Annexe III

Schedule III

(article 2)

(Section 2)

[…]

Commission de la capitale nationale

National Capital Commission

National Capital Commission

Commission de la capitale nationale

[…]

Règlement sur les paiements versés par les sociétés d’État, DORS/81-1030

Définitions

Interpretation

2 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

2 In these Regulations,

[…]

propriété d’une société

corporation property means

a) Sauf à la partie II, l’immeuble ou le bien réel qui appartient à Sa Majesté du chef du Canada et dont une société mentionnée aux annexes III ou IV de la Loi a la gestion, la charge et la direction, ou l’immeuble ou le bien réel confié à une telle société;

(a) except in Part II, any real property or immovable owned by Her Majesty in right of Canada that is under the management, charge and direction of a corporation included in Schedule III or IV to the Act, or that has been entrusted to such corporation;

[…]

valeur effective de la propriété d’une société La valeur qui, de l’avis de la société, serait déterminée par une autorité évaluatrice, abstraction faite de tous droits miniers et de tous éléments décoratifs ou non-fonctionnels, comme base du calcul de l’impôt foncier applicable à sa propriété si celle-ci était une propriété imposable. (corporation property value)

corporation property value means the value that a corporation would consider to be attributable by an assessment authority to its corporation property, without regard to any mineral rights or any ornamental, decorative or non-functional features thereof, as the basis for computing the amount of any real property tax that would be applicable to that property if it were taxable property. (valeur effective de la propriété d’une société)

[…]

Calcul des paiements

Calculation of Payments

7(1) Sous réserve du paragraphe (2), un paiement versé par une société en remplacement de l’impôt foncier pour une année d’imposition ne doit pas être inférieur au produit des deux facteurs suivants :

7(1) Subject to subsection (2), a payment made by a corporation in lieu of a real property tax for a taxation year shall be not less than the product of

a) le taux effectif applicable à la société dans l’année d’imposition en cause à l’égard de la propriété de celle-ci pour laquelle le paiement peut être versé;

(a) the corporation effective rate in the taxation year applicable to the corporation property in respect of which the payment may be made; and

b) la valeur effective de la propriété de la société pour cette année d’imposition.

(b) the corporation property value in the taxation year of that corporation property.

[…]

Comité consultatif

Advisory Panel

12.1 L’article 11.1 de la Loi s’applique à toute société en ce qui touche les paiements versés en remplacement de l’impôt foncier ou de l’impôt sur la façade ou sur la superficie, les mentions du ministre et des propriétés fédérales valant respectivement mention de la société et des propriétés de la société.

12.1 Section 11.1 of the Act applies to a corporation with respect to payments in lieu of a real property tax or a frontage or area tax, as if the reference to “the Minister” were a reference to “a corporation” and any reference to “federal property” were a reference to “corporation property”.

[…]

Loi sur la capitale nationale, LRC 1985, c N-4

Mission de la Commission

Objects and purposes of Commission

10(1) La Commission a pour mission d’établir des plans d’aménagement, de conservation et d’embellissement de la région de la capitale nationale et de concourir à la réalisation de ces trois buts, afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale.

10(1) The objects and purposes of the Commission are to prepare plans for and assist in the development, conservation and improvement of the National Capital Region in order that the nature and character of the seat of the Government of Canada may be in accordance with its national significance.

[…]

Paiements tenant lieu de taxes

Payments in lieu of taxes

16(1) La Commission peut verser aux municipalités locales des subventions n’excédant pas le montant des taxes qui pourraient être perçues par celles-ci sur ses biens immeubles si elle n’était pas mandataire de Sa Majesté.

16(1) The Commission may pay grants to a local municipality not exceeding the taxes that might be levied by the municipality in respect of any real property of the Commission if the Commission were not an agent of Her Majesty.

Exception

Exception

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux parcs, places, voies publiques — promenades incluses — ni aux ponts ou ouvrages semblables.

(2) Subsection (1) does not apply to parks or squares, to highways or parkways, or to bridges or similar structures.

Parc de la Gatineau

Gatineau Park

(3) La Commission peut verser aux autorités compétentes, pour ceux de ses biens immeubles situés dans le Parc de la Gatineau, des subventions n’excédant pas, dans une année fiscale donnée, les montants qu’elle estime suffisants pour indemniser ces autorités des pertes de revenu de taxes municipales et scolaires subies par elles pendant l’année en question du fait de l’acquisition de ces biens par la Commission.

(3) The Commission may pay grants to the appropriate authorities in respect of real property of the Commission situated in Gatineau Park not exceeding in any tax year the amounts estimated by the Commission to be sufficient to compensate such authorities for the loss of tax revenue during that tax year in respect of municipal and school taxes by reason of the acquisition of the property by the Commission.

[…]

Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ c F-2.1

UNITÉ D’ÉVALUATION

UNITS OF ASSESSMENT

[…]

34. Constitue une unité d’évaluation le plus grand ensemble possible d’immeubles qui remplit les conditions suivantes :

34. A unit of assessment consists of the greatest possible aggregate of immovables that meets the following requirements:

1° le terrain ou le groupe de terrains appartient à un même propriétaire ou à un même groupe de propriétaires par indivis;

(1) the parcel of land or the group of parcels of land is owned by the same owner, or the same group of owners in undivided ownership;

2° les terrains sont contigus ou le seraient s’ils n’étaient pas séparés par un cours d’eau, une voie de communication ou un réseau d’utilité publique;

(2) the parcels of land are contiguous or would be contiguous if they were not separated by a watercourse, a thoroughfare or a public utility network;

3° si les immeubles sont utilisés, ils le sont à une même fin prédominante; et

(3) if the immovables are in use, they are used for a single primary purpose; and

4° les immeubles ne peuvent normalement et à court terme être cédés que globalement et non par parties, compte tenu de l’utilisation la plus probable qui peut en être faite.

(4) the immovables can normally and in the short term be transferred only as one whole and not in parts, taking into account the most probable use that may be made of them.

Dans le cas où le terrain ou le groupe de terrains ne doit pas être porté au rôle, les conditions prévues par les paragraphes 1° et 2° du premier alinéa sont remplies si les immeubles autres que le terrain ou le groupe de terrains appartiennent à un même propriétaire ou à un même groupe de propriétaires par indivis et si ces immeubles sont situés sur des terrains contigus ou qui seraient contigus s’ils n’étaient pas séparés par un cours d’eau, une voie de communication ou un réseau d’utilité publique.

Where the parcel of land or group of parcels of land is not to be entered on the roll, the requirements prescribed in subparagraphs 1 and 2 of the first paragraph are met if the immovables other than the parcel of land or group of parcels of land are owned by the same owner or the same group of owners in undivided ownership and if the immovables are situated on parcels of land that are contiguous or that would be contiguous if they were not separated by a watercourse, a thoroughfare or a public utility network.

VALEUR DES IMMEUBLE PORTÉS AU RÔLE

VALUE OF THE IMMOVABLES ENTERED ON THE ROLL

44. Le prix de vente le plus probable d’une unité d’évaluation qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’une vente de gré à gré est établi en tenant compte du prix que la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation serait justifiée de payer et d’exiger si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur, dans les conditions prévues par l’article 43.

44. The most likely sale price of a unit of assessment that is not likely to be the subject of a sale by agreement is established by taking into account the price that the person in whose name the unit of assessment is entered on the roll would be justified in paying and demanding if that person were both purchaser and vendor, in the conditions set forth in section 43.

45. Pour établir la valeur réelle d’une unité d’évaluation, il faut notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective.

45. To establish the actual value of a unit of assessment, particular account must be taken of the incidence that the realization of the benefits or losses it may bring, considered objectively, may have on its most likely sale price.

[…]

46. Aux fins d’établir la valeur réelle qui sert de base à la valeur inscrite au rôle, on tient compte de l’état de l’unité d’évaluation et des conditions du marché immobilier tels qu’ils existent le 1er juillet du deuxième exercice financier qui précède le premier de ceux pour lesquels le rôle est fait, ainsi que de l’utilisation qui, à cette date, est la plus probable quant à l’unité.

46. For the purposes of establishing the actual value used as a basis for the value entered on the roll, the condition of the unit of assessment on 1 July of the second fiscal year preceding the first of the fiscal years for which the roll is made, the property market conditions on that date and the most likely use made of the unit on that date are taken into account.

Toutefois, lorsque survient, après la date déterminée en application du premier alinéa, un événement visé à l’un des paragraphes 6° à 8°, 12°, 12.1°, 18° et 19° de l’article 174, l’état de l’unité d’évaluation dont on tient compte est celui qui existe immédiatement après l’événement, abstraction faite de tout changement dans l’état de l’unité, produit depuis la date déterminée en application du premier alinéa, par une autre cause qu’un événement visé à un tel paragraphe. L’utilisation la plus probable qui est prise en considération est alors celle qui découle de l’état de l’unité dont on tient compte.

However, where an event referred to in any of paragraphs 6 to 8, 12, 12.1, 18 or 19 of section 174 occurs after the date determined under the first paragraph, the condition of the unit of assessment taken into account is the condition existing immediately after the event, regardless of any change in the condition of the unit since the date determined under the first paragraph, arising from a cause other than an event referred to in the abovementioned paragraphs. The most likely use taken into account in such a case is the use inferred from the condition of the unit.

L’état de l’unité comprend, outre son état physique, sa situation au point de vue économique et juridique, sous réserve de l’article 45.1, et l’environnement dans lequel elle se trouve.

The condition of a unit includes, in addition to its physical condition, its economic and legal situation, subject to section 45.1, as well as its physical surroundings.

Lorsque l’unité dont on établit la valeur réelle ne correspond à aucune unité du rôle qui était en vigueur à la date applicable en vertu du premier ou du deuxième alinéa, les immeubles qui existaient à cette date et qui font partie de l’unité dont on établit la valeur réelle sont réputés avoir constitué l’unité correspondante à cette date.

Where the unit for which an actual value is being established does not correspond to any unit on the roll in force on the applicable date under the first or second paragraph, the immovables that existed on that date and that form part of the unit for which the actual value is being established are deemed to have constituted the corresponding unit on that date.

Aux fins de déterminer les conditions du marché à la date visée au premier alinéa, on peut notamment tenir compte des renseignements relatifs aux transferts de propriété survenus avant et après cette date.

For the purposes of determining market conditions on the date contemplated in the first paragraph, the information relating to transfers of ownership that have occurred before and after that date, may, in particular, be taken into account.

[…]

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1909-21

 

INTITULÉ :

MUNICIPALITÉ DE CHELSEA c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE À MONTRÉAL

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 septembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 janvier 2023

 

COMPARUTIONS :

Me Paul Wayland

Me Simon Frenette

 

Pour la demanderesse

Me Vincent Veilleux

Me Isabelle Mathieu-Millaire

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DHC Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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