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Date: 20230118


Dossier: IMM-3933-21

Référence: 2023 CF 78

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

JOY AMEHNAWOH OMOMOWO

OLUWATENIOLA OSARIEMEN OMOMOWO (MINEUR)

OLUWATONILOBA OSARETIN OMOMOWO (MINEUR)

OLUWATITO OSAMAGBE OMOMOWO (MINEUR)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 21 mai 2021 [la décision] par laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs à partir du Canada.

[2] Comme je l’explique plus en détail ci-après, la présente demande est rejetée parce que les arguments avancés par les demandeurs ne minent pas le caractère raisonnable de la décision.

II. Contexte

[3] Le premier des demandeurs nommés dans l’intitulé est une citoyenne du Nigéria âgée de 32 ans [la demanderesse principale]. Les trois autres demandeurs sont ses enfants, qui sont aussi des citoyens du Nigéria. La demanderesse principale a un quatrième enfant, un citoyen canadien, qui n’est pas un demandeur, mais dont la situation est pertinente eu égard à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au principal.

[4] Les demandeurs sont arrivés au Canada en septembre 2017 et ont ensuite demandé l’asile. La Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ont rejeté leur demande en 2018 et en 2019 respectivement, et la Cour a par la suite rejeté leur demande de contrôle judiciaire. Les demandeurs ne sont pas retournés au Nigéria depuis leur arrivée au Canada.

[5] La demanderesse principale s’occupe seule de ses quatre enfants à charge mineurs. Elle détient un baccalauréat en sciences de l’Université de Mumbai et a occupé un poste d’agente des communications au Nigéria.

[6] La demanderesse principale et son ex-époux, qui est le père de ses quatre enfants, se sont séparés en décembre 2019. Son ex-époux ne lui apporte aucun soutien financier depuis la séparation. La demanderesse principale affirme qu’elle a subi de la violence de la part de son époux à partir de 2016 jusqu’à leur séparation.

[7] En décembre 2020, les demandeurs ont présenté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire dont il est question dans la présente demande de contrôle judiciaire.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[8] La demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs repose sur leur degré d’établissement, sur les difficultés découlant des conditions défavorables au Nigéria et sur l’intérêt supérieur des enfants.

[9] En ce qui concerne leur degré d’établissement au Canada, l’agent a accordé un certain poids favorable au fait que la demanderesse principale va à l’église, qu’elle n’a pas de casier judiciaire, qu’elle s’est fait des amis et a tissé des liens dans sa communauté, et qu’elle s’occupe bien de ses enfants. Il a toutefois accordé un poids défavorable au fait qu’elle ne travaille pas, qu’elle est prestataire de l’aide sociale à l’heure actuelle et qu’elle a présenté très peu d’éléments de preuve concernant son degré d’établissement et ses activités au sein de sa communauté. À la lumière de toute l’information dont il disposait, l’agent a estimé que le degré d’établissement justifiait une certaine pondération favorable.

[10] Pour ce qui est des difficultés, l’agent a fait remarquer que les conditions défavorables dans le pays sont appréciées de manière prospective et que, pour qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire soit accueillie, les difficultés alléguées par le demandeur doivent être personnalisées. L’agent a analysé les options des demandeurs en matière d’immigration et les conditions au Nigéria dans son appréciation des difficultés auxquelles se heurteraient ceux-ci.

[11] Au chapitre des options en matière d’immigration, l’agent a estimé que peu d’explications avaient été données quant aux raisons pour lesquelles les dispositions législatives en vigueur ne s’appliquaient pas à la demanderesse principale et que le fait d’attendre que la demanderesse principale soit admissible au statut de résident permanent au titre d’un autre processus d’immigration n’entraînerait pas de difficultés sérieuses.

[12] Quant aux conditions dans le pays, l’agent a reconnu que le Nigéria enregistrait des taux plus élevés de violence, de pauvreté, de discrimination, de préoccupations liées au genre, de mariage d’enfants, de trafic d’enfants et de mauvais traitements infligés aux enfants. Il a toutefois fait remarquer qu’il s’agit de conditions générales dans ce pays qui touchent toute la population du Nigéria et que les demandeurs ont présenté peu d’éléments de preuve quant à la façon dont ces difficultés les toucheraient personnellement ou quant à la raison pour laquelle ces difficultés les toucheraient. Par conséquent, l’agent a estimé que ces considérations n’entraîneraient pas de difficultés importantes.

[13] De plus, l’agent a reconnu que la demanderesse principale avait affirmé que ses enfants avaient été témoins des mauvais traitements qu’elle avait subis de la part de son ex-époux et qu’elle craignait toujours de subir des préjudices et de se heurter à des difficultés au Nigéria en raison des mauvais traitements que son ex-époux lui avait infligés. Il a cependant souligné que l’ex-époux ne faisait plus partie de la vie des demandeurs, qu’il n’entretenait plus de lien avec eux et qu’il résidait à l’heure actuelle au Canada. De plus, l’agent a fait remarquer qu’il y avait peu d’éléments de preuve que l’ex-époux de la demanderesse principale tentait encore d’entrer en contact avec elle dans le but de lui porter préjudice. Étant donné que les difficultés sont appréciées de façon prospective, l’agent a accordé un faible poids à cette considération.

[14] En outre, l’agent a conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve pour étayer les observations formulées par les demandeurs selon lesquelles ils ne disposaient pas d’un système de soutien réaliste au Nigéria et qu’ils n’y avaient pas de perspectives réelles en matière d’emploi, de services médicaux ou d’autres services. L’agent a souligné que la demanderesse principale était très instruite, qu’elle avait travaillé pendant un certain nombre d’années au Nigéria, et que rien n’indiquait que l’un ou l’autre des demandeurs souffrait d’une quelconque maladie nécessitant des soins professionnels. De plus, il a souligné que la famille immédiate et élargie des demandeurs résidait toujours au Nigéria, et qu’il n’y avait aucune preuve que la demanderesse principale avait déjà eu des difficultés en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux services médicaux ou à tout autre service au Nigéria. Compte tenu de ce qui précède, l’agent a accordé peu de poids à ces considérations.

[15] De plus, l’agent a estimé que les demandeurs connaîtraient peu de difficultés financières. En dépit du fait que les demandeurs ont fait valoir qu’ils n’ont aucun titre de propriété ni aucun bien au Nigéria, l’agent a conclu que cette affirmation était étayée par très peu d’éléments de preuve. Il a également pris en compte le fait que la demanderesse principale a vécu au Nigéria pendant la plus grande partie de sa vie et qu’elle n’a pas fait valoir qu’elle-même ou sa famille avaient connu la pauvreté. Bien qu’il reconnaisse que les demandeurs pourraient connaître des difficultés financières temporaires jusqu’à ce que la demanderesse principale trouve un emploi adéquat au Nigéria, l’agent a estimé que cela n’occasionnerait pas de difficultés indues étant donné que la famille de la demanderesse principale réside au Nigéria.

[16] Enfin, en dépit du fait que la demanderesse a soutenu que son manque de compétences transférables et que son absence prolongée du Nigéria engendreraient une dissociation culturelle, l’agent a relevé peu d’éléments de preuve étayant ces affirmations.

[17] L’agent a estimé que la preuve n’était pas suffisante pour étayer le fait que les liens que la demanderesse principale avait tissés au Canada correspondaient à un degré d’interdépendance et de dépendance tel que la séparation entraînerait des difficultés. Subsidiairement, même si la séparation physique devait entraîner des difficultés, l’agent a jugé que ces difficultés pourraient être atténuées par les moyens de communication électronique qui permettent de rester en contact.

[18] Enfin, l’agent a apprécié l’intérêt supérieur des enfants. Il a estimé que le Canada offre généralement de meilleures conditions de vie et perspectives aux enfants, qu’il serait par conséquent dans leur intérêt supérieur que ceux-ci demeurent au Canada et qu’il est dans leur intérêt qu’ils demeurent avec leur mère. Cependant, l’agent a aussi fait remarquer que les enfants ont des droits à la citoyenneté au Nigéria, qu’ils y retrouveraient des proches, et que les enfants ont une grande capacité d’adaptation et qu’ils peuvent s’adapter rapidement à de nouveaux milieux de vie. De plus, il a précisé que les enfants auraient la possibilité de revenir au Canada ultérieurement, s’ils le désirent, à la faveur de divers processus d’immigration.

[19] Bien qu’il reconnaisse que les enfants ont un certain degré d’établissement au Canada, l’agent n’était pas convaincu qu’ils étaient intégrés dans si une large mesure à la société canadienne, ou que les conditions de vie au Nigéria étaient si défavorables compte tenu de leur situation particulière que le fait d’accompagner leur mère au Nigéria compromettrait considérablement leur bien-être.

[20] Dans son appréciation globale, l’agent a conclu que, bien que le degré d’établissement des demandeurs milite quelque peu en leur faveur, il n’en est pas moins insuffisant pour justifier la prise de mesures spéciales pour des considérations d’ordre humanitaire. Il a aussi conclu que les conditions au Nigéria ne présentaient pas de difficultés excessives pour les demandeurs selon leur situation particulière. Enfin, l’agent a fait remarquer que le poids accordé à l’intérêt supérieur des enfants n’était pas assez élevé pour justifier la prise de mesures spéciales car la preuve ne permettait pas de démontrer que le départ du Canada aurait des conséquences néfastes pour les enfants.

[21] Pour cette raison, l’agent n’était pas convaincu que les considérations en l’espèce justifiaient la prise d’une mesure spéciale pour des considérations d’ordre humanitaire et il a rejeté la demande.

IV. Questions en litige

[22] J’ai pris en compte les observations écrites des parties, et j’estime que l’énonciation qui suit des questions en litige, dans les termes employés par le défendeur, encadre comme il se doit l’analyse des arguments soulevés dans la présente demande :

  1. L’agent a-t-il apprécié de façon raisonnable le degré d’établissement des demandeurs au Canada?

  2. L’agent a-t-il apprécié de façon raisonnable les éléments de preuve présentés par les demandeurs quant aux difficultés?

  3. L’agent a-t-il apprécié de façon raisonnable l’intérêt supérieur des enfants?

  4. L’agent a-t-il imposé un fardeau de preuve excessif aux demandeurs?

[23] Comme il ressort de la présente formulation des questions en litige, la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable.

[24] L’avocat des demandeurs a soulevé une nouvelle question lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire. Il a déclaré qu’il venait de constater qu’il manquait au dossier certifié du tribunal [le DCT] six pages de documents figurant dans le dossier de demande qui ont été présentés à l’agent à l’appui de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Il a affirmé que l’absence de ces documents dans le DCT montre que l’agent n’en a pas tenu compte, ce qui pourrait donner lieu à une erreur susceptible de contrôle.

[25] L’avocat du défendeur a expliqué que l’avocat des demandeurs lui a signalé cet argument quelques minutes seulement avant le début de l’audience. Il a estimé que le défendeur avait par conséquent subi un préjudice du fait qu’il n’avait pas eu la possibilité de faire enquête et de réagir au nouvel argument. J’ai fait savoir aux avocats que j’entendrais leurs observations de vive voix sur le nouvel argument et que j’examinerais et trancherais dans ma décision eu égard à la présente demande la question de savoir s’il convient que la Cour prenne en compte ce nouvel argument. Mon analyse, ci-après, commence par cette question.

V. Analyse

A. Nouvel argument

[26] J’estime que la décision appropriée eu égard au nouvel argument repose sur le principe qui est énoncé dans la décision Abdulkadir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 318 [Abdulkadir] au paragraphe 81, en les termes qui suivent :

81. Lors de l’audition de la présente demande, la demanderesse a soulevé une question sur la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle ses parents et elle appartiennent à une « catégorie secondaire » suivant la directive 2004 du gouvernement éthiopien à laquelle renvoie la décision. L’avocat du défendeur a souligné à juste titre que cette question n’ayant pas été soulevée dans les observations écrites, il était incapable d’en traiter et que la Cour ne devait pas la prendre en considération à ce stade-ci de l’instance. Dans sa réponse, l’avocat de la demanderesse n’a pas réfuté les arguments du défendeur. La jurisprudence de notre Cour enseigne qu’à moins d’une situation exceptionnelle, tout argument qui n’a pas été formulé dans le mémoire des faits et du droit d’une partie ne peut être pris en considération afin de ne pas léser et parce que la Cour ne pourrait pas être en mesure d’apprécier comme il se doit le bien-fondé de ce nouvel argument. (Del Mundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 754, aux paragraphes 12 à 14 [Del Mundo]; Mishak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 173 FTR 144 (1 re inst.)) En l’espèce, la demanderesse a soulevé plusieurs arguments quant au caractère raisonnable des conclusions de la Section de la protection des réfugiés à propos des cartes d’identité des parents, à l’interprétation des rapports de M. Campbell et à l’application des directives du président. L’argument selon lequel ses parents et elle n’appartiennent pas à la « catégorie secondaire » selon la directive 2004 n’est pas simplement une version plus étoffée de ces arguments et ne justifie pas l’exception accordée dans la décision Del Mundo. Le défendeur subirait un préjudice si la Cour tenait compte du nouvel argument de la demanderesse à un stade aussi avancé de l’instance, et la Cour n’en tiendra donc pas compte.

[27] Ainsi que le soutient l’avocat du défendeur, l’avocat des demandeurs disposait du DCT depuis plus de quatre mois et avait amplement eu la possibilité de relever et de soulever des préoccupations au sujet des documents manquants. Quant à cet argument qui a été soulevé pour la première fois au début de l’audience, le défendeur subirait un préjudice si la Cour se penchait sur ce nouvel argument.

[28] Je ne relève aucun élément exceptionnel dans les circonstances de l’espèce qui justifierait une dérogation au principe exposé dans la décision Abdulkadir. De plus, j’estime non fondé l’argument avancé par les demandeurs selon lequel l’avocat du défendeur n’a pas non plus constaté que des documents figurant dans le dossier de demande n’étaient pas inclus dans le DCT. Les demandeurs veulent donc soulever à la onzième heure un nouvel argument à l’appui de leur position dans la présente demande, laquelle est également la demande de contrôle judiciaire des demandeurs. Donc, il leur incombait de soulever cette préoccupation concernant le DCT.

[29] Pour cette raison, je refuse de prendre en compte le nouvel argument et je passe à l’examen des autres questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire.

B. L’agent a-t-il apprécié de façon raisonnable le degré d’établissement des demandeurs au Canada?

[30] Les demandeurs soutiennent que la décision fait ressortir une dissonance dans l’appréciation des observations qu’ils ont formulées eu égard aux considérations d’ordre humanitaire. Ils soulignent que l’agent a accordé un poids favorable à certains facteurs relatifs au degré d’établissement, mais soutiennent que l’agent a, à tort, tiré une conclusion trop timorée quant au poids à conférer au degré d’établissement et a rejeté leur demande. Ils prétendent que les observations qu’ils ont formulées satisfaisaient aux exigences nécessaires pour l’obtention d’une décision favorable quant aux considérations d’ordre humanitaire.

[31] Je souscris à l’argument avancé par le défendeur selon lequel, même si l’agent a accordé un poids favorable au degré d’établissement des demandeurs, cette conclusion n’est pas déterminante quant à l’issue d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, puisque les agents doivent pondérer ce facteur avec d’autres dans une décision discrétionnaire (voir, p. ex. la décision Hsu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1168 au para 5). Les demandeurs demandent en fait à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de tirer une conclusion différente de celle de l’agent, ce qui n’est pas le rôle de la Cour en contrôle judiciaire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 125).

C. L’agent a-t-il apprécié de façon raisonnable les éléments de preuve présentés par les demandeurs quant aux difficultés?

[32] Les demandeurs soutiennent que l’agent a eu tort de se pencher sur la question de savoir si d’autres moyens qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire s’offraient à eux pour demander la résidence permanente, car ils estiment qu’il s’agit d’un facteur superflu dans une analyse portant sur des considérations d’ordre humanitaire. Je ne souscris pas à la position des demandeurs. Comme l’illustre la décision Goraya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 341, l’agent qui effectue une analyse fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne commet pas d’erreur lorsqu’il examine l’admissibilité d’un demandeur à d’autres façons d’obtenir la résidence permanente, puisque la prise de mesures spéciales pour des considérations d’ordre humanitaire ne devrait pas constituer une voie alternative à l’immigration (aux para 15-16).

[33] Également en lien avec l’analyse des difficultés, les demandeurs soutiennent que l’agent a eu tort de conclure qu’ils avaient omis de personnaliser les difficultés auxquelles ils se heurteraient en raison des conditions défavorables au Nigéria. Ils prétendent qu’une telle démarche les aurait amenés, à tort, à faire examiner à nouveau des aspects de leurs demandes d’asile rejetées. Je ne relève rien de déraisonnable dans cet aspect de l’analyse effectuée par l’agent. Comme l’a expliqué le juge McHaffie dans la décision Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 514 au paragraphe 48, l’agent qui conclut qu’un demandeur n’a pas établi de lien entre la preuve relative aux conditions défavorables dans le pays et sa propre situation ne commet pas une erreur.

D. L’agent a-t-il apprécié de façon raisonnable l’intérêt supérieur des enfants?

[34] Pour contester le caractère raisonnable de l’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants, les demandeurs soulignent la conclusion de l’agent selon laquelle il serait dans l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse principale qu’ils restent au Canada. Ils soulignent que l’agent a ainsi tiré une conclusion irrationnelle en rejetant leur demande.

[35] Ici encore, cet argument ne mine pas le caractère raisonnable de la décision. Ainsi que le soutient le défendeur, il est bien établi en droit qu’une conclusion favorable relativement à l’intérêt supérieur des enfants n’est pas déterminante dans le cadre d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (voir, p. ex. la décision Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, aux para 37-38. Mebrahtom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 821 aux para 18-19). De plus, ainsi que le souligne le défendeur, la décision fait ressortir une analyse des facteurs sous-tendant la conclusion de l’agent selon laquelle le bien-être et le développement des enfants ne seraient pas indûment compromis si ceux-ci déménageaient au Nigéria.

E. L’agent a-t-il imposé un fardeau de preuve excessif aux demandeurs?

[36] Enfin, les demandeurs affirment que l’agent leur a imposé un fardeau de preuve excessif. Pour étayer leur argument, ils renvoient à la conclusion de l’agent relative aux conditions au Nigéria qui concerne particulièrement la demanderesse principale, soit que ces conditions ne représentent pas de difficultés exceptionnelles pour elle et qu’elle pourrait se réinstaller au Nigéria à un degré lui permettant de subvenir à ses propres besoins et à ceux de ses enfants. Les demandeurs prétendent qu’en tirant cette conclusion, l’agent a omis de dûment tenir compte des éléments de preuve corroborants qu’ils ont présentés et qui démontrent, soutiennent-ils, en quoi ils seraient affectés par les conditions au Nigéria.

[37] J’estime que l’argument avancé par les demandeurs équivaut encore à un désaccord quant à la pondération que l’agent a faite de la preuve et qu’il n’étaye pas une conclusion selon laquelle la décision témoigne d’une application d’un fardeau de preuve erroné ou de toute autre erreur susceptible de contrôle.

VI. Conclusion

[38] Après avoir pris en compte les arguments des parties, je conclus que la décision est raisonnable et que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3933-21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit : la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3933-21

INTITULÉ :

JOY AMEHNAWOH OMOMOWO, OLUWATENIOLA OSARIEMEN OMOMOWO (MINEUR), OLUWATONILOBA OSARETIN OMOMOWO (MINEUR), ET OLUWATITO OSAMAGBE OMOMOWO (MINEUR) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JANVIER 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JANVIER 2023

COMPARUTIONS :

Henry Igbinoba

POUR LES DEMANDEURS

Kevin Spykerman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Henry Law

Avocat

North York (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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