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Date : 20221221


Dossier : 22-T-84

Référence : 2022 CF 1779

Ottawa (Ontario), le 21 décembre 2022

En présence de l’honorable madame la juge Rochester

ENTRE :

RAYNALD GRENIER

requérant

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET GREFFE DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La présente décision porte sur une requête en prorogation de délai présentée par Raynald Grenier, qui se représente lui-même, pour présenter une demande d’autorisation de contrôle judiciaire.

[2] La « décision » sous-jacente visée par ledit contrôle judiciaire est le sommaire du dossier intitulé Raynald Grenier c Procureur général du Québec (numéro 40016), publié sur le site Web de la Cour suprême du Canada [sommaire]. Ce sommaire se rattache au rejet de la demande d’autorisation d’appel de M. Grenier par la Cour suprême du Canada [CSC] le 12 mai 2022. Suite au rejet de sa demande d’autorisation d’appel, sa « demande de réexamen » de cette demande n’a pas été accordée.

[3] Dans sa demande de contrôle judiciaire, M. Grenier allègue que le sommaire est un document faux et frauduleux qui pourrait relever du Code criminel, LRC 1985, c C‑46. Les réparations que revendique M. Grenier incluent : (i) de corriger les sommaires (anglais et français); (ii) une explication à tous les Canadiens comment les juges de la CSC « ont réussi en un jour, soit l’audience du 12 mai 2022, à lire les 39 demandes d’autorisations et les répliques »; et (iii) d’ « ORDONNER UN RÉEXAMEN DE MA DEMANDE D'AUTORISATION ou ME VERSER UNE SOMME COMPENSATOIRE DE 100 000$ POUR ATTEINTE À MA RÉPUTATION et PERTE DE CHANCE JURIDIQUE ».

[4] Pour les raisons qui suivent, la requête de prorogation de délai est rejetée. À mon avis, la requête doit être rejetée parce qu’il n’y a aucun argument défendable ou fondement lui permettant d’avoir une chance de succès dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Contexte factuel

[5] Le 8 mars 2013, la Cour supérieure du Québec a déclaré M. Grenier, plaideur quérulent (Québec (Procureur général) c Grenier, 2013 QCCS 1982 au para 36). Elle lui a ainsi interdit de soumettre toute demande devant une cour ou tribunal du Québec sans en avoir au préalable obtenu l’autorisation. Le jugement a été confirmé par la Cour d’appel du Québec le 12 juin 2013 (Grenier c Québec (Procureur général), 2013 QCCA 1094). La CSC a par la suite rejeté la demande d’autorisation d’appel de M. Grenier en date du 12 décembre 2013 (Raynald Grenier c Procureur général du Québec, 2013 CanLII 81862 (CSC)).

[6] Dans une décision rendue le 16 février 2017, la Cour supérieure attribue à la partie adverse de M. Grenier, par prescription acquisitive décennale, le droit de propriété d’un lot du cadastre du Québec (Lot 1 397 985), circonscription foncière de Québec (Ferme et Pisciculture Lac en ville c Grenier, 2017 QCCS 1202; appel rejeté : Grenier c Ferme et pisciculture Lac en Ville, 2018 QCCA 776).

[7] Plus tard, M. Grenier se retrouve encore une fois devant la Cour supérieure pour une demande d’autorisation d’intenter une demande en jugement déclaratoire et correction de titre portant sur la décision du 16 février 2017. Dans une décision datée du 15 juin 2021, la Cour rejette la demande concluant qu’il y avait chose jugée (Procureur général du Québec c Grenier, 2021 QCCS 2747). À son tour, la Cour d’appel rejette la requête pour permission d’en appeler de la décision du 15 juin 2021 sur la base que M. Grenier n’a pas démontré que son appel présentait des chances de succès (Grenier c Procureur général du Québec, 2021 QCCA 1597). Enfin, le 12 mai 2022, la CSC rejette la demande d’autorisation d’appel de M. Grenier (Raynald Grenier c Procureur général du Québec, 2022 CanLII 38790 (CSC).

[8] Suite au rejet de la demande d’autorisation d’appel, M. Grenier dit avoir déposé, en date du 20 mai 2022, « une demande de réexamen parce que de FAUX DOCUMENTS ont été produits par l’office fédéral qu’est le registraire de la Cour Suprême ».

[9] Selon le dossier de l’avis de requête, le registraire aurait reçu cette demande de réexamen le 24 mai 2022 et que celle-ci consisterait notamment, d’une lettre contestant le sommaire produit dans le cadre de la demande d’autorisation d’appel.

[10] Le sommaire de la CSC se lit comme suit :

Summary

Sommaire

40016

Raynald Grenier v. Procureur général du Québec

(Quebec) (Civil) (By Leave)

40016

Raynald Grenier c. Procureur général du Québec

(Québec) (Civile) (Autorisation)

Keywords

Mots-clés

Property - Real property - Property — Immovables — Correction of title — Res judicata — Quarrelsome litigant — Application for judicial acquisition of right of ownership by 10 year prescription allowed in 2017 — Applicant’s lot thereby attributed to neighbour — Applicant seeking authorization to apply for declaratory judgment to correct title — Whether application for leave to appeal raises question of public importance.

Biens - Biens réels - Biens — Biens réels — Correction de titre — Chose jugée — Plaideur quérulent — Demande en acquisition judiciaire du droit de propriété par prescription décennale accueilli en 2017 — Lot du demandeur ainsi attribué à voisin — Demandeur cherchant permission pour demander jugement déclaratoire en correction de titre — La demande d’autorisation d’appel soulève-t-elle une question d’importance pour le public?

Summary

Sommaire

Case summaries are prepared by the Office of the Registrar of the Supreme Court of Canada (Law Branch). Please note that summaries are not provided to the Judges of the Court. They are placed on the Court file and website for information purposes only.

Les sommaires de dossiers sont préparés par le Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada (Direction générale du droit). Veuillez noter qu’ils ne sont pas transmis aux juges de la Cour; ils sont plutôt versés au dossier de la Cour et affichés sur son site Web uniquement à titre d’information.

The applicant, Mr. Grenier, owns land adjoining land owned by a farm. In 2017, the farm successfully applied for judicial acquisition of a right of ownership by 10 year prescription in a lot adjacent to its land. Mr. Grenier opposed the application on the basis that he was the sole owner of the lot. Subsequently, in 2021, Mr. Grenier sought authorization to bring an application for a declaratory judgment and for correction of title with respect to the lot. Authorization was required because Mr. Grenier had been declared to be a quarrelsome litigant in 2013. The Superior Court dismissed Mr. Grenier’s application, finding that a decision on the remedy sought by him had already been rendered in 2017. In other words, there was res judicata between Mr. Grenier and the farm with regard to the lot, and Mr. Grenier could not reopen the debate. The Court of Appeal dismissed Mr. Grenier’s motion for leave to appeal because he had not shown that his appeal had a chance of success and that authorizing it would serve the ends of justice.

Le demandeur, M. Grenier, est propriétaire d’un terrain voisin de celui d’une ferme. En 2017, la ferme a présenté avec succès une demande en acquisition judiciaire d’un droit de propriété, invoquant la prescription de 10 ans sur un lot adjacent à son terrain. M. Grenier s’était opposé à la demande, sur la base qu’il est l’unique propriétaire du lot. Plus tard, en 2021, M. Grenier a demandé l’autorisation pour introduire une demande en jugement déclaratoire et correction de titre relativement au lot. L’autorisation était nécessaire, puisque M. Grenier avait été déclaré plaideur quérulent en 2013. La Cour supérieure a rejeté la demande de M. Grenier. Elle a conclu que le remède recherché par M. Grenier a déjà été décidé en 2017. En d’autres termes, il y a chose jugée entre M. Grenier et la ferme concernant le lot, et M. Grenier ne peut pas refaire le débat. La Cour d’appel a rejeté la requête pour permission d’appeler de M. Grenier. M. Grenier n’a pas démontré que son appel présente des chances de succès et que de l’autoriser servirait les fins de la justice.

[11] Essentiellement, M. Grenier s’oppose au fait que le sommaire ne mentionne pas quel lot a été attribué à son voisin (Lot 1 397 985) et quel lot ne l’a pas été.

[12] Dans une lettre datée du 15 juin 2022, le registraire de la CSC répond à M. Grenier et lui indique qu’après considération, le sommaire en question a été préparé conformément à la pratique habituelle du registraire de la CSC et que par conséquent, le sommaire ne ferait l’objet d’aucune modification. Par ailleurs, le registraire de la CSC explique à M. Grenier que les sommaires ne sont pas transmis aux juges de la Cour, et que seules les demandes d’autorisation d’appel, les réponses à ces demandes et les répliques attenantes leur sont transmises, et ce, seulement à l’expiration du délai prévu pour le dépôt des répliques.

[13] Le 12 juillet 2022, M. Grenier « s’adresse à la Cour fédérale par courrier recommandé de Postes Canada pour demander l’autorisation de déposer une requête en contrôle judiciaire et réparations ». M. Grenier dit avoir fait plusieurs appels au registraire de la Cour fédérale, n’ayant pas reçu de réponse à sa demande du 12 juillet.

[14] Le 31 août 2022, M. Grenier ajoute avoir retourné « de nouvelles copies avec un chèque de $50 ». Toujours sans réponse, le 21 septembre 2022, M. Grenier dit s’être rendu au bureau régional de la Cour fédérale à Québec et y avoir déposé, une troisième fois, les mêmes documents « avec en plus un historique récent ».

[15] Le 7 novembre 2022, la juge adjointe Mirelle Tabib de notre Cour transmet à M. Grenier une directive orale se lisant comme suit :

« Les documents soumis par le demandeur ne peuvent être reçus pour dépôt. Les demandes de prorogation de délai selon l’article 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales doivent être faites par voie de requête formelle, respectant les Règles 364 et suivantes des Règles des Cours fédérales et non seulement par lettre informelle. »

III. La présente requête

[16] En date du 21 novembre 2022, le requérant, M. Raynald Grenier, dépose un avis de requête qui reproduit les motifs comme suit :

1) Retard dans la réception par la Cour fédérale de ma demande d'autorisation pour déposer une requête en CONTRÔLE JUDICIAIRE et RÉPARATIONS.

2) Seul le dépôt au bureau régional de Québec (Québec) semble être parvenu au Greffe de la Cour fédérale.

3) S’agissant de la présentation de FAUX DOCUMENTS par un office fédéral qui pourraient être de nature pénale ou criminelle, il est primordial que la Cour l'examine et ordonne les corrections nécessaires pour éviter la répétition de tels actes au préjudice de tous les Canadiens.

4) Il est possible que le télé-travail et la période estivale ait été une cause de retard jusqu’au 21 septembre.

5) Le requérant s’est informé à plusieurs reprises auprès du Greffe, mais toujours pas de traces de mon dossier malgré la preuve de réception émise par Postes Canada (repérage-tracking) dont une copie est annexée.

6) Le requérant a agi avec diligence et compréhension du travail difficile au Greffe et des autres causes de retards de réception dont la période estivale.

[17] La requête vise une prorogation de délai de trente (30) jours prescrit par la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 [Loi] pour présenter « une demande en contrôle judiciaire et réparations ». En particulier, la demande de contrôle judiciaire vise le sommaire mentionné ci-haut, que le requérant qualifie de « faux document ».

[18] M. Grenier présente ses prétentions écrites comme suit :

1) le SOMMAIRE 40016 EST UN FAUX DOCUMENT inscrit 12-05-2022 14 :34 sommaire en français et 12-05-2022 14 :39 en anglais, (voir page 1 de mon AVIS DE REQUÊTE EN RÉEXAMEN)

2) Ce SOMMAIRE fait abstraction de ma demande de faire reconnaître par un jugement déclaratoire que les jugements « A » et « B » (Cour supérieure et Cour d'appel) sont passés en autorité de chose jugée. L’interprétation erronée du jugement « A » (200-17-023544-166) est à la base de l'erreur. Ce jugement « A » a reconnu la propriété du lot 1 397 985 de mon voisin mais ne lui a pas attribué mon chemin forestier (982-1-1). IL EST FAUX D’ÉCRIRE: “Applicant’s lot thereby attributed to neighbour.”

3) LE SOMMAIRE EST UN FAUX DOCUMENT par sa fausse interprétation non seulement de ma demande d'autorisation, mais également des jugements « A » et « B » (C.S et C.A.)

4) La personne qui a rédigé ce sommaire a omis d’écrire que la demande en acquisition judiciaire d’un droit de propriété n’a été accordée que sur le lot 1 397 985 ET NON PAS SUR MON CHEMIN DE MA TERRE FORESTIÈRE, le lot 982-1-1. DÉFORMATION DE LA VÉRITÉ = FAUX DOCUMENT.

5) Le SOMMAIRE EST UN FAUX parce qu’il n’est pas basé sur ma demande d’autorisation et parce qu’en plus il fait référence à un lot dont … « ferme a présenté avec succès une demande en acquisition judiciaire d'un droit de propriété... Les jugements disent bien que ce lot « présenté avec succès » est leur propre lot non contesté (1 397 985) et non le lot où se situe mon chemin de ferme forestière.

6) La Cour ne peut laisser passer un tel faux document représentant un DÉNI DE JUSTICE mais également une tache indélébile portant une atteinte grave à l'intégrité du système judiciaire au Canada.

[19] Enfin, M. Grenier revendique les réparations suivantes :

1) CORRECTION DES SOMMAIRES FALSIFIÉS en lisant bien :

a) les sommaires des versions française et anglaise

b) ma demande d'autorisation d'appel

c) ma requête en réexamen à un juge et au greffe

2) AFFIRMATION ASSERMENTÉE reproduisant les textes retrouvés dans le sommaire en français et dans le 3e paragraphe de la lettre de Mme la Registraire disant : « ...les sommaires ne sont pas transmis aux juges de la Cour, »

3) EXPLIQUER À TOUS LES CANADIENS comment les juges ont réussi en un jour, soit l'audience du 12 mai 2022, à lire les 39 demandes d'autorisations et les répliques.

4) ORDONNER OU SUGGÉRER une plus grande attention aux faux documents par la Registraire qui avoue « que le sommaire en question a été préparé conformément à notre pratique habituelle. » (2e par. de la lettre de la Registraire du 15 juin 2022).

5) SI LE SOMMAIRE FALSIFIÉ A ÉTÉ PRODUIT DE BONNE FOI selon l'interrogatoire et que le Code criminel ne s'applique pas, le Code de déontologie des avocats, la Déclaration canadienne des droits et les Chartes devraient être examinés de près.

6) ORDONNER UN RÉEXAMEN DE MA DEMANDE D'AUTORISATION ou ME VERSER UNE SOMME COMPENSATOIRE DE 100 000$ POUR ATTEINTE À MA RÉPUTATION et PERTE DE CHANCE JURIDIQUE.

IV. Questions en litige

[20] La présente requête soulève la question suivante:

  1. La Cour devrait-elle accorder à M. Grenier une prorogation de délai prescrit au paragraphe 18.1(2) de la Loi, pour présenter sa demande de contrôle judiciaire?

V. Analyse

[21] Afin de déterminer la question en litige en l’espèce, le cadre juridique applicable est celui confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204 au paragraphe 61, qui indique les quatre questions devant guider l’analyse de la question de la présente requête :

[61] Les parties s'entendent pour dire que les questions suivantes sont pertinentes lorsqu'il s'agit pour notre Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur une demande de prorogation de délai :

(1) Le requérant a-t-il manifesté une intention constante de poursuivre sa demande?

(2) La demande a-t-elle un certain fondement?

(3) La Couronne a-t-elle subi un préjudice en raison du retard?

(4) Le requérant a‑t‑il une explication raisonnable pour justifier le retard?

[Citations omises.]

[22] Dans le même arrêt, au paragraphe 62, la Cour d’appel fédérale ajoute :

[62] Ces principes orientent la Cour et l'aident à déterminer si l'octroi d'une prorogation de délai est dans l'intérêt de la justice (Grewal, ci-dessus, aux pages 277 et 278). L'importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l'espèce. De plus, il n'est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant. Ainsi, « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » (Grewal, à la page 282). Dans certains cas, surtout dans ceux qui sortent de l’ordinaire, d'autres questions peuvent s'avérer pertinentes. La considération primordiale est celle de savoir si l'octroi d'une prorogation de délai serait dans l'intérêt de la justice (voir, de façon générale, l'arrêt Grewal, aux pages 278 et 279; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33; Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195, 89 Admin LR (4th) 1).

[23] Dans le cas présent, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de permettre une prorogation de délai. Le facteur déterminant est le fait que la demande n’a aucune chance raisonnable de succès. En effet, même si certains facteurs militent en faveur de M. Grenier, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’autoriser la poursuite de cette demande. Faire autrement serait, malgré les arguments contraires de M. Grenier, gaspiller des ressources judiciaires, pour la simple raison que la demande de contrôle judiciaire contient des lacunes fatales.

[24] Parmi les facteurs qui lui sont favorables figure son intention manifeste et constante de poursuivre sa demande. M. Grenier semble avoir tenté de déposer sa demande par courrier à deux reprises. De même, le défendeur n’a pas soumis de preuve selon laquelle il aurait subi un préjudice en raison de son retard. De plus, je considère que l’explication de M. Grenier pour justifier le retard, même si elle n’est pas entièrement raisonnable, n’est pas totalement déraisonnable.

[25] Cependant, le facteur défavorable à la présente requête demeure la question du fondement. À mon avis, dans le cas présent, c’est le facteur déterminant. La demande présente plusieurs lacunes préliminaires et fondamentales qui minent son bien-fondé.

[26] Premièrement, je suis d’accord avec le défendeur que les sommaires du dossier de M. Grenier préparés par le Bureau du registraire de la CSC et publiés sur le site internet de la CSC ne constituent pas des décisions, ordonnances ou autres objets à l’égard desquels M. Grenier peut intenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

[27] Le paragraphe 18.1(1) de la Loi énonce qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». La question qui peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire ne comprend pas seulement une « décision ou ordonnance », mais tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 de la Loi (Air Canada c Administration Portuaire De Toronto Et Al, 2011 CAF 347 au para 24; Fortune Dairy Products Limited c Canada (Procureur général), 2020 CF 540 au para 83).

[28] La publication des sommaires du dossier de M. Grenier sur le site internet de la CSC n’a pas conféré à M. Grenier le droit de présenter une demande de contrôle judiciaire.

[29] M. Grenier réclame des réparations incluant la correction des sommaires; une affirmation assermentée indiquant que les sommaires ne sont pas transmis aux juges; d’expliquer à tous les Canadiens comment les juges de la CSC ont réussi en un jour à lire les 39 demandes d’autorisation; d’ordonner le Registraire de la CSC à faire davantage attention « aux faux documents »; et d’ordonner un réexamen de la demande d’autorisation ou de lui verser la somme de 100 000 $ pour atteinte à la réputation et perte de chance juridique.

[30] M. Grenier ne fournit aucune base sur laquelle cette Cour pourrait accorder les réparations demandées. Considérant celles-ci, l’avis de demande d’autorisation de M. Grenier est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli.

[31] En outre, cette demande de contrôle judiciaire constitue une attaque indirecte contre les jugements rendus par la Cour supérieure du Québec, la Cour d’appel du Québec, et la CSC. Ces cours ont considéré les arguments de M. Grenier sur son recours pour jugement déclaratoire et correction de titre, et ont entièrement tranché ces questions. Pour être très claire, pour le bénéfice de M. Grenier, cette Cour n’a pas la compétence d’ordonner à la CSC de réexaminer la demande d’autorisation de M. Grenier. En ce sens, la présente demande constitue donc un abus de procédure.

[32] Le défendeur soulève, à juste titre à mon avis, la question des ressources judiciaires limitées et de l’implication dans le passé du requérant dans le système judiciaire. Bien que je reconnaisse que M. Grenier puisse se sentir frustré que le litige ne lui ait pas été favorable, il a utilisé ou fait dépenser une quantité disproportionnée de ressources judiciaires en cherchant à rouvrir une question qui a déjà été tranchée par plusieurs cours.

[33] M. Grenier soutient qu’il ne cherche pas à rouvrir le débat, mais plutôt à s’assurer que le fait que le sommaire n’ait pas précisé quel lot était en cause ne puisse pas lui causer de perte ou de dommage. Il n’y a aucune preuve devant cette Cour qu’un tel sommaire avec une référence générale à un lot serait appliqué en termes de transfert de droits fonciers ou utilisé par un registre foncier.

[34] M. Grenier soutient également que l’intégrité du système judiciaire et des documents publiés par la CSC est d’une grande importance pour les Canadiens en général. Après avoir examiné les faits de l’affaire et le dossier dont je dispose, je détermine que cette demande ne met pas en cause l’intégrité du système judiciaire en général ou celle de la CSC.

[35] Considérant le fait que M. Grenier n’a pas présenté sa demande de contrôle judiciaire dans le délai de 30 jours prescrit par la Loi, et considérant qu’il n’est pas dans l’intérêt de la justice de proroger le délai pour la présentation de la demande de contrôle judiciaire, la requête de M. Grenier est rejetée.

VI. Conclusion

[36] Pour ces raisons, la requête de M. Grenier de proroger son délai pour présenter sa demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[37] Le défendeur sollicite les dépens d’un montant de 1 000 $. Compte tenu des faits de l’affaire et en vertu du pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, la somme de 900 $ sera adjugée au défendeur à titre de dépens.


JUGEMENT au dossier 22-T-84

LA COUR STATUE que :

  1. La présente requête est rejetée; et

  2. La somme de 900 $ est adjugée au défendeur à titre de dépens.

« Vanessa Rochester »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

22-T-84

INTITULÉ :

RAYNALD GRENIER c PROCUREUR GÉNÉRAL ET GREFFE DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

QUÉBEC (QUÉBEC) ET TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 DÉCEMBRE 2022

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DES MOTIFS :

LE 21 DÉCEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Raynald Grenier

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Anne Poirier

Pour leS défendeurS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour leS défendeurS

 

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