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Date : 20230104


Dossier : T-1561-20

T-1575-20

Référence : 2023 CF 2

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2023

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

G N R TRAVEL CENTRE LTD.

demanderesse/intimée

et

CWI, INC.

intimée/demanderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie de deux instances réunies; chacune de ces instances est un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, T-13, à l’encontre de la décision du registraire des marques de commerce datée du 26 octobre 2020 et modifiée le 23 décembre 2020. Pour les motifs qui suivent, les deux appels seront rejetés.

[2] La Commission des oppositions a examiné la demande de marque de commerce 1 635 725 [la demande] en vue de l’enregistrement de la marque GNR CAMPING WORLD et dessin [la marque] décrite ci-dessous :

GNR Mark

1. La demande d’enregistrement de la marque et l’issue

[3] La demande déposée par GNR Travel Centre Ltd. [GNR] concernait l’enregistrement de la marque pour emploi en liaison avec les produits et services suivants :

[traduction]

Produits

  1. Véhicules de plaisance, nommément campeurs, remorques, autocaravanes, caravanes à sellette, tentes-caravanes, fourgonnettes de camping, autocaravanes séparables, ainsi que pièces et accessoires connexes

[les produits].

Services

  1. Services de concessionnaire de véhicules de plaisance;

  1. services de vente de véhicules de plaisance, nommément campeurs, remorques, autocaravanes, caravanes à sellette, tentes-caravanes, fourgonnettes de camping, autocaravanes séparables, ainsi que de pièces et d’accessoires connexes;

  2. Services de vente en gros et de vente au détail de véhicules de plaisance, nommément campeurs, remorques, autocaravanes, caravanes à sellette, tentes‑caravanes, fourgonnettes de camping, autocaravanes séparables, ainsi que de pièces et d’accessoires connexes;

  3. Vente en ligne de véhicules de plaisance, nommément campeurs, remorques, autocaravanes, caravanes à sellette, tentes-caravanes, fourgonnettes de camping, autocaravanes séparables, ainsi que de pièces et d’accessoires connexes;

  4. Services de financement pour véhicules de plaisance, nommément campeurs, remorques, autocaravanes, caravanes à sellette, tentes-caravanes, fourgonnettes de camping, autocaravanes séparables, ainsi que de pièces et d’accessoires connexes;

  5. Exploitation et maintenance d’un site Web d’information ayant trait aux marchandises et aux services susmentionnés;

  6. Service d’entreposage, de remise en état, de réparation et d’entretien de véhicules de plaisance, nommément campeurs, remorques, autocaravanes, caravanes à sellette, tentes-caravanes, fourgonnettes de camping, autocaravanes séparables, ainsi que de pièces et d’accessoires connexes

[les services].

[4] La demande était fondée sur l’emploi de la marque au Canada depuis au moins le 24 juillet 2008 en liaison avec les produits, et l’emploi de la marque au Canada depuis au moins le 3 mai 2007 en liaison avec les services.

[5] Le 15 juin 2016, CWI, Inc. [CWI] a déposé une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande en invoquant des motifs d’opposition fondés sur l’enregistrabilité en vertu de l’alinéa 12(1)d), le droit à l’enregistrement en vertu des alinéas 16(l)a) et b), le caractère distinctif en vertu de l’article 2 et la non-conformité à l’alinéa 30b) de la Loi.

[6] Dans sa déclaration d’opposition, CWI a exposé ses motifs d’opposition comme suit :

[traduction]

a) alinéa 38(2)a); alinéa 30b) :

Conformément à l’alinéa 38(2)a) de la Loi, la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30(b) de la Loi, dans la mesure où la requérante, par elle-même ou par l’intermédiaire d’un licencié, ou par elle-même et par l’intermédiaire d’un licencié, n’a pas employé la marque au Canada pour chacun des produits et services énumérés dans la demande aux dates de premier emploi revendiquées, à savoir depuis au moins le 24 juillet 2008 (produits) et depuis au moins le 3 mai 2007 (services).

Plus précisément, la requérante ne vend pas sa propre marque de véhicules de plaisance ni ses propres pièces ou accessoires. Toute vente de produits par la requérante ne constitue pas un emploi de la marque au sens des articles 2 et 4 de la Loi.

Même si la marque avait été employée depuis les dates de premier emploi figurant dans la demande et même si cet emploi était conforme aux articles 2 et 4 de la Loi, ce qui n’est pas admis et est expressément nié, un tel emploi n’est pas conforme à l’alinéa 30b) de la Loi, étant donné que :

i. l’emploi n’a pas été continu;

ii. l’emploi n’a pas porté sur la marque telle qu’elle est revendiquée dans la demande;

iii. la marque n’a pas été employée par la requérante, G N R Travel Centre Ltd, ou ne lui a pas profité;

b) Alinéa 38(2)b); alinéa 12(l)d) :

Aux termes de l’alinéa 38(2)b) de la Loi, la marque n’est pas enregistrable dans la mesure où, contrairement à l’alinéa 12(l)d) de la Loi, la marque a été, à tout moment important, confondue avec la marque enregistrée CAMPING WORLD DESIGN (numéro d’enregistrement LMC 245,25) détenue par l’opposante. L’enregistrement de l’opposante n’avait pas été abandonné au 15 avril 2015.

c) Alinéa 38(2)c), alinéa 16(l)a) :

Conformément à l’alinéa 38(2)c) de la Loi, la demande n’est pas conforme à l’alinéa 16(l)a) de la Loi dans la mesure où, à la date de dépôt de la demande, la marque de commerce créait de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante énumérées à l’annexe A, qui avaient déjà été employées par l’opposante ou son prédécesseur en titre, au Canada, en liaison avec les services de l’opposante. Les marques de commerce de l’opposante énumérées à l’annexe A continuent d’être employées et n’ont pas été abandonnées en date du 18 juillet 2013 ou du 15 avril 2015.

d) Alinéa 38(2)c), alinéa 16(l)b) :

Conformément à l’alinéa 38(2)c) de la Loi, la demande n’est pas conforme à l’alinéa 16(l)b) de la Loi dans la mesure où, à la date de dépôt de la demande, la marque créait de la confusion avec les demandes suivantes détenues par l’opposante au Canada :

i. CAMPING WORLD – demande n° 1635827;

ii. CAMPING WORLD et dessin horizontal – demande n° 1635828;

iii. CAMPING WORLD et dessin vertical – demande n° 1635829;

Les demandes de l’opposante énumérées ci-dessus ont été déposées avec une date de revendication de priorité fixée au 17 juillet 2013 et n’ont pas été abandonnées le 18 juillet 2013 ou le 15 avril 2015.

e) Alinéa 38(2)d); article 2 :

Conformément à l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, dans la mesure où la marque ne distingue pas les produits et services énumérés dans la demande de ceux d’autres personnes, y compris les services de l’opposante, ni n’est adaptée pour distinguer les produits et services de la requérante des produits et services d’autres personnes, y compris les services de l’opposante, ni n’est susceptible d’être distinctive de la requérante.

[7] La Commission des oppositions a estimé, selon la prépondérance des probabilités, que GNR avait établi qu’elle avait utilisé la marque en liaison avec les produits depuis la date revendiquée du 24 juillet 2008. En revanche, elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que GNR n’avait pas établi qu’elle avait utilisé la marque en liaison avec les services depuis la date revendiquée du 3 mai 2007. En bref, elle a conclu que l’opposition de CWI était accueillie en ce qui concerne les services, mais pas en ce qui concerne les produits.

[8] La Commission des oppositions a rejeté le motif d’opposition fondé sur la confusion, estimant que GNR avait satisfait au fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre la marque et les marques CAMPING WORLD de CWI.

[9] Par conséquent, la Commission des oppositions a rendu une décision partagée et a rejeté la demande en ce qui concerne les services, mais l’a autorisée en ce qui concerne les produits.

2. Questions en litige

[10] Les présents appels soulèvent trois questions :

  1. La Commission des oppositions a-t-elle commis une erreur en acceptant la demande en ce qui concerne les produits?

  2. La Commission des oppositions a-t-elle commis une erreur en refusant la demande en ce qui concerne les services?

  3. La Commission des oppositions a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la confusion?

3. Norme de contrôle

[11] Dans le cadre d’un appel statutaire d’une décision de la Commission des oppositions en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi, en l’absence de nouveaux éléments de preuve importants déposés en appel conformément au paragraphe 56(5), la norme de contrôle en appel déterminée par la Cour suprême du Canada s’applique : voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au paragraphe 36. Pour les questions de droit ou les questions de droit isolables, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique. Pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit (à l’exception des questions de droit isolables), la norme de l’« erreur manifeste et dominante » s’applique : voir Clorox Company of Canada, Ltd c Chloretec s.e.c., 2020 CAF 76 aux paragraphes 22 et 23.

[12] La norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante appelle une grande retenue : Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 aux paragraphes 61 à 64 [Mahjoub]. Par « manifeste », on entend une erreur évidente tandis que « dominante » signifie que l’erreur évidente influe sur l’issue de l’affaire : voir l’arrêt Mahjoub aux paragraphes 62 à 64.

4. La loi

[13] Comme la demande a été annoncée avant le 17 juin 2019, la Loi, telle qu’elle se lisait immédiatement avant l’entrée en vigueur de certaines modifications le 17 juin 2019, s’applique en ce qui concerne les motifs d’opposition. Les dispositions pertinentes pour les présents appels sont les suivantes :

2 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act,

[…]

créant de la confusion Sauf aux articles 11.13 et 11.21, s’entend au sens de l’article 6 lorsque employé à l’égard d’une marque de commerce ou d’un nom commercial. (confusing)

confusing, when applied as an adjective to a trademark or trade name, means, except in sections 11.13 and 11.21, a trademark or trade name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6; (créant de la confusion)

[…]

distinctive Se dit de la marque de commerce qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire de ceux d’autres personnes, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. (distinctive)

distinctive, in relation to a trademark, describes a trademark that actually distinguishes the goods or services in association with which it is used by its owner from the goods or services of others or that is adapted so to distinguish them; (distinctive)

[…]

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trademark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(2) A trademark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

[…]

6 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

6 (2) The use of a trademark causes confusion with another trademark if the use of both trademarks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trademarks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class or appear in the same class of the Nice Classification.

[…]

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

(5) In determining whether trademarks or trade names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[…]

30 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

30 An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

[…]

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

[…]

38 (2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

38 (2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

a) la demande ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 30(2), compte non tenu de la conformité au paragraphe 30(3) de l’état que contient celle-ci;

(a) that the application does not conform to the requirements of subsection 30(2), without taking into account if it meets the requirement in subsection 30(3);

a.1) la demande a été produite de mauvaise foi;

(a.1) that the application was filed in bad faith;

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

(b) that the trademark is not registrable;

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trademark;

d) la marque de commerce n’est pas distinctive;

(d) that the trademark is not distinctive;

5. La preuve de CWI

[14] CWI a produit l’affidavit de Tamara Ward assermenté le 22 février 2017 et l’affidavit de Jo-Anne McConnery assermenté le 22 février 2017. Aucune de ces auteures d’affidavits n’a été contre-interrogée. CWI a également produit des copies certifiées de trois demandes d’enregistrement de marque de commerce canadiennes et d’un enregistrement. La Cour note que chacune d’entre elles ne concernait que des services; aucune n’a cherché à obtenir ou obtenu d’enregistrement pour des produits.

L’affidavit de Mme Ward

[15] Mme Ward est la directrice générale du marketing de CWI, une entreprise établie en Illinois, aux États-Unis. Elle indique que CWI est l’un des plus importants détaillants et fournisseurs de services de véhicules de plaisance en Amérique du Nord. CWI exploite des centres de véhicules de plaisance qui offrent des services d’entretien et de réparation de véhicules de plaisance, la vente de pièces et de fournitures de véhicules de plaisance et leur installation, la vente de véhicules neufs et usagés, et la vente d’équipement de camping et de produits y afférents.

[16] Mme Ward indique que les sites Web affichent bien en vue la marque de commerce CAMPING WORLD. Les clients peuvent s’informer sur les véhicules de plaisance, rechercher des véhicules de plaisance neufs et d’occasion à vendre, acheter des véhicules de plaisance et du matériel de camping à partir de ces sites Web.

[17] Elle indique qu’il y a 123 emplacements de CAMPING WORLD RV Centre, chacun affichant bien en vue la marque de commerce CAMPING WORLD sur des panneaux intérieurs et extérieurs. Tous ces emplacements sont situés aux États-Unis. Mme Ward indique que les consommateurs canadiens fréquentent régulièrement les CAMPING WORLD RV Centres pour faire des achats. Les ventes de véhicules de plaisance à des consommateurs canadiens entre 2007 et 2016 se sont élevées à plus de 150 000 000 $ US. De 2007 à 2016, plus de 730 000 catalogues ont été envoyés par la poste à des consommateurs canadiens. Plus de 50 000 Canadiens ont fait des achats par l’intermédiaire des sites Web ou du catalogue de CWI.

L’affidavit de Mme McConnery

[18] Mme McConnery est une adjointe juridique employée par l’agent de marques de commerce de CWI. Son affidavit comprend les résultats de diverses recherches dans la base de données sur les marques de commerce canadiennes de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, ainsi que d’autres recherches Internet et recherches dans le système d’archivage Internet connu sous le nom de Wayback Machine. Plus précisément, elle a récupéré des versions archivées du site Web www.gnrcw.com datant du 12 avril 2006, du 20 février 2007, du 9 avril 2007 et du 17 août 2008; aucune d’entre elles n’affichait la marque. CWI soutient que le site Web de GNR présentait différentes marques, telles que les suivantes :

5

5

6. La preuve de GNR

[19] GNR a produit l’affidavit de Kevin Betzold assermenté le 21 juin 2017. M. Betzold a été contre-interrogé au sujet de son affidavit le 23 novembre 2017.

L’affidavit de M. Betzold

[20] M. Betzold est le directeur général et vice-président des Finances et de l’Administration de GNR.

[21] M. Betzold indique que depuis 1973, GNR et ses prédécesseurs exploitent une entreprise qui vend et entretient des véhicules de plaisance et des accessoires connexes, et que depuis 1973, GNR et ses prédécesseurs ont employé des marques de commerce qui comprennent bien en vue les termes « GNR CAMPING WORLD » en liaison avec l’exploitation de cette entreprise. GNR a des clients partout au Canada.

[22] Il affirme que depuis au moins le 24 juillet 2008, GNR emploie la marque en liaison avec les produits indiqués dans la demande et que depuis cette date, elle vend les produits avec des autocollants qui affichent la marque. M. Betzold affirme également qu’entre février 2013 et février 2015, GNR a offert à la vente une gamme de véhicules de plaisance de marque maison sous la marque de commerce SERENITY, à laquelle des autocollants portant la marque ont été appliqués.

[23] Il indique en outre que depuis au moins le 3 mai 2007, GNR emploie la marque de commerce en liaison avec les services. L’affidavit de M. Betzold contient des exemples de la présentation de la marque en liaison avec les services, comme des exemples de contrats d’achat du 12 juillet 2008, la présentation de la marque à un salon professionnel en mars 2008 et la présentation de la marque dans des annonces imprimées du 20 juillet 2007 à octobre 2007,

[24] M. Betzold indique que depuis 2007, GNR a eu des ventes au Canada des produits et des services en liaison avec la marque de plus de 9 000 000 $ CAN par année, et que depuis 2007, elle a dépensé plus de 2 100 000 $ CAN en publicité pour ces mêmes produits et services.

7. Les motifs et la décision de la Commission des oppositions

[25] L’approche à adopter lors d’une prise de décision dans une instance d’opposition comporte deux étapes, comme le décrit la décision Corporativo De Marcas GJB SA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323 au paragraphe 31 :

[...] dans la première étape, l’opposant doit s’acquitter de son fardeau de preuve à l’égard du motif d’opposition énoncé à l’article 38 de la Loi. S’il satisfait à ce fardeau, l’analyse passe à la deuxième étape, où le requérant doit s’acquitter du fardeau ultime qui lui incombe en établissant que sa demande répond aux exigences de l’article 30 de la Loi (Roger T. Hughes, Hughes on Trade Marks, feuilles mobiles (publication consultée le 27 mars 2014), (Markham, Ont : LexisNexis, 2005), chapitre 43, à la page 719).

[26] La Commission des oppositions a observé que le fardeau de preuve initial d’un opposant en vertu de la Loi est léger et il peut être respecté par renvoi non seulement à la preuve de l’opposant, mais également à celle du requérant.

[27] En ce qui concerne les produits, la Commission des oppositions a noté que GNR n’a invoqué que l’affichage de la marque sur des autocollants apposés sur les produits. La Commission a également noté que les produits vendus à partir du 24 juillet 2008 étaient tous des produits de tiers, certains ou tous portant leurs propres marques distinctes. La Commission des oppositions a estimé que CWI s’était acquittée du fardeau initial de l’opposition.

[28] La Commission des oppositions a conclu que GNR avait utilisé la marque en liaison avec les produits au sens du paragraphe 4(1) de la Loi depuis la date revendiquée du 24 juillet 2008. Cette conclusion a été tirée en tenant compte de la preuve et parce que « le poids de l’autorité juridique existante laisse entendre qu’une telle présentation constitue effectivement l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits en vertu de l’article 4(1) ». En tirant cette conclusion, la Commission renvoie aux décisions McDowell c Laverana GmbH & Co. KG, 2016 CF 1276 aux paragraphes 18 et 19; Riches, McKenzie & Herbert LLP c Park Pontiac Buick GMC Ltd (2005), 2005 CanLII 78247 (COMC) au paragraphe 9; Stevenson Hood Thornton Beaubier LLP c Deedee Bodnar, 2010 COMC 144 au paragraphe 8 [Bodnar].

[29] En ce qui concerne les services, la Commission des oppositions a noté que l’affidavit de M. Betzold indiquait ceci : « GNR a annoncé les Services en liaison avec la [Marque] continuellement sur son site Web à http://www.gnrcw.com depuis au moins aussi tôt que le 3 mai 2007 et il continue à ce jour au Canada. » La Commission des oppositions a noté que GNR n’a déposé aucun exemple d’affichage de la marque à la date revendiquée ou avant, et que la seule preuve offerte du site Web de GNR provenait du système d’archivage Wayback Machine de février 2012 à mai 2016, « bien après la date d’emploi revendiquée dans la Demande ».

[30] Si la date de premier emploi au Canada revendiquée dans une demande est antérieure à la date réelle de premier emploi du requérant, l’opposition au titre de l’alinéa 30b) de la Loi sera accueillie et la demande sera refusée.

[31] La Commission des oppositions a estimé que la preuve de GNR concernant son premier emploi de la marque au sujet des services était « remis[e] en question » par les pièces concernant le système d’archivage Wayback Machine jointes à l’affidavit de Mme McConnery. Il a été conclu que CWI s’était acquittée de son « fardeau de preuve initial » au titre de l’opposition fondée sur l’alinéa 30b) en ce qui concerne les services et que GNR n’avait pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait employé la marque en liaison avec les services depuis la date revendiquée du 3 mai 2007. Par conséquent, ce motif d’opposition à l’enregistrement de la marque en ce qui concerne les services a été retenu.

[32] Pour évaluer la confusion, la Commission des oppositions a appliqué le critère énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, qui exige la prise en compte de toutes les circonstances en l’espèce pertinentes, y compris les facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi.

[33] Tout d’abord, la Commission des oppositions a reconnu que la marque avait un degré plus élevé de caractère distinctif inhérent que les marques CAMPING WORLD de CWI. Deuxièmement, elle a également reconnu que les produits et services des parties se chevauchaient et que les activités des deux parties étaient liées à la vente et à l’entretien de véhicules de plaisance et d’accessoires pour ces mêmes véhicules. Troisièmement, la Commission des oppositions a reconnu que le terme CAMPING WORLD n’était pas suffisant à lui seul pour donner lieu à un degré élevé de ressemblance, « les marques dans leur ensemble [étant] suffisamment différentes ». La Commission des oppositions a reconnu que GNR s’était acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion.

8. Analyse

A. Les produits

[34] Le paragraphe 4(1) définit à quel moment une marque est employée en liaison avec des produits. Cet emploi doit être examiné lors du transfert de propriété des produits, dans la pratique normale du commerce. À ce moment-là, la marque est utilisée en liaison avec les produits si (i) « elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués », ou si (ii) « elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée ».

[35] La détermination du sens du mot « emploi » aux fins de la Loi est une question de droit et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : voir Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l. c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 au paragraphe 81; Cosmetic Warriors Limited c Riches, McKenzie & Herbert LLP, 2019 CAF 48 au paragraphe 17.

[36] Dans sa déclaration d’opposition, CWI a fait valoir que la marque n’avait pas été utilisée par GNR en tant que marque dans le but de distinguer ou de manière à distinguer les produits de GNR de ceux d’autres personnes :

[traduction]

Plus précisément, la requérante ne vend pas sa propre marque de véhicules de plaisance ou ses propres pièces ou accessoires. Toute vente de produits par la requérante ne constitue pas un emploi de la marque au sens des articles 2 et 4 de la Loi.

[37] À la lumière de ce motif d’opposition, la Cour est d’accord avec CWI pour dire que la question que la Commission des oppositions devait traiter est celle de savoir si l’application de la marque d’un détaillant de la manière dont GNR l’a fait sur des produits fabriqués par un tiers constitue un « emploi » de la marque du détaillant sur les produits au sens de la Loi.

[38] La Cour convient en outre avec les parties qu’il s’agit d’une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[39] Je commence par examiner les trois décisions antérieures invoquées par la Commission des oppositions concernant la signification du terme « emploi » lorsqu’il est associé à des produits fabriqués par un tiers. Chacune de ces décisions relève de l’article 45 de la Loi, qui exige que le titulaire d’une marque démontre que la marque est employée au Canada pour les produits et les services qui ont été énumérés au cours des trois années précédentes.

[40] La décision McDowell de la Cour fédérale concernait l’emploi de la marque HONEY. Elle a été enregistrée pour plusieurs produits, qui peuvent être généralement décrits comme des vêtements, des chaussures, des couvre-chefs, des bijoux, des accessoires de mode, des cosmétiques et des articles-cadeaux. Il s’agissait d’un appel d’une décision fondé sur l’article 45 de la Loi : Laverana GmbH & Co. KG c Heather Ruth McDowell, 2015 COMC 125. Mme McDowell devait fournir des preuves démontrant que la marque HONEY était employée au Canada en liaison avec chacun des produits et services précisés dans les enregistrements.

[41] En ce qui concerne la preuve de la liaison avec les produits précisés, Mme McDowell a fourni des éléments de preuve concernant les ventes, mais n’a pas fourni de ventilation des ventes en ce qui concerne les produits enregistrés. Elle a également attesté que la marque HONEY était présentée sur des étiquettes volantes ou des autocollants apposés sur les produits, et que les produits étaient placés dans des sacs ou des boîtes portant la marque Honey.

[42] L’une des questions abordées par la Commission des oppositions au paragraphe 19 était de savoir si « la manière dont les Marques sont présentées constitue un emploi en liaison avec l’un ou l’autre des produits vendus dans les magasins HONEY, plutôt qu’en liaison avec uniquement avec [sic] les services de magasin de vente au détail ».

[43] En ce qui concerne les étiquettes volantes apposées sur les produits, la Commission des oppositions a conclu aux paragraphes 39 et 40 qu’il ne s’agissait pas d’une preuve d’emploi en liaison avec des produits, mais qu’il s’agissait plutôt de services offerts par le magasin de vente au détail :

En ce qui concerne les étiquettes volantes HONEY, je suis d’accord avec la Partie requérante que les étiquettes volantes semblent être des étiquettes de prix qui sont simplement apposées sur des produits de tiers en vente dans les magasins de vente au détail HONEY. Le registraire a déjà établi que le simple fait d’apposer les étiquettes de prix d’un magasin sur le produit d’un tiers ne constitue pas un emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 4(1) de la Loi [voir Coastal Trade-mark Services c Edward Chapman Ladies’ Shop Limited, 2014 COMC 80, 2014 CarswellNat 1825]. Lorsque la marque de commerce d’un détaillant apparaît seulement sur une étiquette de prix apposée par le détaillant, cela ne distingue pas les produits, mais cela distingue plutôt les services du détaillant des services d’autres détaillants.

Comme la Partie requérante le dit bien [traduction] : « Un manteau CANADA GOOSE® acheté dans un magasin HONEY ne devient pas un manteau HONEY. » Ainsi, j’estime que la présentation des Marques sur les étiquettes volantes en pièce ne donne pas l’avis de liaison prévu à l’article 4(1) de la Loi.

[Non souligné dans l’original]

[44] En appel, le juge Fothergill a expressément examiné cette conclusion, déclarant ceci au paragraphe 21 : « [L]es étiquettes volantes et les étiquettes apposées sur des produits seraient ordinairement suffisantes pour démontrer qu’une marque de commerce était affichée en liaison avec les produits pendant la période pertinente (voir, par exemple, la décision Sim & McBurney c. Garbo Group Inc, 2013 COMC 141, au paragraphe 10) ». Le paragraphe auquel le juge renvoie est rédigé en ces termes :

Lors de l’audience orale, la Partie requérante a affirmé que la preuve F ne parvient pas à « prouver » l’emploi de la Marque avec quelque marchandise que ce soit, puisque les étiquettes volantes présentées comme preuves n’étaient pas attachées à un quelconque bijou. Cependant, dans son affidavit, M. Grundman affirme clairement que les étiquettes et les étiquettes volantes sont représentatives de celles fixées aux Marchandises vendues par le Propriétaire au cours de la période visée. Selon moi, étant donné la nature des Marchandises et les étiquettes présentées comme preuve, cela suffit à prouver l’affichage de la Marque en liaison avec les Marchandises au cours de la période pertinente.

[Non souligné dans l’original.]

[45] La décision Park Pontiac Buick est une décision de la Commission des oppositions. Dans le cadre des éléments de preuve soumis pour établir l’emploi de la marque en liaison avec des voitures et des camions, l’inscrivant a fourni un autocollant et a attesté que les autocollants sont apposés sur les voitures et les camions vendus par l’inscrivant et livrés à ses clients. En concluant qu’il s’agissait là d’une preuve suffisante de l’emploi de la marque pour ces produits, la Commission des oppositions a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 :

Dans les circonstances, je suis convaincue que l’inscrivant a prouvé que la marque est liée à des automobiles et à des camions dans la pratique normale de son commerce, conformément aux dispositions du paragraphe 4(1) de la Loi, et que cet emploi s’est poursuivi pendant plusieurs années, y compris la période de trois années pertinente. Par conséquent, les automobiles et camions demeureront dans l’enregistrement.

[46] Bodnar est également une décision de la Commission des oppositions. La marque en litige est enregistrée pour être employée en liaison avec des « véhicules automobiles d’occasion, nommément camions et automobiles de consommateurs utilisés pour le transport sur terre ». L’affidavit du propriétaire inscrit attestait que la marque « figurait bien en vue sur des vignettes et des porte-plaques d’immatriculation apposés sur les véhicules offerts en vente » et qu’elle y figurait toujours au moment de l’achat et du transfert au nouveau propriétaire. La Commission des oppositions a conclu que « [l]a preuve montre également que les Marchandises ont été vendues à des clients du Canada au cours de la période pertinente et que la Marque était liée aux Marchandises de la manière exigée par le paragraphe 4(1) de la Loi ».

[47] En réponse, CWI commence par observer que les instances fondées sur l’article 45 sont de nature sommaire et inter partes. Alors qu’[traduction] « une procédure d’opposition fondée sur l’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce n’est pas simplement un litige “֞inter partes” mais implique plutôt la prise en compte de l’intérêt public ». Je ne suis pas convaincu que cette distinction ait une incidence sur l’interprétation correcte du terme « emploi » à l’article 4 de la Loi.

[48] CWI a également soulevé la question de savoir si, dans l’affaire McDowell, les étiquettes étaient apposées sur les produits des inscrivants ou à ceux d’un tiers. Les motifs sont ambigus. Quoi qu’il en soit, il est clair, dans les deux autres décisions invoquées par la Commission des oppositions, que les marques étaient apposées sur des produits fabriqués par des tiers. Contrairement à l’affaire McDowell, ces affaires concernaient une décalcomanie, un autocollant ou un support de plaque d’immatriculation apposé sur les produits, et non une étiquette volante.

[49] Deuxièmement, CWI conteste l’affirmation de la décision sous-jacente selon laquelle « le poids de l’autorité juridique existante laisse entendre qu’une telle présentation constitue effectivement l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits ». CWI invoque les décisions suivantes : Lavery, De Billy, LLP c Dimatt Investments Inc., faisant affaire sous le nom de Genesis, 2021 COMC 152 [Genesis]; Moffat & Co c Big Erics Inc, 2015 COMC 52 [Moffat]; McMillan LLP c April Cornell Holdings Ltd, 2015 COMC 111; Transport For London c Stiles Clothiers Inc, 2018 COMC 67 [Stiles Clothiers]; 6438423 Canada Inc c Consumers Nutrition Center Ltd, 2009 CanLII 82134 (COMC).

[50] Je conclus que le scénario de chacune des affaires susmentionnées ci-dessus diffère des faits de la présente affaire. Il va sans dire que chaque décision de la Commission des oppositions dépend de faits particuliers.

[51] Dans l’affaire Genesis, les produits étaient des vêtements, des accessoires, des stylos et des montres pour hommes. De nombreux produits vendus n’étaient pas fabriqués par la titulaire de la marque. Un témoin a déclaré qu’« il s’est rendu en Italie au nom de la Propriétaire et de GEN-RAM [traduction] “pour fournir aux clients canadiens les derniers vêtements, accessoires et bijoux pour hommes de qualité et suivant la mode ‘FABRIQUÉS EN Italie’” fabriqués par un certain nombre de tiers » [non souligné dans l’original]. Il a également été prouvé « qu’ils fabriquent et vendent également des vêtements et des accessoires pour hommes [TRADUCTION] « conçus sur mesure » et [TRADUCTION] « personnalisés ».

[52] La titulaire de la marque a fourni des « [p]hotographies de vêtements et d’accessoires comportant des étiquettes cousues ou des étiquettes volantes affichant » la marque en litige. La Commission des oppositions a conclu que pour qu’une marque soit « apposée sur les produits mêmes », elle doit généralement être apposée sur un produit de manière permanente. Par conséquent, elle a considéré que la marque en litige était « apposée sur les produits mêmes » pour les produits portant une étiquette en relief, gravée ou cousue arborant la marque, même si la marque en litige se trouve « parfois avec des marques de commerce de tiers ».

[53] Sur d’autres produits portant une marque de tiers, le requérant n’avait apposé que des étiquettes volantes arborant sa marque. L’agent d’audience a conclu que « puisque la Marque n’a pas été apposée de façon permanente à ces produits, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire ait démontré l’emploi de la Marque sur les produits eux-mêmes ou en association de quelque autre façon, au sens de la Loi ».

[54] Dans l’affaire Genesis, c’est la permanence de la marque apposée sur les produits qui a permis de conclure à l’emploi de ces produits. Et ce, même si une autre marque était également apposée sur les produits.

[55] La distinction entre l’apposition permanente et non permanente de marques sur les produits d’autrui, qui est essentielle pour établir l’emploi de la marque sur les produits, a également été observée dans l’affaire Moffat. Dans cette affaire, les produits en litige étaient variés et comprenaient des équipements sanitaires, des équipements de restauration, des produits chimiques industriels et des produits d’entretien automobile. Au paragraphe 29, la Commission des oppositions décrit que la permanence est nécessaire pour conclure que la marque est affichée sur les produits ou l’emballage d’origine, en particulier lorsque les produits ont une marque de fabricant qui y est apposée :

De façon générale, une marque de commerce apposée sur un produit de manière permanente (généralement par le fabricant) constitue une marque de commerce qui est « apposée sur les produits mêmes ». De la même façon, la signification du libellé du paragraphe 4(1) relativement à la position de la marque « sur les emballages dans lesquels les produits sont distribués » dépendra des circonstances particulières et de la pratique normale du commerce, mais il concerne généralement l’emballage dans lequel les produits sont distribués sur toute la chaîne et non à une seule étape.

[56] CWI, renvoyant aux jugements rendus dans les décisions Genesis, Stiles Clothiers et Positec Group Ltd c Orange Works Kitchen & Home Corp, 2017 COMC 141 [Positec Group], soutient que [traduction] « [l]’affaire McDowell a été interprétée de manière restrictive et distinguée à plusieurs reprises en fonction des faits, et a été expressément rejetée par les décideurs ultérieurs en tant que thèse générale selon laquelle un détaillant qui vend des produits de marque d’autres fabricants peut être considéré comme « employant » sa propre marque en liaison avec ces produits lorsqu’il appose des étiquettes de prix ou des étiquettes volantes arborant sa marque sur ces produits » [non souligné dans l’original].

[57] Je suis généralement d’accord avec cette observation, en renvoyant cependant aux « étiquettes de prix ou étiquettes volantes » et non à quelque chose qui est fixé de façon permanente aux produits, ce qui est le cas en l’espèce.

[58] La preuve de GNR est qu’elle appose des « autocollants » arborant la marque et que ses employés fixent les autocollants aux produits avant la vente de ceux-ci. Les produits sont des véhicules de plaisance, ainsi que des pièces et des accessoires connexes. GNR n’est pas le fabricant d’origine de ces produits, mais chacun d’entre eux, lorsqu’il est vendu, est muni d’un autocollant arborant la marque. Des exemples ont été fournis par GNR. Les produits, ou un grand nombre d’entre eux, arborent également la marque du fabricant ou du distributeur.

[59] La thèse fondamentale adoptée par CWI est que lorsque GNR appose sa marque sur des produits qu’elle vend et qui sont fabriqués par une autre entreprise et auxquels sa marque est fixée, l’apposition de la marque GNR sur ces produits au moyen d’un autocollant ne constitue pas un emploi de la marque en liaison avec les produits. Au mieux, il s’agit d’un emploi de la marque qui comprend le service de la vente des produits.

[60] Je ne peux pas accepter cette thèse. Notre Cour a conclu qu’il n’est pas interdit d’apposer plus d’une marque sur un produit. Dans la décision AW Allen Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce), [1985] ACF no 824 (CF 1re inst), le juge Cullen a observé ce qui suit : « Il est également très clair dans la loi que rien n’empêche d’employer en même temps deux marques de commerce déposées et l’avocate de l’intimée a donné à titre d’exemple les marques “Kellogg’s” et “Special K” ».

[61] Dans l’exemple ci-dessus, les deux marques ont été déposées par le fabricant et sont ses marques à lui. Toutefois, aucune disposition de la Loi n’impose une telle exigence. Dans l’affaire Bodnar, par exemple, la Commission des oppositions a conclu que l’apposition d’un autocollant sur des voitures d’occasion fabriquées par un autre fabricant (et arborant vraisemblablement toujours la marque du fabricant) constituait un emploi de la marque en liaison avec ces produits. Cela est conforme à l’objectif fondamental de protection par les marques de commerce, qui est de distinguer les produits d’une personne sur le marché et de protéger les consommateurs en leur indiquant le produit qu’ils achètent et auprès de qui ils l’achètent.

[62] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au paragraphe 2, a souligné que cette raison d’être des marques a toujours existé, même si elle s’est élargie par rapport à l’objectif initial :

Les techniques marchandes ont beaucoup progressé depuis l’époque où l’on gravait une « marque » sur des gobelets d’argent ou sur des pichets en terre cuite afin d’identifier les marchandises produites par un orfèvre ou un potier en particulier. Le rôle traditionnel des marques était de créer un lien dans l’esprit de l’acheteur éventuel entre le produit et son fabricant. Le pouvoir d’attraction des marques de commerce et des autres « noms commerciaux célèbres » est maintenant reconnu comme l’un des plus précieux éléments des actifs d’une entreprise. Or, peu importe l’évolution commerciale des marques de commerce, elles ont toujours pour objet, sur le plan juridique, (selon les termes mêmes de l’art. 2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13) leur emploi par la personne qui en est propriétaire « de façon à distinguer [...] les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres ». Il s’agit d’une garantie d’origine et, implicitement, d’un gage de la qualité que le consommateur en est venu à associer à une marque de commerce en particulier (comme c’est le cas du personnage mythique du réparateur « Maytag »). Le droit relatif aux marques de commerce appartient, en ce sens, au domaine de la protection des consommateurs. [Non souligné dans l’original]

[63] La thèse défendue par CWI semble être que seul le fabricant d’origine d’un produit peut démontrer l’emploi d’une marque apposée sur ce produit; tous les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement ne font que fournir un service et toute marque qu’ils apposent sur les produits n’est alors associée qu’à leur service.

[64] À mon avis, il s’agit là d’une interprétation trop étroite de la Loi et des protections qu’elle accorde aux titulaires de marques.

[65] La fabrication n’est pas moins un service que la distribution ou la vente de produits. Un panneau arborant une marque sur l’usine d’un fabricant peut constituer une preuve de l’emploi de la marque dans le cadre du service de fabrication. De même, un panneau arborant une marque sur un magasin de détail peut constituer une preuve de l’emploi de cette marque dans le cadre du service de vente. Toutefois, lorsque chacun appose sa marque sur les produits fabriqués ou vendus, il s’agit d’une preuve de l’emploi de cette marque en liaison avec des produits.

[66] Pour ces motifs, j’estime que la conclusion de la Commission des oppositions concernant l’emploi de la marque en liaison avec les produits était correcte. La preuve est que la marque était apposée de manière permanente sur les produits (les véhicules de plaisance) et sur les emballages contenant les pièces. Il s’agit là d’une preuve de l’emploi de la marque en lien avec les produits.

B. Les services

[67] GNR soutient que la Commission des oppositions a commis une erreur en s’appuyant sur les pages Web archivées du système d’archivage Wayback Machine et affirme que CWI ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait. GNR soutient également que la Commission des oppositions a commis une erreur, car rien n’indique que le seul moyen pour GNR d’offrir les services était par l’intermédiaire de son site Web.

[68] En bref, elle affirme que la Commission des oppositions a mal compris ou mal appliqué le fardeau de preuve en vertu de l’alinéa 30b) de la Loi.

[69] Je suis d’accord avec CWI pour dire que l’affidavit de M. Betzold ne fournit aucune preuve de l’emploi de la marque en ce qui concerne les services le 3 mai 2007 ou avant cette date, à l’exception de son attestation d’emploi. La seule preuve fournie de l’utilisation de la marque en liaison avec les services date de 2012.

[70] CWI a présenté des éléments de preuve en utilisant des pages Web archivées du système d’archivage Wayback Machine qui contredisent l’affidavit de M. Betzold. Contrairement à ce que prétend GNR, les pages Web ne montrent aucune preuve de l’emploi de la marque sur le site Web de GNR le 3 mai 2007 ou avant cette date. CWI soutient qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve et qu’il incombe à GNR de démontrer l’« emploi » de la marque conformément à l’alinéa 30b) de la Loi.

[71] Comme il est indiqué ci-dessus, le fardeau de preuve initial de l’opposant aux termes de l’alinéa 30b) est léger. L’absence de la marque d’un requérant sur un site Web à la date du premier emploi revendiqué, telle que le démontrent les versions archivées du système d’archivage Wayback Machine, a été jugée suffisante pour permettre à l’opposant de s’acquitter du fardeau de preuve prévu à l’alinéa 30b), plus précisément lorsque les produits ou services sont offerts en ligne : voir Zillow Inc c HomeZilla Inc, 2014 COMC 131 aux paragraphes 12 à 15 et Association royale de golf du Canada c Ontario Regional Common Ground Alliance, 2009 CanLII 90300 (COMC).

[72] Le système d’archivage Internet Wayback Machine a été accepté par notre Cour comme une source fiable de preuve de l’état des sites Web dans le passé : voir Candrug Health Solutions Inc c Thorkelson, 2007 CF 411 au paragraphe 21, infirmée pour d’autres motifs dans 2008 CAF 100.

[73] Le seul renvoi dans la preuve de GNR à l’emploi de la marque quant aux services le 3 mai 2007 est la revendication de M. Betzold concernant son affichage présumé sur le site Web de GNR. Étant donné que les services fournis par GNR étaient des services dont on pouvait s’attendre à ce qu’ils soient fournis en ligne, la Commission des oppositions n’a pas commis d’erreur en s’appuyant sur les pages Web archivées du système d’archivage Wayback Machine. La Commission des oppositions n’a pas non plus commis d’erreur en concluant que CWI s’était acquittée de son fardeau de preuve initial pour établir le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b).

[74] GNR soutient qu’[traduction] « il n’y a aucune indication dans la preuve [...] que le site Web de GNR était le seul moyen d’offrir les services ». Cela peut être vrai; cependant, le fardeau de la preuve incombe à GNR qui doit démontrer qu’elle a offert des services le ou avant le 3 mai 2007, en liaison avec la marque. La seule preuve qu’elle a offerte se trouve au paragraphe 12 de l’affidavit de M. Betzold, dans lequel il affirme que [traduction] « GNR a commencé à fournir les services aux clients existants et aux clients potentiels le 3 mai 2007 en demandant à son représentant commercial de parler à ces clients existants et potentiels des services lorsque ceux-ci se rendaient au magasin de détail de GNR et par l’intermédiaire des canaux commerciaux ». Le simple fait d’affirmer que GNR fournissait des services sans préciser comment les services étaient associés à la marque est insuffisant pour satisfaire au fardeau de la preuve. De plus, les factures du 12 juillet 2008 à octobre 2008, qui ont été jointes en tant que pièces à l’affidavit de M. Betzold, montrant des ventes de services en liaison avec la marque, sont insuffisantes pour établir l’emploi de la marque en liaison avec les services à la date antérieure du 3 mai 2007.

[75] S’appuyant sur la décision Norsteel Building Systems Ltd c Toti Holdings Inc, 2021 CF 927 [Norsteel], GNR soutient qu’il incombe à CWI d’établir qu’elle a fait une fausse déclaration concernant la date d’emploi et que CWI ne s’est pas acquittée de ce fardeau. L’affaire Norsteel se distingue de l’espèce. L’affaire Norsteel concernait une demande d’invalidation d’une marque. Dans une instance en invalidation, le fardeau de la preuve incombe à la partie qui demande l’invalidation. Dans une procédure d’opposition, comme c’est le cas en l’espèce, l’opposant ne doit s’acquitter que d’un léger fardeau de la preuve initial en vertu de l’alinéa 30b) pour mettre en jeu le motif d’opposition, et si ce fardeau est rempli, il incombe alors au requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la marque est conforme aux exigences de la Loi.

[76] J’estime que la Commission des oppositions n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande d’enregistrement de la marque relativement aux services. GNR n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour déterminer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a utilisé la marque pour la première fois relativement aux services le ou avant le 3 mai 2007. De plus, GNR n’a pas fourni d’éléments de preuve nouveaux ou supplémentaires pour étayer sa demande en ce qui concerne les services au titre du sous-paragraphe 56(5) de la Loi. Il n’y a pas d’erreur manifeste et dominante en ce qui concerne les services. Cet aspect de l’appel doit être rejeté.

C. Confusion

[77] CWI s’est opposée à la demande au motif que GNR CAMPING WORLD et Dessin crée une confusion avec sa marque CAMPING WORLD. CWI admet que la Commission des oppositions a correctement cerné le critère de confusion en vertu de la Loi, les facteurs pertinents à prendre en considération et la jurisprudence applicable. Toutefois, elle soutient que la Commission des oppositions a commis des erreurs manifestes et dominantes dans son évaluation et sa pondération de ces facteurs, ce qui, selon elle, a entaché sa conclusion sur la question de savoir si la confusion était probable ou non.

[78] Le critère de la confusion consiste à déterminer si, à première vue, « [un] consommateur ordinaire plutôt pressé [qui voit] [la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques » serait susceptible d’être confondu, c’est-à-dire que ce consommateur penserait probablement que les produits ou services de l’autre personne proviennent de la même source que ceux du propriétaire de la marque enregistrée : voir Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 [Masterpiece] aux paragraphes 40 et 41.

[79] Pour déterminer si les marques créent de la confusion, toutes les circonstances pertinentes doivent être prises en compte, y compris les facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trademarks or trade names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trademarks or trade names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux, notamment dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trademarks or trade names, including in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[80] La Commission des oppositions a estimé que la marque CAMPING WORLD de CWI présentait « un faible caractère distinctif inhérent, puisqu’elle témoigne fortement de la nature des produits et des services offerts par l’Opposante, à savoir la vente et le service de RV et d’accessoires connexes utilisés pour le camping ». En comparaison, elle a estimé que la marque de GNR « possède un caractère distinctif inhérent plus élevé » en concluant que « l’élément le plus frappant et dominant [...] est le terme “GNR” ». La Commission des oppositions a fondé cette conclusion sur le fait que le terme « GNR » est « affiché dans la police la plus grande et [est le] premier terme lu lorsque l’on regarde la Marque ».

[81] CWI avance deux arguments à l’appui de sa thèse selon laquelle la marque CAMPING WORLD [traduction] « est intrinsèquement distinctive ». Le premier est qu’elle [traduction] « a acquis un caractère distinctif substantiel grâce à des années de ventes et de marketing importants auprès des Canadiens ». Le second est son utilisation en rapport avec les véhicules de plaisance et les produits connexes :

Si « CAMPING WORLD » peut, dans une certaine mesure, évoquer le matériel de camping proposé par CWI, il n’en va pas de même pour les produits et services liés aux véhicules de plaisance. « CAMPING WORLD » ne laisse entendre ni n’indique que CWI vend des biens ou des services liés aux véhicules récréatifs. Associée à des produits et services liés aux véhicules de plaisance, la marque « CAMPING WORLD » n’a pas de signification évidente ou manifeste, et un consommateur devrait faire preuve de réflexion, de perception et d’analyse pour parvenir à une quelconque signification.

[82] J’admets que les ventes substantielles réalisées par CWI sont pertinentes pour ce qui est d’évaluer la mesure dans laquelle une marque est devenue connue. Cela concerne la deuxième phrase conjonctive de l’alinéa 6(5)a) de la Loi, mais je ne vois pas en quoi elle a un rapport avec la première, car elle ne dit rien du caractère distinctif « inhérent » d’une marque.

[83] À mon avis, le terme « camping » est généralement considéré comme une activité consistant à passer des vacances dans un camp, une tente ou une fourgonnette de camping. Avant l’ère de l’automobile, le camping se limitait peut-être aux tentes et aux appentis, mais avec l’aisance est venue l’ère des motorisés ou des fourgonnettes de camping. Je suis d’avis, comme je suppose que l’était la Commission des oppositions, que les véhicules de plaisance et les biens et services liés aux véhicules de plaisance sont associés au camping. Les véhicules de plaisance sont souvent garés sur des terrains de camping et sont souvent appelés « fourgonnettes de camping ».

[84] CWI soutient en outre que l’acronyme non distinctif de trois lettres GNR, les éléments descriptifs RV CENTRE et WINNIPEG et un globe terrestre générique ne font que renforcer les mêmes idées que celles suggérées par l’élément CAMPING WORLD. L’examen de chacun des éléments indépendamment les uns des autres n’est pas une approche appropriée en ce qui concerne l’évaluation des marques. C’est l’ensemble des éléments qui doit être pris en considération, et non chacun d’entre eux séparément : voir Consolidated Footwear Co v Genfoot Inc (1987), 17 CPR (3d) 557. Je suis d’accord avec la Commission des oppositions que la marque a un certain degré de caractère distinctif inhérent selon une combinaison de tous les éléments indépendants.

[85] La ressemblance est évaluée en examinant s’il existe un aspect de la marque qui est particulièrement frappant ou unique : voir l’arrêt Masterpiece, au paragraphe 49. La Cour suprême du Canada a également déclaré que la ressemblance entre les marques aura souvent le plus grand effet sur l’analyse de la confusion.

[86] La Commission des oppositions a constaté que l’aspect le plus frappant de la marque de CWI est le terme « CAMPING WORLD », mais a estimé que l’aspect le plus frappant de la marque de GNR est le terme « GNR » et en conséquence, elle conclut ce qui suit :

Par conséquent, bien qu’il y ait un certain degré de ressemblance en raison de la présence commune du terme « CAMPING WORLD », à mon avis, les marques dans leur ensemble sont suffisamment différentes sur le plan de l’apparence, du son et de l’idée qu’elles véhiculent que ce facteur favorise la Requérante.

[87] CWI soutient qu’il existe un degré élevé de ressemblance entre les deux marques en raison de l’intégration de CAMPING WORLD dans la marque. Elle soutient que la Commission des oppositions a commis une erreur manifeste et dominante parce qu’elle n’a pas accordé la [traduction] « portée appropriée de la protection » à la marque CAMPING WORLD de CWI et [traduction] « s’est plutôt concentrée sur l’absence perçue de caractère distinctif inhérent en fonction d’hypothèses erronées quant au caractère prétendument suggestif ou descriptif de “CAMPING WORLD” ».

[88] Plus précisément, CWI affirme que [traduction] « l’ajout d’autres éléments génériques, descriptifs ou non distinctifs tels que “GNR”, “RV CENTRE” ou “WINNIPEG” n’est pas suffisant pour réduire la forte ressemblance résultant de la prise en compte de la marque CAMPING WORLD de CWI dans son intégralité ».

[89] Cette observation ne tient pas compte du fait que la Commission des oppositions a, à juste titre selon moi, estimé que le terme « GNR » était l’élément distinctif de la marque, alors que la marque « CAMPING WORLD » de CWI a été jugée comme ayant un faible caractère distinctif inhérent, car elle « témoigne fortement » de la nature des produits et des services offerts.

[90] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Masterpiece, au paragraphe 63, a fait observer ce qui suit : « Il a été établi que le premier mot est important lorsqu’il s’agit d’établir le caractère distinctif d’une marque (voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach, p. 188) ». Ce principe n’était pas pertinent dans l’arrêt Masterpiece puisque les deux marques concurrentes avaient le même premier mot. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[91] Dans la cause qui nous intéresse, la marque commence par le terme « GNR » qui, selon la Commission des oppositions, est son élément le plus distinctif. Bien que les autres mots de la marque soient identiques à la marque CAMPING WORLD de CWI, cela n’est pas déterminant pour le degré de ressemblance des marques concurrentes lorsqu’elles sont considérées dans leur ensemble. Cela est particulièrement vrai lorsque le premier mot de la marque concurrente est son élément distinctif.

[92] À mon avis, l’approche qu’adopte CWI équivaut à une analyse inappropriée des mots des marques concurrentes. Cette approche a été rejetée depuis longtemps. Un exemple invoqué par GNR est la décision du président Thorson de la Cour de l’Échiquier dans l’arrêt Sealy Products Ltd v Simpson’s Sears Ltd, 1960 CarswellNat 19, [1956-60] Ex CR 441, 20 Fox Pat C 76, 33 CPR 129, au paragraphe 16, qui fait référence à sa décision antérieure :

[traduction]

Dans l’affaire British Drug Houses Ltd. v Battle Pharmaceuticals (1944) Ex. C.R., à la p 239 à 251, (4 Fox Pat. C. 93, à la p 106), j’ai fait la déclaration suivante :

À mon avis, il est bien établi que, lorsque des marques de commerce sont formées d’une combinaison d’éléments, il ne convient pas, pour décider si elles sont semblables, de les décomposer selon leurs éléments, de se concentrer sur les éléments qui sont différents et de conclure qu’en raison des différences dans ces éléments, les marques dans leur ensemble sont différentes. Des marques de commerce peuvent être semblables lorsqu’on les regarde comme un tout, même si des différences peuvent apparaître dans certains éléments lorsqu’ils sont examinés séparément. C’est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère un caractère distinctif, et c’est l’effet de la marque de commerce dans son ensemble, plutôt que celui de l’une ou l’autre de ses parties en particulier, qui doit être pris en considération.

La décision dans l’arrêt mentionné ci-dessus a été confirmée par la Cour suprême du Canada, [1946] R.C.S. 50, (5 Fox Pat. C. 135) : voir aussi Re Christiansen’s Trade Mark (1886), 3 R.P.C. 54; Sandow Ltd.’s Application (1914), 31 R.P.C. 196; et Freed & Freed v. Registrar of Trade Marks et al., [1950] Ex. C.R., 431, (11 Fox Pat. C. 50).

[93] Pour ces motifs, j’estime que l’analyse du degré de ressemblance des marques concurrentes effectuée par la Commission des oppositions était appropriée et ne comportait pas d’erreur.

[94] CWI a abordé les autres facteurs en les regroupant. Elle soutient qu’aucun des autres facteurs de confusion ou des circonstances environnantes ne réduit substantiellement le risque de confusion. Elle souligne en particulier le fait que les produits, les services, les voies commerciales et les consommateurs probables des parties se chevauchent directement, ce qui constitue un facteur important qui pèse en sa faveur. Elle affirme que [traduction] « ce facteur est généralement reconnu comme très important dans l’analyse ».

[95] Je reconnais que la Commission des oppositions n’a peut-être pas expressément pris en compte ce facteur; cependant, elle était manifestement consciente du fait que les produits et services et les consommateurs probables de ces parties se chevauchaient. Je suis d’avis que la Commission des oppositions a pris en considération le chevauchement des produits, services et clients des parties lorsqu’elle a examiné l’absence de preuve d’une confusion réelle. En ce qui concerne la confusion réelle, la Commission des oppositions a déclaré ce qui suit aux paragraphes 60 à 63 :

La preuve de cas réels de confusion n’est pas requise pour démontrer une probabilité de confusion. Cependant, l’emploi simultané de deux marques de commerce sans de tels cas de confusion réelle est une circonstance de l’espèce qui peut suggérer une absence de probabilité de confusion, selon la nature et la durée particulières de cet emploi simultané [...]

En l’espèce, la preuve indique que la Marque de commerce de la Requérante et la marque de commerce CAMPING WORLD de l’Opposante coexistent sur le marché canadien depuis au moins 2008 (les deux parties ayant des ventes canadiennes raisonnablement importantes depuis ce temps) et qu’il n’y a aucune preuve de preuve de confusion réelle.

Je souligne que la coexistence de la Marque de la Requérante et des marques de commerce de l’Opposante n’a que peu, voire aucun, rapport avec les motifs d’opposition prévus aux articles [sic] 16(1)a) et b) pour lesquels la date pertinente est la date du premier emploi de la Marque par la Requérante. Toutefois, la preuve de la Requérante démontre que la Requérante et ses prédécesseurs ont employé des marques de commerce qui comprennent les termes « GNR » et « CAMPING WORLD » au Canada depuis au moins aussi tôt que 1976. Bien que ces marques de commerce antérieures ne soient pas identiques à la Marque visée par la présente procédure d’opposition, elles comprennent néanmoins l’expression « CAMPING WORLD », qui est à la base de l’allégation de confusion de l’Opposante dans cette affaire.

Les faits ci-dessus laissent entendre que, du moins dans ce cas, la simple présence du terme « CAMPING WORLD » en tant qu’élément de la Marque de la Requérante n’est pas suffisante pour qu’il y ait probabilité de confusion. Il s’agit d’une circonstance de l’espèce qui favorise la Requérante.

[Non souligné dans l’original; citations omises.]

[96] L’analyse de la Commission des oppositions était appropriée et ne contenait pas d’erreur manifeste et dominante justifiant son annulation. Sa conclusion, énoncée au paragraphe 64, est justifiée en fonction de son analyse :

Compte tenu de tous les facteurs pertinents susmentionnés, et particulièrement du faible caractère distinctif inhérent de la marque de commerce CAMPING WORLD de l’Opposante, du degré limité de ressemblance entre les marques des parties dans leur ensemble et de l’absence de cas réels de confusion malgré de nombreuses années de coexistence, je suis convaincu que la Requérante s’est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité de confusion.

9. Conclusion

[97] Les deux appels seront rejetés. Les parties ont proposé que, si tel était le cas, chaque partie assume ses propres dépens. Je suis du même avis.

 


JUGEMENT dans les dossiers T-1561-20 et T-1575-20

LA COUR REND L’ORDONNANCE qui suit :

Les appels interjetés dans chacun des deux dossiers sont rejetés et chaque partie assume ses propres dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1561-20 et T-1575-20

 

INTITULÉ :

G N R TRAVEL CENTRE LTD. c CWI, INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 OCTOBRE 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 JANVIER 2023

 

COMPARUTIONS :

Lynda Troup

 

Pour la DEMANDERESSE/INTIMÉE

 

James Green

 

Pour l’intimée/DEMANDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour la DEMANDERESSE/INTIMÉE

 

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée/DEMANDERESSE

 

 

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