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Date . 19980731

Dossier : INIM-4678-97

Entre

ZALOMON BERNARD CAMACHO MEDINA,

partie requérante,

-et­

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

partie intimée

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge TEITELBAUM

INTRODUCTION

[Il          Il y a en l'espèce demande de contrôle judiciaire contre la décision en date du 16 octobre 1997, par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section du statut) a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

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LES FAITS DE LA CAUSE

[2]      Le requérant, citoyen de la République dominicaine, fait valoir qu'il risque la persécution du fait de ses opinions politiques. Il a été un militant du Parti révolutionnaire dominicain (PRD) depuis l'âge de 18 ans et a participé à plusieurs campagnes électorales, au cours desquelles il distribuait des tracts de propagande et surveillait le scrutin à titre de délégué de son parti à Moca.

[3]           Il fait savoir qu'à la suite de manifestations auxquelles il participait pour protester contre les nombreuses irrégularités qui entachaient les élections du 16 mai 1994, il a été détenu pendant six heurs et qu'après sa remise en liberté, il a été menacé par les autorités militaires.

[4]         Le requérant fait aussi savoir qu'avec d'autres participants, il a dénoncé les fraudes électorales par une transmission radiophonique. Une semaine après, les militaires sont venus le chercher chez lui. Il n'était pas là, et ils lui ont laissé une convocation au poste militaire. Un avocat de ses amis y est allé à sa place et a appris que le requérant avait été convoqué pour répondre à quelques questions.

[5]         Le requérant fait savoir qu'en mai 1995, il a été menacé par plusieurs individus. Pour se soustraire à ces menaces, il est allé s'installer à Saint-Domingue. Il prétend que lors de son retour à Moca, deux membres du Parti réformiste social chrétien (PRSC) sont venus le chercher chez lui mais il n'était pas là.

Page: 3 [6]        Le requérant a quitté la République dominicaine en janvier 1996 pour le Canada où il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention, ce que ne lui a pas reconnu la section du statut.

[7]         Celle-ci l'a informé que d'après les preuves documentaires disponibles, la situation politique en République dominicaine a changé depuis les élections de 1996, puisque le PRSC ne jouit plus du pouvoir absolu comme pendant les années 1980 et au début des années 1990. De fait, celui-ci et le PRD partagent maintenant le pouvoir législatif et il n'y a aucune animosité entre les deux. En outre, le rapport consacré par le Département d'État des États-Unis à la situation des droits de la personne en République dominicaine, « Dominican Republic Country Report on Human Rights Practices » , indique qu'il n'y a eu ni répression politique, ni assassinats ni disparitions à mobiles politiques.

[8]         La section du statut en conclut que le requérant ne s'est pas acquitté de l'obligation qui lui incombait de prouver qu'il craignait avec raison d'être persécuté. C'est cette décision qui fait l'objet du recours en contrôle judiciaire.

ARGUMENTATION

1. L'argumentation du requérant

[9]         Le seul argument proposé par le requérant est que la décision de la section du statut n'était pas fondée sur l'ensemble des éléments de preuve et était de ce fait déraisonnable. Cet argument est tiré de l'existence d'autres preuves documentaires qui démontreraient le bien-fondé de sa crainte de persécution.

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2. L'argumentation de l'intimé

[10]          L'intimé s'appuie sur les preuves documentaires citées par la section du statut pour soutenir qu'il n'était pas déraisonnable de la part de cette dernière de conclure qu'il n'y avait aucune possibilité raisonnable de persécution. Il est vrai que le requérant invoque d'autres preuves documentaires, mais d'après l'intimé, il faut présumer que la section du statut a pris en compte toutes les preuves disponibles, et le fait qu'elle ne mentionnait que l'une d'entre elles ne signifie pas qu'elle ignorait les autres. L'intimé fait observer d'ailleurs qu'à deux reprises, la section du statut a indiqué qu'elle examinait toutes les preuves disponibles.

[11]       Par ailleurs, l'intimé note que la preuve documentaire citée par le requérant ne dit pas que les membres du PRD soient persécutés ou que le PRSC persécute qui que ce soit. Elle ne fait que mentionner le meurtre de huit personnes et des confrontations entre manifestants et forces de l'ordre.

[12]       À supposer même que la preuve documentaire invoquée par le requérant contredise celle citée dans la décision, l'intimé soutient qu'il est loisible à la section du statut d'ajouter foi à une preuve documentaire de préférence à une autre.

ANALYSE

[13]       La preuve documentaire invoquée par le requérant ne permet pas de conclure que la section du statut a commis une erreur. Le simple fait qu'elle n'a pas mentionné toutes les preuves ne signifie pas qu'elle les a ignorées (Hassan c. Canada (M.E.L) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Qui plus est, bien que ce document fasse état d'actes

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de violence en République dominicaine, il n'y est nullement question de persécution

contre les membres du PRD.

[14]       J'ai lu les documents invoqués par l'avocat du requérant, savoir la pièce A-29 à la page 331 du dossier du tribunal, la pièce A-6 à la page 217, la pièce P-10 à la page 61, la pièce A-11 à la page 151, et la pièce D-1 à la page 66. Je conclus de la lecture de toutes ces pièces qu'il n'était pas nécessaire que le tribunal analyse, au regard des prétentions du requérant, toutes ces preuves documentaires.

[15]       Il ressort de la transcription de l'audience du tribunal, en particulier des pages

348 à 352 du dossier de ce dernier, que la seule inquiétude du requérant - et la raison

pour laquelle il revendiquait le statut de réfugié - était son appartenance à un parti

politique, le PRD

PAR L'ACR (s'adressant au demandeur)

Q.             Monsieur, qu'est-ce que vous feriez si vous deviez retourner en République Dominicaine?

R.             Je crains pour ma vie à cause que j'appartenais à un parti politique, le P.R.D. Son leader principal c'est le Docteur Francis Copegnaromes (phonétique)...

Q.             On est au courant de ça, oui...

R.             ... le parti il n'a plus le nom selon l'accord de Santo Domingo.

Q.             Mais qu'est-ce que vous craignez exactement, là, parce que vous appartenez au Parti... au P.R.D., c'est pour ça que vous craignez de retourner en République Dominicaine?

R.             J'appartenais à un comité de la zone « Moka » (phonétique), dans ma province.

Q.             Vous savez qu'il y a eu des élections en 96?

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant au demandeur)

Q.             Monsieur, vous faisiez parti du P.R.D., mais qui craignez-vous, qui en particulier en République Dominicaine?

R.             Je crains en particulier à la possession, enfin en partie à la possession à ce moment-là

Q.             À ce moment-là ou aujourd'hui?

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R.

Aujourd'hui, je suis conscient qu'il y a eu un changement mais je crains

pour ma vie parce que moi je suis (inaudible) parce que ça n'a pas été

mon Parti qui a gagné, qui a emporté les élections.

Q.

Monsieur, je vais vous reposer la question, je vais être plus clair. On

sait le résultat des dernières... là quand on parle des dernières élections

on réfère aux élections du 16 mai 1996, c'est bien ça que vous référez?

R.

Oui.

Q.

Alors, on sait très bien les résultats, on sait très bien qui est en pouvoir.

Moi, je lis votre histoire et vous... vous parlez du Parti Réformiste

Social Chrétien, du Parti qui était au pouvoir à l'époque. Est-ce que

c'est ce parti-là que vous craignez, Monsieur?

R.

Spécialement en ce parti-là et c'est parce que dans ce parti même, il y a

une alliance.

Q.

Quelle alliance qu'il y a Monsieur?

R.

À savoir le pouvoir, à savoir qu'il y a toujours de la persécution dans

mon pays.

Q.

Monsieur vous ne répondez pas, là, on dit à quelle alliance, c'est la

question qui a été posée Monsieur?

R.

Ça veut dire, se sont joints le Parti Réformiste au Parti de Libération

Dominicaine, ça veut dire il y a eu une alliance.

Q.

Dernièrement ça Monsieur?

R.

Pendant les élections, lorsqu'ils ont (inaudible) les élections.

Q.

Ça veut dire les élections de 96, c'est bien ça?

R.

Oui.

Q.

Monsieur, alors c'est le P.R.S.C. qui... vous avez peur de ce parti-là?

R.

Voulez-vous répéter la question.

Q.

C'est le Parti Réformiste que vous avez peur?

R.

Oui.

Q.

Est-ce que c'est votre seule peur, c'est ça?

R.

J'ai peur aussi de retourner dans mon pays parce que je suis socialiste.

Q.

Parce que votre Parti Républicain Dominicain est un peu à la gauche

c'est ça?

R.

Oui.

Q.

C'est ça?

R.

Oui.

O.K. Monsieur, je vais vous confronter à une documentation au point de

vue politique. Alors, je vous confronte à certaines... on parle des

articles de journaux, le P-29.

On parle Monsieur que le P.L.D. est au pouvoir, ça on le sait, ils ont le

pouvoir. Sauf que le P.R.D. et le Parti Réformiste ont le pouvoir

législatif.

Ça veut dire que le pouvoir est un peu, là... et même on souligne qu'il y

a des ententes entre le P.R.D. et le Parti Réformiste Social Chrétien,

O.K., le Parti que vous craignez un peu parce que, depuis 96, le pouvoir

a changé, Monsieur Bellager (phonétique) n'est plus là.

Alors, politiquement, le gouvernement a beaucoup changé en République

Dominicaine.

R.

Je crains pour ce que j'ai dit antérieurement. Parce que je sais que là­

bas je vais faire face au problème encore mais tandis qu'ici au Canada

je me sens tranquille. Même si ici je suis seul, je n'ai pas de famille.

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Q. R.

Q.

Mais Monsieur du fait que le P.R.D. a un pouvoir législatif, vous ne vous sentez pas un peu protégé Monsieur?

Je crains de retourner dans mon pays et je demande au Canada d'être accepté et si le Canada ne peut pas, ça veut dire ma mort. Aussi, vous pouvez m'envoyer dans n'importe quel autre pays.

Monsieur, je vous ai posé la question et je vais le reposer parce que vous n'avez pas répondu à ma question. Monsieur, je vous ai énuméré les résultats de 1996, le P.R.D. a un pouvoir actuellement. Même, il côtoie votre ancien ennemi, comme vous dites, le P.R.S.C. et ils sont au pouvoir, ils ont un pouvoir législatif.

Cela veut dire qu'ils peuvent intervenir facilement. C'était ça ma question et vous craignez encore en République Dominicaine?

R.

Oui et je crains beaucoup d'arriver à mon pays parce que j'ai été menacé plusieurs fois dans mon pays.

Q.

R.

Bon, alors même s'il y a un changement politique, vous avez encore peur?

Oui.

PAR LE PRÉSIDENT (s'adressant à l'acr)

Bon, continuez madame Decelle.

PAR L'ACR (s'adressant au demandeur)

Monsieur, je vais vous lire les déclarations que vous avez faites lorsque vous avez commandé votre visa pour venir au Canada. C'est écrit en espagnol. Peut-être que Madame l'interprète pourrait traduire.

PAR L'INTERPRÈTE (traduisant les déclarations)

Moi, Camacho Medina Zalomon, de la République Dominicaine, je déclare solennellement que: - je déclare ne pas avoir de problèmes politiques dans mon pays, la République Dominicaine, et pourtant je ne demande pas l'asile politique. En plus, j'accepte de retourner volontairement dans mon pays le plus tôt possible. Signature. Montréal le 30 janvier 1996-.

[16]       Les preuves produites devant le tribunal, et le requérant lui-même le reconnaît, montrent que la situation a changé en République dominicaine et que le PRD participe maintenant, en quelque sorte, au pouvoir dans ce pays. Je dis « en quelque sorte » parce que ce parti ne contrôle pas le pouvoir législatif, mais il y a partage en ce qui concerne la présidence et l'exécutif.

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[17]       La plupart des preuves documentaires soumises par le requérant indiquent que

de manière générale, les militaires ont trempé dans un certain nombre d'exécutions

sommaires. Cependant, ce fait n'a lui-même aucun rapport avec la prétention du requérant au statut de réfugié.

[18]          Je ne peux conclure que la décision du tribunal est déraisonnable et doit être infirmée.

[19]       Je ne tiens pas à dire que le tribunal n'aurait pu faire état des pièces produites par le requérant ou qu'en citant un document, il ne devrait en citer que le ou les passages applicables. Je conclus néanmoins que la décision qu'il a rendue à la lumière des éléments de preuve dont il était saisi est raisonnable et qu'il n'y a pas lieu de l'annuler.

CONCLUSION

[20]       Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Page: 9 [21]      Ni l'une ni l'autre partie, interrogée à ce sujet, ne propose une question à certifier.

"Max M. Teitelbaum"

Judge

OTTAWA(Ontario)

COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE LA COUR:                         IMM-4678-97

INTITULÉ :                                   ZALOMON BERNARD CAMACHO MEDINA v. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              OTTAWA, ONTARIO

DATE DE L'AUDIENCE :            22 JUILLET 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM EN DATE DU 31 JUILLET 1998

COMPARUTIONS

Me MICHEL LE BRUN

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

Me CAROLINE DOYON

POUR LA PARTIE INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Me MICHEL LEBRUN

POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

Me CAROLINE DOYON

M. Morris Rosenberg                                                                POUR LA PARTIE INTIMÉE Sous-procureur général du Canada

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