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Date : 20221220


Dossier : IMM-301-22

Référence : 2022 CF 1765

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2022

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

IZUCHUKWU CHRISTOPHER ONWUASOANYA

MUNACHIMSO ANGEL ONWUASOANYA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Izuchukwu Christopher Onwuasoanya, est citoyen du Nigéria. Il est arrivé au Canada avec son épouse et ses deux filles en décembre 2017. Sa fille Munachimso Angel Onwuasoanya est la deuxième demanderesse et elle est citoyenne des États-Unis. L’épouse et la fille aînée de M. Onwuasoanya n’étaient pas partie à l’instance devant la Section d’appel des réfugiés [la SAR], étant donné que la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a accepté leurs demandes d’asile.

[2] M. Onwuasoanya sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du 16 décembre 2021 par laquelle la SAR de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a confirmé la décision de la SPR selon laquelle il n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le rejet de la demande de Munachimso par la SPR n’a pas été contesté devant la SAR ni devant notre Cour.

[3] Pour la SPR, tout comme pour la SAR, les questions déterminantes ont été celles de la crédibilité et du fondement objectif de la crainte d’être persécuté.

[4] M. Onwuasoanya soutient que la décision de la SAR est déraisonnable parce que cette dernière n’a pas véritablement pris en compte le rapport de la psychothérapeute concernant ses problèmes de perte de mémoire. Il affirme que ce manquement a conduit la SAR à rendre une décision sur sa crédibilité qui n’est pas justifiée au regard des faits inscrits au dossier ou des contraintes juridiques auxquelles elle est assujettie.

[5] Après avoir examiné le dossier soumis à la Cour, y compris les observations écrites et orales des parties, ainsi que le droit applicable, j’estime que M. Onwuasoanya ne m’a pas convaincue que la décision de la SAR est déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Questions en litige et norme de contrôle applicable

[6] La seule question à trancher est celle de la conclusion de la SAR relative à la crédibilité et, en particulier, celle de savoir si la SAR a commis une erreur dans la façon dont elle a traité le rapport du 22 janvier 2021 de la psychothérapeute agréée, Adetoun Ahmed [rapport de la psychothérapeute].

[7] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Il incombe à M. Onwuasoanya, la partie qui conteste la décision de la SAR, d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100). Pour pouvoir intervenir, la cour de révision doit être convaincue par la partie contestant la décision que celle-ci « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », et les lacunes ou insuffisances reprochées « ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[8] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12‑13). Ainsi, on doit faire preuve de retenue, tout particulièrement à l’égard des conclusions de fait et de l’appréciation de la preuve. À moins de circonstances exceptionnelles, la cour de révision ne devrait pas modifier les conclusions de fait du décideur, et ce n’est pas son rôle, s’agissant d’une demande de contrôle judiciaire, d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur (Vavilov, au para 125). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas une « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur ». La cour de révision doit simplement être convaincue que le raisonnement du décideur « se tient » (Vavilov, aux para 102, 104).

III. Analyse

[9] La question centrale est celle de la conclusion de la SAR quant à la crédibilité de M. Onwuasoanya.

[10] Les conclusions quant à la crédibilité font partie du processus de recherche des faits, et leur contrôle commande une grande retenue (Fageir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 966 au para 29 [Fageir]; Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 721 [Tran] au para 35; Azenabor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1160 au para 6). De telles conclusions tirées par la SAR et la SPR requièrent un degré élevé de retenue judiciaire et il n’y a lieu de les infirmer que dans « les cas les plus évidents » (Liang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 720 au para 12). Les décisions quant à la crédibilité ont été décrites comme constituant « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits, […] et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve » (Fageir, au para 29; Tran, au para 35; Edmond c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 644 au para 22, citant Gong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 165 au para 9).

[11] Le formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA] a été signé le 19 décembre 2017 et modifié de manière importante le 21 février 2021. La SPR a estimé que, même à la lumière du contenu du rapport de la psychothérapeute, M. Onwuasoanya n’avait pas fourni d’explication raisonnable concernant les modifications importantes apportées au FDA et le défaut de fournir des documents justificatifs. Elle a conclu que les informations contenues dans les modifications étaient probablement des embellissements.

[12] La SAR a examiné le contenu des modifications faites en février 2021, ainsi que les documents à l’appui, et a considéré que la SPR n’avait pas commis d’erreur dans son évaluation. Elle a mentionné que le rapport de la psychothérapeute précise que M. Onwuasoanya a des difficultés de concentration, de mémoire et d’attention, et souffre d’un trouble anxieux général, d’une dépression sévère et d’un trouble de stress post-traumatique. La SAR a souligné que ce rapport avait été déposé en février 2021, tout comme la conclusion de la SPR selon laquelle celui‑ci ne justifiait pas suffisamment les omissions de M. Onwuasoanya et le temps qui s’est écoulé entre décembre 2017 et février 2021.

[13] M. Onwuasoanya soutient que la décision de la SAR est déraisonnable parce que cette dernière n’a pas véritablement pris en compte le rapport de la psychothérapeute et que ce manquement a eu une incidence sur ses conclusions en matière de crédibilité. Il affirme que les motifs que la SAR a fournis ne permettent pas de comprendre pourquoi le rapport de la psychothérapeute ne répondait pas de manière adéquate à ses préoccupations en matière de crédibilité.

[14] Je ne suis pas convaincue que la SAR a commis une erreur, et ce pour trois motifs. Tout d’abord, après avoir examiné les conclusions relatives à la crédibilité, notamment que les détails ajoutés au FDA constituent des embellissements, et le dossier sur lequel elles sont fondées, je ne suis pas convaincue que les conclusions de la SAR sont déraisonnables. La SAR pouvait néanmoins conclure, après avoir examiné le rapport de la psychothérapeute, que celui-ci n’expliquait pas adéquatement les omissions de M. Onwuasoanya ou le fait qu’il ne les a pas justifiées de manière satisfaisante. Étant donné que les conclusions de la SAR portent sur la crédibilité, il convient de faire preuve d’une grande retenue à leur égard et je refuse d’intervenir.

[15] Deuxièmement, M. Onwuasoanya n’a pas soulevé la question du rapport de la psychothérapeute dans ses observations devant la SAR. On peut difficilement reprocher à la SAR de ne pas avoir examiné plus en profondeur le rapport de la psychothérapeute, alors que la question n’avait pas été soulevée en appel (Dakpokpo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 580 au para 14; Enweliku c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 228 au para 42).

[16] Troisièmement, je suis d’accord avec le défendeur, le rapport de la psychothérapeute ne peut pas faire office de panacée pour les lacunes constatées dans la preuve de M. Onwuasoanya et les conclusions négatives en matière de crédibilité qui en découlent (Khatun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 159 au para 94).

IV. Conclusion

[17] Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que M. Onwuasoanya ne s’est pas acquitté du fardeau de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable (Vavilov, au para 100). Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

[18] Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-301-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question à certifier.

« Vanessa Rochester »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑301‑22

INTITULÉ :

IZUCHUKWU CHRISTOPHER ONWUASOANYA ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 DÉCEMBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :

Le 20 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Julien Saint-Amour Lavigne

Pour les demandeurs

Julien Primeau-Lafaille

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Julien Saint-Amour Lavigne

Montréal (Québec)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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