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Date : 20221215


Dossier : T-1497-20

Référence : 2022 CF 1739

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 décembre 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

LORAN THOMPSON

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. INTRODUCTION

[1] M. Loran Thompson, qui exploite une entreprise sous le nom de « Native Food Distribution » (le « demandeur »), demande le contrôle judiciaire de la décision prise le 17 mai 2019 (la « décision ») par l’Agence des services frontaliers du Canada (« l’ASFC »). Dans cette décision, l’ASFC a informé le demandeur qu’elle n’était pas en mesure de traiter sa demande d’appel de la décision concernant la remise de droits, puisque son appel était considéré comme invalide.

[2] Conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »), le défendeur est le procureur général du Canada (le « défendeur »).

[3] Dans son avis de demande, le demandeur demande la réparation suivante :

[traduction]

[…] un mandamus enjoignant à l’ASFC de faire droit à l’appel concernant une somme de 1 501 474,56 $ au titre du tarif, compte tenu des droits conférés au demandeur à titre d’Autochtone sous le régime de la Loi constitutionnelle de 1982.

II. L’HISTORIQUE PROCÉDURAL

[4] Par un avis de requête déposé le 13 novembre 2019, le demandeur a demandé une prorogation du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision.

[5] Par une ordonnance rendue le 17 janvier 2020, la juge Elliott a rejeté la requête du demandeur, sans qu’il soit porté atteinte à son droit de déposer une autre requête, avec de nouveaux documents à l’appui.

[6] Le demandeur a présenté une autre requête le 25 septembre 2020. Par une ordonnance rendue le 24 novembre 2020, le juge Little a accordé une prorogation de délai, et le demandeur a déposé sa demande de contrôle judiciaire le 11 décembre 2020.

[7] L’audition de l’affaire a été fixée pour le 18 janvier 2022. L’audience n’a pas eu lieu à cette date. La Cour a entamé une discussion avec les parties et a relevé certaines lacunes dans le dossier et dans le nom du demandeur. Une directive écrite a été délivrée le 18 janvier 2022. Les parties ont déposé d’autres exposés d’arguments, et l’audition de l’affaire a été reportée au 15 juin 2022.

III. LE CONTEXTE

[8] Les détails ci-dessous proviennent du dossier certifié du tribunal (le « DCT »), qui a été déposé conformément à l’article 318 des Règles, ainsi que des affidavits déposés par les parties.

[9] Le demandeur a déposé son propre affidavit, souscrit le 4 mars 2020. Cet affidavit a été inclus dans son premier dossier de demande, déposé le 24 septembre 2021, et dans son deuxième dossier de demande, déposé le 25 mars 2022.

[10] Le demandeur a également joint à ses dossiers de demande l’affidavit de M. Wilfred Davey, une personne qui l’a aidé à présenter sa demande de prorogation du délai pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

[11] De même, M. Davey a aidé le demandeur à régler la question des droits. Avec l’autorisation de la Cour, M. Davey a comparu lors de l’audition de la demande le 18 janvier 2022 et le 15 juin 2022. Il a présenté des observations au nom du demandeur.

[12] Le défendeur a déposé l’affidavit de M. Jan Wojcik, souscrit le 6 avril 2021.

[13] M. Wojcik est un conseiller principal du programme des recours au sein de l’ASFC. Il a déclaré que ce poste lui donnait accès à certains documents concernant l’entreprise exploitée par le demandeur. Dans son affidavit, il renvoie au Décret de remise visant les résidents d’Akwesasne, DORS/91-412 (le « Décret de remise »), qui permet l’importation de certaines marchandises des États-Unis au Canada, sans avoir à payer des droits.

[14] M. Wojcik a décrit l’historique des faits ayant mené à la décision selon laquelle des droits étaient exigés pour certaines marchandises importées au Canada en 2014 et à la demande de paiement de droits de 1 501 474,56 $. Cette demande a été présentée au moyen de relevés détaillés de rajustement (les « RDR ») qui ont été délivrés le 31 août 2017. Des copies des RDR ont été jointes comme pièces à son affidavit.

[15] Le demandeur a procédé au contre-interrogatoire écrit de M. Wojcik en fournissant une liste de questions. Les réponses de M. Wojcik sont jointes à l’affidavit du demandeur en tant que pièce 1a.

[16] Le demandeur est un membre de la Nation mohawk d’Akwesasne, qui réside à Akwesasne (Ontario), sur le territoire de la Nation mohawk. Il se décrit lui-même comme un [traduction] « homme haudenosaunee ».

[17] Le demandeur exploitait un magasin communautaire qui vendait de la nourriture et d’autres produits aux résidents de la réserve d’Akwesasne.

[18] À plusieurs reprises en 2014, le demandeur s’est rendu aux États-Unis pour se procurer son inventaire. Il est retourné au Canada par le pont Ambassador à Windsor (Ontario). Lorsqu’il a importé des marchandises en 2014, il a obtenu une remise de droits, conformément au Décret de remise.

[19] Une lettre datée du 24 avril 2017 a été envoyée au demandeur, l’informant qu’une [traduction] « vérification » avait été effectuée à l’égard des marchandises déclarées par Native Food Distribution entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2015. À la suite de ce processus, l’ASFC a décidé que les marchandises importées en 2014 ne respectaient pas les conditions du Décret de remise, parce que le demandeur n’était pas entré au Canada à la frontière à Cornwall.

[20] Le défendeur fait référence à cette lettre comme étant une [traduction] « lettre d’observation dirigée », par laquelle l’ASFC a demandé les renseignements suivants [traduit tel que reproduit dans la version anglaise] :

[traduction]

[…] Veuillez présenter un formulaire de demande de rajustement (B2) et les documents justificatifs suivants dans les 90 jours suivant la présente lettre :

formulaire de demande de rajustement (B2) retirant l’autorisation spéciale 91-1129;

connaissement;

facture commerciale;

bon de commande.

[21] L’ASFC a également averti que le défaut de fournir les [traduction] « corrections » demandées pourrait entraîner l’imposition de [traduction] « sanctions pécuniaires administratives ».

[22] L’ASFC a envoyé une autre lettre datée du 18 mai 2017, qui contenait la même demande de renseignements que dans la lettre du 24 avril 2017.

[23] Un avis d’arriéré de 1 501 474,56 $ a été délivré le 7 mars 2018.

[24] Un avis de constitution de privilège a été délivré le 9 avril 2018 à l’égard de la somme demandée dans l’avis d’arriéré daté du 7 mars 2018.

[25] L’Agence du revenu du Canada (« l’ARC) ») a envoyé au demandeur une lettre datée du 11 septembre 2018, signée par E. MacDonald, Recouvrement des douanes, l’informant que, selon ses dossiers, la somme de 1 501 474,56 $ n’avait pas été versée et demeurait impayée.

[26] Le demandeur a répondu à Mme MacDonald par une lettre datée du 15 octobre 2018, envoyée par télécopieur le 22 octobre 2018. Il a mentionné qu’il n’était pas au courant de la demande de frais de douanes impayés et a demandé des précisions. Il a fourni des renseignements généraux sur l’exploitation de « Native Food Distribution » et a déclaré que [traduction] « [s]on entreprise n’a[vait] pas été exploitée depuis 2014 (juste après la rencontre avec les Douanes) ».

[27] Dans cette lettre, le demandeur a demandé des [traduction] « détails » sur la question soulevée dans la lettre du 11 septembre 2018. Il a affirmé que, depuis sa [traduction] « rencontre avec les Douanes en 2014 », ses anciens partenaires commerciaux avaient utilisé frauduleusement le nom et l’adresse de son entreprise pour importer des marchandises à son insu ou sans son consentement.

[28] Mme Annie Grenier, gestionnaire des programmes régionaux, Opérations liées aux échanges commerciaux, de l’ASFC, a répondu au demandeur par une lettre datée du 18 décembre 2018. Elle a écrit que son bureau avait reçu la lettre du 15 octobre 2018 du demandeur le 14 novembre 2018. Elle a également renvoyé aux documents qu’elle avait joints à sa lettre, y compris les RDR, et a informé le demandeur qu’il pouvait demander le contrôle judiciaire des RDR à la Cour fédérale, mentionnant ce qui suit :

[traduction]

Veuillez noter que vous pouvez demander le contrôle de la décision concernant les relevés détaillés de rajustement, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, à l’égard de toute demande d’exonération de droits de douane contre la Couronne.

[29] Par une lettre datée du 12 janvier 2019, M. Davey a écrit au nom du demandeur au sujet de la lettre de Mme MacDonald, datée du 11 septembre 2018. La lettre était adressée à [traduction] « Mme Anne Griemen, agente chargée de la décision » [traduit tel que reproduit dans la version anglaise].

[30] Dans cette lettre, le demandeur s’est opposé à la cotisation de l’ARC, affirmant que la réserve d’Akwesasne était une [traduction] « zone hors taxe exemptée de droits de douane » et qu’il demeurait fidèle à ses [traduction] « droits reçus en héritage », comme le prévoit la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 (la Loi constitutionnelle de 1982).

[31] Dans la lettre datée du 12 janvier 2019, le demandeur a également déclaré ce qui suit [traduit tel que reproduit dans la version anglaise] :

[traduction]

4. Je présente une requête en prorogation du délai à la Cour canadienne de l’impôt, puisque M. Loran Thompson a dépassé le délai de 45 jours indiqué dans votre lettre du 11 septembre 2018[.]

5. Je présente également une requête afin de m’opposer à votre cotisation pour 2014-2015 à la Cour canadienne de l’impôt, comme l’a indiqué Anne Grieman[;] les articles auxquels vous renvoyez n’ont pas expliqué l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales[.] Veuillez préciser[.]

[32] Par une lettre du 5 février 2019, Mme Line Lanthier, agente principale du greffe à la Cour canadienne de l’impôt, a informé le demandeur qu’il manquait certains documents dans ses observations. Elle a indiqué qu’aucune autre mesure ne serait prise tant que les renseignements nécessaires n’auraient pas été fournis.

[33] Le demandeur a répondu à Mme Lanthier par une lettre datée du 23 avril 2019, renvoyant à plusieurs pièces jointes, y compris une copie d’une demande de prorogation du délai pour déposer une opposition à la cotisation relative aux droits.

[34] Selon un avis de transmission de télécopie daté du 13 mai 2019 de E. MacDonald, agente de recouvrement, Section de la sélection des douanes, l’ARC a envoyé au demandeur une copie de la lettre datée du 11 septembre 2018.

[35] Par une lettre datée du 17 mai 2019, Audrey McMillan, au nom de l’Unité du triage du secteur commercial de l’ASFC, a informé le demandeur que l’avis d’opposition qu’il avait présenté [traduction] « [leur] a[vait] été transmis et [qu’il avait été] reçu le 7 mars 2019 à titre de demande de révision ou de réexamen, selon l’article 60 de la Loi sur les douanes (la LD) ».

[36] Mme McMillan a ajouté que l’ASFC n’avait pas été en mesure de [traduction] « traiter » la demande du demandeur, parce que [traduction] « l’appel [était] considéré comme invalide ».

[37] Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision de l’ASFC, telle qu’elle est énoncée dans la lettre de celle‑ci, datée du 17 mai 2019.

IV. LES OBSERVATIONS

A. Les observations du demandeur

[38] Le demandeur fait valoir qu’il s’est conformé aux exigences du Décret de remise en déclarant l’importation des marchandises au bureau de douane de Cornwall. Il ajoute qu’il n’était pas tenu de faire passer les marchandises par Cornwall.

[39] En outre, le demandeur soutient qu’en tant que membre de la Confédération iroquoise des Haudenosaunee, il n’est pas assujetti aux lois du Canada. Il plaide que les Iroquois bénéficient d’un statut d’exemption fiscale qui [traduction] « constitue un droit issu d’un traité ». Il fait valoir que les actions de l’ARC constituent une violation de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, précitée.

[40] De même, le demandeur fait valoir que les actions de l’ASFC sont discriminatoires. Il critique l’absence d’un affidavit de la part de M. McGregor et se plaint qu’on lui a refusé la possibilité de présenter sa cause devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE).

B. Les observations du défendeur

[41] Le défendeur fait valoir que la preuve démontre que le demandeur a déclaré l’importation de marchandises au bureau de douane du pont Ambassador, à Windsor, plutôt qu’au bureau de douane de Cornwall, qu’il n’a pas respecté l’alinéa 8a) du Décret de remise et que, par conséquent, les conditions de remise des droits n’existaient pas.

[42] Le défendeur soutient en outre que les RDR ont été délivrés de manière raisonnable. De même, il fait valoir que les conditions n’existent pas pour que le demandeur interjette appel auprès du TCCE, conformément à l’article 60 de la Loi sur les douanes, LRC 1985, c 1 (2e supp) (la Loi).

V. ANALYSE ET DISPOSITION

[43] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision énoncée dans une lettre de l’ASFC, datée du 17 mai 2019, adressée au demandeur. La lettre est censée rejeter l’appel interjeté par le demandeur contre l’annulation de la remise de certains droits à l’importation de marchandises au Canada. La lettre est désignée par le demandeur comme la [traduction] « décision » dans son avis de demande de contrôle judiciaire.

[44] Le dispositif de la lettre est ainsi rédigé :

[traduction]

L’avis d’opposition que vous avez présenté à l’Agence du revenu du Canada nous a été transmis et nous l’avons reçu le 7 mars 2019 à titre de demande de révision ou de réexamen en vertu de l’article 60 de la Loi sur les douanes (la LD). Votre demande d’appel concerne la remise de droits au titre du Décret de remise visant les résidents d’Akwesasne (91-1129) et les trois relevés détaillés de rajustement (les RDR) subséquents délivrés au titre du Tarif des douanes. Le cœur de la question est que les marchandises ne respectaient pas les conditions énoncées aux articles 7, 8 et 9 du Décret de remise visant les résidents d’Akwesasne (91-1129), puisque les marchandises ont été déclarées au titre de l’article 12 de la LD au pont Ambassador, à Windsor, plutôt qu’au bureau de douane de Cornwall, au moment de l’importation et qu’elles ont été déclarées en détail au pont Ambassador, à Windsor, plutôt qu’au bureau de douane de Cornwall, au titre de l’article 32 de la LD.

Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de traiter votre demande, puisque votre appel est considéré comme invalide pour les motifs suivants :

1. La remise de droits au titre du Décret de remise visant les résidents d’Akwesasne (91-1129) ne constitue pas une révision ou un réexamen de l’origine, du classement tarifaire, de la valeur en douane ou d’une décision sur la conformité de marques, et ne peut donc pas être visée par l’article 60.

2. Aux termes de l’article 60, une demande d’appel ne peut être présentée qu’après le versement de tous droits et intérêts dus sur les marchandises ou après que le ministre a jugé satisfaisante une garantie du versement du montant de ces droits et intérêts. Vous n’avez pas satisfait à cette exigence.

3. Aux termes de l’article 60, une demande d’appel doit être présentée dans les 90 jours suivant la notification de l’avis prévu au paragraphe 59(2). Vous n’avez pas satisfait à cette exigence.

4. En outre, une demande de prorogation de délai en vertu de l’article 60.1 ne peut pas être examinée, puisqu’une demande aurait dû être faite dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 60.

Si vous estimez avoir des motifs justifiant un contrôle judiciaire, vous pouvez déposer une demande auprès de la Cour fédérale dans les 30 jours qui suivent.

[45] La lettre précise que la remise de droits n’est pas disponible, parce que l’importation des marchandises ne répondait pas aux conditions énoncées aux articles 7, 8 et 9 du Décret de remise. Ces articles sont ainsi libellés :

7 La remise visée à l’article 4 est accordée au résident d’Akwesasne aux conditions suivantes :

7 The remission referred to in section 4 is granted to an Akwesasne resident on condition that

a) les marchandises sont déclarées, conformément à l’article 12 de la Loi sur les douanes, au bureau de douane de Cornwall au moment de leur importation et y sont déclarées en détail conformément à l’article 32 de cette loi;

(a) the goods are reported under section 12 of the Customs Act at the Cornwall customs office at the time of importation and accounted for at the Cornwall customs office under section 32 of that Act;

b) le résident d’Akwesasne présente une pièce d’identité autorisée à l’agent des douanes du bureau de douane de Cornwall au moment de l’importation des marchandises;

(b) an authorized identification is presented by the Akwesasne resident to the customs officer at the Cornwall customs office at the time of importation;

c) les marchandises sont destinées à l’usage personnel du résident d’Akwesasne ou sont importées pour l’usage personnel d’un autre résident d’Akwesasne;

(c) the goods are for the personal use of that Akwesasne resident or are imported for the personal use of another Akwesesne resident;

d) dans les 12 mois suivant la date de leur importation, les marchandises importées pour usage personnel ne sont vendues ou autrement cédées à nul autre qu’un résident d’Akwesasne pour son usage personnel;

(d) the goods that are imported for personal use are not sold or otherwise transferred within 12 months after the day of importation, other than to an Akwesasne resident for the personal use of that Akwesasne resident; and

e) lorsque des droits ont été payés, une demande de remise est présentée au ministre du Revenu national dans les deux ans suivant la date de la déclaration en détail des marchandises, faite conformément à l’article 32 de la Loi sur les douanes.

(e) where duties have been paid, a claim for remission is made to the Minister of National Revenue within two years after the day the goods are accounted for under section 32 of the Customs Act.

8 La remise visée à l’article 5 est accordée au propriétaire ou à l’exploitant d’un magasin communautaire dûment autorisé, aux conditions suivantes :

8 The remission referred to in section 5 is granted to an owner or operator of a duly authorized community store on condition that

a) les marchandises énumérées à l’annexe sont déclarées, conformément à l’article 12 de la Loi sur les douanes, au bureau de douane de Cornwall au moment de leur importation et y sont déclarées en détail conformément à l’article 32 de cette loi;

(a) the goods set out in the schedule are reported under section 12 of the Customs Act at the Cornwall customs office at the time of importation and accounted for at the Cornwall customs office under section 32 of that Act;

b) une preuve de l’autorisation d’exploiter le magasin est présentée à l’agent des douanes du bureau de douane de Cornwall au moment de l’importation des marchandises;

(b) evidence of the authorization to operate the duly authorized community store is presented to the customs officer at the Cornwall customs office at the time of importation;

c) les marchandises énumérées à l’annexe ne sont vendues qu’aux résidents d’Akwesasne pour leur usage personnel ou celui d’un autre résident d’Akwesasne;

(c) the goods set out in the schedule are sold only to Akwesasne residents for their personal use or the personal use of another Akwesasne resident; and

d) lorsque des droits ont été payés, une demande de remise est présentée au ministre du Revenu national dans les deux ans suivant la date de la déclaration en détail des marchandises, faite conformément à l’article 32 de la Loi sur les douanes.

(d) where duties have been paid, a claim for remission is made to the Minister of National Revenue within two years after the day the goods are accounted for under section 32 of the Customs Act.

9 La remise visée à l’article 6 est accordée au Conseil mohawk d’Akwesasne ou à tout organisme autorisé par celui-ci à importer les marchandises mentionnées à l’article 6, aux conditions suivantes :

9 The remission referred to in section 6 is granted to the Mohawk Council of Akwesasne and to any entity authorized by the Mohawk Council of Akwesasne to import goods referred to in section 6 on condition that

a) les marchandises sont déclarées, conformément à l’article 12 de la Loi sur les douanes, au bureau de douane de Cornwall au moment de leur importation et y sont déclarées en détail conformément à l’article 32 de cette loi;

(a) the goods are reported under section 12 of the Customs Act at the Cornwall customs office at the time of importation and accounted for at the Cornwall customs office under section 32 of that Act;

b) lorsque les marchandises sont importées par un organisme autorisé à cette fin par le Conseil mohawk d’Akwesasne, une preuve de cette autorisation est présentée, au moment de l’importation, à l’agent des douanes du bureau de douane de Cornwall;

(b) where the goods are imported by an entity authorized by the Mohawk Council of Akwesasne to import the goods, evidence of the authorization is presented to the customs officer at the Cornwall customs office at the time of importation;

c) dans les 12 mois suivant la date de leur importation, les marchandises ne sont vendues ou autrement cédées à nul autre qu’un résident d’Akwesasne pour son usage personnel;

(c) the goods are not sold or otherwise transferred within 12 months after the day of importation, other than to an Akwesasne resident for the personal use of that Akwesasne resident; and

d) lorsque des droits ont été payés, une demande de remise est présentée au ministre du Revenu national dans les deux ans suivant la date de la déclaration en détail des marchandises, faite conformément à l’article 32 de la Loi sur les douanes.

(d) where duties have been paid, a claim for remission is made to the Minister of National Revenue within two years after the day the goods are accounted for under section 32 of the Customs Act.

[46] La décision a été prise par un employé de l’ASFC. Par conséquent, il s’agit d’une décision « administrative » qui est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653.

[47] Lorsqu’elle examine le caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision faisant l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » : voir Vavilov, précité, au para 99.

[48] Dans ses observations, le défendeur a mis l’accent sur la [traduction] « décision » concernant les trois RDR délivrés et a fait valoir que ceux-ci étaient [traduction] « raisonnables », conformément au critère énoncé dans l’arrêt Vavilov, précité. Il n’a pas abordé directement la lettre du 17 mai 2019.

[49] Le demandeur n’a pas abordé en détail la norme de contrôle; il a soutenu qu’il avait [traduction] « déclaré » l’importation de marchandises au bureau de douane de Cornwall, mais qu’il n’était pas tenu [traduction] « d’entrer » par ce poste frontalier. Il s’est concentré sur son statut d’Indien au titre du traité avec la Confédération iroquoise des Haudenosaunee qui n’est pas assujetti à la Loi. Dans sa plaidoirie, il a avancé la proposition selon laquelle il [traduction] « ne fai[sait] pas partie du Canada ».

[50] Le demandeur se plaint qu’on lui a refusé l’accès au TCCE. À mon avis, cet argument ne peut être retenu.

[51] L’article 60 de la Loi est ainsi libellé :

Demande de révision ou de réexamen

Request for re-determination or further redetermination

60 (1) Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis et après avoir versé tous droits et intérêts dus sur des marchandises ou avoir donné la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement du montant de ces droits et intérêts, demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.

60 (1) A person to whom notice is given under subsection 59(2) in respect of goods may, within ninety days after the notice is given, request a re-determination or further re-determination of origin, tariff classification, value for duty or marking. The request may be made only after all amounts owing as duties and interest in respect of the goods are paid or security satisfactory to the Minister is given in respect of the total amount owing.

Demande de révision

Request for review

(2) Toute personne qui a reçu une décision anticipée prise en application de l’article 43.1 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision anticipée, en demander la révision.

(2) A person may request a review of an advance ruling made under section 43.1 within ninety days after it is given to the person.

Présentation de la demande

How request to be made

(3) La demande prévue au présent article est présentée au président en la forme et selon les modalités réglementaires et avec les renseignements réglementaires.

(3) A request under this section must be made to the President in the prescribed form and manner, with the prescribed information.

Intervention du président

President’s duty on receipt of request

(4) Sur réception de la demande prévue au présent article, le président procède sans délai à l’une des interventions suivantes :

(4) On receipt of a request under this section, the President shall, without delay,

a) la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane;

(a) re-determine or further re-determine the origin, tariff classification or value for duty;

b) la confirmation, la modification ou l’annulation de la décision anticipée;

(b) affirm, revise or reverse the advance ruling; or

c) la révision ou le réexamen de la décision sur la conformité des marques.

(c) re-determine or further re-determine the marking determination.

Avis de la décision

Notice requirement

(5) Le président donne avis au demandeur, sans délai, de la décision qu’il a prise en application du paragraphe (4), motifs à l’appui.

(5) The President shall without delay give notice of a decision made under subsection (4), including the rationale on which the decision is made, to the person who made the request.

[52] Le demandeur ne satisfait pas aux conditions énoncées à l’article 60 de la Loi, parce qu’il n’a pas versé les droits qui lui étaient imposés.

[53] Le paragraphe 60(1) de la Loi prévoit qu’une demande de « révision ou de réexamen » ne peut être présentée qu’« après avoir versé tous droits et intérêts dus ».

[54] La demande de révision ou de réexamen doit être présentée au président de l’ASFC : voir la Loi, art 60(3).

[55] En vertu de l’article 67 de la Loi, il n’est possible de s’adresser au TCCE qu’après qu’une décision a été prise par le président de l’ASFC. Ce processus est décrit par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt CB Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), [2012] 4 RCF 572.

[56] À mon avis, compte tenu des éléments de preuve contenus dans le DCT, le demandeur n’a pas respecté les conditions nécessaires pour participer à un processus qui lui permettrait de s’adresser au TCCE.

[57] Le demandeur ne peut pas demander le contrôle judiciaire de la cotisation des droits auprès de la Cour. C’est une question qui relève de la Cour canadienne de l’impôt et qui ne relève pas de la compétence de notre Cour. Selon la preuve présentée, le demandeur n’a déposé aucune opposition à la cotisation, aux termes des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp).

[58] Le demandeur s’appuie sur plusieurs traités, y compris le Traité du wampum à deux rangs de 1613 et de Pacte d’amitié de la chaîne d’argent.

[59] L’application et l’interprétation des traités ne constituent pas des questions soulevées par la demande de contrôle judiciaire du demandeur. La seule question dont est saisie la Cour est la décision énoncée dans la lettre du 17 mai 2019.

[60] Les arguments du défendeur portaient principalement sur le caractère raisonnable des RDR. Ces RDR ne sont pas visés par la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Sa demande concerne la décision énoncée dans la lettre du 17 mai 2019, qui a rejeté sa demande de révision ou d’appel des droits imposés.

[61] Le demandeur a choisi de formuler sa demande de contrôle judiciaire en tant que contestation de la décision énoncée dans la lettre du 17 mai 2019. Je souligne cette observation de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Honey Fashions Ltd, 2020 CAF 64 au para 48 :

Par souci d’équité, les tribunaux devraient limiter leur examen aux seuls motifs invoqués dans les actes de procédure. Comme l’affirme la Cour suprême dans l’arrêt Saadati c. Moorhead, 2017 CSC 28, [2017] 1 R.C.S. 543, au paragraphe 9, « chacune des parties a le droit de connaître les arguments qu’on entend présenter contre elle et d’y répondre ». […]

[62] Compte tenu des éléments de preuve contenus dans le DCT, l’ASFC a jugé que les marchandises importées par le demandeur ne respectaient pas les conditions du Décret de remise. Les articles 7, 8 et 9 du Décret de remise prévoient la remise de droits, conformément aux articles 4, 5 et 6, lorsque les marchandises sont « déclarées » et « déclarées en détail » au bureau de douane de Cornwall.

[63] Le demandeur allègue qu’il a [traduction] « déclaré » les marchandises au bureau de douane de Cornwall, mais il n’y a rien dans le DCT pour étayer cette allégation.

[64] Rien dans le DCT ne démontre que le demandeur a versé les droits qui étaient imposés. La décision du 17 mai 2019 renvoie à un avis d’opposition qui avait été présenté à l’ARC, bien que ce document ne figure pas dans le DCT. Selon la décision, l’ASFC considérait l’avis d’opposition comme une [traduction] « demande de révision ou de réexamen » en vertu de l’article 60 de la Loi.

[65] La décision précise pourquoi la demande du demandeur ne serait pas traitée, à savoir que l’ASFC a jugé l’appel [traduction] « invalide ». Des motifs ont été fournis pour appuyer cette conclusion.

[66] Après avoir examiné le DCT, la preuve présentée par le demandeur et les arguments des deux parties, je suis convaincue que la décision satisfait au critère juridique applicable, soit la norme de la décision raisonnable. La décision est transparente, justifiée et intelligible. Rien ne justifie l’intervention de la Cour.

[67] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire aux termes de l’article 400 des Règles, aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T-1497-20

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je n’adjuge aucuns dépens.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1497-20

 

INTITULÉ :

LORAN THOMPSON c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JUIN 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

 

LE 15 DÉCEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Loran Thompson

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Wilfred Davey

POUR LE DEMANDEUR

(DÉFENSEUR DU DEMANDEUR)

 

Samar Musallam

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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