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Date : 20221013


Dossier : IMM-6618-21

Référence : 2022 CF 1399

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2022

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

JAIME ERNESTO CUBIAS

EVELYN ELIZABETH AMAYA DE CUBIAS

DIEGO ALEJANDRO CUBIAS AMAYA

JIMMY DANIEL CUBIAS AMAYA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative à la demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) des demandeurs.

II. Le contexte

[2] Les demandeurs sont les quatre membres d’une famille provenant de la région de San Salvador, au Salvador, dont deux enfants. Jaime Ernesto Cubias, le père, est le demandeur principal.

[3] La famille a quitté le Salvador et a demandé l’asile au Canada en novembre 2016, après avoir été menacée par les membres du gang Sureños18 (le gang Sureños18). Il s’agit d’un gang, ou mara, qui exerce un contrôle important au Salvador. La famille a été confrontée pour la première fois au gang Sureños18 au début de novembre 2015. Trois membres se sont alors présentés à la maison familiale en réclamant que le père les emmène faire un tour dans sa voiture. Comme le père était absent, les membres du gang ont fait savoir à la mère qu’ils reviendraient.

[4] La deuxième fois que les membres du gang se sont présentés, le père était encore absent. Cependant, ils sont revenus plus tard dans la journée et ont pu lui parler pour lui demander d’utiliser sa voiture. Le père a répondu qu’elle était en panne. Les membres du gang sont revenus à deux ou trois reprises encore et ont demandé l’aide du père pour qu’il les conduise quelque part dans sa voiture.

[5] Chaque fois que les membres du gang se présentaient chez lui, le père leur répondait qu’il ne pouvait pas les aider parce que la voiture n’avait pas été réparée. Ils assénaient alors des coups de pied au véhicule, accusaient le père de mentir et le mettaient en garde en disant qu’il valait mieux pour lui de s’en aller. Ils ont menacé de lui [traduction] « faire du mal » ainsi qu’à sa famille.

[6] Le demandeur principal a reçu des menaces et s’est fait dire de [traduction] « quitter le quartier, sinon il y aurait des conséquences »; il a également été averti que, si lui ou sa famille revenaient, [traduction] « ils se feraient tuer ».

[7] En raison de ces menaces, et parce qu’ils avaient peur, les membres de la famille ont signalé les incidents à la police en novembre 2015, puis ils ont fui leur domicile.

[8] Le demandeur principal ne pouvait préciser la raison pour laquelle les membres du gang l’avaient approché. Il n’occupait pas un poste à haut risque qui intéresse généralement les gangs. Dans l’ensemble, toute la preuve laisse croire que le père a été choisi au hasard, probablement parce qu’il possédait un véhicule et vivait à proximité.

[9] Le demandeur principal s’est enfui aux États-Unis en novembre 2015. Les enfants et la mère sont demeurés dans la maison de la famille de cette dernière, à Apopa, pendant six mois environ, avant de rejoindre le père aux États-Unis en mai 2016. Les quatre membres de la famille sont arrivés au Canada le 28 novembre 2016 et ont alors demandé l’asile au poste frontalier de Fort Erie.

[10] Quand ils vivaient à Apopa, la mère et les enfants n’ont pas eu de contacts avec les membres du gang ni reçu de communications de leur part. Après avoir quitté leur quartier, en novembre 2015, les membres de la famille n’ont pas croisé de membres des Sureños18 et n’ont eu aucune communication directe d’eux, ni d’aucun autre gang.

[11] La demande d’asile des demandeurs a été rejetée le 16 février 2017 par la SPR, qui a conclu que la famille disposait d’une possibilité de refuge intérieur (la PRI) viable à Apopa et que le gang Sureños18 ne la recherchait pas activement.

[12] La famille a présenté une demande d’ERAR le 16 janvier 2019 accompagnée de nouveaux éléments de preuve. Il s’agissait de six lettres manuscrites provenant de proches qui, selon les demandeurs, confirmaient que les membres du gang étaient encore activement à la recherche de la famille. Aucun autre élément de preuve n’a été présenté durant les deux années qui se sont écoulées entre le dépôt de la demande accompagnée des lettres et la date de la décision, le 26 août 2021.

III. La question en litige

[13] La question en litige consiste à savoir si la décision est raisonnable.

IV. La norme de contrôle

[14] La norme de contrôle qui s’applique au fond de la décision de l’agent d’immigration est la norme de la décision raisonnable, telle qu’elle est décrite dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 25, 99 [Vavilov].

V. Analyse

A. Les erreurs de fait alléguées

[15] Les demandeurs font valoir que l’agent a commis des erreurs factuelles dans son évaluation de la preuve. Ils affirment qu’il a eu tort d’accepter les six lettres en preuve puis de conclure que leur contenu était insuffisant et possédait une valeur probante limitée. Les demandeurs contestent deux des motifs mentionnés par l’agent relativement aux lettres.

[16] Premièrement, les demandeurs estiment que l’agent a tiré une conclusion défavorable quand il a tenu compte des dates lointaines des lettres. Ils rappellent qu’il a fallu plus de deux ans avant que le dossier d’ERAR soit attribué à un agent et que leur demande fasse l’objet d’une décision, ce qui explique le temps écoulé depuis la rédaction des lettres. À leur avis, même si plus de deux ans ont passé depuis la production des lettres, ils ne devraient pas être obligés de tenir leurs éléments de preuve à jour en attendant qu’un agent soit affecté à leur dossier et qu’il se prononce sur leurs demandes, et cette situation ne devrait pas non plus entraîner une conclusion qui leur est défavorable.

[17] Deuxièmement, l’agent a souligné que les lettres étaient rédigées à la main, en espagnol, qu’elles avaient été signées mais pas faites sous serment et s’accompagnaient d’une traduction anglaise non certifiée d’origine indéterminée. Ils expliquent qu’une erreur administrative a été commise lors du dépôt de la demande d’ERAR : un affidavit souscrit par « Carmen Rodriguez » ne se trouvait pas dans le dossier présenté. Les demandeurs soutiennent que l’agent aurait pu communiquer avec leur conseil s’il doutait de la fidélité des traductions. Toutefois, l’agent a accepté le contenu des documents et les traductions correspondantes, malgré l’erreur administrative. Les demandeurs prétendent que l’agent, en admettant les lettres comme nouveaux éléments de preuve, avait aussi accepté leur contenu et leur traduction. Globalement, ils avancent que l’agent expose un raisonnement insuffisant et que ses motifs ne précisent pas exactement ce qui est accepté dans les lettres. Par conséquent, selon eux, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle.

[18] Je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle. Dans son évaluation du risque éventuel, l’agent a énuméré chacune des lettres et la relation entre l’auteur et les demandeurs. Il les décrit en ces termes :

[traduction]

Chacune des lettres porte la date du 7 ou du 8 janvier 2019. Elles sont rédigées à la main, en espagnol, elles sont signées mais n’ont pas été faites sous serment et s’accompagnent d’une traduction anglaise non certifiée d’origine indéterminée. Chaque lettre s’assortit d’une copie de pièces d’identité relatives à la personne qui l’a rédigée, indiquant qu’elle habite à Apopa, où existait la PRI prescrite par la SPR et où celle-ci a souligné, dans sa décision de février 2017 – elle-même rendue 15 mois après la dernière interaction que les demandeurs auraient eue avec les auteurs du préjudice – que [traduction] « trois des demandeurs ont vécu pendant plusieurs mois sans avoir de problèmes ».

[19] L’agent reprend des extraits des lettres. Il résume ensuite la teneur de ces lettres comme suit : [traduction] « collectivement, les lettres font état d’incidents de harcèlement, d’intimidation et de voies de fait de la part de personnes qui auraient cherché à savoir où se trouvaient les demandeurs et qui auraient proféré des menaces contre eux advenant leur retour au Salvador ». L’agent explique dans ses motifs comment il a traité la preuve en question : [TRADUCTION] « les lettres manquent de précision quant à l’ampleur et à la chronologie des incidents ».

[20] Il est raisonnable qu’il tire cette conclusion devant l’absence de détails dans les lettres. Même si les demandeurs ont plaidé à l’audience que ces documents portent au moins en partie sur les incidents en question, un examen des lettres permet de constater qu’elles sont vagues dans l’ensemble. Cette conclusion est donc raisonnable. Il était aussi raisonnable pour l’agent de conclure qu’aucune des agressions alléguées n’a été signalée aux autorités et, par conséquent, que les lettres n’étaient corroborées par aucun élément de preuve.

[21] L’agent tire la conclusion suivante au sujet des lettres :

[traduction]

[…] elles n’ont pas suffisamment de valeur probante pour montrer que le gang Sureños18, dont la dernière interaction avec les clients remonte à novembre 2015 et qui, en février 2017, n’a plus jamais eu de contacts avec eux (comme le mentionne la SPR dans la décision qu’elle a rendue à cette date), continue de rechercher activement les clients aujourd’hui, près de six ans plus tard, dans la région où existe une PRI prescrite par la SPR et où, selon ce qu’indique la SPR dans sa décision, les clients auraient vécu pendant six mois sans problèmes.

[22] Les demandeurs n’ont cessé de confondre l’admission de la preuve et le poids qui lui est accordé. L’agent a choisi d’accepter les lettres comme éléments de preuve, ce qui ne signifie pas qu’il est tenu de les juger suffisantes.

[23] Comme l’a souligné le défendeur, il incombe aux demandeurs de présenter une preuve suffisante. L’agent d’ERAR n’a pas d’obligation correspondante de recueillir des éléments de preuve supplémentaires ou de faire une quelconque enquête : Borbon Marte c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 930 aux para 39-40. Ni le dépôt de documents incomplets ni l’exactitude des traductions n’ont d’incidence sur le raisonnement de l’agent, contrairement à ce que prétendent les demandeurs. Les motifs de l’agent sont clairs et énoncent exactement pourquoi une valeur probante insuffisante est accordée aux lettres.

[24] Les demandeurs ont le fardeau de présenter leurs meilleurs arguments : Rahmatizadeh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 48 ACWS (3d) 1427, [1994] ACF no 578 (QL) au para 10. Même si on ne s’attend pas en soi à ce que les demandeurs mettent leurs documents continuellement à jour, il n’est pas déraisonnable qu’ils transmettent des renseignements plus récents si des incidents se produisent avant que soit connue l’issue de l’ERAR, même s’ils ne connaissent pas la date précise à laquelle leur demande sera tranchée. Les demandeurs qui ne tiennent pas leur dossier à jour le font à leurs risques et périls, particulièrement lorsque l’ERAR porte sur les risques visés aux articles 96 et 97.

[25] Néanmoins, sur la question des dates lointaines des lettres, je suis consciente que les demandeurs n’ont pas invoqué l’existence de nouveaux éléments de preuve relatifs aux menaces postérieurs aux lettres, mais qu’ils font plutôt valoir que l’agent n’aurait pas dû accorder une faible valeur probante à ces lettres au motif qu’elles avaient été rédigées bien des années auparavant. Il est clair, à la lecture de la décision de l’agent, que celui-ci fonde son évaluation au titre des articles 96 et 97 sur la date de la décision de la SPR et sur les lettres. C’est ce qui constitue l’évaluation du risque éventuel.

[26] Les demandeurs affirment aussi que l’agent s’est contredit quand il a mentionné les six mois passés par la mère et les enfants à Apopa.

[27] Les demandeurs procèdent à une analyse tatillonne des termes employés par l’agent dans ses motifs. Par exemple, ils prétendent que l’agent ne mentionne pas clairement que ce sont [traduction] « l’épouse et les enfants seulement » qui ont résidé à Apopa pendant six mois et que l’époux est parti presque immédiatement aux États-Unis. Les demandeurs se reportent à quatre extraits des motifs de l’agent mettant en lumière cette inexactitude mineure qui, selon eux, équivaut à un examen inadéquat des faits.

[28] Les motifs montrent toutefois clairement que l’agent était conscient de ce fait. On peut lire dans la description du contexte faite par l’agent dans sa décision que [traduction] « le demandeur de sexe masculin s’est réinstallé aux États-Unis en novembre 2015, alors que les autres demandeurs ont suivi en mai 2016 […] ». Les demandeurs eux-mêmes soulignent ce point.

[29] Il ne s’agit pas d’une contradiction. Le simple fait que l’agent n’ait pas précisé chaque fois que le demandeur principal s’était réinstallé plus tôt que le reste de la famille ne rend pas la décision déraisonnable, car ce détail n’a pas d’incidence sur les motifs réels de la décision défavorable rendue relativement à la demande d’ERAR.

B. Les conclusions voilées quant à la crédibilité

[30] Selon les demandeurs, l’agent a tiré des conclusions voilées au sujet de la crédibilité, particulièrement en ce qui a trait aux lettres. Ils présentent sur ce point plusieurs arguments qu’ils rattachent à la crédibilité de la preuve, dont les suivants :

  • l’agent ne fait qu’une seule analyse globale pour toutes les lettres, qu’il rejette en bloc sans fournir de raison claire pour chacune;
  • l’agent emploie des phrases générales pour conclure que la preuve est insuffisante;
  • l’agent conclut que le contenu des lettres n’est pas plausible, mais sans procéder à une analyse de la vraisemblance;
  • l’agent critique la validité des documents et la véracité des événements qui y sont décrits.

[31] Ces arguments constituent le genre de « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » qui fait l’objet d’une mise en garde dans l’arrêt Vavilov (Vavilov, au para 102, citant l’arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 au para 54). Les motifs d’une décision devraient être interprétés à la lumière du dossier et en tenant dûment compte du contexte administratif dans lequel ils ont été fournis : Vavilov, au para 91. On ne s’attend pas à de la perfection. Les motifs de l’agent permettent à la Cour de dégager un raisonnement intrinsèquement cohérent et justifié à la lumière des contraintes juridiques et factuelles.

[32] Les demandeurs ajoutent des précisions au regard d’un des arguments précités, soit la conclusion relative à l’invraisemblance. Ils font valoir qu’il est possible de conclure à l’invraisemblance seulement dans les cas les plus évidents et ajoutent que les inférences doivent être raisonnables et formulées en termes clairs et explicites. Ils sont d’avis que les lettres décrivent en détail, indirectement (par l’intermédiaire de membres de leur famille), les actes de violence et les menaces visant les demandeurs, ce qui démontre que le gang est toujours à leur recherche. Ils concluent que l’agent a tiré une conclusion voilée en matière de crédibilité à partir d’une conclusion d’invraisemblance déguisée en une conclusion sur l’insuffisance de la preuve.

[33] La conseil des demandeurs a déposé une décision le matin de l’audience, soit Magonza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 14. Elle a mis en lumière le passage suivant dans ses observations :

[29] Dans le contexte de l’immigration, cependant, il est préférable de faire une distinction entre la valeur probante et le poids. C’est ce qui permet de révéler les préoccupations qui ont réellement trait à la crédibilité. Ainsi, le poids est établi en fonction de la crédibilité et de la valeur probante ou, pour ceux qui préfèrent voir les choses sous forme d’équation, poids = (crédibilité) x (valeur probante). Il s’ensuit que le poids peut seulement être apprécié en fonction de la crédibilité et de la valeur probante. Autrement dit, un décideur ne peut pas tirer de conclusion à l’égard du poids sans avoir au préalable apprécié la crédibilité ou la valeur probante ou les deux.

[Non souligné dans l’original.]

[34] La conseil s’est reportée à l’« équation » dont il est question dans ce paragraphe comme s’il s’agissait d’un critère juridique qui doit être appliqué lorsqu’il faut déterminer la force probante d’un élément de preuve. Je ne suis pas convaincue que ce soit là une interprétation juste de l’énoncé figurant dans cette décision, ni non plus que ce point ait un effet déterminant dans la présente affaire. Ce genre d’évaluation ne peut se résumer à une simple formule, et l’examen de la preuve montre que les motifs donnés par l’agent sont raisonnables.

[35] Finalement, les demandeurs allèguent que l’agent n’a pas analysé la preuve fait par fait, ce qui a donné lieu à des conclusions voilées quant à la crédibilité. Autrement dit, l’agent aurait omis de souligner les détails précis des lettres qui ont été acceptés ou rejetés, tirant ainsi ce qui équivaut à une conclusion voilée sur la crédibilité. Ils soutiennent que l’agent a traité les lettres, qui présentent diverses perspectives en détail, comme si c’était un seul élément de preuve ayant peu de valeur.

[36] Lorsqu’un agent apprécie la véracité et la fiabilité de la preuve, il en établit aussi la crédibilité : Jystina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 912 au para 22 [Jystina]. Toutefois, un décideur peut examiner des éléments de preuve et juger qu’ils ne sont pas convaincants, sans statuer sur la crédibilité. Dans la décision Jystina, la Cour a souscrit à la conclusion de l’agent selon laquelle les éléments de preuve, de par leur nature et leur qualité, étaient insuffisants pour que la demanderesse s’acquitte du fardeau de la preuve qui lui incombait. C’est également le cas en l’espèce.

[37] Dans la décision Jystina, la Cour se reporte à la décision Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067 au para 44 [Ferguson], qui fournit un résumé utile du lien entre poids, suffisance et crédibilité de la preuve. Dans la décision Ferguson, le juge Zinn s’exprime ainsi : « La preuve présentée par un témoin qui a un intérêt personnel dans la cause peut aussi être évaluée pour savoir quel poids il convient d’y accorder, avant l’examen de sa crédibilité, parce que généralement, ce genre de preuve requiert une corroboration pour avoir une valeur probante » (au para 27). Toutes les lettres présentées par les demandeurs ont été écrites par des membres de la famille immédiate de la mère et du père, et aucune n’est corroborée. Cette omission renforce la conclusion de l’agent – soit que la preuve présentée par un témoin ayant un intérêt personnel dans la cause peut d’abord être évaluée afin qu’on sache quel poids il convient d’y accorder puis que cette preuve devrait être corroborée pour avoir une valeur probante.

[38] En l’espèce, l’agent n’a pas tiré de conclusion quant au degré de « vraisemblance » ou à la crédibilité des lettres. Il en a analysé la nature et la qualité puis leur a attribué un poids en fonction de ces facteurs. Il n’a pas critiqué ou mis en doute les faits décrits dans les lettres. Selon les demandeurs, l’agent aurait combiné les lettres puis les aurait rejetées collectivement sans donner de motif clair – cela ne constitue pas une conclusion relative à la crédibilité. L’agent a reconnu que les lettres faisaient état d’interactions équivalant à du harcèlement, à de l’intimidation et à des voies de fait.

[39] Cependant, il a exprimé des doutes en raison du caractère vague, de l’ampleur non précisée et de la chronologie de ces incidents. Il a souligné qu’aucune des lettres ne mentionne si les incidents ont été signalés aux autorités et que les faits décrits ne sont pas corroborés, notamment par des rapports de police. Par conséquent, il a jugé que les lettres avaient une valeur probante insuffisante. Cette évaluation est raisonnable. En outre, je rejette l’argument fondé sur l’invraisemblance présenté par les demandeurs, puisque l’agent n’a pas mentionné la vraisemblance dans ses conclusions. L’agent n’a donc pas tiré de conclusions voilées sur la crédibilité.

[40] Aucune question n’a été présentée en vue d’une certification, et les arguments présentés n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6618-21

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Corbeil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6618-21

 

INTITULÉ :

JAIME ERNESTO CUBIAS ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 AOÛT 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 OCTOBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Chelsea Jaques

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Camille N. Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Calgary (Alberta)

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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