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Date : 20221005


Dossier : IMM-2459-22

Référence : 2022 CF 1372

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

DARYL SANTIAGO CORDERO ROMERO

LAURA VERONICA VALADEZ VENEGAS

DAYTON TADEO CORDERO VALDEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, une famille originaire du Mexique, sollicitent le contrôle judiciaire du rejet de leur demande de résidence permanente présentée depuis le Canada pour des considérations d’ordre humanitaire. Plus précisément, ils soutiennent que l’agent a fait n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur de leur plus jeune enfant, qui souffre d’une maladie rare et grave nécessitant des soins médicaux spécialisés constants. Ils affirment que la décision est déraisonnable puisque l’agent a reconnu qu’il était dans l’intérêt supérieur de leur fils de rester au Canada et a conclu qu’il s’agissait d’une considération d’une [traduction] « importance particulière ». L’agent a toutefois refusé leur demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire sans expliquer les raisons pour lesquelles d’autres considérations l’ont emporté sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Les demandeurs affirment que la décision n’est pas intelligible.

[2] Je suis d’accord. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision est déraisonnable en raison de l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant faite par l’agent dans le contexte de l’évaluation globale des considérations d’ordre humanitaire.

II. Contexte

[3] Les demandeurs ont fui le Mexique en raison de menaces de cartels et ont présenté une demande d’asile. La Section de la protection des réfugiés a rejeté leur demande au motif qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge intérieur au Mexique. Les demandeurs ont ensuite interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés, procédure dont ils se sont désistés, et ils ont alors sollicité une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire, invoquant leur établissement au Canada, les risques et les difficultés auxquels ils seraient exposés s’ils retournaient au Mexique et l’intérêt supérieur de leurs deux enfants.

[4] Une partie importante de leur argument basé sur l’intérêt supérieur des enfants concernait l’état de santé de leur plus jeune fils, qui est né au Canada en octobre 2018. L’appréciation de cet élément de la demande par l’agent est la question déterminante en l’espèce. En conséquence, le résumé suivant sera axé sur cet aspect de la décision.

[5] Peu après sa naissance, le fils des demandeurs a reçu un diagnostic d’une maladie rare du sang : la thrombopénie néonatale allo-immune (la TNA). En termes simples, le corps du nouveau-né ne produisait pas suffisamment de plaquettes, ce qui le rend vulnérable aux hémorragies cérébrales et à d’autres problèmes médicaux.

[6] Dans leurs observations, les demandeurs invoquent l’intérêt supérieur des enfants comme [traduction] « la considération [d’ordre humanitaire] la plus importante de la demande […] ». Ils renvoient à la jurisprudence pertinente, et soulignent notamment l’exigence selon laquelle le décideur devrait être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants, lequel doit être bien identifié et examiné avec beaucoup d’attention (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy] aux para 38 et 39). Les demandeurs ont également cité le paragraphe 12 de la décision Kolosovs c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 165 [Kolosovs], dans lequel la Cour a conclu que, dans son analyse, le décideur doit chercher à comprendre les « conséquences concrètes » pour les enfants d’une décision défavorable quant à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, ce qui nécessite une « véritable analyse critique » de l’intérêt supérieur des enfants « dans leur quotidien ».

[7] En plus de décrire la situation des deux enfants concernés par la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, qui avaient alors près de deux ans et quatre ans et demi, les demandeurs ont décrit en détail l’état de santé de leur plus jeune fils, Dante :


 

[traduction]

[…] 24 heures après la naissance de Dante, les médecins ont constaté que son taux de globules rouges était bas et ont découvert des taches sur sa colonne vertébrale. Il a reçu un diagnostic de TNA, que son pédiatre qualifie de « maladie rare ». Il a dû être admis à l’unité des soins intensifs néonatals de l’hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique pour y recevoir de nombreux traitements. Il a souffert de saignements au niveau du cerveau et a été suivi par un neurologue en raison d’hémorragies cérébrales. Son pédiatre nous a avertis qu’il « risque d’avoir des déficits neurologiques et des troubles d’apprentissage ainsi qu’un trouble neurodéveloppemental », ce qui nécessitera le suivi d’un spécialiste à long terme.

[8] En raison de ce grave problème de santé, Dante continue de consulter un neurologue. Avant la pandémie de COVID-19, les parents emmenaient leur fils chez le pédiatre une fois par mois. Depuis le début de la pandémie, Dante voit son pédiatre une fois tous les trois mois grâce aux services de télésanté.

[9] Par ailleurs, les parents affirment qu’environ six mois après la naissance de leur enfant, le pédiatre a dirigé Dante vers un programme de développement du nourrisson, qui vise à assurer son bon développement et à aider sa famille à fournir les soins constants dont il a besoin. Les demandeurs ont joint plusieurs rapports de ce programme aux observations qu’ils ont présentées à l’appui de leur demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Les rapports révèlent que Dante se développe bien, mais qu’il continue de rencontrer des difficultés, et indiquent que les demandeurs ont reçu des conseils sur les mesures à prendre pour assurer le développement continu de l’enfant entre les visites.

[10] Parmi les documents fournis par les demandeurs, il y avait des articles d’une revue médicale britannique, qui indique que la TNA [traduction] « est une maladie rare mais grave qui est associée à une morbidité et une mortalité fœtales et néonatales importantes. Les conséquences de la TNA comprennent la mort (35 %) ou des séquelles neurologiques graves chez 84 % des survivants. Une gestion optimale de la maladie est nécessaire pour réduire ou éliminer le risque […] » ((2019) 185 British Journal of Haematology à la p 550).

[11] Les demandeurs ont aussi présenté des éléments de preuve sur l’état actuel du système de santé mexicain, soulignant l’effet dévastateur de la COVID-19 sur le pays et le système hospitalier, ainsi que les difficultés liées à la mise en œuvre des réformes adoptées par le gouvernement mexicain avant la pandémie. Ils ont résumé la situation comme suit : [traduction] « En réalité […] c’est un système qui fonctionne mal et qui est souvent incapable de fournir le type de soins dont Dante aura besoin ».

[12] Les demandeurs ont souligné le soutien continu qu’ils ont reçu grâce au programme de développement du nourrisson de Burnaby pour assurer le développement sain de Dante, ainsi que le suivi étroit de son état de santé par le pédiatre depuis sa naissance. S’appuyant sur la preuve concernant l’état du système de santé mexicain, ils ont avancé que le type de soins dont Dante avait besoin de façon constante ne leur serait pas accessible en raison de la disponibilité limitée des spécialistes de la santé recherchés, de l’instabilité systémique du système de santé mexicain liée au sous-financement chronique et aux récentes réformes, des effets dévastateurs de la COVID‑19 et du coût inabordable des soins de santé privés.

[13] L’analyse intégrale de cette question par l’agent est rédigée ainsi :

[traduction]

Ayant examiné ci-dessus les arguments généraux relatifs à l’intérêt supérieur des enfants, je propose de traiter également d’un problème de santé étroitement lié à l’intérêt supérieur de l’un des enfants. Dante a formellement reçu un diagnostic de TNA pour lequel il a reçu des soins. Il s’agit d’une [maladie] grave potentiellement mortelle même [si] elle est traitée, et qui peut entraîner des problèmes de santé permanents qui nécessiteront des soins à vie. Selon les observations des demandeurs, la famille ne pourrait pas bénéficier au Mexique des soins actuellement reçus au Canada. Or, aucun élément de preuve émanant des autorités de santé publique mexicaines n’indique formellement que les soins ne sont pas offerts. Je constate également que les soins sont bel et bien offerts et que la famille du demandeur devrait être en mesure d’entreprendre des démarches pour bénéficier des soins au Mexique, peu importe sa situation économique. Je comprends les arguments présentés et je reconnais qu’il peut y avoir des doutes quant à l’accès aux soins requis, mais j’estime que les demandeurs sont couverts par le système de santé mexicain et qu’ils devraient recevoir les soins pédiatriques dont ils ont besoin.

Malgré l’évaluation effectuée ci-dessus, je considère qu’il est dans l’intérêt de Dante de demeurer au Canada pour des raisons médicales. Je crois que le transport d’une personne qui a des besoins médicaux de cette nature est une difficulté en soi. Je tiens compte de cet élément de manière favorable dans mon évaluation globale et je le considère d’une importance particulière dans le cadre de mon examen de l’intérêt supérieur des enfants.

[14] L’agent a alors continué son évaluation des difficultés auxquelles les demandeurs disent qu’ils seraient confrontés au Mexique, notamment celles associées à la violence dans le pays et au risque que les enfants soient enlevés. L’agent avait précédemment accordé un poids limité à l’appréciation favorable liée au degré d’établissement de la famille au Canada, ayant souligné que les deux parents avaient un emploi, qu’ils avaient suivi des cours d’anglais langue seconde et que la demanderesse avait participé à diverses initiatives communautaires visant à soutenir d’autres jeunes mères. L’agent a conclu que la famille avait fait preuve de résilience, qu’elle pouvait trouver refuge au Mexique (conformément à la conclusion tirée dans le cadre de leur demande d’asile) et que [traduction] « la famille dispose d’options pour réussir au Mexique […] », ajoutant ceci : [traduction« Après examen des difficultés, je conclus qu’un retour au Mexique ne rendra pas les difficultés graves au point de justifier une dispense en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR ». La demande a été rejetée.

[15] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

III. Question en litige et norme de contrôle

[16] La question déterminante dans le cadre du présent contrôle judiciaire est celle de savoir si l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant effectuée par l’agent, et en particulier de l’impact causé par l’état de santé permanent de Dante, est raisonnable dans le contexte de l’analyse globale des considérations d’ordre humanitaire.

[17] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, conformément au cadre établi par l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Selon cette approche, « une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). L’une des questions principales que doit se poser la cour de révision est de savoir si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci […] » (Vavilov, au para 99). Il incombe à la partie qui conteste la décision de démontrer que les erreurs reprochées sont suffisamment capitales ou importantes pour justifier que la décision soit infirmée (Vavilov, au para 100).

IV. Analyse

[18] En l’espèce, je suis d’accord avec les demandeurs pour dire que la décision de l’agent n’est pas intelligible. L’analyse ne justifie pas la conclusion à laquelle l’agent est parvenu relativement aux considérations d’ordre humanitaire. En conséquence, la décision est déraisonnable et doit être annulée.

[19] Comme on l’a vu, l’agent a accepté la preuve médicale démontrant que Dante était atteint de la TNA, une [traduction] « [maladie] grave potentiellement mortelle même [si] elle est traitée, et qui peut entraîner des problèmes de santé permanents qui nécessiteront des soins à vie ». L’agent souligne ensuite l’argument des demandeurs selon lequel, d’un point de vue pratique, ils ne pourraient pas bénéficier au Mexique des soins que Dante reçoit au Canada. À ce propos, je note que les demandeurs n’ont pas soutenu qu’il n’y avait pas de pédiatres au Mexique ou que le système dans son ensemble ne pouvait pas fournir les soins requis. Ils ont plutôt présenté des éléments de preuve démontrant les graves lacunes du système de santé mexicain liées au sous-financement chronique, aux problèmes de mise en œuvre d’une réforme et aux effets dévastateurs de la COVID-19.

[20] L’agent n’examine pas cette preuve en détail, se contentant de déclarer [traduction] « [qu’]aucun élément de preuve émanant des autorités de santé publique mexicaines n’indique formellement que les soins ne sont pas offerts ». En toute déférence, je suis d’avis que l’agent n’a pas saisi la véritable question. Il s’agit également ici d’une indication que l’agent a possiblement entravé son exercice du pouvoir discrétionnaire, car sa déclaration tend à indiquer qu’il n’a accordé aucun poids aux nombreux éléments de preuve objectifs provenant de sources indépendantes et généralement crédibles sur l’état du système de santé mexicain.

[21] L’agent conclut aussi que les soins sont [traduction] « bel et bien offerts » et que les demandeurs [traduction] « [devraient] être en mesure d’entreprendre des démarches pour bénéficier des soins au Mexique, peu importe [leur] situation économique ». L’agent reconnaît [traduction] « qu’il peut y avoir des doutes quant à l’accès aux soins requis », mais il poursuit en concluant que les demandeurs [traduction] « devraient recevoir les soins pédiatriques dont ils ont besoin ». Il s’agit d’une conclusion qu’il était loisible à l’agent de tirer compte tenu du dossier. Cependant, ce n’est pas une conclusion qui peut être justifiée sans une brève analyse des nombreux éléments de preuve qui mènent à la conclusion opposée.

[22] Malgré ce qui précède, la lacune la plus importante du raisonnement de l’agent reste l’absence d’explication sur la raison pour laquelle il était parvenu à cette conclusion alors qu’il était d’avis que [traduction] « [m]algré l’évaluation [qu’il avait] effectuée […], [il] consid[érait] qu’il [était] dans l’intérêt de Dante de demeurer au Canada pour des raisons médicales » et que cela [était] [traduction] « d’une importance particulière dans le cadre de [son] examen de l’intérêt supérieur des enfants ». Encore une fois, il s’agit d’une conclusion qu’il était loisible à l’agent de tirer, mais qu’il devait expliquer.

[23] Comme cela a été mentionné à l’audience, l’issue de la procédure aurait pu être intelligible si l’agent avait expliqué la façon dont il avait apprécié le facteur incontournable de l’intérêt supérieur des enfants par rapport à d’autres facteurs défavorables importants. Or, il ne l’a pas fait. L’agent a plutôt accordé un poids limité à l’appréciation favorable liée à l’établissement des demandeurs et a accepté qu’ils rencontrent un certain degré de difficultés en retournant au lieu de refuge intérieur identifié au Mexique. Aucun facteur négatif n’a été mentionné et il n’existe aucune justification manifeste dans le dossier à l’appui de la conclusion de l’agent. La Cour n’est pas en présence d’un cas de criminalité, de non-respect des lois canadiennes, de dépendance à l’aide sociale ou des autres facteurs typiques qui pèsent contre l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

[24] Les faits de la présente affaire présentent plutôt une famille qui a fui le Mexique parce que le père était confronté à des menaces graves et incessantes de la part d’un cartel important. Une fois arrivés au Canada, les demandeurs ont trouvé du travail, ont commencé à étudier l’anglais, se sont impliqués dans leur communauté et ont géré les problèmes de santé importants qui se sont présentés à la naissance de leur plus jeune enfant. Presque tout cela s’est déroulé pendant la pandémie de COVID-19 et l’agent a estimé qu’il s’agissant d’un [traduction] « indicateur favorable […] compte tenu de la période chaotique de leurs premières années au Canada qu’ils ont traversée ».

[25] L’agent était lié par la jurisprudence, qui exige que le facteur particulier de l’intérêt supérieur de l’enfant soit identifié, ce qui a été fait en l’espèce. En outre, la jurisprudence indique clairement qu’on s’attend rarement, voire jamais, à ce qu’un enfant ait à subir de grandes difficultés lorsqu’on évalue une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (Kanthasamy, au para 41). De plus, comme on le mentionne plus haut, la Cour a souligné dans la décision Kolosovs que l’agent doit examiner les « conséquences concrètes » d’une décision défavorable quant à une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[26] En l’espèce, l’agent a conclu que l’état de santé de Dante et la nécessité d’un traitement continu constituaient des considérations importantes, lesquelles revêtaient même une [traduction] « importance particulière » dans le cadre de son examen de l’intérêt supérieur des enfants. Cela étant dit, l’agent n’était pas tenu de faire droit à la demande de dispense. Il ressort clairement de la jurisprudence qu’une évaluation positive de l’intérêt supérieur des enfants n’est pas nécessairement déterminante pour l’issue d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Cependant, l’agent devait fournir une explication raisonnable et rationnelle de la façon dont la considération de l’intérêt supérieur des enfants a été appréciée dans le cadre de l’évaluation globale des considérations d’ordre humanitaire et de la raison pour laquelle d’autres facteurs ont supplanté le préjudice que subirait Dante s’il était renvoyé au Mexique dans l’évaluation globale. L’agent ne l’a tout simplement pas fait.

[27] La décision de l’agent concernant la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est déraisonnable et elle est donc annulée. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

[28] Le demandeur a soulevé de nombreux autres arguments concernant d’autres lacunes dans la décision de l’agent. Vu la conclusion que j’ai tirée au sujet de la considération de l’intérêt supérieur des enfants et de l’analyse globale des considérations d’ordre humanitaire, il n’est pas nécessaire d’y répondre. Toutefois, le fait que je ne me prononce pas sur ces arguments ne doit pas être interprété par l’agent qui examinera la demande comme voulant dire que la Cour ne souscrit pas aux points soulevés par le demandeur. Il serait préférable d’éviter toute mention des « besoins fondamentaux » des enfants, car ce point peut facilement entraîner l’agent dans une analyse hasardeuse (voir, par exemple: Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166 au para 64; Sebbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 813 aux para 15-16; Conka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 985 au para 15).

[29] En outre, il serait judicieux de limiter la comparaison de la qualité des systèmes d’éducation aux pays concernés (le Canada et le Mexique), plutôt que d’évaluer les difficultés auxquelles les enfants seraient confrontés dans le système d’éducation mexicain au regard de la chance qu’ils auraient de ne pas se retrouver dans d’autres pays où la situation est encore pire. L’analyse de l’agent semble indiquer que le fait que les enfants pourraient être encore plus lésés en étant envoyés dans un pays tiers justifie en quelque sorte les préjudices qu’ils subiraient s’ils étaient renvoyés au Mexique au lieu de poursuivre leurs études au Canada. Cette approche est tout simplement erronée et devrait être évitée.

[30] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

[31] Aucune question de portée générale n’a été soulevée aux fins de certification.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2459-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent relative à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire rendue le 23 février 2022 est annulée.

  3. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  4. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2459-22

INTITULÉ :

DARYL SANTIAGO CORDERO ROMERO,

LAURA VERONICA VALADEZ VENEGAS,

DAYTON TADEO CORDERO VALDEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 septembrE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS:

LE 5 octobRE 2022

COMPARUTIONS :

Molly Joeck

 

POUR LES DEMANDEURS

Richard Li

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Co.

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

pour le défendeur

 

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