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Date : 20220923


Dossier : T-1661-21

Référence : 2022 CF 1323

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2022

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

SAFWAT ATTARA

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Attara sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de l’Agence du revenu du Canada [l’Agence] selon laquelle il n’est pas admissible à la Prestation canadienne d’urgence [PCU] ni à la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE]. Je rejette la demande de contrôle judiciaire parce que M. Attara n’a pas démontré en quoi la décision de l’Agence était déraisonnable.

[2] M. Attara a mis fin à sa carrière de courtier immobilier agréé en 2017 à cause de son asthme. Sauf en 2019, lorsqu’il a brièvement travaillé pour Élections Canada, M. Attara n’a pas réussi à se trouver un autre emploi. En janvier 2020, alors que le médecin de sa mère recommande que quelqu’un s’occupe d’elle à la maison, M. Attara convient avec les autres membres de sa famille qu’il s’occupera de leur mère, Mme Sourial, en échange d’un salaire de 400 $ par semaine.

[3] En mars 2020, le gouvernement fédéral a mis sur pied la PCU afin d’épauler ceux et celles qui ne pouvaient plus travailler en raison de la pandémie de la COVID-19. M. Attara a présenté une demande et a obtenu la PCU pour la période du 15 mars 2020 au 29 août 2020, pour un montant de 12 000 $. Il a ensuite reçu un versement de 900 $ de la PCRE pour la période du 27 septembre 2020 au 10 octobre 2020.

[4] Le 6 novembre 2020, l’Agence a révisé l’admissibilité de M. Attara à la PCU et à la PCRE à la suite d’une conversation téléphonique avec M. Attara lors de laquelle les critères d’admissibilité lui ont été expliqués. Le 18 décembre 2020, l’Agence a envoyé une lettre à M. Attara l’informant qu’il n’était pas admissible à la PCU et à la PCRE puisqu’il n’a pas gagné au moins 5 000 $ (avant impôts) à titre de revenus d’emploi ou de travail indépendant au cours des 12 mois précédant la date de sa demande et parce que ses heures de travail n’ont pas été réduites en raison de la COVID-19. Il devait donc rembourser les sommes touchées. Le 30 décembre 2020, M. Attara a demandé que ces décisions soient révisées.

[5] Le 21 septembre 2021, l’agent chargé de la révision a téléphoné à M. Attara afin d’obtenir sa version des faits. L’agent avait aussi en main une lettre explicative de M. Attara datée du 30 décembre 2020 ainsi que ses déclarations de revenus pour les années 2019 et 2020.

[6] Le 29 septembre 2021, l’agent a confirmé les deux décisions antérieures selon lesquelles M. Attara n’était pas admissible à la PCU ni à la PCRE pour les deux motifs invoqués dans la lettre du 18 décembre 2020, à savoir que M. Attara n’avait pas démontré qu’il avait gagné un revenu d’emploi d’au moins 5 000 $ au cours des 12 mois précédant la demande et que ses heures de travail n’avaient pas été réduites. Ces décisions font l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[7] M. Attara prétend que les décisions de l’agent étaient déraisonnables parce que celui-ci a refusé de tenir compte de ses affirmations concernant le revenu qu’il a gagné en prodiguant des soins à Mme Sourial et qu’on ne lui a pas donné l’occasion de présenter une preuve écrite. Or, le contrôle judiciaire doit se fonder sur la preuve qui avait été soumise à l’agent. M. Attara ne conteste pas le fait que l’agent ne disposait d’aucune preuve écrite de ce revenu au moment de rendre sa décision. À cet égard, une preuve obtenue subséquemment n’est pas pertinente.

[8] De plus, l’agent a noté que la déclaration de revenus de M. Attara pour l’année 2020 ne faisait pas état du revenu que celui-ci aurait gagné en prodiguant des soins à Mme Sourial. À l’audience, M. Attara a expliqué qu’il s’agissait là d’une omission de son comptable, mais encore une fois, cette explication n’a pas été fournie à l’agent et ne faisait pas partie du dossier sur lequel celui-ci devait fonder sa décision.

[9] J’estime que la décision de l’agent était raisonnablement fondée sur la preuve. L’agent était en droit d’exiger une preuve écrite des revenus allégués et il y avait suffisamment d’éléments permettant de douter des affirmations de M. Attara.

[10] M. Attara soutient également que lors de la conversation téléphonique du 21 septembre 2021, l’agent n’a pas exigé de preuve écrite de ses revenus. Selon M. Attara, l’agent se serait borné à affirmer que Mme Sourial devrait déménager dans une résidence pour personnes âgées. Or, les notes de la conversation de l’agent démontrent que l’ensemble des questions pertinentes ont été abordées. De plus, dans son mémoire des faits et du droit, M. Attara note que l’agent a posé « plusieurs questions sur mon travail et le revenu réalisé durant les douze mois précédant le confinement ». De toute manière, l’avis qui lui a été transmis le 18 décembre 2020 mentionnait explicitement que l’Agence était d’avis qu’il n’avait pas gagné de revenus suffisants. Il avait alors le fardeau de faire la démonstration du contraire. Je ne vois rien d’inéquitable dans le processus suivi par l’agent.

[11] Même si j’avais tranché les questions qui précèdent en faveur de M. Attara, ces moyens n’affectent pas le second motif de refus de la PCU et de la PCRE, à savoir le fait que M. Attara n’a pas cessé de travailler en raison de la COVID-19. En effet, il a continué de s’occuper de Mme Sourial pendant la pandémie et sa famille lui a demandé d’obtenir la PCU plutôt que de le payer. L’agent a noté que M. Attara ne peut pas recevoir de PCU ou de PCRE sous prétexte que sa famille a arrêté de le payer ou qu’une autre personne y aurait eu droit si elle avait cessé de travailler. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion.

[12] En somme, selon la preuve figurant au dossier, il était raisonnable de conclure que M. Attara ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité de la PCU et de la PCRE. La demande de contrôle judiciaire de M. Attara sera donc rejetée. Dans les circonstances, j’estime qu’il est juste de condamner M. Attara à payer une somme de 500 $ à titre de dépens.


JUGEMENT dans le dossier T-1661-21

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé est modifié pour désigner la partie défenderesse comme étant le Procureur général du Canada;

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  3. Le demandeur est condamné à payer au défendeur une somme de 500 $ à titre de dépens, incluant les taxes et les débours.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

T-1661-21

 

INTITULÉ :

SAFWAT ATTARA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VISIOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 septembre 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 septembre 2022

 

COMPARUTIONS :

Safwat Attara

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Kloé Sévigny

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 

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