Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220616


Dossiers : T-335-19

T-1552-18

Référence : 2022 CF 912

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 juin 2022

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

HORAINE BENNETT

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU la requête écrite du demandeur en vue d’obtenir une prorogation de délai pour déposer une requête en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales (les Règles) afin d’interjeter appel à l’encontre de l’ordonnance relative au réexamen rendue par la protonotaire Ring le 18 février 2022;

APRÈS examen des observations écrites du demandeur et du défendeur;

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée pour les motifs suivants :

I. Contexte

[1] L’avis de demande en l’espèce a été délivré le 18 février 2019. Le demandeur, qui est incarcéré dans un pénitencier fédéral, a sollicité le contrôle judiciaire de la décision liée à sa réclamation contre l’État à l’égard de certains effets personnels, qu’il a faite depuis l’Établissement de Mission en 2017.

[2] Le demandeur s’est déjà vu accorder cinq prorogations de délai :

  1. Prorogation jusqu’au 12 août 2019, obtenue par ordonnance datée du 11 juillet 2019;

  2. Prorogation jusqu’au 31 octobre 2019, obtenue par directives datées du 7 octobre 2019;

  3. Prorogation jusqu’au 21 novembre 2019, obtenue par directives datées du 1er novembre 2019;

  4. Prorogation jusqu’au 15 janvier 2020, obtenue par directives datées du 16 décembre 2019;

  5. Prorogation de 12 semaines, jusqu’au 23 avril 2021, accordée de manière péremptoire, pour signifier et déposer son dossier, obtenue par ordonnance datée du 21 janvier 2021 (l’ordonnance péremptoire). En raison du non‑respect de cette ordonnance, le défendeur s’est vu accorder l’autorisation de présenter une requête informelle afin que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

[3] Après avoir réalisé un examen de l’état de l’instance, la protonotaire Ring a rendu l’ordonnance péremptoire le 26 janvier 2021.

[4] Le demandeur n’a pas respecté l’ordonnance péremptoire. Par conséquent, dans sa lettre du 26 avril 2021, le défendeur a présenté une requête informelle afin que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

[5] Le 31 mai 2021, la protonotaire Ring a rendu l’ordonnance rejetant la requête.

[6] Ensuite, le demandeur a sollicité le réexamen de l’ordonnance rejetant la requête, mais cette demande s’est avérée tardive. Il s’est vu accorder deux prorogations de délai pour signifier et déposer une requête en réexamen :

  1. Prorogation jusqu’au 30 juin 2021, obtenue par ordonnance datée du 22 juin 2021;

  2. Prorogation jusqu’au 14 juillet 2021, accordée de manière péremptoire, obtenue par directives datées du 30 juin 2021.

[7] Le demandeur a respecté le délai prescrit du 14 juillet 2021 et a déposé un dossier de requête en vue d’obtenir une ordonnance visant le [traduction] « réexamen, l’annulation ou la modification » de l’ordonnance rejetant la requête en vertu de [traduction] « l’article 397 ou de l’article 399 des Règles ».

[8] Le 18 février 2022, la protonotaire Ring a rendu l’ordonnance relative au réexamen.

[9] Dans ses motifs concernant l’ordonnance relative au réexamen, la Cour a conclu que l’argument du demandeur semblait fondé sur l’alinéa 397(1)b) des Règles, selon lequel elle peut réexaminer une ordonnance si « une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement ». La protonotaire Ring a rejeté l’argument du demandeur selon lequel elle a mal interprété ou mal compris ses observations. Au contraire, elle les a clairement examinées dans l’ordonnance rejetant la requête. Elle a également souligné que le demandeur confondait la présente affaire avec son autre demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1552-18, puisqu’elle n’a donné aucune directive quant à l’article 311 des Règles dans la présente instance. En outre, la protonotaire Ring a examiné les allégations du demandeur selon lesquelles l’imprimante réservée aux détenus n’avait plus d’encre, et qu’il était [traduction] « pratiquement banni » de la bibliothèque des détenus.

[10] La protonotaire a également examiné les paragraphes 399(1) et 399(2) des Règles, et elle a conclu que l’ordonnance rejetant la requête n’a pas été rendue ex parte ou en l’absence du demandeur, puisque le défendeur a établi que l’ordonnance rejetant la requête avait été signifiée et, plus important encore, le demandeur a déposé plusieurs lettres en réponse à cette requête. Elle a aussi conclu que le demandeur n’a pas désigné ni invoqué le critère relatif à la modification.

[11] L’ordonnance relative au réexamen rejetait la requête du demandeur et fixait le montant des dépens à 100 $.

[12] La date limite pour interjeter appel de l’ordonnance relative au réexamen était le 28 février 2022. Le 11 mars 2022, le demandeur a présenté pour dépôt un avis de requête en appel dans lequel il affirmait avoir reçu l’ordonnance relative au réexamen le 4 mars 2022 ou vers cette date. Dans ses directives du 15 mars 2022, la Cour a ordonné au greffe de ne pas accepter le dépôt de l’avis de requête.

[13] Le 16 mai 2022, le demandeur a déposé le présent dossier de requête.

II. Question en litige

[14] La seule question en litige dans la présente requête est celle de savoir si le demandeur a établi le critère applicable à la prorogation de délai pour interjeter appel de l’ordonnance relative au réexamen.

III. Analyse

[15] Conformément au paragraphe 51(1) des Règles, l’ordonnance de la protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale. Le paragraphe 51(2) des Règles impose une date limite selon laquelle « l’avis de la requête [doit être] signifié et déposé dans les 10 jours suivant la date de l’ordonnance frappée d’appel et au moins quatre jours avant la date prévue pour l’audition de la requête ».

[16] L’ordonnance relative au réexamen a été rendue le 18 février 2022. Ainsi, toute requête en appel devait être déposée au plus tard le 28 février 2022. Le 11 mars 2022, le demandeur a présenté un avis de requête dont le dépôt a été refusé. Le dernier avis de requête du demandeur a été déposé deux mois plus tard, soit le 16 mai 2022.

[17] L’article 8 des Règles des Cours fédérales traite des prorogations de délai. Quatre facteurs doivent être pris en compte. Le demandeur doit démontrer :

  1. Qu’il a manifesté une intention constante de poursuivre sa demande;

  2. Que l’appel a un certain fondement;

  3. Que la partie adverse n’a pas subi de préjudice en raison du retard;

  4. Qu’il y a une explication raisonnable pour justifier le retard.

Canada (Procureur général) c Hennelly, [1999] ACF no 846 (CAF)

Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204 au para 61

[18] La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice.

Miller Thomson S.E.N.C.R.L. c Hilton Worldwide Holding LLP, 2019 CAF 193 au para 6

[19] Le demandeur fait valoir qu’il avait une intention constante d’interjeter appel, mais son explication pour justifier le retard, c’est‑à‑dire que le greffe de la Cour n’aurait pas dû lui envoyer l’ordonnance relative au réexamen par courrier ordinaire, n’est pas raisonnable compte tenu du premier retard d’une semaine, entre le 4 et le 11 mars, dans sa tentative de déposer une requête en appel, ainsi que de l’absence d’explication et de preuve, à savoir pourquoi il a attendu deux mois avant de solliciter une prorogation de délai.

[20] La question du préjudice à l’endroit du défendeur penche également en faveur de ne pas accorder de prorogation de délai au demandeur. Les prorogations de délai existent dans l’intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif.

Cossy v Canada Post Corporation, 2021 FC 559 au para 21

Canada c Berhad, 2005 CAF 267 au para 60, autorisation de pourvoi devant la CSC refusée [2006] CSCR no 31166

[21] En outre, les observations écrites du demandeur ne contiennent aucune observation substantielle quant au fondement potentiel de son appel envisagé. L’ordonnance relative au réexamen était de nature discrétionnaire. Il est bien établi par la Cour d’appel que « les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient être infirmées que lorsqu’elles sont erronées en droit, ou fondées sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits ». En ce qui concerne la question de savoir ce qui constitue une erreur manifeste et dominante, celle‑ci doit être « évidente et suffisamment importante pour changer l’issue de l’instance ». Il n’y a aucune erreur de cet ordre dans l’ordonnance relative au réexamen.

Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 au para 64

Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 177 aux paras 6-7

[22] Le demandeur a des antécédents de retards constants et de non‑respect des ordonnances et directives de la Cour.

[23] La requête est rejetée et les dépens sont établis à 100 $.

[24] Le demandeur ne sera pas autorisé à déposer d’autres documents auprès de la Cour avant que les dépens soient payés en totalité, et le greffe n’acceptera aucun document aux fins de dépôt jusqu’à ce que les dépens soient payés.


ORDONNANCE ET MOTIFS dans les dossiers T-335-19 et T-1552-18

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête est rejetée;

  2. Des dépens établis à 100 $ sont adjugés;

  3. Le demandeur ne sera pas autorisé à déposer d’autres documents auprès de la Cour avant que les dépens soient payés en totalité;

  4. Le greffe n’acceptera aucun document aux fins de dépôt jusqu’à ce que les dépens soient payés.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Malo


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIERS :

T-335-19 et T-1552-18

 

INTITULÉ :

HORAINE BENNETT c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

DATE DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE ÉCRITE

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 16 JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

HORAINE BENNETT

 

POUR LE DEMANDEUR

 

COURTENAY LANDSIEDEL

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

HORAINE BENNETT

(Pour son propre compte)

AGASSIZ (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.