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Date : 20220728


Dossiers : IMM-4953-20

IMM-6608-20

Référence : 2022 CF 1131

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2022

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

JULIE KAREN MILLER

ISABELLA VON FREYA GROAT

TYRSON EDWARD JAMES MOSHER

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a accueilli la demande d’asile des défendeurs, citoyens des États-Unis (É.-U.), au motif que les É.-U. n’étaient pas en mesure de leur fournir une protection adéquate. Le demandeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre), sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions de la SAR.

[2] La demande de contrôle judiciaire déposée dans le dossier IMM-4953-20 porte sur la décision rendue le 18 septembre 2020, dans laquelle la SAR a conclu que les défendeurs étaient des « réfugiés au sens de la Convention et des personnes à protéger ». La SAR a infirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR).

[3] La demande de contrôle judiciaire déposée dans le dossier IMM-6608-20 porte sur la décision rendue le 8 décembre 2020, dans laquelle la SAR a rejeté la demande de réouverture de la preuve présentée par le ministre.

[4] Les faits qui sous-tendent les demandes d’asile sont impérieux et troublants. Toutefois, les questions déterminantes dans le cadre des présentes demandes de contrôle judiciaire sont de savoir si le processus suivi par la SAR était équitable sur le plan de la procédure pour le ministre et si les décisions rendues par la SAR étaient raisonnables.

[5] Pour les motifs qui suivent, j’accueille les deux demandes de contrôle judiciaire.

[6] Dans le dossier IMM-4953-20, j’ai conclu que la décision de la SAR avait été rendue à la suite d’un processus inéquitable pour le ministre. J’ai également conclu que la SAR a commis une erreur dans l’application de la loi en ce qui concerne la question de savoir si les É.-U. pouvaient fournir une protection adéquate aux défendeurs.

[7] De plus, ayant conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale dans la décision sous-jacente, il s’ensuit que, dans le dossier IMM-6608-20, la décision de la SAR de refuser la réouverture de l’appel est déraisonnable.

I. Les faits

[8] Ce qui suit est un bref survol des principaux faits.

[9] En 2016, Mme Miller et ses deux enfants mineurs sont arrivés au Canada et ont présenté des demandes d’asile. Ils ont allégué être exposés à un risque de persécution aux mains de l’ex-mari et père des enfants, M. Bryon Widner, ainsi que de la famille et des associés de ce dernier.

[10] Mme Miller et son ex-mari se sont rencontrés dans le cadre de leur participation au mouvement de suprématie blanche. Mme Miller mentionne que son ex-mari avait cofondé le groupe de la suprématie blanche et qu’il en était un agent d’exécution. Après leur mariage en 2006, ils ont décidé de quitter le mouvement de suprématie blanche, après quoi ils ont commencé à recevoir des menaces de mort. Ils ont bénéficié d’une protection temporaire du Federal Bureau of Investigation (le FBI).

[11] En 2008, le Southern Poverty Law Center, une organisation de défense des droits civiques, a proposé de prendre en charge les frais de retrait des tatouages sur le visage de Mme Widner, ce qui a fait l’objet d’un documentaire en 2011 intitulé « Erasing Hate ».

[12] En 2012, M. Widner a été arrêté pour s’être livré à des voies de fait sur Mme Miller, et a été incarcéré pendant quatre jours. Même si les accusations ont été abandonnées, les mauvais traitements se sont poursuivis. En 2014, Mme Miller a mis fin à la relation et, en octobre 2014, elle a obtenu une ordonnance judiciaire de non-communication.

[13] Après la séparation, Mme Miller et ses enfants se sont réinstallés dans plusieurs États, y compris en Arizona, au Tennessee, au Nouveau-Mexique et au Michigan, mais M. Widner a toujours réussi à les retrouver. Leur déménagement au Michigan a été financé par le programme Victim Witness Arizona et les services de protection de l’enfance sont également intervenus. Mme Miller et ses enfants faisaient partie du programme National Address Confidentiality. Toutefois, en 2016, le directeur d’école de son fils a communiqué leur adresse à M. Widner.

[14] Les défendeurs sont arrivés au Canada en 2016 et ont présenté des demandes d’asile. Après leur entrée au Canada, un mandat d’arrêt a été délivré contre Mme Miller au motif qu’elle avait enlevé ses enfants des É.-U.

II. La décision de la SPR

[15] À l’audience devant la SPR, un représentant désigné a été nommé pour défendre les intérêts des demandeurs mineurs.

[16] La SPR a conclu que Mme Miller était exclue de la protection accordée aux réfugiés au titre de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, pour avoir commis le crime d’enlèvement d’enfant par l’un des parents. Par conséquent – et parce que le ministre n’a pas cherché à faire exclure Mme Miller en raison de sa participation de longue date à une organisation de nationalistes blancs –, la SPR ne s’est pas demandé si elle serait également exclue de l’alinéa Fa) ou b) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.

[17] La SPR a conclu que Mme Miller s’était montrée peu disposée à répondre à la question de savoir si elle entretenait toujours des préjugés racistes. En outre, en dépit de sa prétention selon laquelle elle était exposée à des représailles de la part d’autres suprémacistes, la SPR a souligné qu’aucun élément de preuve n’établissait qu’ils étaient menacés par des membres du mouvement de suprématie blanche.

[18] Sur la question de la protection de l’État aux É.-U., la SPR a tiré la conclusion suivante :

[traduction] [...] un État américain s’est montré disposé et apte à assurer la protection des demandeurs. Comme nous le verrons plus loin, depuis 2012 [Mme Miller] a sollicité la participation de divers services de police, de tribunaux criminels, de tribunaux de la famille et d’organismes de protection de l’enfance, dans plusieurs États. La police est venue en aide aux demandeurs dans plusieurs États en délivrant une citation interdisant d’entrer dans la résidence des demandeurs ou de s’y rendre, et a fourni plusieurs rapports qui ont aidé les avocats des demandeurs à porter leur cause devant les tribunaux. Les tribunaux ont rendu des ordonnances de protection, des ordonnances de garde temporaire et ont aidé les demandeurs à déménager d’un État à un autre. Il convient de noter que [Mme Miller] a eu recours aux avocats, aux travailleurs sociaux, aux policiers et au système judiciaire dans plusieurs États dans le cadre de son conflit familial avec son ex-mari, comme il est indiqué ci-dessous (au para 73).

[19] La SPR a fait état de nombreux incidents au cours desquels la protection de l’État avait été fournie, et a conclu que les défendeurs disposaient d’une protection de l’État adéquate aux É.-U.

III. La décision de la SAR dans le dossier IMM-4953-20

[20] En appel de la décision de la SAR, les défendeurs ont retenu les services d’un nouvel avocat et ont présenté de nouveaux éléments de preuve en réponse à la demande de la SAR de lui fournir des observations supplémentaires. Cependant, en contravention du paragraphe 16(2) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 [les Règles de la SAR], le ministre n’a pas été informé du changement d’avocat et n’a donc pas eu la possibilité d’intervenir dans l’appel.

[21] La SAR a conclu que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire, et elle a infirmé les conclusions défavorables quant à la crédibilité tirées par la SPR.

[22] Quant aux répercussions des accusations criminelles en instance contre Mme Miller pour avoir emmené ses enfants au Canada, la SAR a tiré la conclusion suivante :

[traduction] L’ordonnance du tribunal de la famille en vigueur, rendue par le deuxième État et les accusations criminelles subséquentes contre l’appelante principale pour avoir emmené son enfant au Canada est un outil utile pour permettre à l’ex-mari de continuer à exercer un contrôle sur les appelants. Nous avons du mal à reconnaître que les États-Unis ne protègent pas les appelants, tout en poursuivant également l’appelante principale, principalement pour avoir fui afin assurer sa sécurité et celle de ses enfants (au para 80).

[23] Las SAR a conclu que Mme Miller n’était pas exclue de la protection accordée aux réfugiés pour avoir enlevé ses enfants, parce que si ces accusations étaient jugées au Canada, elle pourrait invoquer la défense de danger imminent.

[24] Contrairement à la SPR, la SAR a conclu que les éléments de preuve ne suffisaient pas à établir que Mme Miller avait volontairement contribué, de façon importante et en toute connaissance de cause, au crime ou au dessein criminel d’une organisation militant pour la suprématie blanche. La SAR a déclaré : [traduction]

Le fait que l’appelante principale assistait aux réunions et aux événements sociaux où elle rencontrait des racistes en vue, qu’elle participait à des activités de financement pour venir en aide aux familles de suprémacistes blancs incarcérés et qu’elle contribuait à la rédaction d’écrits sur un site Web, même pendant plusieurs années, n’équivaut pas à des raisons sérieuses de penser qu’elle était complice d’un crime. La preuve révèle que l’appelante principale n’était pas au courant d’un crime ou d’un dessein criminel, et était de plus en plus dégoûtée par le traitement subi par les femmes au sein de l’organisation, de même que par climat général de violence qui y régnait (au para 32).

[25] La SAR a invoqué le ton dramatique des films sur la vie des défendeurs, comme étant de [traduction] « nouveaux éléments de preuve » qui augmentaient le risque auquel ils étaient exposés aux mains des suprémacistes blancs « partout aux États-Unis ». Sur la question de la protection de l’État aux É.-U., la SAR a tiré la conclusion suivante :

[traduction] [...] Je reconnais que les appelants ont réussi à bénéficier d’une protection, y compris la protection précoce du FBI et la mise en accusation de 2016. Toutefois, le FBI a cessé de protéger les appelants en 2014, et la mise en accusation de 2016 – qui ne concernait pas directement les appelants – a commencé avec une vantardise mal avisée de la part de l’accusé, ce qui a donné lieu à une opération d’infiltration. Bien que plusieurs mécanismes existent et qu’ils ont été utilisés dans le cas des appelants, je conclus qu’ils ne suffisaient pas à assurer la sécurité de la famille aux États-Unis. Les ordonnances de protection n’étaient pas efficaces parce que l’ex-mari restait hors de leurs limites techniques et qu’il était toujours en mesure de terroriser les appelants. Les interventions de la police n’étaient pas efficaces en raison de ses réponses contradictoires. Certains policiers insistaient sur le fait que l’appelante principale devait les appeler immédiatement, pour qu’ils puissent traiter l’affaire comme en étant une de nature criminelle. D’autres policiers l’exhortaient à déposer ses plaintes devant les tribunaux civils. Quoi qu’il en soit, la police ne pouvait pas être présente en permanence pour protéger les appelants. Un policier s’est adressé à l’appelante principale en ces termes : [traduction] « l’ordonnance de protection n’est qu’un bout de papier ». La direction de l’école a brisé le secret en communiquant leur adresse résidentielle. Le tribunal de la famille les a laissé tomber en refusant de donner suite à leur demande de tuteur à l’instance pour représenter l’enfant et en accordant des droits de visites non supervisées au père, que l’enfant craignait. Leurs changements d’adresse étaient inefficaces parce qu’il réussissait toujours à les retrouver. Il convient de faire une distinction entre les efforts importants déployés par l’État pour fournir des services et la protection inadéquate qui en a néanmoins résulté (au para 69).

[26] La SAR a ensuite conclu :

[traduction] [...] Les appelants ont présenté des éléments de preuve clairs et convaincants sur l’insuffisance de la protection de l’État. Il serait absurde d’exiger des appelants qu’ils attendent que l’ex-mari les rattrape réellement et physiquement encore une fois (au para 72).

[27] Le 18 septembre 2020, la SAR a annulé la décision de la SPR, et a conclu que les appelants étaient des réfugiés au sens de la Convention et des personnes à protéger.

IV. Le refus de la SAR de rouvrir le dossier IMM-6608-20

[28] Le 28 septembre 2020, le ministre a présenté une demande de réouverture de l’appel à la SAR. Les motifs invoqués à l’appui de la réouverture étaient que le ministre n’avait pas été informé du fait que les défendeurs avaient changé d’avocat, comme l’exige le paragraphe 16(2) des Règles de la SAR. Le ministre a fait valoir que l’omission de l’informer des nouvelles questions soulevées et des nouveaux éléments de preuve constituait un manquement à l’équité procédurale. Le ministre a demandé à la SAR d’exercer son pouvoir général, qui lui est conféré par l’article 52 ou 53 des Règles de la SAR, pour rouvrir l’appel.

[29] Dans son examen de la demande du ministre de rouvrir l’appel, la SAR a reconnu que les défendeurs n’avaient pas fourni au ministre les coordonnées de leur nouvel avocat, comme prévu. La SAR a conclu que [traduction] « l’omission de se conformer à une règle ne constitue pas nécessairement un manquement à un principe de justice naturelle ».

[30] La SAR a souligné que l’article 49 des Règles de la SAR permet seulement aux appelants de présenter une demande de réouverture de l’appel et que, comme le ministre n’était pas l’appelant, cet article ne s’appliquait pas. La SAR a conclu que l’article 52 des Règles de la SAR ne s’appliquait pas parce qu’il visait à combler les lacunes soulevées [traduction] « au cours des procédures ». La SAR a conclu que le président de l’audience était dessaisi de l’affaire puisque les procédures étaient terminées.

[31] La SAR a également conclu que l’alinéa 53b) des Règles de la SAR ne s’appliquait pas parce que le ministre avait choisi de ne pas devenir partie à l’instance de la SAR. De plus, la SAR a conclu que, même si elle renonçait à l’exigence selon laquelle les demandes fondées sur l’article 49 des Règles de la SAR se limitaient aux appelants, la demande échouerait en ce que le ministre n’avait pas fait la preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

[32] La SAR a déclaré : [traduction]

[27] [...] Malgré le fait qu’il ait pris part à l’instance du tribunal inférieur, le ministre a choisi de ne pas participer à l’appel devant la SAR. En d’autres mots, le ministre a choisi de ne pas être partie à l’instance devant la SAR. Ayant exercé ce choix, le ministre a implicitement reconnu que ses droits de prendre part à l’instance devant la SAR seraient limités à ceux qui sont expressément énumérés dans les Règles, soit qu’ils ne s’étendent pas aux nombreux droits conférés aux parties, selon les principes de justice naturelle.

[28] Si nous revenons au fait que les défendeurs n’ont pas donné avis de leur changement d’avocat, je considère qu’il s’agit d’un défaut relativement faible de se conformer aux Règles, plutôt qu’une omission de divulguer des renseignements à une partie, ce qui est une condition préalable au droit d’être entendu et un principe fondamental de justice naturelle. Le ministre fait valoir que l’absence d’avis l’informant qu’il y avait un nouvel avocat l’a privé de son droit de choisir d’intervenir et de devenir partie à l’instance. Le ministre n’a toutefois pas mentionné pourquoi le simple fait de la présence d’un nouveau représentant légal était d’une importance telle que cela influerait sur sa décision de prendre part ou non à l’instance.

[29] Bien plus que la question du nouvel avocat, il semble que l’élément essentiel de la réserve émise par le ministre porte sur le fait qu’il n’avait pas reçu les observations à jour et les nouveaux éléments de preuve ajoutés par le défendeur conformément à l’article 29 des Règles de la SAR. Encore une fois, cependant, la non-divulgation au ministre découlait de sa propre décision de ne pas prendre part à la procédure de la SAR […]. [En italiques dans l’original.]

[33] La SAR a rejeté la demande de réouverture de l’appel présentée par le ministre.

V. Les questions en litige et la norme de contrôle

[34] Les questions à trancher dans les présentes demandes de contrôle judiciaire sont les suivantes :

  • (i) Le processus suivi dans le dossier IMM-4953-20 était-il équitable pour le ministre?

  • (ii) La conclusion de la SAR relative à la protection de l’État dans le dossier IMM-4953-20 était-elle raisonnable?

  • (iii) Le refus de la SAR de rouvrir l’appel dans le dossier IMM-6608-20 était-il raisonnable?

[35] En ce qui concerne la première question, lorsqu’elle examine le processus suivi par la SAR, la Cour doit effectuer sa propre analyse du processus suivi et établir elle‑même si le processus était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 21-28 [Baker]. Cet engagement est semblable à la norme de contrôle de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [CFC]).

[36] Les deuxième et troisième questions ci-dessus sont examinées selon la norme de contrôle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] et Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1103 au para 24).

[37] Lors d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci ». Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, aux para 99, 100).

VI. Analyse

A. Le processus suivi dans le dossier IMM-4953-20 était-il équitable pour le ministre?

[38] Le ministre soutient que l’omission de la SAR d’aviser le ministre que les défendeurs avaient retenu les services d’un nouvel avocat et de l’informer que de nouvelles observations avaient été présentées, qui changeaient la nature de l’appel, constituait un manquement à l’équité procédurale.

[39] Les paragraphes 2(2) et 3(2) des Règles de la SAR exigent que la SAR transmette au ministre une copie de l’avis d’appel et du dossier de l’appelant. De plus, le paragraphe 3(3) des Règles de la SAR mentionne que le dossier de l’appelant doit inclure des observations complètes et détaillées ainsi qu’une déclaration indiquant si l’appelant se fondera sur d’autres éléments de preuve.

[40] Nul ne conteste le fait que le ministre n’a pas reçu le mémoire supplémentaire des arguments et du droit en appel et la demande de présentation de nouveaux éléments de preuve, produite au nom des défendeurs le 28 juillet 2020.

[41] Pour préciser le contexte, il est intéressant de rappeler la chronologie pertinente des étapes suivies pour faire avancer l’appel interjeté par les défendeurs à l’encontre de la décision de la SPR :

  • La décision de la SPR a été rendue le 7 juin 2018.

  • Le 19 juin 2018, l’avocat des défendeurs Me Loebach a déposé un avis d’appel auprès de la SAR.

  • Le 23 août 2018, Me Loebach a présenté une demande écrite à la SAR en vue d’être dessaisi du dossier des défendeurs en appel.

  • Le 7 octobre 2018, Mme Miller, agissant pour son propre compte, a présenté à la SAR une demande écrite de prorogation du délai pour mettre l’appel en état.

  • Le 11 janvier 2019, le FCJ Refugee Center a informé la SAR qu’il aiderait les défendeurs à interjeter appel, et a demandé une autre prorogation du délai de dépôt du dossier d’appel.

  • Le 4 février 2019, l’appel a été mis en état.

  • En juin 2020, la SAR a appelé le conseiller juridique des défendeurs, le FCJ Refugee Center, pour lui demander de fournir d’autres observations.

  • Le 28 juillet 2020, par l’intermédiaire de leur nouveau conseiller juridique, les défendeurs ont déposé un mémoire supplémentaire des arguments et du droit en appel ainsi qu’une demande de déposer de nouveaux éléments de preuve.

[42] Après la mise en état de l’appel devant la SAR, en février 2019, et sur le fondement des nouveaux documents produits, le ministre a choisi de ne pas intervenir dans l’appel. Les défendeurs ne cherchaient pas à déposer de nouveaux éléments de preuve et, dans leur mémoire d’appel, ils ont soulevé les deux questions suivantes au sujet de la décision de la SPR : (i) que la SPR a agi d’une façon qui soulève une crainte raisonnable de partialité; (ii) que la SPR a commis une erreur en tirant des inférences défavorables quant à la crédibilité.

[43] Toutefois, en juin 2020, soit 16 mois après la mise en état de l’appel, la SAR a appelé le conseiller juridique des défendeurs, le FCJ Refugee Center, et lui a demandé de fournir des observations supplémentaires. Comme le FCJ Refugee Center n’était pas disponible pour aider, les défendeurs ont retenu les services de leur avocat actuel pour présenter les observations supplémentaires demandées par la SAR.

[44] Le 28 juillet 2020, les défendeurs ont déposé un mémoire supplémentaire des arguments et du droit en appel ainsi qu’une demande de déposer de nouveaux éléments de preuve.

[45] Comme le ministre avait choisi, en février 2019, de ne pas intervenir dans l’appel, par la suite, le ministre n’a pas été informé de l’un ou l’autre des éléments suivants :

  • (i) en juin 2020, la SAR elle-même a demandé de lui fournir des observations supplémentaires;

  • (ii) les défendeurs avaient retenu les services d’un nouvel avocat;

  • (iii) le 28 juillet 2020, un mémoire supplémentaire des arguments et du droit ainsi que de nouveaux éléments de preuve ont été déposés auprès de la SAR au nom des défendeurs.

[46] En ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve, la SAR a accepté les éléments suivants, comme il est indiqué au paragraphe 9 de la décision :

[traduction]

Pièce 1 : lettre de la sœur de l’appelante principale,

Pièce 2 : lettre d’une fille d’âge adulte de l’appelante principale,

Pièce 3 : lettres de la belle-sœur et du frère de l’appelante principale,

Pièce 4 : lettre de la mère de l’appelante principale,

Pièce 5 : option sur les droits d’une biographie/convention d’achat et entente de consultation,

Pièce 6 : correspondance par courriel entre l’appelante principale et un producteur de films,

Pièce 8 : carte des groupes haineux aux États-Unis, en 2019,

Pièce 9 : extraits de films et entrevues.

[47] L’un des motifs pour lesquels la SAR a admis les nouveaux éléments de preuve est ainsi expliqué au paragraphe 10 de la décision :

[traduction] J’admets les lettres provenant des de la famille des appelants, pièces 1 à 4. Chacune de ces lettres est postérieure à la décision de rejet de la SPR, de même qu’à la mise en état de l’appel. Elles fournissent les renseignements les plus à jour provenant des proches parents au sujet du harcèlement subi par l’appelante principale de la part de son ex-mari, de la famille de ce dernier et des membres de son ancien groupe, du risque accru causé par la sortie des films sur la vie des appelants ainsi que de l’attitude de l’appelante envers les questions raciales.

[48] De plus, au paragraphe 13, la SAR mentionne ce qui suit :

[traduction] Les pièces 1 à 6 et 8 et 9 sont nouvelles, crédibles quant aux sources et circonstances et sont pertinentes pour ce qui est du risque auquel sont exposés les appelants. Elles satisfont aux critères énoncés par la loi et la jurisprudence relativement à l’admission de nouveaux éléments de preuve.

[49] Les nouveaux éléments de preuve comprenaient de l’information sur le film « Skin », inspiré de la vie de M. Widner et de Mme Miller. En raison de la sortie de ce film, les défendeurs ont soutenu qu’ils étaient exposés à un risque aux mains des néonazis et qu’ils ne seraient en sécurité nulle part aux É.-U.

[50] Le ministre fait valoir que lorsque les services du nouvel avocat ont été retenus et que les nouveaux éléments de preuve et les nouvelles observations ont été déposés, la SAR avait l’obligation de l’aviser. Il soutient de plus que cette obligation prend naissance même si le ministre n’est pas intervenu, puisque le paragraphe 4(1) des Règles de la SAR permet au ministre d’intervenir dans un appel à tout moment avant que la SAR ne rende une décision.

[51] Les droits à l’équité procédurale du ministre ont été confirmés dans la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Alazar, 2021 CF 637 [Alazar], dans laquelle la Cour souligne ce qui suit :

[83] Il ressort à l’évidence de ces dispositions que le ministre possède des droits en matière d’équité procédurale devant la SAR même dans les cas où il n’est pas – ou n’est pas encore – intervenu. Au cœur de ses droits se trouve le droit d’être avisé des développements importants au fur et à mesure qu’ils se produisent, depuis l’introduction de l’appel jusqu’à sa conclusion. Cet avis permet au ministre de décider en toute connaissance de cause et en temps opportun de l’opportunité d’intervenir dans un appel en cours et de poursuivre une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision une fois celle-ci rendue, ce qui revêt une importance cruciale. Ainsi, je ne peux souscrire à la thèse des défendeurs selon laquelle le ministre, ayant choisi de ne pas intervenir après avoir pris connaissance de leur dossier, n’avait pas le droit d’être avisé des développements ultérieurs concernant l’issue de l’appel et des demandes d’asile des défendeurs.

[…]

[87] Toutefois, lorsque, comme en l’espèce, le dossier se démarque radicalement de la décision de la SPR et des moyens d’appel formulés par les défendeurs, force est de constater que la SAR n’a pas respecté les exigences de l’équité procédurale en tranchant l’appel en se fondant sur les éléments qu’elle avait retenus sans aviser d’abord le ministre qu’une nouvelle question était en jeu et sans lui donner la possibilité de se faire entendre.

[52] Les défendeurs admettent que le ministre n’a pas été avisé du changement d’avocat, et que par conséquent, il n’a pas reçu les observations à jour formulées en appel ou les nouveaux éléments de preuve. Les défendeurs nient toutefois qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Ils soutiennent qu’à la différence de la décision Alazar, les nouvelles observations et les nouveaux éléments de preuve déposés en l’espèce n’ont pas soulevé de nouvelles questions autres que celles que la SPR a examinées.

[53] En ce qui concerne les arguments invoqués par les défendeurs dans leur appel de la décision de la SPR, il est intéressant de comparer les observations initiales en appel, déposées en février 2019, aux observations supplémentaires déposées en juillet 2020.

[54] Dans leurs observations en appel déposées en février 2019, les défendeurs n’avaient pas tenté de faire prendre en compte les nouveaux éléments de preuve. En ce qui a trait à leur contestation de la décision de la SPR, ils ont soulevé des questions relatives à la partialité et ont contesté les conclusions de la SPR quant à la crédibilité. Devant la SPR, le risque couru par les défendeurs était directement lié à l’ex-mari de Mme Miller, à la famille de ce dernier et aux membres de son ancien groupe.

[55] Toutefois, dans leurs observations supplémentaires en appel déposées en juillet 2020, les défendeurs ont soutenu qu’en raison du mouvement de suprématie blanche, Mme Miller courait un risque sur tout le territoire des É.-U. En plus des observations supplémentaires, les défendeurs ont déposé des éléments de preuve importants dont la SPR n’était pas saisie.

[56] Une comparaison entre les observations initiales en appel et les observations supplémentaires en appel ainsi que les nouveaux éléments de preuve, démontre que les défendeurs ont abordé différemment le risque devant la SAR. Pour appuyer leur allégation relative au risque, ils se fondaient sur les nouveaux éléments de preuve importants qui n’ont pas été pris en compte par la SPR. Je suis d’avis que cela représentait un changement important.

[57] En l’espèce, tout comme dans la décision Alazar où la SAR s’est sensiblement éloignée de l’affaire présentée devant la SPR, il est juste de dire que le ministre a été surpris de constater que l’appel avait été tranché en fonction de ce fondement (au para 85).

[58] Le fait de ne pas avoir avisé le ministre et la possibilité de prendre part à l’appel constituent un manquement à l’équité procédurale.

[59] Selon les défendeurs, le manquement à l’équité procédurale était minime, et est d’une importance moindre que le préjudice qu’ils subiraient si l’affaire était renvoyée à la SAR. Je suis d’avis que cette thèse est dénuée de fondement en ce qu’elle ne reconnaît pas que la question de l’équité procédurale est axée sur le processus suivi par la SAR, et non sur la décision que cette dernière a rendue.

[60] En l’espèce, le ministre n’a pas été avisé que la SAR elle-même demandait aux défendeurs de lui fournir des observations supplémentaires. De plus, le ministre n’a pas été avisé du changement d’avocat des défendeurs. Ces omissions d’« aviser » le ministre signifiaient que ce dernier n’avait également pas été mis au courant du dépôt, au nom des défendeurs, des nouvelles observations et des nouveaux éléments de preuve. En somme, le ministre n’a pas eu la possibilité de prendre une décision éclairée quant à savoir s’il devait intervenir dans l’appel. Ce n’est pas le processus énoncé dans les Règles de la SAR, et ce processus ne satisfait pas aux facteurs énoncés dans l’arrêt Baker (Vavilov, au para 77).

[61] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que le processus suivi par la SAR n’était pas conforme aux droits à l’équité procédurale conférés au ministre.

B. La conclusion de la SAR relative à la protection de l’État dans le dossier IMM-4953-20 était-elle raisonnable?

[62] Le ministre fait valoir que la RAD a mal appliqué le droit relatif à la protection de l’État.

[63] Le point de départ de l’analyse de la protection de l’État est la présomption selon laquelle les nations sont capables de protéger leurs propres citoyens. Cela a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, à la p 725 :

[...] il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l’essence de la souveraineté. En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l’arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur.

[64] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171, la partie a le lourd fardeau de réfuter la présomption selon laquelle les É.-U. sont en mesure de la protéger (au para 46).

[65] En outre, il suffit que la protection offerte par un État soit adéquate; elle n’a pas à être parfaite. Les défaillances occasionnelles de la police n’équivalent pas à une absence de protection de l’État (Morales Lozada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 397 aux para 27, 28 [Morales].

[66] Selon les défendeurs, il y a une preuve abondante selon laquelle ils n’ont pas réussi à se prévaloir de la protection de l’État aux É.-U. Ils invoquent l’arrêt Mendivil c Canada (secrétaire d’État), 1994 CarswellNat102 (CAF) [Mendivil], dans lequel la Cour a reconnu que le Pérou, alors en état d’urgence, était dans l’incapacité d’agir efficacement contre un groupe de guérilleros. L’arrêt Mendivil est clairement distinct de l’espèce sur le plan des faits, puisqu’il n’y a pas d’état d’urgence en vigueur aux É.-U.

[67] De même, les décisions invoquées par la SAR pour étayer sa conclusion d’absence de protection de l’État aux É.-U., y compris les décisions X(Re), 2017 CanLII 147775, et Banda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 474, se distinguent sur le plan des faits. De plus, aucune affaire ne met en cause l’évaluation de la capacité des É.-U. à assurer la protection à ses citoyens.

[68] Je reconnais que les défendeurs ont été victimes de violence familiale. Cependant, je suis d’accord avec le ministre sur le fait que la SAR a commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État. Ce que la SAR qualifie d’« omissions » des É.-U. de protéger les défendeurs démontre en fait que les É.-U. peuvent fournir aux défendeurs une protection de l’État « adéquate » et l’ont effectivement fait. La SPR a relevé 21 cas où les défendeurs ont bénéficié de la protection de l’État alors qu’ils se trouvaient aux É.-U., y compris l’aide du FBI, l’aide de la police qui a délivré une ordonnance interdisant à M. Widner d’entrer sans autorisation, et qui a arrêté et incarcéré ce dernier, l’aide des tribunaux qui ont délivré des ordonnances de non-communication ainsi que l’aide des refuges pour victimes de violence familiale.

[69] Dans son analyse, la SAR a commis une erreur en assimilant la protection de l’État [traduction] « parfaite » à la protection de l’État « adéquate ». Il ne s’agit pas là du critère qui s’applique. Par conséquent, la conclusion tirée par la SAR voulant que les É.-U. ne puissent fournir aux défendeurs une protection adéquate alors que les éléments de preuve établissent clairement le contraire est déraisonnable.

C. Le refus de la SAR de rouvrir l’appel dans le dossier IMM-6608-20 était-il raisonnable?

[70] En refusant de faire droit à la demande de réouverture, la SAR a conclu que l’omission de se conformer au paragraphe 16(2) des Règles de la SAR ne constituait pas un manquement à la justice naturelle. Le SAR a déclaré : [traduction] « il semble que l’élément essentiel de la réserve émise par le ministre porte sur le fait qu’il n’avait pas reçu les observations à jour et les nouveaux éléments de preuve ajoutés par le défendeur conformément à l’article 29 des Règles de la SAR. Encore une fois, cependant, la non-divulgation au ministre découlait de sa propre décision de ne pas prendre part à la procédure de la SAR. »

[71] Comme il est indiqué ci-dessus, le dossier d’appel à partir duquel la SAR a rendu sa décision n’est pas le dossier d’appel qui a été signifié au ministre. En examinant la demande de réouverture, la SAR n’a pas examiné l’argument du ministre voulant que les nouvelles observations et les nouveaux éléments de preuve constituent de nouvelles questions et modifient considérablement la nature de l’appel. Par conséquent, le fait que la SAR ait mentionné que le ministre avait choisi de ne pas participer ne tient pas compte du fait que le dossier d’appel avait été modifié de façon importante entre février 2019 et juillet 2020.

[72] Comme je l’ai déjà mentionné, le ministre avait le droit d’être avisé du fait que les défendeurs avaient retenu les services d’un nouvel avocat. Le ministre aurait ainsi été informé des nouvelles observations et des nouveaux éléments de preuve. J’ai conclu que les omissions de transmettre cet avis au ministre constituaient un manquement à l’équité procédurale, et il s’ensuit que la décision dans le dossier IMM-4953-20 a été rendue de manière inéquitable sur le plan de la procédure et qu’elle doit faire l’objet d’un nouvel examen.

[73] Comme j’ai conclu à un manquement à l’équité procédurale dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente, il s’ensuit que la décision de la SAR dans le dossier IMM-6608-20 est déraisonnable. Je refuse toutefois de renvoyer l’affaire pour nouvel examen, puisque cela ne servirait à rien (Vavilov, au para 142).

VII. Conclusion

[74] La demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre dans le dossier IMM-4953-20 est accueillie. La décision de la SAR est annulée, l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour réexamen, et le ministre a l’entière possibilité d’intervenir dans l’instance.

[75] Bien que j’aie conclu que la décision de la SAR dans le dossier IMM-6608-20 était déraisonnable, il serait inutile de renvoyer l’affaire pour réexamen compte tenu de la conclusion à laquelle je suis parvenue dans le dossier IMM-4953-20.

[76] Il n’y a aucune question à certifier pour ni l’une ni l’autre des demandes.

 


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-4953-20 ET IMM-6608-20

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-4953-20 est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen;

  2. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-6608-20 est accueillie, la décision est annulée; il serait toutefois inutile de renvoyer l’affaire pour réexamen;

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

 

IMM-4953-20 et IMM-6608-20

INTITULÉ :

Canada (Citoyenneté et Immigration) c Miller et al

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 juin 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 juillet 2022

 

COMPARUTIONS :

Ian Hicks

Pour le demandeur

 

Karim Escalona

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Lewis & Associates

Toronto (Ontario)

Pour les défendeurs

 

 

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