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                                                                                                                                 Date : 20040426

                                                                                                                    Dossier : IMM-2681-02

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 604

OTTAWA (Ontario), le 26 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

                               ANTHONY CHRYSANTHA LALITH SIRIWARDENA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 3 avril 2002 par laquelle Mme Cindy Munro, agente des visas au Haut-commissariat canadien à Colombo, au Sri Lanka (l'agente des visas), a refusé la demande de résidence permanente présentée par le demandeur dans la catégorie des immigrants indépendants en tant qu'agent de développement économique ou ingénieur des télécommunications parce qu'il n'avait pas recueilli les 70 points minimums d'appréciation requis.


LES FAITS

[2]                Le demandeur est un citoyen de 37 ans du Sri Lanka qui a présenté une demande de résidence permanente en décembre 2001. Il a demandé à être évalué en fonction des professions suivantes : agent/agente de développement économique et toutes les professions connexes (CNP 4163.0), ingénieur des télécommunications et toutes les catégories connexes, y compris ingénieur/ingénieure en installations à hyperfréquences, ingénieur/ingénieure d'essais en électronique, ingénieur/ingénieure à la planification des transmissions (CNP 2133.00). Il a fait état des titres et qualités suivants à l'appui de sa demande :

Études

i.          Diplôme en programmation informatique d'East-West Information Systems;

ii.          Baccalauréat ès sciences en génie de l'université de Moratuwa à Colombo;

iii.         Attestation de préposé à la réception et à l'entretien ménager de l'hôtel Hilton de Colombo;

Antécédents professionnels

i.          Depuis 2001 : iOnosphere Lanka, conseiller en solutions administratives

ii.          2000 - 2001 : Celltell Lanka Ltd., Directeur des ventes et du marketing

iii.         1996 - 2000 : Suntel Ltd., Directeur des services de gestion

iv.         1994 - 1996 : Mobitel Ltd., Chef du service des produits

v.         1991 - 1993 : Genetco, Directeur commercial principal

vi.         1990 - 1992 : Adelphi Electronics, Directeur intérimaire des ventes/Directeur commercial principal


vii.        En 1991 : Hilton Colombo, serveur de banquets et préposé à la réception

viii.       1987 - 1990, Fentons Ltd., préposé aux ventes et au service à la clientèle

[3]                Le 29 mars 2002, l'agente des visas a examiné la demande en fonction de chacune des professions envisagées par le demandeur et a refusé sa demande à l'étape initiale de la sélection administrative sans le convoquer à une entrevue. L'agente des visas a estimé que le demandeur ne satisfaisait à aucune des exigences prévues pour l'une ou l'autre de ses professions envisagées, parce qu'il ne possédait pas le niveau de scolarité exigé des agents de développement économique, et qu'il n'avait pas les antécédents professionnels requis des ingénieurs des télécommunications. Dans sa lettre de refus, l'agente des visas précise à la page 1 :

[TRADUCTION]

Votre demande a été examinée en fonction des exigences prévues pour la profession d'agent de développement économique (CNP 4163.0), c'est-à-dire la profession pour laquelle vous avez demandé à être évalué. Voici les points d'appréciation qui vous ont été attribués pour chacun des critères de sélection :

CNP

ÂGE                                                                 10

FACTEUR PROFESSIONNEL                     00

ÉTUDES ET FORMATION                         17

EXPÉRIENCE                                                 00

EMPLOI RÉSERVÉ OU

PROFESSION DÉSIGNÉE                        00

FACTEUR DÉMOGRAPHIQUE                 08

ÉTUDES                                                         15

CONNAISSANCE DE L'ANGLAIS           09

CONNAISSANCE DU FRANÇAIS            00

PERSONNALITÉ

TOTAL                                                           59


La lettre se poursuit ainsi à la page 2 :

[TRADUCTION]

Vous n'avez pas recueilli suffisamment de points d'appréciation pour pouvoir immigrer au Canada, étant donné que le nombre minimal exigé est de 70 points.

Le paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration interdit de délivrer un visa d'immigrant aux demandeurs qui font partie de la catégorie dans laquelle vous avez présenté votre demande et qui n'obtiennent aucun point d'appréciation pour le facteur professionnel. Or, vous n'avez obtenu aucun point pour ce facteur parce que vous ne remplissez pas les conditions d'accès à cette profession au Canada. Plus précisément, vous ne possédez pas le niveau de scolarité exigé.

Le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration interdit de délivrer un visa d'immigrant aux demandeurs qui font partie de la catégorie dans laquelle vous avez présenté votre demande et qui n'obtiennent aucun point d'appréciation pour le facteur de l' « expérience » [...] Il n'est pas possible de vous attribuer des points pour l'expérience acquise dans une profession pour laquelle vous ne remplissez pas les conditions d'accès.

Votre demande a également été examinée en fonction de la profession d'ingénieur des télécommunications et des professions pouvant être rattachées à celle d'agent de développement commercial ou d'ingénieur des télécommunications, mais là encore, vous ne remplissez pas les conditions d'accès à l'exercice de ces professions [...]                

[4]                Les paragraphes 11(1) et 11(2) de l'ancien Règlement sur l'immigration de 1978 D.O.R.S./78-172 (le Règlement) étaient ainsi libellés :


11. (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (5), l'agent des visas ne peut délivrer un visa d'immigrant selon les paragraphes 9(1) ou 10(1) ou (1.1) à l'immigrant qui est apprécié suivant les facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I et qui n'obtient aucun point d'appréciation pour le facteur visé à l'article 3 de cette annexe, à moins que l'immigrant :

11. (1) Subject to subsections (3) and (5), a visa officer shall not issue an immigrant visa pursuant to subsection 9(1) or 10(1) or (1.1) to an immigrant who is assessed on the basis of factors listed in column I of Schedule I and is not awarded any units of assessment for the factor set out in item 3 thereof unless the immigrant


a) n'ait un emploi réservé au Canada et ne possède une attestation écrite de l'employeur éventuel confirmant qu'il est disposé à engager une personne inexpérimentée pour occuper ce poste, et que l'agent des visas ne soit convaincu que l'intéressé accomplira le travail voulu sans avoir nécessairement de l'expérience; ou

(a) has arranged employment in Canada and has a written statement from the proposed employer verifying that he is willing to employ an inexperienced person in the position in which the person is to be employed, and the visa officer is satisfied that the person can perform the work required without experience; or

b) ne possède les compétences voulues pour exercer un emploi dans une profession désignée, et ne soit disposé à le faire.

(b) is qualified for and is prepared to engage in employment in a designated occupation.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l'agent des visas ne délivre un visa en vertu des articles 9 ou 10 à un immigrant autre qu'un entrepreneur, un investisseur, un candidat d'une province ou un travailleur autonome, que si l'immigrant :

2) Subject to subsections (3) and (4), a visa officer shall not issue an immigrant visa pursuant to section 9 or 10 to an immigrant other than an entrepreneur, an investor, a provincial nominee or a self-employed person unless

a) a obtenu au moins un point d'appréciation pour le facteur visé à l'article 4 de la colonne I de l'annexe I; [...]

(a) the units of assessment awarded to that immigrant include at least one unit of assessment for the factor set out in item 4 of Column I of Schedule I; [...]


[5]                Voici les dispositions pertinentes de l'annexe I du Règlement :


3. Expérience

Des points d'appréciation sont attribués pour l'expérience acquise dans la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l'article 4 ou, [...]

3. Experience

Units of assessment shall be awarded for experience in the occupation in which the applicant is assessed under item 4 or, [...]

4. Facteur professionnel

(1) Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession :

4. Occupational Factor

(1) Units of assessment shall be awarded on the basis of employment opportunities in Canada in the occupation

a) à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la Classification nationale des professions;

(a) for which the applicant meets the employment requirements for Canada as set out in the National Occupational Classification;

b) pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles;

(b) in which the applicant has performed a substantial number of the main duties as set out in the National Occupational Classification, including the essential ones; and

c) que le requérant est prêt à exercer au Canada.

[...]

(c) that the applicant is prepared to follow in Canada.

[...]



QUESTIONS EN LITIGE

[6]                Le demandeur soulève les questions suivantes :

(1)         l'agente des visas est-elle crédible?

(2)         l'agente des visas a-t-elle appliqué la mauvaise norme lors de son examen de la demande?

(3)         l'agente des visas a-t-elle omis de consigner par écrit son évaluation de la présente demande?

(4)         l'agente des visas a-t-elle ignoré des éléments de preuve essentiels pour ne retenir que certains autres éléments de preuve non essentiels?

(5)         l'agente des visas a-t-elle tiré des conclusions de fait erronées?

(6)         l'agente des visas a-t-elle manqué aux principes de justice fondamentale?

ANALYSE

a)          Thèse du demandeur


[7]                Suivant le demandeur, la décision de l'agente des visas devrait être infirmée parce qu'elle s'est montrée peu crédible lorsqu'elle a été contre-interrogée au sujet de son affidavit. Le demandeur affirme qu'au cours du contre-interrogatoire, l'agente des visas a admis qu'elle ne s'était pas acquittée de ses fonctions de la manière prescrite et qu'elle n'avait pas réussi à trouver une solution juste au litige. Le demandeur affirme que l'agente des visas a commis une erreur en évaluant sa demande en fonction de la norme plus exigeante de la « preuve péremptoire » . Il ajoute que l'agente des visas n'a pas dûment consigné son évaluation de sa demande dans le Système informatisé de traitement des cas d'immigration (le SITCI). Le demandeur soutient que l'agente des visas ne lui a pas offert la possibilité de dissiper les doutes qu'elle avait exprimés à la suite de son examen de sa demande, soit en le recevant en entrevue, soit en vérifiant auprès de son employeur actuel ou de ses anciens employeurs la nature exacte de ses fonctions.

[8]                Suivant le demandeur, l'agente des visas a fait fi de la demande qu'il lui avait faite d'exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Le demandeur ajoute que l'agent des visas qui commet une erreur flagrante dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ou qui refuse même d'envisager la possibilité d'exercer son pouvoir discrétionnaire commet de ce fait une erreur justifiant l'infirmation de sa décision. Le demandeur affirme que l'agente des visas a commis une erreur dans son appréciation de la profession CNP 4163.0 en s'en tenant à une seule condition d'accès à la profession et en ne se demandant pas s'il satisfaisait aux autres exigences. Suivant le demandeur, l'agente des visas n'a pas tenu compte des éléments de preuve qu'il avait soumis au sujet des aspects d'ingénierie de ses fonctions professionnelles. Il ajoute qu'elle s'est fondée exclusivement sur les fonctions de ventes et de marketing qu'il avait exercées pour en arriver à sa décision. Le demandeur affirme que l'agente des visas a manqué aux principes de justice fondamentale à son égard en n'examinant pas sa demande en fonction de toutes les catégories applicables.


b)          Thèse du défendeur

[9]                Le défendeur affirme que le demandeur déforme le témoignage qu'a donné l'agente des visas et il ajoute qu'il n'y a pas de faits qui justifient l'allégation que l'agente des visas n'est pas crédible et que son affidavit n'est pas fiable. Le défendeur soutient qu'il ressort d'un examen attentif de sa décision que l'agente des visas a appliqué le bon critère et non la norme plus exigeante de la « preuve péremptoire » . Suivant le défendeur, l'agente des visas a formulé des observations suffisantes dans ses notes SITCI. Il ajoute que rien n'obligeait l'agente des visas à rendre compte dans ses notes SITCI de tous les éléments dont elle avait tenu compte dans son appréciation. Le défendeur explique également qu'en l'absence d'erreur flagrante, le défaut de l'agente des visas de mentionner tous les éléments de preuve ne constitue pas une erreur justifiant l'intervention de la Cour.


[10]            Le défendeur soutient que l'agente des visas a de toute évidence envisagé la possibilité d'exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur comme le lui permettait le paragraphe 11(3) de l'ancien Règlement. Le défendeur ajoute que, de toute façon, il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire résiduel qui ne joue vraiment que dans les cas où le demandeur a recueilli juste un peu moins que les 70 points d'appréciation exigés. Le défendeur explique que l'agent des visas n'est tenu de motiver par écrit sa décision que lorsqu'il décide de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur. Le défendeur affirme que l'agente des visas n'a pas manqué à son obligation d'agir avec équité en rejetant la présente demande sans tenir d'entrevue, parce que l'agent des visas n'est pas tenu de poursuivre son examen lorsqu'il est évident que le demandeur ne remplit pas certaines conditions essentielles telles que celles relatives à l'accès à la profession. Suivant le défendeur, l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en n'appréciant pas le demandeur en tant que spécialiste des ventes techniques, parce que cette profession ne faisait pas partie de celles que le demandeur avait citées.

[11]            Le défendeur affirme que la preuve ne permet pas de conclure que le demandeur a exécuté la totalité ou une partie des fonctions d'ingénieur. Il ajoute que le demandeur ne s'est pas déchargé du fardeau qui lui incombait de convaincre pleinement l'agente des visas qu'il répondait aux critères de sélection prévus par l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 et son règlement d'application.

[12]            Notre Cour a bien précisé que l'appréciation des compétences professionnelles est une conclusion de fait qui relève entièrement de la compétence de l'agent des visas. Notre Cour n'intervient pour modifier cette conclusion que si celle-ci est manifestement déraisonnable. Dans le jugement Kalia c. Canada (MCI), 2002 CFPI 731, [2002] A.C.F no 998 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge MacKay écrit ce qui suit, au paragraphe 8 :

À mon avis, la norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d'un agent des visas appelé à évaluer l'expérience d'un immigrant éventuel au regard d'une profession en particulier est bien établie. Ainsi que la Cour suprême du Canada l'a statué dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, une cour ne s'ingérera pas dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi simplement parce qu'elle aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé.

[13]            Après avoir examiné le dossier certifié, la transcription du contre-interrogatoire et les observations des parties, j'estime qu'il m'est impossible d'être d'accord avec le demandeur pour les motifs qui suivent.

Question no 1 :            L'agente des visas est-elle crédible?

[14]            Les arguments invoqués par le demandeur au sujet de la crédibilité de l'agente des visas sont mal fondés parce que ses affirmations ne reposent sur aucun fait. Après examen de la transcription du contre-interrogatoire, il est évident que le demandeur a dénaturé le témoignage de l'agente des visas.

Question no 2 :            L'agente des visas a-t-elle appliqué la mauvaise norme lors de son examen de la demande?

[15]            Le demandeur affirme que l'agente des visas a commis une erreur en appliquant la norme de la « preuve péremptoire » lors de son évaluation de sa demande. Après examen des motifs de l'agente des visas, de l'affidavit dans lequel elle explique ses motifs et, finalement, de ses notes SITCI, j'estime qu'il n'y a rien dans le raisonnement qu'a suivi l'agente des visas ou dans les mots qu'elle a employés qui permette de penser qu'elle n'a pas évalué la présente demande en conformité avec la Loi et son règlement d'application. Il ressort de sa décision qu'elle s'est appuyée sur les dispositions applicables du Règlement. Par ailleurs, il convient de rappeler que le paragraphe 6(1) de la Loi dispose ce qui suit :



6. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, tout immigrant, notamment tout réfugié au sens de la Convention, ainsi que toutes les personnes à sa charge peuvent obtenir le droit d'établissement si l'agent d'immigration est convaincu que l'immigrant satisfait aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourra ou non réussir son installation au Canada, au sens des règlements, et si oui, dans quelle mesure.

6. (1) Subject to this Act and the regulations, any immigrant, including a Convention refugee, and all dependents, if any, may be granted landing if it is established to the satisfaction of an immigration officer that the immigrant meets the selection standards established by the regulations for the purpose of determining whether or not and the degree to which the immigrant will be able to become successfully established in Canada, as determined in accordance with the regulations.


[16]            Je ne vois aucune raison de conclure que l'agente des visas a soumis le demandeur à une obligation plus stricte que celle de la convaincre qu'il satisfaisait aux critères de sélection prévus par la loi.

Question no 3 :             L'agente des visas a-t-elle omis de consigner par écrit son évaluation de la présente demande?       

[17]            Bien que l'agent des visas ne soit pas tenu de consigner dans ses notes SITCI chacun des éléments dont il tient compte lors de son évaluation, on s'attend cependant à ce que les faits et les facteurs qui ont un effet déterminant sur l'issue de la demande soient relatés dans les notes SITCI (voir le jugement Abdul-Karim c. Canada (MCI), (2000), 191 F.T.R. 115 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 19). J'estime que les notes SITCI renferment les raisons qui ont déterminé l'agente des visas à refuser la demande. Voici quelques passages tirés des pages 6 et 7 du dossier certifié :

[TRADUCTION] L'INTÉRESSÉ A UN BACC. EN GÉNIE ET NE SEMBLE PAS AVOIR LE DEGRÉ DE SCOLARITÉ EXIGÉ POUR LA PROFESSION ENVISAGÉE. SON EXPÉRIENCE S'ACCORDE DAVANTAGE AVEC CELLE DE DIRECTEUR DU MARKETING (CNP 0611.2).

AUCUNE EXP. MANIFESTE COMME INGÉNIEUR

[...]


JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QUE LE DEMANDEUR SATISFAIT AUX EXIGENCES APPLICABLES AUX AGENTS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, CAR CETTE PROFESSION EXIGE UN DIPLÔME UNIV. EN ÉCONOMIE, EN COMMERCE, EN GESTION DES AFFAIRES OU EN ADMINISTRATION PUBLIQUE. L'INTÉRESSÉ A UN BACC. EN GÉNIE. L'INTÉRESSÉ NE SATISFAIT PAS NON PLUS AUX CONDITIONS D'ACCÈS AUX PROFESSIONS CLASSÉES SOUS LE MÊME NUMÉRO DE LA CNP POUR LA MÊME RAISON.

[...]

INGÉNIEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS - JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QUE L'INTÉRESSÉ A EXERCÉ UN NOMBRE SUBSTANTIEL DES FONCTIONS PRINCIPALES DE CETTE PROFESSION. APRÈS EXAMEN DE SON CV ET DE SES LETTRES DE RECOMMANDATION, JE CONSTATE QUE RIEN NE PERMET DE PENSER QUE L'INTÉRESSÉ POSSÈDE DE L'EXPÉRIENCE COMME INGÉNIEUR [...]

J'AI ÉGALEMENT ÉVALUÉ L'INTÉRESSÉ EN FONCTION DES AUTRES PROFESSIONS CLASSÉES SOUS LE MÊME NUMÉRO DE LA CNP (INGÉNIEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS) ET JE NE SUIS PAS NON PLUS CONVAINCUE QU'IL A EXERCÉ UN NOMBRE SUBSTANTIEL DES FONCTIONS PRINCIPALES DE L'UNE OU L'AUTRE DE CES PROFESSIONS.

DEMANDE REFUSÉE À L'ÉTAPE DE LA SÉLECTION ADMINISTRATIVE.

Je conclus donc que l'agente des visas a bien consigné par écrit son évaluation de la présente demande.

[18]            Je vais examiner ensemble la quatrième et la cinquième questions, qui sont ainsi libellées :

Question no 4 :             L'agente des visas a-t-elle ignoré des éléments de preuve essentiels pour ne retenir que certains autres éléments de preuve non essentiels?

Question no 5 :             L'agente des visas a-t-elle tiré des conclusions de fait erronées?


[19]            En l'absence d'erreur flagrante, il faut présumer que l'agente des visas a tenu compte de l'ensemble de la preuve dont elle disposait (voir le jugement Hsu c. Canada (MCI), (1999), 50 Imm. L.R. (2d) 123 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 13). En l'espèce, le demandeur reproche à l'agente des visas de ne pas avoir tenu compte des éléments de preuve relatifs aux aspects d'ingénierie de ses fonctions professionnelles et de s'être fondée uniquement sur l'expérience qu'il avait acquise en vente et en marketing pour en arriver à sa décision. Après avoir examiné le dossier certifié, je conclus que les lettres d'emploi, les lettres de recommandation et le curriculum vitae du demandeur révèlent de façon éloquente l'expérience qu'il a accumulée dans le domaine des ventes et du marketing, mais qu'ils ne témoignent guère de l'exercice par lui d'un nombre substantiel des fonctions principales associées à la profession d'ingénieur, quelle que soit la catégorie visée par sa demande.

[20]            Le Règlement précise bien que l'agent des visas ne peut attribuer de points d'appréciation au titre du facteur professionnel que si le demandeur a exercé un nombre substantiel des fonctions professionnelles correspondant à la catégorie pertinente de la CNP. Je conclus donc que l'agente des visas n'a ignoré aucun élément de preuve et qu'elle n'a pas tiré de conclusions de fait erronées pour en arriver à sa décision.

[21]            À l'audience, le demandeur a fait valoir qu'il aurait dû être apprécié en tant que « spécialiste des ventes techniques » et il a renvoyé la Cour à l'extrait suivant du contre-interrogatoire de l'agente des visas, qui se trouve à la page 105 de la transcription :

[TRADUCTION]

R.             Vous m'avez demandé de l'évaluer en tant qu'ingénieur des télécommunications.

Q.             C'est exact.


R.            Je ne suis pas convaincue qu'il a acquis de l'expérience en tant qu'ingénieur des télécommunications. Et de fait, puisque vous mentionnez la profession de spécialiste des ventes techniques, je crois que cette classification correspond probablement davantage au genre de travail qu'il fait. Et si j'y avais pensé à l'époque ou si vous y aviez pensé lorsque vous avez soumis la lettre dans laquelle vous demandiez qu'il soit évalué en fonction de diverses professions, cette classification aurait peut-être été plus appropriée.

Le demandeur n'a pas demandé à être évalué en fonction de cette profession de la CNP et l'agente des visas n'en a tenu compte que lorsque l'avocat du demandeur a évoqué la question lors du contre-interrogatoire. La Cour a suggéré au demandeur de présenter une nouvelle demande sous ce numéro de la CNP, étant donné qu'il semblait que le demandeur et le défendeur estimaient tous les deux que le demandeur recueillerait des points d'appréciation pour l'expérience qu'il avait acquise à titre de « spécialiste des ventes techniques » . On ne peut reprocher au défendeur de ne pas avoir tenu compte d'une profession qui n'était pas visée par la demande ou qui ne s'imposait d'elle-même.

Question no 6 :             L'agente des visas a-t-elle manqué aux principes de justice fondamentale?

[22]            Le demandeur affirme que l'agente des visas était tenue soit de le recevoir en entrevue, soit de vérifier auprès de son employeur actuel ou de ses anciens employeurs la nature exacte de ses fonctions. Selon le demandeur, l'agente des visas a fait fi de la demande qu'il lui avait faite d'exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Le demandeur ajoute que l'agente des visas a manqué aux principes de justice fondamentale à son égard en n'examinant pas sa demande en fonction de toutes les catégories applicables.

[23]            En premier lieu, il ressort de la jurisprudence de notre Cour que lorsqu'il est évident que le demandeur ne satisfait pas aux conditions d'accès de la profession envisagée, l'agent des visas n'est pas tenu de poursuivre son évaluation (voir les jugements Luthra c. Canada (MCI), 2001 CFPI 331, [2001] A.C.F. no 571 (C.F. 1re inst.)(QL); Cai c. Canada (MCI), [1997] A.C.F. no 55 (C.F. 1re inst.)(QL) et Xu c. Canada (MCI), (1999), 177 F.T.R. 122 (C.F. 1re inst.)). En deuxième lieu, il est de jurisprudence constante que c'est au demandeur qu'il incombe de convaincre l'agent des visas que sa demande est conforme à la Loi et au règlement. Troisièmement, je conviens que lorsque le demandeur mentionne une profession connexe dans sa demande, il faut tôt au tard déterminer jusqu'où on peut raisonnablement pousser l'examen des autres professions. Ainsi, il serait déraisonnable de s'attendre à ce que l'agent des visas passe en revue chacune des professions connexes énumérées dans la CNP. Je m'appuie également sur le raisonnement suivi par la juge Dawson dans le jugement Mitra c. Canada (MCI), 2002 CFPI 541, [2002] A.C.F. no 701 (C.F. 1re inst.)(QL) dans lequel la juge se penche sur l'obligation de tenir compte d'autres professions, pour conclure aux paragraphes 3, 4 et 5 :

[3]     Je suis convaincue que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en omettant d'apprécier M. Mitra en fonction d'une autre profession, et ce, pour les raisons suivantes.

[4] Premièrement, dans l'arrêt Adami c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 669 (C.F. 1re inst.), le juge Evans, tel était alors son titre, a examiné la jurisprudence pertinente de la Cour et il a conclu qu'un agent des visas n'est tenu d'apprécier un demandeur qu'en fonction de la profession pour laquelle celui-ci a indiqué qu'il était qualifié et qu'il désirait exercer au Canada. Je suis d'accord pour dire que la jurisprudence penche en ce sens.


[5] Deuxièmement, dans l'arrêt Warsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1646 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein, tel était alors son titre, a examiné l'omission d'un agent des visas à apprécier un demandeur en fonction de domaines connexes alors que le demandeur avait indiqué que la profession qu'il envisageait d'exercer était celle d' « ingénieur en mécanique ou un emploi dans un domaine connexe » . Le juge Rothstein a conclu que la référence à « un emploi dans un domaine connexe » ne désignait pas une autre profession et il a estimé que « l'agent des visas n'est pas tenu de passer en revue la CNP et à décider si, dans une situation déterminée, un emploi appartient à un domaine connexe » . De même, j'estime que la référence à [traduction] « toute autre profession qui, selon votre opinion professionnelle, permettra à M. Mitra d'être admissible à la résidence permanente au Canada » ne désigne pas une autre profession de façon à déclencher l'obligation d'effectuer une appréciation en fonction de cette profession envisagée.

[24]            Finalement, j'accepte l'argument du défendeur suivant lequel le pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 11(3) du Règlement permet à l'agent des visas d'exercer en faveur du demandeur est un pouvoir résiduel qui ne joue vraiment que dans les cas où le demandeur a recueilli juste un peu moins que les 70 points d'appréciation exigés. Or, en l'espèce, le demandeur a obtenu 59 points (voir le jugement Chen c. Canada (MCI), (1999), 166 F.T.R. 78 (C.F. 1re inst.), le juge Evans, au paragraphe 23). Qui plus est, l'agent des visas n'est jamais tenu d'exercer ce pouvoir discrétionnaire. Dans le cas qui nous occupe, l'agente des visas a déclaré sous serment qu'elle avait envisagé la possibilité d'exercer ce pouvoir discrétionnaire, mais qu'elle a décidé de ne pas l'exercer parce que, selon elle, rien ne permettait de penser que le demandeur était un bon candidat pour l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire en sa faveur. J'estime qu'il était parfaitement loisible à l'agente des visas de rendre la décision à laquelle elle en est arrivée et, comme l'exercice du pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur ne constitue pas un facteur décisif dans la présente demande, je conclus que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur en ne faisant pas mention de cet aspect dans ses notes SITCI.

[25]            Pour tous les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


[26]            La certification d'aucune question n'a été proposée. La Cour convient que la présente affaire ne soulève pas de question qui devrait faire l'objet d'une certification.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                           _ Michael A. Kelen _             

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                  COUR FÉDÉRALE

                                                        Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                   IMM-2681-02

                                                                             

INTITULÉ :                                  ANTHONY CHRYSANTHA LALITH SIRIWARDENA

                                                                                                                                           demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE JEUDI 22 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                  MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                 LE LUNDI 26 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

T.Viresh Fernando                                                         POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

T. Viresh Fernando                                                        POUR LE DEMANDEUR

Avocat

2, rue Carlton, bureau 804

Toronto (Ontario)    M5B 1J3

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040426

                                            Dossier : IMM-2681-02

ENTRE :

ANTHONY CHRYSANTHA LALITH SIRIWARDENA

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


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