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Date : 20220713


Dossier : IMM‑2281‑21

Référence : 2022 CF 1033

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2022

En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly

ENTRE :

ADEGBOYEGA BELLO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] En 2017, M. Adegboyega Bello a fui le Nigéria par crainte d’être persécuté par les membres d’une secte appelée Badoo. M. Bello avait été président d’une organisation communautaire qui avait embauché des justiciers afin d’empêcher les membres de la secte Badoo d’attaquer les habitants de la région. Il affirme que les membres de la secte l’ont menacé et ont essayé de lui causer du tort. Il s’est rendu aux États‑Unis en 2017, puis est venu au Canada un an plus tard.

[2] M. Bello a présenté une demande d’asile à la Section de la protection des réfugiés (la SPR). Celle‑ci a jugé qu’il était généralement crédible, mais a conclu qu’il pouvait vivre en sécurité à Abuja ou à Port Harcourt; en d’autres termes, ces deux villes constituaient des possibilités de refuge intérieur (les PRI) pour le demandeur. M. Bello a interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés (la SAR), qui a confirmé la décision de la SPR.

[3] M. Bello soutient que la décision de la SAR était déraisonnable, puisque la preuve démontrait qu’il ne serait en sécurité ni à Abuja ni à Port Harcourt. De plus, il fait valoir qu’il ne pouvait raisonnablement pas déménager dans l’une ou l’autre de ces villes en raison du taux de chômage élevé et des soins de santé médiocres qui y sont offerts. Il me demande d’annuler la décision de la SAR et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué pour qu’il procède à un nouvel examen de sa demande.

[4] Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la SAR. Elle a raisonnablement conclu que M. Bello avait des PRI au Nigéria parce qu’il pouvait échapper aux persécutions de la secte Badoo à Abuja ou à Port Harcourt. La SAR a aussi raisonnablement conclu que les conditions d’emploi et le système de santé dans ces villes n’y constituaient pas un obstacle important à l’établissement de M. Bello. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5] La seule question qui se pose est celle de savoir si la conclusion de la SAR relativement à l’existence de PRI était déraisonnable.

II. La conclusion de la SAR concernant l’existence de PRI était‑elle déraisonnable?

[6] Pour savoir si M. Bello avait des PRI, la SAR devait tirer deux conclusions. Premièrement, elle devait conclure que M. Bello pouvait, sans s’exposer à des risques, éviter d’être persécuté par la secte Badoo dans les deux villes envisagées comme PRI, à savoir Abuja et Port Harcourt. Deuxièmement, elle devait conclure que M. Bello pouvait raisonnablement déménager dans ces villes.

[7] En ce qui concerne la première conclusion, M. Bello souligne que des membres de la secte Badoo ont pu le suivre depuis sa communauté d’Ikorodu à Lagos jusqu’au domicile de son ami, situé à environ une demi‑heure de là. Son ami a reçu chez lui un appel de menaces provenant d’un membre de la secte. M. Bello a habité dans l’État d’Osun pendant plusieurs mois, mais il a ensuite dû retourner à Lagos pour y recevoir un traitement médical. Selon M. Bello, cela montre que la secte avait l’intention de le retrouver et qu’elle le poursuivrait probablement jusqu’à Abuja ou Port Harcourt s’il y déménageait.

[8] En ce qui concerne la deuxième conclusion, M. Bello fait valoir que la SAR n’a pas dûment tenu compte de son besoin de soins médicaux appropriés. Au Nigéria, on lui a diagnostiqué à tort une tuberculose — au Canada, les médecins pensaient qu’il souffrait peut‑être d’une maladie appelée sarcoïdose. M. Bello affirme également que la SAR n’a pas compris la portée des difficultés qu’il devrait surmonter pour trouver un emploi à Abuja ou à Port Harcourt. Il fait valoir que la preuve montre qu’il lui serait presque impossible d’y trouver un emploi.

[9] Je ne souscris pas aux observations de M. Bello.

[10] La preuve n’a pas montré que les membres de Badoo avaient les moyens ou la motivation de le poursuivre jusqu’à Abuja ou Port Harcourt. Après qu’il eut quitté Ikorodu, son ami a reçu un appel téléphonique de menaces, ce qui laissait penser que la secte l’avait peut‑être retrouvé non loin de chez lui. Toutefois, il n’a eu aucun contact avec la secte pendant les onze mois qui ont suivi, alors qu’il vivait ailleurs au Nigéria. Bien que M. Bello ait fourni des éléments de preuve montrant que les sectes sont répandues au Nigéria, rien dans les documents présentés ne permet de conclure qu’il est exposé à un risque particulier.

[11] Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion de la SAR selon laquelle M. Bello pourrait vraisemblablement vivre en sécurité hors de la portée de la secte Badoo s’il déménageait à Abuja ou à Port Harcourt.

[12] Pour ce qui est de savoir s’il était raisonnable de s’attendre à ce que M. Bello déménage dans l’une des villes proposées comme PRI, la SAR a tenu compte du fait que les qualités personnelles de M. Bello — son âge, son expérience, son éducation, ses compétences linguistiques et son genre — favorisaient ses chances de trouver un emploi. En ce qui concerne la situation médicale de M. Bello, la SAR a noté que sa maladie a pu être gérée sans médicament ni traitement et que, si cela s’avérait nécessaire, il pourrait consulter des pneumologues dans les hôpitaux publics d’Abuja ou de Port Harcourt. La preuve médicale a montré que l’état de santé M. Bello n’avait pas d’incidence importante sur sa santé ou sa capacité de travailler.

[13] Encore une fois, je ne vois aucune erreur dans la conclusion de la SAR selon laquelle il serait raisonnable de s’attendre à ce que M. Bello déménage à Abuja ou à Port Harcourt. Par conséquent, la conclusion de la SAR concernant l’existence de PRI n’était pas déraisonnable.

III. Conclusion et dispositif

[14] Les conclusions de la SAR selon lesquelles M. Bello pouvait vivre en toute sécurité à Abuja ou à Port Harcourt et qu’il serait raisonnable pour lui d’y déménager étaient étayées par la preuve. Sa conclusion sur l’existence de PRI n’était donc pas déraisonnable. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑2281‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est soulevée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Karine Lambert


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2281‑21

INTITULÉ :

ADEGBOYEGA BELLO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 février 2022

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE O’REILLY

DATE DES MOTIFS :

Le 13 juillet 2022

COMPARUTIONS :

Sunday Adeyemi

Pour le demandeur

David Knapp

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Sunday Adeyemi

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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