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Date : 20220713


Dossier : IMM-4005-21

Référence : 2022 CF 1035

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 juillet 2022

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

OYEWOLE ABAYOMI OWORU

EUNICE OLUWAKEMI OWORU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs, Oyewole Abayomi Oworu (le demandeur principal) et Eunice Oluwakemi Oworu (la codemanderesse), sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) datée du 21 mai 2021. Dans sa décision, la SAR a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) selon laquelle le demandeur principal était exclu de la protection accordée aux réfugiés aux termes de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) et de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 189 RTNU 150 (la Convention). La SAR a également confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle la codemanderesse disposait d’une possibilité de refuge intérieur (la PRI) à Abuja, au Nigéria, et n’avait donc ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.

[2] Les demandeurs craignent que le groupe militant du delta du Niger au Nigéria les persécute parce que le demandeur principal a fait partie d’un groupe d’autodéfense communautaire appelé Community Development Association (la CDA). En tant que chef adjoint de la CDA, le demandeur principal a fourni des renseignements sur les activités des militants du groupe du delta du Niger à la Special Anti-Robbery Squad [la brigade spéciale de lutte contre le banditisme] (la SARS) de la Nigerian Police Force [la force de police du Nigéria] (la NPF).

[3] Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une première erreur en concluant que le demandeur principal était exclu de la protection accordée aux réfugiés par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention et une deuxième erreur dans son analyse de la PRI pour la codemanderesse.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Les faits

A. Les demandeurs

[5] Les demandeurs sont des citoyens du Nigéria. Ils sont originaires d’Ishawo, à Ikorodu, dans le nord-est de l’État de Lagos. En 2015, des militants du delta du Niger ont commencé à attaquer les collectivités de la région d’Ikorodu. Le demandeur principal s’est alors joint à la CDA et en est devenu le chef adjoint. Au sein de la CDA, il a coordonné la collecte de renseignements sur les activités des militants du delta du Niger et la transmission de ces renseignements à la SARS de la NPF. Parmi les renseignements, il y avait des itinéraires et des emplacements des militants, que le demandeur principal fournissait [traduction] « presque chaque semaine ». La transmission de ces renseignements a mené à l’assassinat de deux des militants et à l’arrestation d’autres d’entre eux au milieu de l’année 2015.

[6] Les demandeurs allèguent que, le 9 avril 2016, des militants ont attaqué des personnes de leur collectivité, dont des membres de la CDA. Le 24 juin 2016, des militants ont tué plus de 35 personnes de leur collectivité, dont la plupart étaient des membres de la CDA ou des membres de leurs familles. Ils affirment que, dans la nuit du 26 juillet 2016, des militants ont enlevé plus de 50 personnes et ont tué neuf des dirigeants de la collectivité. Le demandeur principal et sa famille ont réussi à s’échapper de leur domicile, et les demandeurs ont décidé de quitter le Nigéria. Ils sont arrivés aux États-Unis le 27 janvier 2017.

[7] Les demandeurs affirment que, le 10 avril 2017, des militants ont tué des membres de la CDA, dont son président. Le demandeur principal craint d’être le prochain sur la liste des militants. Les demandeurs sont entrés au Canada et ont demandé l’asile le 28 décembre 2017.

B. La décision de la SPR

[8] Dans une décision datée du 21 octobre 2020, la SPR a conclu que le demandeur principal était exclu de la protection accordée aux réfugiés par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention, car il avait été complice de crimes contre l’humanité commis par la SARS et la NPF. La SPR a également conclu que la codemanderesse disposait d’une PRI viable à Abuja, au Nigéria.

[9] Le ministre est intervenu devant la SPR en vue de l’exclusion du demandeur principal par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention. Il a soutenu que la preuve documentaire démontrait que la SARS avait commis des crimes contre l’humanité, dont des exécutions sommaires et des actes de torture. Sa position était que le demandeur principal avait été complice des crimes, car il avait aidé la SARS et la NPF en leur fournissant des renseignements, ce qui avait mené à l’assassinat de militants du delta du Niger.

[10] Dans son examen de la possibilité d’une exclusion par application de la section F de l’article premier de la Convention, la SPR a d’abord examiné la question de savoir si la NPF et la SARS avaient commis des crimes contre l’humanité. Elle a conclu que la preuve démontrait que le recours à la torture et à d’autres mauvais traitements était généralisé et systématique au sein de la NPF, et que ses membres commettaient fréquemment, partout au Nigéria, des assassinats qui souvent ne faisaient pas l’objet d’enquête et restaient impunis. En particulier, la SPR a conclu que la preuve démontrait que la SARS, une unité spécialisée de la NPF créée pour lutter contre les crimes violents, avait commis des crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis dans des instruments internationaux, et qu’elle était responsable d’attaques systématiques contre la population civile et des groupes de personnes identifiables.

[11] Les demandeurs ont soutenu devant la SPR que les membres d’organisations terroristes comme les groupes militants du delta du Niger ne sont pas considérés comme des civils (Bamlaku c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 7252 (CF) (Bamlaku). Par conséquent, les actes posés contre de tels groupes n’entrent pas dans la définition du terme crimes contre l’humanité donnée dans l’arrêt Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40 (Mugesera). La SPR a conclu que, selon la définition donnée dans l’arrêt Mugesera, les crimes contre l’humanité ne se limitent pas aux crimes contre une population civile, car la Cour suprême du Canada a précisé qu’une attaque peut être « dirigée contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes » (au para 128). La SPR a conclu que la définition s’appliquait aux crimes contre l’humanité commis contre les militants du delta du Niger.

[12] Ensuite, la SPR a examiné la question de savoir si le demandeur principal avait participé aux actes criminels de la SARS par complicité, ou par ses actions ou son inaction (Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40 (Ezokola) au para 8). Elle a reconnu qu’une personne ne peut se voir refuser la qualité de réfugiée par application de la section F de l’article premier simplement en raison de son association avec l’auteur de crimes internationaux. La SPR a examiné les considérations énumérées par la Cour suprême dans l’arrêt Ezokola visant à établir si une personne est complice d’un crime visé à la section F de l’article premier de la Convention (au para 91).

[13] Premièrement, la SPR a conclu que la contribution du demandeur principal aux crimes contre l’humanité était volontaire. Il s’est volontairement joint à la CDA, en est devenu le chef adjoint, et n’agissait pas sous la contrainte lorsqu’il exerçait ses fonctions pour la CDA. Il a également joué un rôle actif en transmettant des renseignements à la SARS, ce qui a mené au décès de militants. D’après la preuve documentaire, il est probable que la SARS ait commis des assassinats extrajudiciaires lors de ses attaques contre les militants. La SPR a affirmé que, bien qu’il soit raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne demande de l’aide aux autorités lorsque sa collectivité est en détresse, le demandeur principal n’était pas personnellement exposé au risque immédiat que les militants du delta du Niger s’en prennent à lui lorsqu’il avait commencé à aider la SARS. Selon la version des faits du demandeur, les militants ont plutôt commencé à prendre pour cibles les membres de la CDA parce qu’ils transmettaient des renseignements à la SARS.

[14] Ensuite, la SPR a conclu qu’il existait des raisons sérieuses de considérer que le demandeur principal avait consciemment contribué à des crimes contre l’humanité. Bien que le demandeur principal affirme qu’il n’avait pas eu directement connaissance des crimes de la NPF et de la SARS, il n’est pas nécessaire selon les instruments internationaux et la jurisprudence qu’une personne soit directement témoin de crimes contre l’humanité pour en être complice. Il suffit qu’elle ait connaissance du crime ou du dessein criminel de l’organisation. Dans son témoignage, le demandeur principal a indiqué qu’il était au courant de certains des crimes de la NPF et de la SARS. La SPR a conclu que le demandeur principal savait que la SARS avait commis des crimes contre l’humanité et que, par ses actes, il y avait contribué.

[15] Enfin, la SPR a conclu que la contribution du demandeur principal aux crimes contre l’humanité était significative. Le demandeur principal a fourni à la SARS des renseignements, dont des itinéraires et des emplacements des militants, presque chaque semaine. La transmission de ces renseignements a mené à l’assassinat de deux des militants et à l’arrestation d’autres d’entre eux par la SARS.

[16] En ce qui concerne la demande d’asile de la codemanderesse, la SPR a conclu qu’il existait pour elle une PRI viable à Abuja. La SPR, appliquant le critère à deux volets relatif à la PRI, a d’abord conclu que la codemanderesse n’avait pas démontré que sa crainte d’être persécutée à Abuja était fondée. Le demandeur principal a affirmé que les militants le cherchaient, mais la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils seraient en mesure de les retrouver à Abuja. Le demandeur principal a ajouté qu’il serait en danger parce que, d’après ce que lui avaient dit les autorités, il serait appelé à témoigner si les militants étaient poursuivis en justice. Toutefois, les demandeurs n’ont fourni aucun élément de preuve selon lequel des accusations formelles avaient été déposées contre les militants, ou selon lequel ils seraient en danger si un procès devait avoir lieu.

[17] Deuxièmement, la SPR a conclu qu’il ne serait pas déraisonnable que la codemanderesse déménage à Abuja. Dans cette ville, les demandeurs pourraient subvenir à leurs besoins fondamentaux et surmonter les difficultés linguistiques, et la codemanderesse n’a pas démontré que, si elle y déménageait, sa vie ou sa sécurité seraient en péril. Par conséquent, la SPR a conclu que la codemanderesse n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.

C. La décision à l’examen

[18] Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Dans une décision datée du 26 février 2021, la SAR a rejeté leur appel. Avant de confirmer la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur principal était exclu de la protection accordée aux réfugiés par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention, la SAR a tiré les conclusions suivantes :

  • La SPR a eu raison de conclure que la preuve établissait que la NPF et la SARS avaient commis des crimes contre l’humanité. Ces crimes s’inscrivaient dans une attaque généralisée et systématique dirigée non pas seulement contre les militants du delta du Niger, mais contre la population nigériane en général. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les attaques dirigées uniquement contre des terroristes peuvent être considérées comme des crimes contre l’humanité, une question que les demandeurs ont soulevée en s’appuyant sur l’arrêt Mugesera.

  • La SPR a eu raison de conclure que l’association du demandeur principal avec la SARS était volontaire, car il était devenu chef adjoint de la CDA de son plein gré. Le demandeur principal n’avait pas l’obligation morale de recueillir des renseignements pendant plusieurs mois et de collaborer activement avec la SARS, et la SARS ne l’a pas contraint à le faire. Les actes du demandeur principal ne lui permettent pas d’invoquer le moyen de défense fondé sur la contrainte, car ils ne sont pas suffisamment liés aux craintes générales pour sa sécurité que lui inspirait la présence de militants dans sa région.

  • Comme les actes de la NPF et de la SARS qui procédaient d’un dessein criminel étaient de pratique courante, il n’est pas nécessaire d’établir que l’organisation poursuit uniquement un dessein criminel. La possibilité qu’une organisation poursuive à la fois des desseins légitimes et des desseins criminels a été expressément reconnue dans l’arrêt Ezokola (au para 94). Dans la présente affaire, bien que la NPF et la SARS poursuivent le dessein opposé de faire légitimement appliquer la loi, elles poursuivent en parallèle des desseins criminels : l’enrichissement des policiers au moyen de la corruption et de l’extorsion de fonds, ainsi que, pour l’État, le contrôle des citoyens au moyen de méthodes qui comprennent des violations des droits de la personne, y compris le recours à la torture.

  • La SPR a eu raison de conclure que le demandeur principal avait consciemment contribué aux crimes de la SARS. Le demandeur principal a témoigné qu’il savait que la NPF et la SARS commettaient des violations des droits de la personne dans l’exercice de leurs fonctions, dont des actes de torture et des exécutions sans motif. Il s’ensuit qu’il était subjectivement conscient que, s’il fournissait des renseignements à la SARS, il en résulterait des violations des droits de la personne contre les suspects identifiés.

  • La SPR a eu raison de conclure que la contribution du demandeur principal aux crimes de la SARS était significative.

[19] La SAR a également confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle la codemanderesse disposait d’une PRI viable à Abuja. En ce qui concerne le premier volet du critère établi dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CAF) (Rasaratnam), la SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’il existait une possibilité sérieuse que leurs agents de persécution aient les moyens et la motivation de les retrouver à Abuja. La SAR a convenu avec la SPR que la crainte des demandeurs que les militants usent de représailles contre eux relevait de la conjecture. Quant au second volet du critère, la SAR a conclu que la SPR avait eu raison de conclure qu’il ne serait pas déraisonnable que la codemanderesse déménage à Abuja. La codemanderesse n’a pas démontré qu’elle serait confrontée à des difficultés excessives à Abuja, et le profil des demandeurs incitait à conclure qu’ils pourraient y trouver un emploi.

III. Les questions en litige et la norme de contrôle

[20] La question en litige que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de la SAR est raisonnable. Plus précisément, il s’agit de décider :

  1. Si la SAR a commis une erreur en concluant que le demandeur principal ne pouvait avoir la qualité de réfugié aux termes de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention;

  2. Si la SAR a commis une erreur dans son analyse de la PRI.

[21] La norme de contrôle applicable à l’examen de la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable (Adelani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 23 aux para 13-15; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 16-17).

[22] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov, aux para 12-13). La cour de révision doit trancher la question de savoir si la décision à l’examen, y compris le raisonnement suivi et le résultat obtenu, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif pertinent, du dossier dont le décideur était saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes touchées par ses conséquences (Vavilov, aux para 88-90, 94, 133-135).

[23] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Les erreurs que comporte une décision ou les réserves qu’elle suscite ne justifient pas toutes une intervention. Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui-ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ni constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

IV. Analyse

A. L’exclusion par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention

[24] Aux termes de l’article 98 de la LIPR, une personne est exclue de la protection accordée aux réfugiés au Canada si elle est visée à l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention. Cet alinéa, qui est reproduit en annexe à la LIPR, rend les dispositions relatives à la protection des réfugiés inapplicables lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une personne a commis un crime contre l’humanité. Il est libellé ainsi :

F Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

F The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

[25] Au paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, LC 2000, c 24, le terme crime contre l’humanité est défini ainsi :

Définitions

(3) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

crime contre l’humanité Meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation, emprisonnement, torture, violence sexuelle, persécution ou autre fait — acte ou omission — inhumain, d’une part, commis contre une population civile ou un groupe identifiable de personnes et, d’autre part, qui constitue, au moment et au lieu de la perpétration, un crime contre l’humanité selon le droit international coutumier ou le droit international conventionnel ou en raison de son caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations, qu’il constitue ou non une transgression du droit en vigueur à ce moment et dans ce lieu. (crime against humanity)

Definitions

(3) The definitions in this subsection apply in this section.

crime against humanity means murder, extermination, enslavement, deportation, imprisonment, torture, sexual violence, persecution or any other inhumane act or omission that is committed against any civilian population or any identifiable group and that, at the time and in the place of its commission, constitutes a crime against humanity according to customary international law or conventional international law or by virtue of its being criminal according to the general principles of law recognized by the community of nations, whether or not it constitutes a contravention of the law in force at the time and in the place of its commission. (crime contre l’humanité)

[26] Dans l’arrêt Ezokola, la Cour suprême a précisé le critère canadien de « complicité » dans un crime international. Aux paragraphes 84 et 85, elle souligne ce qui suit :

[84] Compte tenu de ce qui précède, il devient nécessaire de clarifier la notion de complicité aux fins de l’application de l’art. 1Fa). Pour refuser l’asile à un demandeur sur le fondement de cette disposition, il doit exister des raisons sérieuses de penser qu’il a volontairement et consciemment apporté une contribution significative aux crimes ou au dessein criminel l’organisation.

[85] Nous examinons chacune des caractéristiques clés de cette notion de complicité axée sur la contribution. Il s’agit à notre avis de conditions propres à empêcher un décideur d’élargir la notion indûment et de conclure à la complicité d’une personne pour simple association ou acquiescement passif.

[27] Au paragraphe 91 de l’arrêt Ezokola, la Cour suprême du Canada énumère six considérations qui peuvent aider à décider s’il y a des raisons sérieuses de penser qu’une personne a commis des crimes internationaux :

[…] L’énumération qui suit rassemble celles retenues par les tribunaux canadiens et britanniques, de même que par la CPI. Elle permet de baliser l’analyse visant à déterminer si une personne a ou non volontairement apporté une contribution significative et consciente à un crime ou à un dessein criminel :

(i) la taille et la nature de l’organisation;

(ii) la section de l’organisation à laquelle le demandeur d’asile était le plus directement associé;

(iii) les fonctions et les activités du demandeur d’asile au sein de l’organisation;

(iv) le poste ou le grade du demandeur d’asile au sein de l’organisation;

(v) la durée de l’appartenance du demandeur d’asile à l’organisation (surtout après qu’il a pris connaissance de ses crimes ou de son dessein criminel);

(vi) le mode de recrutement du demandeur d’asile et la possibilité qu’il a eue ou non de quitter l’organisation. […]

[28] Le critère formulé dans l’arrêt Ezokola vise à éviter que l’analyse de la complicité amène à conclure qu’une personne ne peut avoir la qualité de réfugié « sur le fondement de la seule appartenance à une organisation multiforme qui se livre à des crimes de guerre ou sur la seule omission de se dissocier de celle‑ci » (au para 74). La norme de preuve permettant d’établir l’exclusion par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention est celle de l’existence de « raisons sérieuses de penser », soit une norme qui équivaut à celle de l’existence de « motifs raisonnables [de penser] » et qui exige davantage qu’un simple soupçon, mais qui reste moins stricte que la norme de la prépondérance des probabilités (Mugesera, au para 114).

[29] En ce qui concerne la conclusion de la SAR selon laquelle la NPF et la SARS ont commis des crimes contre l’humanité, les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte de leur argument selon lequel les militants du delta du Niger ne peuvent pas être considérés comme des civils. Par conséquent, conformément à la décision de la Cour dans l’affaire Bamlaku, que la décision Mugesera n’a pas explicitement infirmée, les crimes commis contre ces militants ne sont pas des crimes contre l’humanité. Comme le demandeur principal aurait été complice de crimes contre les militants du delta du Niger, la SAR devait examiner la question de savoir si la définition et l’exclusion analysées dans la décision Bamlaku s’appliquaient en ce qui le concerne.

[30] Les demandeurs soutiennent également que la SAR a déraisonnablement conclu que le demandeur principal avait volontairement contribué aux crimes contre l’humanité commis par la SARS. Les demandeurs soutiennent que la SAR a mal interprété la preuve concernant le devoir civique qu’avait le demandeur principal de signaler les activités injustifiables des militants à la SARS, laquelle pouvait aider à mettre fin à la menace que représentaient les militants. Les demandeurs (citant la page 252 de l’arrêt Perka c la Reine, 1984 CanLII 23 (CSC)) soutiennent qu’en l’espèce, la SAR aurait dû tenir compte du moyen de défense de common law fondé sur la nécessité. Sa vie étant en danger, le demandeur principal a agi sous la contrainte et par nécessité de se défendre et de défendre sa famille et sa collectivité contre les attaques des militants.

[31] En outre, les demandeurs soutiennent que la preuve n’appuie pas la conclusion de la SAR selon laquelle le dessein de la SARS et de la NPF était principalement criminel; selon eux, il y a dans leurs rangs des éléments [traduction] « renégats » qui commettent des crimes qualifiés de crimes contre l’humanité. Par ailleurs, la preuve n’établit pas non plus que le demandeur principal avait connaissance d’un tel dessein criminel ou qu’il avait l’intention de contribuer à le poursuivre. Il a seulement témoigné qu’il avait entendu des rumeurs et des allégations de brutalité policière et que, contrairement à ce que la SPR et la SAR ont conclu, il ne savait pas que la NPF et la SARS avaient pour pratique courante de commettre des violations des droits de la personne, dont des actes de torture. Le demandeur principal n’étant en outre qu’indirectement lié à la SARS, il était déraisonnable que la SAR conclue que ses contributions étaient significatives.

[32] Le défendeur soutient qu’il était raisonnable que la SAR conclue que la SARS et la NPF avaient commis des crimes contre l’humanité. La preuve documentaire révèle que la SARS et la NPF recouraient à la torture, infligeaient des mauvais traitements et commettaient des assassinats extrajudiciaires, que ces pratiques étaient généralisées et systématiques, et que leurs victimes étaient des citoyens nigérians. Le défendeur soutient également que la SAR a raisonnablement conclu que le demandeur principal avait volontairement et consciemment apporté une contribution significative à la NPF et à la SARS en leur fournissant des renseignements sur les activités des militants du delta du Niger.

[33] Le défendeur souligne que la SAR a explicitement tenu compte des considérations énumérées dans l’arrêt Ezokola pour parvenir à sa conclusion selon laquelle il existait des raisons sérieuses de penser que le demandeur principal avait été indirectement impliqué, et donc complice, dans des crimes contre l’humanité. Rien dans la preuve n’établit que la SARS a recruté le demandeur principal ou qu’elle l’a obligé à fournir continuellement des renseignements. Rien dans la preuve n’indique non plus que le demandeur a reçu des menaces de conséquences défavorables s’il cessait de collaborer avec la SARS. En outre, bien que le demandeur principal ait nié qu’il avait connaissance des violations des droits de la personne commises par la SARS, il a admis avoir entendu des allégations d’inconduite formulées contre la NPF et la SARS. Il suffit que le demandeur principal ait été au courant des crimes ou du dessein criminel de la NPF et de la SARS, et qu’il ait été conscient que, par ses gestes, il aidait celles-ci à commettre leurs crimes. En outre, la SAR a raisonnablement conclu que le demandeur principal savait que la SARS commettrait des actes criminels contre les suspects identifiés au moyen des renseignements qu’il avait fournis.

[34] Je partage l’avis du défendeur. La SAR et la SPR ont toutes deux invoqué de nombreux éléments de preuve documentaire selon lesquels la SARS et la NPF avaient commis des crimes comme des actes de torture et des assassinats extrajudiciaires partout au Nigéria. Après avoir examiné la preuve, je juge qu’il était raisonnable que la SAR conclue que les crimes de la NPF et de la SARS étaient des attaques généralisées et systématiques dirigées non pas uniquement contre les militants du delta du Niger, mais contre la population nigériane en général. Il était donc raisonnable que la SAR conclue qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la question de savoir si des attaques dirigées uniquement contre des terroristes peuvent être considérées comme des crimes contre l’humanité à la lumière de l’arrêt Mugesera.

[35] Je juge également qu’il était raisonnable que la SAR conclue que le demandeur principal avait été complice de crimes contre l’humanité, car il avait volontairement et consciemment apporté des contributions significatives aux crimes de la NPF et de la SARS. En tant que chef adjoint de la CDA, le demandeur principal a coordonné la collecte de renseignements de diverses sources sur les militants, et il a volontairement fourni ces renseignements à la SARS [traduction] « presque chaque semaine ». La SARS n’a pas forcé le demandeur principal à fournir ces renseignements, et rien dans la preuve n’indique qu’il s’exposait à des conséquences défavorables s’il cessait de collaborer avec la SARS.

[36] En outre, l’argument des demandeurs selon lequel le demandeur principal a agi sous la contrainte pour s’opposer aux crimes des militants et aux préjudices qu’ils causaient à sa communauté n’est pas convaincant. La SAR a conclu que ces menaces générales et implicites ne justifiaient pas le moyen de défense fondé sur la contrainte, qui peut être invoqué seulement lorsqu’une personne commet une infraction sous la contrainte d’une menace proférée pour la forcer à le faire. La SAR n’a pas commis d’erreur en soulignant que, dans cette affaire, les militants n’ont pas proféré des menaces de préjudices pour contraindre le demandeur principal à agir comme il l’a fait, mais plutôt pour atteindre leurs objectifs liés à l’exploitation des oléoducs dans la région. À l’argument des demandeurs selon lequel le demandeur principal accomplissait son devoir civique en collaborant avec la police pour prévenir les crimes dans sa région, la SAR a répondu ce qui suit :

[…] Un citoyen pourrait sans doute avoir l’obligation morale de signaler un crime à la police, mais j’estime qu’il y a une distinction importante à faire entre le signalement d’un crime à la police en tant que victime ou témoin du crime en question, et la collecte active de renseignements au moyen d’un réseau d’informateurs pendant plusieurs mois. Je n’admets pas que l’appelant avait l’obligation morale d’agir comme il l’a fait en recueillant des renseignements et en collaborant activement avec la SARS.

[37] Je conclus que la SAR a établi une distinction raisonnable entre le signalement d’un crime et le rôle que le demandeur principal a joué en recueillant des renseignements et en les fournissant à la SARS pendant une longue période.

[38] Qui plus est, bien que le demandeur principal ait témoigné devant la SPR qu’il n’était pas directement impliqué et qu’il ne pouvait donc pas confirmer que la SARS et la NPF avaient commis les actes criminels en question, il a admis avoir entendu dire que des agents de la NPF avaient eu recours à la torture et avaient assassiné des personnes sans raison dans l’exercice de leurs fonctions. Pour cette raison, je juge qu’il était raisonnable que la SAR conclue que le demandeur principal ne pouvait pas raisonnablement faire valoir qu’il n’avait aucun moyen de savoir que la SARS commettrait des actes criminels contre les suspects identifiés au moyen des renseignements qu’il avait fournis. La SAR a clairement analysé le dessein criminel de la NPF et de la SARS dans sa décision :

Les crimes ne sont pas commis par la NPF ni par la SARS en application de la politique officielle, mais il s’agit néanmoins d’une pratique courante, et la preuve ne permet pas de conclure que ces actes sont uniquement commis par des acteurs corrompus. Si c’était le cas, il aurait été normal de s’attendre à ce qu’il s’agisse d’événements relativement rares et que des efforts significatifs soient déployés pour cerner, punir et prévenir de tels comportements; à l’inverse, la preuve établit que, s’il existe des mécanismes d’enquête sur l’inconduite policière, concrètement, ils sont très inefficaces, de sorte que la police continue de mener les activités en question de façon généralisée et systématique en toute impunité.

[39] D’après la preuve documentaire et le témoignage du demandeur principal, je juge qu’il était raisonnable que la SAR conclue que le demandeur principal savait que la NPF et la SARS commettaient couramment des violations des droits de la personne autant contre des suspects d’actes criminels que contre des citoyens en général. Il était également raisonnable que la SAR conclue que le demandeur principal avait fourni des renseignements sur les militants à la SARS dans l’espoir qu’elle y donne suite. Sa complicité ne reposait pas sur une « simple association ou [un] acquiescement passif » (Ezokola, au para 85). Par conséquent, je juge que la SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur principal était exclu de la protection accordée aux réfugiés par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention, car il avait volontairement et consciemment apporté une contribution significative aux crimes de la SARS (Ezokola, au para 84).

B. La possibilité de refuge intérieur

[40] Les demandeurs soutiennent que la SAR leur a imposé un fardeau excessif en concluant que les craintes fondées que leur inspirait un retour au Nigéria relevaient de la conjecture. Il demeure raisonnable de présumer que le demandeur principal sera appelé à témoigner si les militants du delta du Niger sont poursuivis en justice. En outre, les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur dans son appréciation du caractère raisonnable de la PRI proposée compte tenu, notamment, des difficultés auxquelles la codemanderesse serait confrontée à Abuja, soit la barrière linguistique, l’intégration dans la communauté, l’absence de logement et des difficultés économiques.

[41] Le défendeur soutient qu’il était raisonnable que la SAR conclue que la codemanderesse disposait d’une PRI à Abuja, car la preuve n’établissait pas que les militants du delta du Niger étaient poursuivis en justice, ni qu’ils avaient proféré des menaces contre les demandeurs en particulier ou qu’ils avaient les moyens ou la motivation de retrouver la codemanderesse. En ce qui concerne le deuxième volet du critère relatif à la PRI, la SAR a conclu à juste titre que les conditions à Abuja étaient telles qu’il ne serait pas objectivement déraisonnable que les demandeurs y cherchent refuge.

[42] Quant au premier volet du critère établi dans l’arrêt Rasaratnam, je juge que la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs avaient exprimé une crainte de persécution qui relevait de la conjecture et qu’ils n’avaient pas établi l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution à Abuja. Rien dans la preuve n’indique que les militants du delta du Niger sont poursuivis en justice pour les crimes qu’ils ont commis ou qu’ils ont les moyens et la motivation de retrouver les demandeurs. D’ailleurs, comme l’a souligné la SAR, plusieurs années se sont écoulées depuis la commission de ces crimes (ils remontent à 2016), et les demandeurs n’ont fourni aucun élément de preuve indiquant qu’ils avaient reçu une assignation à comparaître ou que la police cherchait à les joindre pour qu’ils participent à un procès.

[43] Dans son analyse du deuxième volet du critère relatif à la PRI, la Cour a souligné ce qui suit au paragraphe 12 de la décision Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643 :

[…] lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable, la barre est [traduction] « très haute » et « nécessite rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur s’il devait voyager ou se relocaliser temporairement » dans la région où il existe une possibilité de refuge intérieur (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, au paragraphe 15 (CAF) [Ranganathan]). Autrement dit, il faudrait démontrer que le demandeur « s’exposerait à un grand danger physique ou […] subirait des épreuves indues pour se rendre » à la possibilité de refuge intérieur (Thirunavukkarasu, précité, au paragraphe 598) pour déterminer objectivement un caractère déraisonnable en l’espèce. En outre, le demandeur doit présenter « une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions » pour que sa demande d’asile au Canada soit acceptée (Ranganathan, précité, au paragraphe 15).

[44] Je conclus que la preuve des demandeurs n’établit pas que la codemanderesse se retrouverait dans une situation déraisonnable ou indûment difficile à Abuja et que sa vie ou sa sécurité y seraient en péril. Il était raisonnable que la SAR rejette l’argument selon lequel la codemanderesse serait confrontée à une barrière linguistique, car elle parle anglais, ainsi que l’argument selon lequel elle serait confrontée à des difficultés déraisonnables liées à la recherche d’un emploi et d’un logement à Abuja, car elle possède un diplôme postsecondaire et de l’expérience sur le marché du travail. Dans l’ensemble, je conclus que la SAR a adéquatement examiné la preuve avant de conclure qu’il ne serait pas déraisonnable que la codemanderesse déménage à Abuja et qu’il existait pour elle une PRI viable au Nigéria.

V. Conclusion

[45] Pour les motifs qui précèdent, je juge que la SAR a raisonnablement conclu que le demandeur principal était exclu de la protection accordée aux réfugiés par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention, et que la codemanderesse disposait d’une PRI viable à Abuja, au Nigéria. Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’a été proposée aux fins de la certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4005-21

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

N. Belhumeur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4005-21

 

INTITULÉ :

OYEWOLE ABAYOMI OWORU ET EUNICE OLUWAKEMI OWORU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 MAI 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 JUILLET 2022

 

COMPARUTIONS :

Kingsley I. Jesuorobo

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo & Associates

Cabinet d’avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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