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Date : 20220609


Dossier : IMM‑975‑21

Référence : 2022 CF 864

[TRADUCTION FRANÇAISE]

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 9 juin 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

XIAOKANG DU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] Monsieur Xiaokang Du (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente qu’il avait présentée au Canada du fait de son appartenance à la « catégorie de l’expérience canadienne » conformément au paragraphe 87.1(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002–227 (le Règlement).

[2] Conformément au permis de travail qu’il a obtenu, le demandeur a travaillé dans un restaurant au Canada de 2017 à 2019, à titre d’adjoint administratif. La lettre d’emploi indiquait qu’il gagnait un salaire de 25 480 $ par année.

[3] Le demandeur a obtenu une offre d’emploi permanent du même employeur et une étude d’impact sur le marché du travail (l’EIMT) favorable pour le même poste. L’offre d’emploi prévoyait que l’emploi à temps plein commencerait une fois que le demandeur aurait obtenu la résidence permanente, et que le salaire passerait à 40 950 $ par année.

[4] Le demandeur a reçu une lettre d’équité procédurale, datée du 12 janvier 2021. L’agent a exprimé son insatisfaction à l’égard du fait que le demandeur était employé en qualité d’adjoint administratif pour un salaire annuel de 40 950 $. L’agent a demandé au demandeur de lui fournir des copies de ses relevés bancaires datant d’août 2017 à juin 2019, un relevé d’emploi, l’adresse où les tâches ont été exécutées, et [traduction] « tout renseignement ou document supplémentaire qui dissiperait [ses] doutes ».

[5] Dans une lettre datée du 20 janvier 2022, un consultant en immigration a répondu au nom du demandeur et a fourni les renseignements et documents demandés, dont une copie de l’EIMT. Dans sa lettre, le consultant en immigration a souligné le fait que le salaire de 40 950 $ ne serait payable que si le demandeur obtenait un visa de résident permanent.

[6] L’agent a rejeté la demande de résidence permanente au motif que la preuve ne montrait pas que le demandeur répondait aux exigences de la « catégorie de l’expérience canadienne ». L’agent n’était pas d’avis que le demandeur avait fourni une preuve satisfaisante de son revenu.

[7] Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable et que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve qu’il lui avait présentée. Il soutient que l’agent n’a pas saisi qu’il ne toucherait le salaire de 40 950 $ qu’à la condition d’avoir obtenu un visa de résident permanent.

[8] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) affirme que l’agent a évalué raisonnablement la preuve et qu’il est parvenu à une conclusion raisonnable.

[9] Le demandeur a présenté des arguments au sujet du caractère équitable de la lettre d’équité procédurale. Lorsqu’un argument soulève une question d’équité procédurale, cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339).

[10] Dans les autres cas, la décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément aux enseignements de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

[11] Lorsqu’elle procède au contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (voir l’arrêt Vavilov, précité, au paragraphe 99).

[12] Le défendeur s’oppose au dépôt des deux affidavits que le demandeur a présentés à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, au motif qu’il s’agit d’éléments de preuve dont l’agent ne disposait pas.

[13] Les deux parties ont fait des observations quant au caractère opportun de ces affidavits. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que ces affidavits ne respectent pas les conditions applicables aux exceptions prévues pour les éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur. Je renvoie à la décision Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 (aux paragraphes 42‑43).

[14] S’agissant du fond de la décision, je conviens avec le demandeur que les motifs de l’agent montrent qu’il n’a pas compris la preuve présentée par le demandeur au sujet du salaire devant lui être versé, une fois qu’il serait devenu un employé à temps plein.

[15] À mon avis, le demandeur a fourni une réponse complète à la lettre d’équité procédurale. Il n’est pas manifeste que l’agent a compris cette réponse.

[16] Dans ses observations écrites et orales, le défendeur a insisté sur certaines notes contenues dans le dossier certifié du tribunal au sujet d’une entrevue téléphonique qu’un autre agent a menée auprès de M. Bryan Wang, le président de l’employeur du demandeur. Le défendeur a soutenu que ces notes pouvaient avoir [traduction] « donné lieu à » la lettre d’équité procédurale.

[17] J’estime que la raison d’être de la lettre d’équité procédurale n’est pas en cause. Pour évaluer le caractère raisonnable de la décision, il y a plutôt lieu d’examiner comment l’agent a donné suite à la réponse à cette lettre.

[18] Compte tenu des directives données dans l’arrêt Vavilov, précité, l’agent avait l’obligation de fournir des motifs « justifiables, transparents et intelligibles » qui démontrent que les éléments de preuve pertinents ont été pris en compte. J’estime qu’en l’espèce, les motifs ne répondent pas à cette norme.

[19] Il n’est pas nécessaire que j’analyse l’argument du demandeur quant à l’équité procédurale.

[20] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent sera annulée et l’affaire, renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑975‑21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de l’agent est annulée et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑975‑21

 

INTITULÉ :

XIAOKANG DU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 JUIN 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 9 JUIN 2022

COMPARUTIONS :

Maxwell Musgrove

POUR LE DEMANDEUR

Rachel Hepburn Craig

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chaudhary Immigration Law

Cabinet d’avocats

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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