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Date : 20060309

Dossier : IMM‑3249‑05

Référence : 2006 CF 308

Ottawa (Ontario), le 9 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

ENTRE :

EDWIN DOROL GAVINO

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui vise la décision qu’a prononcée la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 9 mai 2005 (la décision). La Commission a rejeté l’appel que le demandeur avait interjeté de la décision de l’agent des visas (l’agent) de rejeter la demande de résidence permanente visant sa femme et ses deux fils pour le motif que le mariage a été contracté de mauvaise foi, au sens de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002‑227 (le Règlement).

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur, Edwin Dorol Gavino, est un citoyen canadien. Il est né le 10 décembre 1963 à San Juan, Rizal, aux Philippines.

 

[3]               Il a immigré au Canada à titre de personne à la charge de sa mère et obtenu le statut de résident permanent le 6 juillet 1990.

 

[4]               Jusqu’à ce qu’il parte pour le Canada, le demandeur vivait depuis 1985 dans une union de fait avec Grecil Magtunao, qui est devenue plus tard Grecil Gavino. Xander Gavino est né le 16 novembre 1987 et Xandro Gavino est né le 8 octobre 1990. Le demandeur n’a pas révélé l’existence de Xander aux agents de l’immigration lorsqu’il est arrivé au Canada.

 

[5]               Le demandeur est retourné aux Philippines entre novembre 1991 et janvier 1992. Il a épousé Grecil Gavino le 23 décembre 1991. Le demandeur n’est pas retourné aux Philippines depuis lors mais il est resté en contact avec Grecil et ses fils et leur a envoyé régulièrement de l’argent.

 

[6]               En 1995 ou vers cette époque, le demandeur a vécu dans une union de fait au Canada avec une Canadienne dont il a eu un enfant, Stephen, en 1996. La relation a pris fin en 1996 mais le demandeur a toujours la garde Stephen.

[7]               Le demandeur a présenté en 2001 une demande de parrainage pour sa femme (Grecil), Xander et Xandro pour qu’ils viennent au Canada, et Grecil a demandé le statut de résidente permanente en qualité de membre de la catégorie du regroupement familial le 19 août 2002, en incluant Xander et Xandro à titre de personnes à charge.

 

[8]               Le 11 mai 2004, l’agent de révision a informé Grecil par écrit que sa demande avait été rejetée en vertu de l’article 4 du Règlement. L’agent a conclu que le mariage de Grecil avec le demandeur visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi et que celle‑ci n’avait pas l’intention de vivre avec le demandeur au Canada.

 

[9]               Le demandeur a interjeté appel de la décision de l’agent et la Commission a tenu une audience le 2 mai 2005.

 

LA DÉCISION ATTAQUÉE

 

[10]           La Commission a confirmé les conclusions de l’agent. Dans ses motifs, elle affirme que les preuves présentées par le demandeur, sa mère et Grecil n’étaient pas crédibles et qu’elles avaient été délibérément fabriquées pour renforcer la demande présentée par Grecil.

 

[11]           La Commission a fondé sa décision sur les conclusions clés suivantes :

 

a)         L’omission de la part du demandeur d’aller voir sa femme et ses enfants depuis 1992, son omission de parrainer sa femme pendant dix ans, sa relation avec l’autre femme au Canada, les tentatives faites par les témoins pour tromper la Commission, le peu de connaissances que possédait Grecil de la situation du demandeur au Canada, tous ces éléments indiquaient que leur mariage n’était pas authentique;

b)         La Commission a admis que le demandeur avait apporté un soutien financier à Grecil et à leurs deux fils et qu’il était resté en contact avec eux. Elle a cependant également conclu que son comportement à l’égard de Grecil n’indiquait pas qu’il existait entre eux une relation conjugale;

c)         Le comportement du demandeur après son arrivée au Canada en 1990 n’indiquait pas qu’il avait conservé le projet à long terme d’amener Grecil et les enfants au Canada après y avoir lui‑même immigré;

d)         Le comportement du demandeur au moment du mariage et par la suite indiquait que le mariage n’avait pas été conclu pour des fins conjugales légitimes, mais montrait plutôt qu’il visait principalement l’acquisition ultérieure d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi, à savoir la possibilité de parrainer ses fils pour qu’ils viennent au Canada.

 

[12]           La Commission a également mentionné que le fait que Grecil soit la demanderesse principale dans la demande de résidence permanente donne à penser qu’elle ne souhaitait pas que ses fils viennent au Canada dans le cas où elle ne pourrait pas les accompagner, mais la Commission ne s’est pas prononcée sur ce point.

 

[13]           La Commission a rejeté la demande des enfants à charge, jugeant que leur demande devait être rejetée en raison des conclusions qu’elle avait tirées au sujet de Grecil, la demanderesse principale.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[14]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

 

1.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intention de Grecil pour déterminer si le mariage visait principalement à l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi?

2.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tenant compte de l’intention du demandeur tant au moment du mariage qu’après le mariage lorsqu’elle a examiné le deuxième volet du critère énoncé à l’article 4 du Règlement?

3.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans l’interprétation du mot « privilège » qui figure à l’article 4 du Règlement?

4.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle a mal interprété les preuves présentées?

5.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en rejetant les demandes des enfants à charge, après avoir rejeté la demande de résidence permanente de Grecil?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

 

[15]           Les dispositions pertinentes de la Loi se lisent ainsi :

3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

3. (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

[…]

 

 

d) de veiller à la réunification des familles au Canada;

 

(d) to see that families are reunited in Canada;

 

[…]

 

 

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

12. (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common‑law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

[…]

 

 

42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if

[…]

 

 

b) accompagner, pour un membre de sa famille, un interdit de territoire.

(b) they are an accompanying family member of an inadmissible person.

[…]

 

 

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

[…]

 

 

175. (1) Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section d’appel de l’immigration :

175. (1) The Immigration Appeal Division, in any proceeding before it,

[…]

 

 

c) peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision.

(c) may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings that it considers credible or trustworthy in the circumstances.

 

[16]           Les dispositions pertinentes du Règlement se lisent ainsi :

[…]

 

 

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

4. For the purposes of these Regulations, no foreign national shall be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

4.1 Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne s’il s’est engagé dans une nouvelle relation conjugale avec cette personne après qu’un mariage antérieur ou une relation de conjoints de fait ou de partenaires conjugaux antérieure avec celle‑ci a été dissous principalement en vue de lui permettre ou de permettre à un autre étranger ou au répondant d’acquérir un statut ou un privilège aux termes de la Loi.

 

4.1 For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the foreign national has begun a new conjugal relationship with that person after a previous marriage, common-law partnership or conjugal partnership with that person was dissolved primarily so that the foreign national, another foreign national or the sponsor could acquire any status or privilege under the Act.

 

[…]

 

 

10.(3) La demande vaut pour le demandeur principal et les membres de sa famille qui l’accompagnent.

10. (3) The application is considered to be an application made for the principal applicant and their accompanying family members.

 

LES ARGUMENTS

           

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intention de Grecil pour déterminer si le mariage visait principalement à l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi?

 

            Le demandeur

 

[17]           Le demandeur soutient que l’article 4 du Règlement prévoit un critère à deux volets permettant de déterminer si le demandeur est considéré comme un époux :

a)         Le mariage n’est pas authentique;

b)         Le mariage vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

[18]           Le demandeur soutient que l’emploi du mot « et » dans le libellé de l’article 4 du Règlement indique que les deux conditions doivent être remplies pour qu’il y ait application de la disposition et qu’il suffit donc que l’appelant répondant établisse qu’une des conditions n’est pas remplie pour ne pas être visé par cette exclusion.

 

[19]           C’est l’interprétation qu’a privilégiée la Commission au paragraphe 5 de ses motifs :

 

Aux termes de la version anglaise du Règlement, la disposition sur la « mauvaise foi » impose un critère disjonctif. Nonobstant ce libellé, la Section a toujours appliqué un critère conjonctif afin d’évaluer de prétendues relations de « mauvaise foi » conformément au libellé de la version française du Règlement. Des modifications apportées récemment au Règlement ont harmonisé les deux versions, si bien qu’il ne fait maintenant aucun doute que, en cas de parrainage d’étrangers, le critère à appliquer est conjonctif. Autrement dit, pour qu’un étranger soit visé par l’article 4 du Règlement, la prépondérance de la preuve fiable doit démontrer que le mariage n’est pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. Pour avoir gain de cause en appel, il suffit à l’appelant d’établir que l’un des deux volets du critère n’est pas satisfait. Il incombe à l’appelant de prouver que le demandeur n’est pas visé par la disposition d’exclusion contenue dans le Règlement.

 

 

[20]           Le demandeur affirme que la Commission a fondé son rejet de l’appel sur le fait que le comportement du demandeur au moment du mariage et par la suite indiquait que le mariage avait été contracté pour faciliter le parrainage ultérieur de ses deux fils, et qu’elle a donc commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’intention de Grecil.

 

[21]           Dans un affidavit déposé devant la Cour, Grecil déclare qu’elle a épousé le demandeur pour la principale raison qu’ils avaient vécu ensemble pendant environ cinq ans, qu’ils avaient deux enfants, qu’elle l’aimait et qu’elle voulait l’avoir pour mari.

 

            Le défendeur

 

[22]           Le défendeur soutient qu’il incombe au demandeur d’établir que Grecil n’était pas visée par l’exclusion prévue par l’article 4 du Règlement et qu’il n’a tout simplement pas présenté suffisamment de preuves fiables pour s’acquitter du fardeau d’établir que l’intention principale de Grecil en contractant ce mariage n’était pas d’acquérir un privilège aux termes de la Loi.

 

2.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tenant compte de l’intention du demandeur tant au moment du mariage qu’après le mariage lorsqu’elle a examiné le deuxième volet du critère énoncé à l’article 4 du Règlement?

 

            Le demandeur

 

[23]           Le demandeur soutient que, même si la Commission avait le droit de tenir uniquement compte des intentions du répondant pour ce qui est du deuxième élément exposé à l’article 4 du Règlement, la Commission a commis une erreur de droit lorsqu’elle a pris en compte l’intention du demandeur après le mariage.

 

            Le défendeur

 

[24]           Le défendeur soutient que la Commission a examiné de façon générale les actions du demandeur pour apprécier le caractère authentique du mariage et non pas pour déterminer quelles étaient les intentions du demandeur une fois marié.

 

[25]           Le défendeur affirme que, dans la mesure où le comportement du demandeur après le mariage a été pris en considération par la Commission dans le but d’appliquer le deuxième volet du critère exposé à l’article 4 du Règlement, il n’était pas déraisonnable que la Commission déduise la nature des intentions du demandeur avant le mariage en se fondant sur le comportement adopté par la suite.

 

3.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans l’interprétation du mot « privilège » qui figure à l’article 4 du Règlement?

 

            Le demandeur

 

[26]           Le demandeur soutient que le « privilège » qui a amené la Commission à conclure que l’article 4 du Règlement avait pour effet d’exclure Grecil de la catégorie du regroupement familial était un privilège dont avait profité son répondant : la possibilité de parrainer ultérieurement ses deux fils.

 

[27]           Le demandeur soutient que le privilège qui déclenche l’application de l’article 4 du Règlement doit s’attacher à la personne parrainée; Grecil n’a obtenu aucun privilège en contractant le mariage.

 

            Le défendeur

 

[28]           Le défendeur soutient que la Loi ne précise pas qui doit bénéficier du privilège pour déclencher l’exclusion d’une personne de la catégorie du regroupement familial et que la Commission n’a pas mal interprété le sens du mot « privilège », qui figure à l’article 4 du Règlement. En l’espèce, la Commission a décidé que le privilège recherché était l’acquisition future de la résidence canadienne par Grecil et ses enfants.

 

[29]           Le défendeur ajoute que peu importe que l’acquisition du privilège que représente la résidence canadienne pour Grecil ait été envisagée ou non au moment du mariage, étant donné que le mariage visait principalement à transmettre à quelqu’un un statut ou un privilège aux termes de la Loi, il ne remplissait pas la seconde condition du critère relatif à la mauvaise foi.

 

4.      La Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle a mal interprété les preuves présentées?

 

            Le demandeur

 

[30]           Le demandeur soutient à titre subsidiaire que la Commission a mal interprété les preuves présentées lorsqu’elle a conclu que le demandeur avait obtenu en se mariant avec Grecil un privilège aux termes de la Loi relié au parrainage ultérieur de ses fils. Cet argument repose sur le fait que le demandeur possédait le droit de parrainer ses fils, qu’il soit marié ou non à Grecil.

 

            Le défendeur

 

[31]           Le défendeur soutient qu’il incombait au demandeur d’établir que Grecil n’était pas visée par l’exclusion énoncée à l’article 4 du Règlement. Il n’a pas présenté suffisamment de preuves crédibles pour s’acquitter du fardeau qui lui incombait d’établir que ni son intention principale, ni celle de Grecil était d’acquérir un privilège aux termes de la Loi en contractant le mariage.

 

[32]           Le défendeur soutient que, conformément à l’alinéa 175(1)c) de la Loi, la Commission peut fonder sa décision sur les preuves présentées à l’instance qu’elle juge crédible, et il est bien établi que la Commission est capable d’évaluer la crédibilité et la fiabilité des témoignages, pourvu que les conclusions qu’elle tire ne soient pas déraisonnables et que ses motifs soient clairs et compréhensibles. (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, [2005] A.C.S. no 39, 2005 CSC 40, Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.), Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.F.))

 

[33]           En l’espèce, la Commission a clairement exposé les lacunes que comportaient les preuves et sur lesquelles elle a fondé ses conclusions. Ces lacunes comprennent ce qui suit :

 

a)         Le demandeur a déclaré qu’il n’avait pas les moyens d’aller voir sa famille aux Philippines alors que les preuves démontraient le contraire;

b)         Le demandeur a déclaré que son fils Stephen avait passé un mois aux Philippines avec Grecil, combiné au fait que celle‑ci a témoigné qu’elle n’avait jamais rencontré Stephen;

c)         Le fait que Grecil ne connaissait pas l’âge de Stephen, malgré son témoignage selon lequel elle connaissait sa situation et avait conservé un contact avec lui;

d)         Le témoignage de la mère du demandeur qui a déclaré qu’elle avait fait la connaissance de Grecil et de ses deux fils, combiné au témoignage du demandeur selon lequel il ne savait pas si sa mère avait fait leur connaissance.

 

5.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en rejetant les demandes des enfants à charge, après avoir rejeté la demande de résidence permanente de Grecil?

 

            Le demandeur

 

[34]           Le demandeur invoque la paragraphe 10(3) du Règlement pour soutenir que, même lorsque le demandeur principal est déclaré ne pas être un membre de la catégorie du regroupement familial, la demande peut encore être traitée pour ce qui est des personnes à charge qui l’accompagnent et qui sont membres de la catégorie du regroupement familial.

 

[35]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de droit en ne faisant pas droit à l’appel à l’égard des deux fils du demandeur.

 

            Le défendeur

 

[36]           Le défendeur affirme que, compte tenu de la conclusion de la Commission au sujet de l’interdiction de territoire de Grecil, le libellé de l’alinéa 42b) de la Loi établit clairement que Xander et Xandro sont des membres de la famille qui sont également interdits de territoire.

 

[37]           Le défendeur soutient de plus que l’utilisation du mot « et » au paragraphe 10(3) du Règlement indique que la demande présentée par un père ou une mère dans laquelle il ou elle indique qu’il ou elle a des enfants à charge constitue une seule demande et qu’il n’est pas possible de séparer la demande des enfants de celle des parents si cette dernière est rejetée.

 

[38]           Le défendeur conclut en signalant que le demandeur n’a pas tenté de parrainer ses enfants de façon indépendante de leur mère.

 

ANALYSE

 

            La norme de contrôle

 

[39]           Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle applicable aux questions soulevées par le demandeur. Le défendeur estime que la décision traite de questions touchant la crédibilité et dans l’ensemble de l’authenticité du mariage, de sorte que la Cour devrait appliquer la norme générale, soit la décision manifestement déraisonnable, comme l’a confirmé la juge Snider dans Dang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1322, 2004 CF 1090, page 4, paragraphe 12. Le demandeur soutient qu’il soulève des questions de droit qui appellent l’application de la décision correcte comme norme.

 

[40]           Sur plusieurs points, le demandeur invite en fait la Cour à interpréter la décision d’une façon qui me paraît erronée. Le demandeur invoque cependant des erreurs de droit qui portent sur l’interprétation de dispositions légales. Dans ces cas‑là, j’ai appliqué la décision correcte, comme je le mentionne dans les motifs qui suivent, sans procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle. Cela s’explique parce que j’ai conclu que la Commission était fondée à trancher les questions de droit comme elle l’a fait.

 

            L’intention de Grecil

 

[41]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’intention de Grecil pour décider si le mariage visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

[42]           La raison à l’origine de cette erreur, selon le demandeur, est que la Commission a omis d’aborder le deuxième volet du critère conjonctif prévu par l’article 4 du Règlement. Elle n’a pas effectué l’analyse requise parce qu’elle n’a pas tenu compte du témoignage de Grecil pour décider si le mariage visait « principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi ».

 

[43]           L’examen de la décision auquel j’ai procédé me donne plutôt à penser que la Commission a en fait examiné le témoignage de Grecil dans le cadre plus général selon lequel « les témoins n’étaient pas crédibles. Une grande partie des propos qu’ils ont tenus à l’audience étaient loin d’être convaincants. »

 

[44]           Sur ce point, la Commission cite à titre d’exemple le témoignage de Grecil au sujet de la relation extraconjugale qu’a eue le demandeur avec Mme Brice au Canada :

De son côté, la demandeure principale [Grecil] a déclaré ignorer si l’appelant [le demandeur] s’était séparé de son ex‑conjointe de fait il y a dix ans ou l’an dernier. Son ignorance sur ce point ne donne pas l’impression qu’elle a été tenue au courant, même après l’entrevue, de l’évolution de la relation, ni qu’elle a exprimé de l’intérêt à l’égard d’une question néanmoins très importante. Son manque d’intérêt et son ignorance sont plutôt frappants. Dans le même ordre d’idées, les réponses des témoins étaient tout à fait irréconciliables quand on a cherché à savoir si la demandeure principale avait déjà rencontré le fils de l’appelant, Stephen.

 

 

[45]           La Commission examine ensuite la teneur générale du témoignage de Grecil au sujet de Stephen et conclut : « [s]on comportement à l’égard de Stephen, encore une fois, n’est pas celui auquel on s’attendrait au sein d’une véritable relation conjugale ».

 

[46]           Ou encore, lorsqu’elle examine le témoignage de Grecil au sujet de sa cohabitation avec la mère du demandeur, la Commission conclut que « [l]es propos de la demandeure principale ne corroborent pas l’allégation voulant que le couple a entretenu une communication régulière ou sérieuse pendant la séparation prolongée ».

 

[47]           En fait, la Commission tire une conclusion générale au sujet de la crédibilité de tous les témoins : « Les divergences dans la preuve sont trop nombreuses pour être mentionnées. Je me contenterai de souligner que je rejette une grande partie des témoignages livrés à l’audience. » Le demandeur ne conteste pas cette conclusion générale. Il ne conteste pas non plus la conclusion suivante de la Commission :

Quand je tiens compte de tout – le fait que l’appelant n’ait pas rendu visite aux demandeurs en quatorze ans, le fait qu’il ait attendu dix ans pour les parrainer, sa relation avec une autre femme au Canada, les tentatives de chaque témoin pour tromper le tribunal sur des points pertinents et importants et l’ignorance globale de la demandeure principale quant à la situation de l’appelant au Canada –, je suis forcée de conclure que cette relation n’est pas authentique. […] L’appelant n’a pas démontré l’authenticité de la relation.

 

 

[48]           La critique du demandeur porte sur la façon dont la Commission a abordé la question des  « fins du mariage ». Le demandeur reproche sur ce point à la Commission d’avoir privilégié son propre témoignage et de ne pas avoir tenu compte des déclarations de Grecil. Le demandeur affirme que c’est ce qui ressort de la conclusion suivante de la Commission :

Le comportement de l’appelant [le demandeur] au moment du mariage et depuis dénote non pas que cette union avait de véritables fins conjugales, mais plutôt qu’elle visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. Je conclus que ce privilège correspondait au futur parrainage de ses fils au Canada.

 

 

[49]           La Cour doit donc commencer par décider si le demandeur a raison d’affirmer que la Commission n’a pas tenu compte de l’intention de Grecil. Lorsqu’elle a abordé le deuxième volet du critère (les « fins du mariage »), la Commission se fonde sur de nombreux éléments de preuve qu’elle avait examinés à propos de la question de l’authenticité du mariage. Je ne vois là aucune erreur. Comme le juge John A. O’Keefe l’a signalé dans Deo c. Canada, 2004 CF 1339, au paragraphe 47, au sujet du critère prévu par l’ancienne Loi, « La jurisprudence Horbas a certes défini un critère double, mais cela ne signifie pas nécessairement que les réponses se rapportant au premier élément du critère ne peuvent pas servir à l’analyse du second élément ». De la même façon, en l’espèce, je ne vois pas pourquoi les preuves que la Commission a examinées pour décider que le mariage n’était pas authentique ne pourraient pas servir à la Commission lorsqu’elle examine les fins dudit mariage.

 

[50]           La Commission a écarté certaines déclarations qu’a faites Grecil au sujet de la question des fins du mariage en se fondant sur leur teneur et sur l’importance que ces déclarations pouvaient avoir sur la décision. Premièrement, la Commission a estimé que « les témoins n’étaient pas crédibles » et que « [u]ne grande partie des propos qu’ils ont tenus à l’audience étaient loin d’être convaincants ». Ces remarques s’appliquent tout aussi bien à l’aspect fins du mariage de la décision qu’au volet authenticité du mariage. Il en va de même des remarques suivantes : « Les divergences dans la preuve sont trop nombreuses pour être mentionnées. Je me contenterai de souligner que je rejette une grande partie des témoignages livrés à l’audience. »

 

[51]           Le demandeur critique le fait que la Commission a fondé ses conclusions relatives aux fins du mariage sur les preuves concernant la conduite du demandeur [traduction] « au moment du mariage et par la suite » et [traduction] « ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la demanderesse principale, la conjointe [Grecil], avait contracté le mariage dans le but d’acquérir un statut ou un privilège aux termes de la Loi ». C’est pourquoi le demandeur affirme que [traduction] « en omettant de tenir compte de l’intention de la demanderesse principale, Grecil Gavino, au moment où elle a contracté le mariage, la Commission a commis une erreur de droit ».

 

[52]           Il convient de faire remarquer au départ que l’article 4 du Règlement ne mentionne pas qu’il faut s’en remettre à l’intention du conjoint parrainé pour se prononcer sur l’authenticité du mariage et sur son but principal. L’examen porte essentiellement sur « le mariage », son authenticité et son but principal.

 

[53]           Pour trancher ces questions, les témoignages des deux conjoints sont pertinents. Je ne vois toutefois aucun élément qui me donne à penser que la Commission n’a pas tenu compte du témoignage de Grecil sur ce point. Le fait est que la Commission a jugé que les témoins n’étaient pas crédibles et que les divergences étaient « trop nombreuses pour être mentionnées ». En utilisant ces mots, la Commission avait manifestement l’intention de viser tout ce que Grecil avait pu dire sur ce point.

 

[54]           Comme le défendeur le fait remarquer, Grecil semblait ne pas savoir grand‑chose au sujet des questions les plus importantes, et il n’est donc guère surprenant que la Commission ait été obligée d’utiliser principalement les déclarations du demandeur. Les notes du STIDI font état de l’échange suivant qui a eu lieu au cours de l’entrevue de Grecil le 11 mai 2004 :

 

            [traduction]

            Q :       Est‑ce que vous êtes mariée avec lui?

            R :        Oui.

            Q :       Quand vous êtes‑vous mariés?

            R :        Le 23 décembre 1991.

            Q :       C’était après qu’il fut parti une première fois au Canada?

            R :        Oui.

            Q :       Pourquoi vous êtes‑vous mariés?

            R :        Parce qu’il nous veut.

            Q :       Que voulez‑vous dire?

            R :        Il veut que nous allions au Canada.

 

[55]           Les conclusions que l’agent a rédigées après l’entrevue sont les suivantes :

[traduction] J’ai interrogé la demanderesse au sujet des raisons pour lesquelles elle avait épousé son répondant, et les raisons pour lesquelles il l’avait épousée. Ses réponses ne sont pas très claires et ne constituent pas des éléments particulièrement fiables au sujet des intentions qu’elle a pu avoir il y a 13 ans. Mais il est difficile de voir dans ses réponses un lien affectif pour son répondant, que ce soit à l’époque ou maintenant. Il est incompréhensible que son répondant n’ait pas eu en 13 ans suffisamment d’argent pour aller voir, ne serait‑ce qu’une fois, sa femme et ses enfants, s’il existait vraiment des liens entre eux. Je conclus que la demanderesse a épousé son répondant dans le but de pouvoir elle‑même aller au Canada dans le cas où ultérieurement il parrainerait les enfants.

 

 

[56]           Cela indique que, si les réponses que Grecil a fournies à la question directe portant sur les fins du mariage étaient, au mieux, ambiguës – « Il veut que nous allions au Canada » – combinées aux autres preuves et aux réserves générales concernant la crédibilité des témoins qui colorent la décision, il paraît difficile d’affirmer que la Commission n’a pas tenu compte d’observations importantes que Grecil aurait pu faire sur ce point.

 

[57]           Lorsqu’on lit la décision dans son ensemble, dans le contexte des preuves présentées et des réserves générales (non contestées) de la Commission au sujet de la crédibilité des témoignages, je ne pense pas que l’on puisse dire que la Commission a omis de tenir compte d’éléments importants lorsqu’elle a abordé la question des fins du mariage aux termes de l’article 4 du Règlement. Par conséquent, j’estime qu’aucune erreur susceptible de révision n’a été commise sur ce point.

 

            L’époque à laquelle il y a lieu d’apprécier l’intention

 

[58]           Le demandeur soutient que, même si la Commission a le droit de tenir uniquement compte de l’intention du répondant pour ce qui est du second élément énoncé à l’article 4 du Règlement, la Commission [traduction] « a tenu compte de son intention à la fois au moment du mariage et après le mariage et elle a ainsi commis une erreur de droit ».

 

[59]           J’ai déjà conclu que la Commission n’avait pas uniquement pris en compte l’intention du répondant et qu’elle avait examiné toutes les preuves importantes concernant les fins du mariage. Le demandeur soutient ici que la Commission a confondu les deux volets du critère de l’article 4 et qu’elle a en fait examiné l’intention des parties après le mariage.

 

[60]           L’avocat du demandeur a reconnu très franchement qu’il ne pouvait me référer à une observation précise de la Commission qui serait déterminante sur ce point mais il a invité la Cour à examiner la façon dont la Commission a procédé à son analyse d’une façon générale.

 

[61]           J’ai examiné l’ensemble de la décision et s’il est évident que la Commission a examiné la conduite et les preuves postérieures au mariage, je ne trouve aucun élément indiquant que la Commission ait confondu les deux volets du critère de l’article 4 ou que la Commission n’ait pas en tout temps examiné l’intention que les parties avaient au moment du mariage. Par conséquent, j’estime qu’aucune erreur susceptible de révision n’a été commise sur ce point.

 

            L’interprétation du mot « privilège » utilisé à l’article 4

 

[62]           Le demandeur affirme que, lorsque la Commission a examiné la notion de « privilège » au sens de l’article 4, elle a décidé que le [traduction] « privilège qui déclenche l’application de l’article 4 pour ainsi exclure Grecil Gavino de la catégorie du regroupement familial était un privilège dont bénéficiait son répondant, Edwin Garcia – le futur parrainage de ses deux fils au Canada. »

 

[63]           Le demandeur soutient que [traduction] « le privilège qui déclenche l’application de l’article 4 […] doit être un privilège dont bénéficie le demandeur principal ».

 

[64]           La Commission a en fait tiré la conclusion suivante sur ce point : « Le comportement de l’appelant au moment du mariage et depuis dénote non pas que cette union avait de véritables fins conjugales, mais plutôt qu’elle visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi. Je conclus que ce privilège correspondait au futur parrainage de ses fils au Canada. »

 

[65]           La décision n’affirme aucunement qu’en l’espèce, le privilège a profité au répondant, à la demanderesse principale ou aux enfants. Le mariage a uniquement été contracté avec l’idée du privilège de pouvoir parrainer les enfants.

 

[66]           L’article 4 du Règlement n’affirme pas que le privilège doit profiter à « l’étranger » parrainé. Il établit un lien entre le « mariage » et « l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi » et il n’impose aucune limite quant à la ou aux personnes à qui ce statut ou ce privilège peut profiter.

 

[67]           Selon le sens ordinaire des mots « statut » et « privilège » dans le contexte de l’article 4 et selon l’objectif général de la Loi, en appliquant les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27 (C.S.C.), au paragraphes 20 à 22, je conclus que le mot « privilège » qui figure à l’article 4 veut dire que, si le mariage vise principalement à attribuer à quelqu’un un privilège aux termes de la Loi, le mariage ne répond pas au deuxième volet du critère de la mauvaise foi. D’après les faits de la présente affaire, je ne peux certainement pas affirmer que le privilège accordé aux enfants ne répond pas au second volet du critère.

 

[68]           Le demandeur va toutefois plus loin et affirme qu’en l’espèce, aucun privilège n’a été acquis. Le droit du demandeur de parrainer ses deux fils n’a absolument pas été modifié par le mariage et le droit des enfants à être parrainés n’a pas non plus été modifié par le mariage.

 

[69]           L’argument du demandeur oblige la Cour à interpréter l’article 4 du Règlement comme s’il exigeait que le mariage ait effectivement entraîné l’acquisition d’un statut ou d’un privilège.

 

[70]           Il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si les enfants ou toute autre personne ont effectivement acquis un statut ou un privilège en l’espèce (la question n’a pas été pleinement débattue, étant donné que le demandeur a uniquement soulevé dans ses observations écrites la question du privilège à l’égard de Grecil mais non pas à l’égard des enfants), mais les termes de l’article 4 exigent uniquement que soit examiné le but principal dans lequel le mariage a été contracté. Il n’exige pas de décider si le but a été atteint et si le mariage a permis l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

[71]           La Commission a conclu que le principal but du mariage était la possibilité de parrainer les deux enfants par la suite pour qu’ils viennent au Canada. Elle n’a pas conclu, comme le demandeur l’affirme dans les documents déposés dans la présente instance, que le privilège [traduction] « qui déclenche l’application de l’article 4 pour ainsi exclure Grecil Gavino de la catégorie du regroupement familial était un privilège dont bénéficiait son répondant, Edwin Gavino – le futur parrainage de ses deux fils au Canada. »

 

[72]           L’argument du demandeur selon lequel le privilège doit profiter au demandeur principal ne peut être retenu, à mon avis, si on applique à l’article 4 les principes énoncés dans Rizzo Shoes. Par conséquent, aucune erreur entraînant révision n’a été commise sur ce point et j’estime que la Commission a correctement interprété l’article 4.

 

            La mauvaise interprétation des preuves

 

[73]           Le demandeur soutient ici, encore une fois, que la Commission affirme que c’est lui qui a bénéficié d’un privilège. Le demandeur soutient qu’il n’existe aucun élément susceptible d’appuyer cette affirmation parce que [traduction] « il avait, aux termes de la Loi, les mêmes droits en matière de parrainage de ses enfants, qu’il soit marié ou non à Grecil Gavino ».

 

[74]           Pour les motifs déjà mentionnés, je ne pense pas que la Commission ait déclaré que le demandeur avait acquis un privilège et je n’estime pas que l’article 4 énonce que le but principal du mariage doit être en fait réalisé par l’acquisition d’un privilège aux termes de la Loi. Le but du mariage était de faciliter ou de permettre le parrainage des enfants aux termes de la Loi. La question de savoir si le but principal du mariage a en fait été réalisé ou si, en droit, sa réalisation est nécessaire pour répondre au deuxième volet du critère de l’article 4, n’a pas fait l’objet d’un débat approfondi devant moi. C’est pourquoi j’estime qu’aucune erreur entraînant révision n’a été commise sur ce point.

 

            La séparation des demandes

 

[75]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a jugé que Grecil ne faisait pas partie de la catégorie du regroupement familial et qu’elle s’est ensuite abstenue d’examiner la demande des deux garçons.

 

[76]           Comme le défendeur le fait remarquer, il est possible (et cette pratique est effectivement suivie quelquefois) de prendre une décision au sujet des membres de la famille qui accompagnent le demandeur principal, même lorsque celui‑ci est exclu de la catégorie du regroupement familial.

 

[77]           Cette décision dépend toutefois du genre de demande qui est présentée et des preuves relatives à l’intention des parties.

 

[78]           En l’espèce, l’agent a expressément demandé à Grecil quelle serait sa position au cas où le demandeur parrainerait les enfants, mais pas elle.

 

            Q :       Seriez‑vous d’accord, aujourd’hui, pour que vos enfants aillent au Canada et que vous restiez ici?

            R :        Non.

 

[79]           Grecil avait également ceci à dire à ce sujet dans l’affidavit qu’elle a joint à la demande :

[traduction] Je savais qu’Edwin Dorol Gavino voulait que nos enfants immigrent au Canada mais je n’aurais pas permis que mes enfants aillent au Canada sans moi.

 

 

[80]           D’après les faits de l’espèce, je ne pense pas qu’il était loisible à la Commission d’envisager de séparer les enfants de Grecil. Les preuves indiquaient que le répondant, et certainement Grecil, voulait que la Commission examine ensemble la demande de la demanderesse principale et celle des enfants et non pas celle des enfants séparément.

 

            Conclusion

 

[81]           Pour les motifs formulés, j’estime que la Commission n’a pas commis les erreurs de droit alléguées par le demandeur. Même en appliquant la décision correcte, comme norme, aux questions soulevées par le demandeur, j’estime qu’il n’y a pas eu d’erreur entraînant révision. Par ailleurs, dans la mesure où la décision est fondée sur des conclusions qui se rapportent aux faits et à la crédibilité, je ne peux pas dire que l’une de ces conclusions de la Commission était manifestement déraisonnable.

 

[82]           Les avocats sont invités à signifier et à déposer leurs observations au sujet de la certification d’une question de portée générale dans les sept jours de la réception des présents motifs de l’ordonnance. Chaque partie aura ensuite trois jours pour signifier et déposer une réponse aux observations de la partie adverse. À la suite de quoi, une ordonnance sera rendue.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑3249‑05

 

 

INTITULÉ :                                       EDWIN DOROL GAVINO

                                                            c.

                                                            MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 DÉCEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Peter Chapman

 

POUR LE DEMANDEUR

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Chen & Leung

Avocats

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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