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Date : 20220518


Dossier : IMM-4792-21

Référence : 2022 CF 739

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 18 mai 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

PRABHJIT SINGH BHAIRON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire, au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision [la décision] par laquelle un agent d’immigration a rejeté sa demande de permis de séjour temporaire (PST). Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision est raisonnable et je rejetterai la demande.

II. Contexte

[2] Le demandeur, un citoyen de l’Inde, est arrivé au Canada en 2011 en qualité d’étudiant. Par la suite, il a obtenu un permis de travail postdiplôme (PTPD) de trois ans, valide jusqu’en février 2019, et a trouvé un emploi à titre de superviseur des opérations au Rutherford Collision Centre, à Brampton, en Ontario. Avant l’expiration de son PTPD, les propriétaires du Rutherford Collision Centre ont demandé une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) afin qu’il puisse continuer à occuper son poste.

[3] La demande d’EIMT n’a pas été traitée avant l’expiration du PTPD du demandeur. Le demandeur a retenu les services d’un consultant en immigration qui a demandé que son permis de travail soit prolongé. La demande de permis de travail présentée à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), dans laquelle l’EIMT en cours de traitement n’était pas mentionnée, a été rejetée en mai 2019. C’était la première de quatre demandes de permis de travail successives qui ont été rejetées.

[4] Le demandeur a ensuite demandé le rétablissement de son statut dans la deuxième demande de permis de travail qu’il a présentée en août 2019. Encore une fois, la demande d’EIMT, qui avait alors été approuvée, n’était pas jointe à la demande de permis de travail. Cette deuxième demande de permis de travail a été rejetée en novembre 2019. En décembre 2019, le demandeur a présenté une demande de permis de séjour temporaire (PST), en plus de sa troisième demande de permis de travail successive. Cette demande a été rejetée en juin 2020.

[5] En novembre 2020, le demandeur a de nouveau présenté une demande de PST et de permis de travail ouvert, cette fois sur le fondement de motifs humanitaires au titre de l’alinéa 208b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) (le Règlement), qui dispose qu’un permis de travail peut être délivré à l’« étranger au Canada [...] si celui‑ci ne peut subvenir à ses besoins autrement qu’en travaillant, et si [...] b) il est titulaire [...] d’un permis de séjour temporaire ».

[6] Dans cette quatrième demande de permis de travail, le demandeur a fait valoir que toute infraction à la LIPR qu’il aurait pu avoir commise jusque‑là avait été commise accidentellement ou par inadvertance. Il a plutôt attribué au consultant en immigration dont il avait retenu les services le fait que l’EIMT n’avait pas été mentionnée dans ses demandes antérieures. Le demandeur a ensuite écrit au défendeur en février, en avril et en juin 2021, afin d’avoir des nouvelles sur l’état d’avancement de sa demande.

[7] Plus de sept mois plus tard, à la fin de juin 2021, sa quatrième demande de permis de travail ainsi que la demande de PST qui l’accompagnait ont été rejetées. Ce rejet constitue le fondement de la présente demande de contrôle judiciaire. Voici l’intégralité des motifs du rejet qui ont été consignés dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) :

[traduction] Le client est entré au Canada, muni d’un permis d’études, le 3 septembre 2011. Il a demandé et obtenu des prolongations; son permis a expiré le 30 mars 2016. Il a demandé un PTPD , lequel lui a été accordé pour une période de 3 ans se terminant le 17 février 2019. Le client a présenté une demande de prolongation, qui a été consignée le 16 février 2019 et rejetée le 22 mai 2019 parce qu’il n’avait pas d’EIMT. Le client avait 90 jours pour rétablir son statut, qui prenait fin le 24 août 2019. Le client a présenté une demande de rétablissement le 20 août 2019, et la demande a été rejetée, le 26 novembre 2019, encore une fois parce qu’il n’avait pas d’EIMT. Le client a soumis une première demande de PST le 23 décembre 2019, laquelle a été rejetée le 12 juin 2020. Le client affirme que, si sa demande a été rejetée, c’est à cause de son représentant (celui qu’il avait à l’époque). Toutefois, c’est au client qu’il appartient de s’assurer que les demandes qu’il présente contiennent des renseignements exacts. L’EIMT n° 8496423 n’est plus valide et ne peut pas être utilisée. J’ai examiné les renseignements fournis par le client dans la présente demande ainsi que les renseignements contenus dans le SMGC. Le nouveau représentant a affirmé que l’employeur du client avait demandé une nouvelle EIMT, mais une vérification auprès d’EDSC montre qu’aucune EIMT n’est en cours de traitement. La présente demande a été reçue le 23 novembre 2020. Il est logique de supposer que, si une demande d’EIMT avait été présentée, elle apparaîtrait maintenant dans le système d’EDSC. Je remarque également que le client indique qu’il a l’intention de rester au Canada, mais qu’il n’a pas présenté de demande de résidence permanente pendant les trois années où il a travaillé en vertu d’un PTPD. Il s’agit d’une expérience de travail suffisante pour faire une demande au titre de la catégorie de l’expérience canadienne ou de la catégorie des travailleurs qualifiés. Quant à la pandémie de COVID‑19, il existe maintenant un vaccin, les frontières sont à nouveau ouvertes et des vols sont disponibles. Le client peut donc quitter le pays et, lorsque la demande d’EIMT aura été approuvée, il pourra demander un nouveau permis de travail et revenir au Canada, car il aura un statut valide. Puisqu’il existe un moyen de contourner cette interdiction de territoire, je ne crois pas que la délivrance d’un PST soit justifiée dans ce cas. La demande est rejetée. Une lettre de rejet sera envoyée et le client sera informé qu’il doit quitter le Canada. Je souligne qu’il s’agit de la deuxième demande de PST soumise par le client et qu’il a été avisé de quitter le pays après la première. S’il présente une autre demande, je recommande qu’elle soit renvoyée pour qu’une mesure de renvoi soit prise.

III. Analyse

[8] Comme en conviennent les parties, la seule question en litige est celle de savoir si la décision de l’agent de rejeter la demande de PST du demandeur était déraisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99 [Vavilov]).

[9] Les observations écrites que le demandeur a présentées à la Cour sont essentiellement les mêmes que celles qu’il a présentées à l’agent. Le demandeur rappelle les facteurs à considérer dans l’examen d’une demande de PST, selon la politique d’IRCC, et soutient que l’agent aurait dû parvenir à une autre décision

A. Représentation antérieure

[10] Plus précisément, le demandeur soutient que, plutôt que de souligner qu’il incombait au demandeur de s’assurer que sa demande contenait tous les bons renseignements, l’agent aurait dû se concentrer sur la question de savoir si le demandeur se trouvait dans cette situation par inadvertance ou par accident – en raison de la conduite du consultant en immigration qui l’avait aidé à présenter ses trois premières demandes de permis de travail, qui ont été rejetées. Il aurait aussi dû se demander si cette situation résultait d’une négligence ou d’un mépris flagrant de la loi par le demandeur, plutôt que de l’attribuer au consultant qu’il avait embauché pour l’aider et qui n’avait pas fourni l’EIMT à IRCC comme il aurait dû le faire.

[11] Le demandeur a également fait valoir à l’audience que les EIMT sont téléversées dans le système informatique d’IRCC, si bien que, même si le consultant avait commis une erreur en ne respectant pas la « pratique exemplaire » qui consistait à joindre l’EIMT à la demande de permis de travail du demandeur, l’agent aurait dû être en mesure de vérifier si une EIMT avait été produite. Ainsi, techniquement, l’agent aurait pu délivrer un permis de travail même si le consultant n’avait pas soumis d’EIMT avec la demande. En fait, c’est pour cette raison que, selon ce qu’elle a expliqué, l’avocate du demandeur n’a pas suivi les exigences officielles du protocole concernant les allégations formulées contre des représentants autorisés établi par la Cour fédérale en date du 7 mars 2014. D’autres remarques incidentes sur ce point figurent à la fin des présents motifs.

B. Observations de l’agent — demande de résidence permanente

[12] Le demandeur soutient que l’agent a outrepassé son champ d’expertise et qu’il s’est livré à des suppositions en faisant remarquer que le demandeur n’avait pas présenté de demande de résidence permanente, même s’il avait accumulé plusieurs années d’expérience de travail alors qu’il travaillait en vertu d’un PTPD, et qu’il aurait pu présenter une demande à titre de travailleur qualifié. Le demandeur a développé ce deuxième argument dans ses observations orales, expliquant que l’agent n’avait pas pris en considération les exigences changeantes du système Entrée express. De plus, compte tenu de ses études et de son expérience, le demandeur n’aurait pas été admissible au volet Travailleurs qualifiés du programme fédéral, tout comme il n’aurait probablement pas été admissible au titre de la catégorie de l’expérience canadienne, puisqu’il n’avait pas encore accumulé l’année d’expérience requise par ce programme.

C. Pandémie de COVID-19 et présentation d’une demande depuis l’étranger

[13] Troisièmement, le demandeur reproche à l’agent ses propos sur la pandémie de COVID‑19, en particulier ce qu’il a dit au sujet de la disponibilité des vaccins et l’ouverture des frontières, et à propos du fait que le demandeur pourrait présenter une demande depuis l’étranger en attendant les résultats de l’EIMT. Au contraire, le demandeur soutient qu’il serait déraisonnable pour lui de retourner en Inde au lieu d’attendre au Canada, puisqu’il aurait de la difficulté à obtenir un permis de travail depuis l’Inde.

[14] Bien que l’avocate du demandeur ait tenté par tous les moyens de me convaincre du contraire, ses arguments ne permettent pas de conclure que la décision de l’agent était déraisonnable dans les circonstances. Si je commence par les deux derniers arguments, ceux concernant les erreurs présumées et la pandémie, aucun d’eux n’était déterminant ni essentiel pour la prise de décision; pour reprendre un terme du domaine judiciaire, j’estime qu’ils ressemblent davantage à des remarques incidentes. Même si l’agent a eu tort dans l’un ou l’autre cas, ce qui est discutable, à mon avis, une telle erreur ne constituerait pas une lacune suffisamment grave pour annuler la décision au motif qu’elle est déraisonnable. En effet, il semble que l’agent ait simplement suggéré que le demandeur avait accès à d’autres moyens pour résider et travailler au Canada – ou sinon, qu’il pouvait présenter sa demande depuis l’Inde.

[15] Quant au commentaire de l’agent sur la situation pandémique d’alors, je n’y vois rien de déraisonnable. Il a tout simplement mentionné qu’il y avait plus de possibilités de voyages, qu’un vaccin était maintenant offert et, qu’en conséquence, le demandeur pouvait présenter une demande depuis l’étranger en attendant d’obtenir une EIMT. Ce commentaire semble également avoir été fait en réponse au contenu de la demande de PST, dans laquelle le demandeur a invoqué les difficultés associées à la pandémie de COVID‑19. Le demandeur n’a pas expliqué en quoi le commentaire de l’agent était déraisonnable, et encore moins pourquoi il serait suffisamment grave pour justifier le renvoi de l’affaire pour nouvel examen. L’avocat du défendeur a invoqué plusieurs affaires de sursis dans lesquelles les mesures d’expulsion avaient été exécutées malgré la pandémie de COVID (voir, par exemple Kyere c Canada (MSPPC) (17 novembre 2020), nde dossier IMM‑1656-20; Vushaj c Canada (MSPPC) (17 février 2021), no de dossier IMM‑875‑2021, le juge Fothergill).

[16] Je souligne en outre que la Cour n’est pas intervenue dans des affaires récentes où des préoccupations liées à la COVID avaient été soulevées (voir Springer c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 180 aux para 28-30; Bagatnan c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2021 CF 1188 au para 23, qui portent toutes deux sur des demandes fondées sur des considérations humanitaires). En l’espèce, le demandeur n’a fourni à la Cour aucune autre décision, et il n’avait pas non plus présenté à l’agent des éléments de preuve susceptibles de rendre ses conclusions déraisonnables en raison de la pandémie de COVID.

D. EIMT manquante et caractère raisonnable de la décision

[17] Le demandeur a fait valoir à l’audience que l’agent avait, de manière déraisonnable, commis une erreur en concluant que, après avoir attendu plusieurs mois, il n’avait pas reçu la nouvelle (deuxième) demande d’EIMT. Il a soutenu qu’il ressortait clairement du dossier de la demande, autant de la lettre de présentation de l’avocat que de la lettre d’accompagnement de l’employeur potentiel, que ce dernier était disposé à présenter une deuxième demande d’EIMT et qu’il appuyait son ancien employé, mais qu’aucun des deux ne s’était engagé à soumettre une demande d’EIMT avant d’avoir reçu une décision sur la demande de PST.

[18] Le demandeur affirme que, dans ces circonstances, il était déraisonnable que l’agent s’attende à recevoir une nouvelle EIMT et qu’il rejette la demande parce qu’il ne l’avait pas reçue. En effet, le demandeur explique que c’est précisément la raison pour laquelle il a présenté, sur le fondement de motifs humanitaires, une demande de permis de travail ouvert au titre de l’article 208 du Règlement (comme il est indiqué ci-dessus au paragraphe 5 des présents motifs).

[19] Le défendeur s’est opposé à ce que la Cour tienne compte de cet argument parce qu’il n’avait pas été soulevé dans le mémoire du demandeur. Il a soutenu que, même si la Cour devait en tenir compte, l’agent était entièrement justifié de considérer le fait que la deuxième EIMT n’avait pas été délivrée, d’après les documents joints à la demande de PST et de permis de travail et les antécédents du demandeur en matière de demande.

[20] Il est de jurisprudence constante que, à moins d’une situation exceptionnelle, tout argument qui n’a pas été formulé dans les observations écrites d’une partie, ne peut être pris en considération, pour des raisons d’équité et afin de s’assurer que le défendeur puisse répondre de façon adéquate et réfléchie à tous les arguments présentés (Rouleau-Halpin c Bell Solutions Techniques Inc., 2021 CF 177 au para 33).

[21] Je fais deux brèves observations sur le nouvel argument. Premièrement, cet argument est d’une certaine façon liée aux autres arguments soulevés par le demandeur dans son mémoire, selon lesquels la décision est déraisonnable. Deuxièmement, l’avocat du défendeur a néanmoins réagi rapidement pendant l’audience et a été capable de répondre au nouvel argument, ce qui est tout à son honneur. Compte tenu de ces deux facteurs, j’exercerai exceptionnellement mon pouvoir discrétionnaire d’examiner le nouvel argument soulevé à l’audience (voir Del Mundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 754 aux para 12-14).

[22] Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il était déraisonnable pour l’agent de déduire de la demande qu’une EIMT devait être produite sous peu, et d’avoir décidé de rejeter la demande et de fermer le dossier quelque sept mois plus tard sans l’avoir reçue. Dans les observations qui accompagnent sa demande, le demandeur demande un PST [TRADUCTION] « pour qu’il puisse rétablir son statut et être admissible à obtenir un permis pour travailler pour son ancien employeur sur le fondement d’une nouvelle EIMT », et il affirme plus loin, que [TRADUCTION] « [s]on employeur soumettra une deuxième demande d’EIMT, mais le processus d’approbation prendra quelques mois, et [que] ce permis de travail pourra [l’]aider à acquérir de l’expérience et à gagner sa vie ».

[23] Bien que je convienne qu’en examinant le dossier de la demande et en lisant la lettre de présentation et la lettre d’appui de l’employeur, l’agent aurait pu conclure que la demande d’EIMT ne serait pas présentée avant que le PST n’ait été délivré, je suis d’avis que l’interprétation faite par l’agent, selon laquelle la nouvelle demande d’EIMT serait présentée quelques mois plus tard, était également raisonnable dans les circonstances.

[24] Enfin, en ce qui concerne les autres arguments soulevés par le demandeur, selon lesquels l’agent a conclu de manière déraisonnable que la situation du demandeur ne justifiait pas la délivrance d’un PST, il convient de se référer au paragraphe 24(1) de la LIPR :

Permis de séjour temporaire

Temporary resident permit

24 (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire — titre révocable en tout temps.

24(1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

[Je souligne]

[25] Le demandeur soutient que l’agent a, de manière déraisonnable, commis une erreur en appliquant le critère des « motifs impérieux » pour rejeter la demande de PST. Il déclare que ce critère n’est mentionné nulle part dans la disposition ci‑dessus, de sorte que l’agent a entravé son pouvoir discrétionnaire en l’appliquant. Il affirme que la disposition ne mentionne que la délivrance d’un PST lorsque « les circonstances le justifient » et qu’elle ne requiert pas l’existence de « motifs impérieux » comme certaines décisions l’indiquent (voir, par exemple, Farhat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1275 aux para 22-24, et Ju c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 669 [Ju] aux para 18-19).

[26] Je souligne que la décision par laquelle un agent accorde un PST est de nature exceptionnelle et hautement discrétionnaire (Bhamra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 482 aux para 27, 31; Ju, au para 18). En faisant ressortir certains extraits de sa demande de PST devant la Cour et en faisant valoir que l’agent a tiré des conclusions déraisonnables à propos de ces éléments, le demandeur a, au mieux, établi que les facteurs applicables auraient dû convaincre l’agent qu’il était justifié de faire droit à sa demande.

[27] Toutefois, le demandeur n’a pas à plaider de nouveau sa cause, car il n’appartient pas au juge chargé du contrôle judiciaire de se prononcer sur le bien‑fondé des observations présentées à l’appui d’une demande de PST. Le demandeur doit plutôt convaincre la Cour que la décision était déraisonnable ou, plus précisément, qu’elle « souffr[ait] de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov, au para 100). Je ne suis pas convaincu que le demandeur s’est acquitté de son fardeau. En fin de compte, le demandeur n’a pas établi que, comme l’a écrit la juge MacDonald au paragraphe 22 de la décision Bhamra, « [l]a délivrance [du permis de séjour temporaire était] justifiée par des éléments de preuve démontrant quelque chose de plus qu’un simple inconvénient pour le demandeur ».

[28] Ainsi, faute d’avoir constaté des lacunes graves dans le raisonnement de l’agent, je refuse d’apprécier à nouveau la preuve, comme le demandeur m’invite à le faire, ou de souscrire à la proposition faite par le demandeur quant à ce qui, selon lui, aurait été une décision plus appropriée dans les circonstances.

E. Remarques incidentes

[29] Comme il est indiqué aux paragraphes 10 et 11 des présents motifs, les parties ont consacré quelques heures de l’audience à discuter des erreurs qu’aurait commises le consultant en immigration qui a représenté le demandeur dans le cadre des trois précédentes demandes de permis de travail, lesquelles ont toutes été rejetées. Je ne suis pas en mesure de commenter le contenu exact de ces demandes antérieures parce qu’elles ne figurent pas au dossier. Toutefois, si je comprends bien la situation et les commentaires de l’agent, il se peut bien que des erreurs aient été commises.

[30] Malheureusement, la Cour voit trop souvent des problèmes causés par des erreurs de négligence – ou pire – par une représentation inadéquate. Comme c’est le cas en l’espèce, l’avocat doit, à la dernière minute, essayer de sauver une affaire qui a mal tourné en raison d’une mauvaise représentation antérieure (voir, par exemple, Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 341 aux para 23‑24, Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1235 aux para 20‑22, Gao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1238 aux para 7, 10‑11).

[31] En fait, dans la demande de contrôle judiciaire que j’ai entendue plus tôt le même jour que celle-ci, l’avocat a également allégué que le consultant en immigration qui avait précédemment agi pour son client avait commis des erreurs (voir Afshari, ci‑dessus). Bien qu’une telle situation soit nécessairement très malheureuse, la jurisprudence indique clairement que, dans les affaires d’immigration, les demandeurs doivent assumer les conséquences des gestes de leur représentant (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 au para 66; Figueroa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 521 au para 35; Al-Abayechi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 360 au para 23).

[32] En l’espèce, l’avocate du demandeur, Me Lee, a travaillé avec diligence pour tenter de limiter les dommages, autant lorsqu’elle a présenté la quatrième demande de permis de travail au Ministère après que le premier consultant en immigration eut présenté les trois premières demandes, que lors du présent contrôle judiciaire. Bien qu’il convienne de féliciter Me Lee pour les vaillants efforts qu’elle a déployés devant la Cour, il reste qu’il n’existe tout simplement aucun motif qui justifierait de conclure que la décision était déraisonnable au regard des contraintes énoncées dans l’arrêt Vavilov. Par conséquent, la demande est rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4792-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4792-21

 

INTITULÉ :

PRABHJIT SINGH BHAIRON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 mai 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 mai 2022

 

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

 

Pour le demandeur

 

Bradley Bechard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LEE & COMPANY

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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