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Date : 20220509


Dossier : IMM-5327-20

Référence : 2022 CF 656

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2022

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

DAOUDA NDIAYE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le demandeur, M. Daouda Ndiaye, conteste la décision, datée du 7 octobre 2020, par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté son appel et confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. La SAR a conclu que l’évaluation et les conclusions de la SPR en ce qui a trait à la crédibilité étaient correctes, et qu’il en était de même de la conclusion de la SPR selon laquelle il n’y avait pas d’éléments de preuve résiduels pour appuyer une demande d’asile au titre de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. La SAR a confirmé que M. Ndiaye n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[2] Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire de M. Ndiaye.

II. Le contexte

[3] M. Ndiaye est un citoyen du Sénégal. Le 1er janvier 2016, il a quitté son pays à destination de l’Équateur, et, le 1er janvier 2017, il est arrivé aux États-Unis, où il a demandé l’asile et a été débouté. Le 7 juillet 2018, il est entré au Canada entre les points d’entrée du Manitoba, après quoi il a été conduit au point d’entrée où il a demandé l’asile et y a été interrogé par un agent des services frontaliers.

[4] Le 25 juillet 2018, M. Ndiaye a signé son formulaire Fondement de la demande d’asile [le formulaire FDA]. Il a allégué qu’il était exposé à un risque au Sénégal en raison de son homosexualité présumée. Dans l’exposé circonstancié qu’il a joint à son formulaire FDA, il a affirmé, entre autres, qu’il avait quitté Dakar en janvier 2015 pour retourner chez lui, à Taïba N’Diaye, et y travailler sur la ferme familiale, et que, le 30 novembre 2015, sa famille lui avait annoncé qu’elle voulait le marier à une femme, ou à la sœur de cette femme. Il dit avoir refusé parce qu’il ne voulait pas d’un mariage arrangé. Il a relaté que, dans le passé, sa famille l’avait parfois traité d’homosexuel pour plaisanter à cause de la façon dont il s’habillait, qu’elle l’avait également traité d’homosexuel après qu’il eut refusé de se marier, et qu’en décembre 2015, elle avait fait le tour de sa communauté pour dire à tout le monde qu’il était homosexuel. Il a également relaté que, le 20 décembre 2015, des membres de sa famille et des voisins étaient venus à sa rencontre et l’avaient battu, et qu’ensuite, ses parents avaient annoncé son homosexualité à la radio, puis qu’ils avaient promis une récompense à la personne qui le retrouverait.

[5] Les 1er mars et 3 avril 2019, la SPR a entendu la demande d’asile et le témoignage de M. Ndiaye, et, à la fin de l’audience du 3 avril, elle a rejeté la demande d’asile. Elle a conclu que M. Ndiaye n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[6] La SPR a exprimé des réserves en matière de crédibilité liées à 1) des contradictions concernant la date de retour de M. Ndiaye au domicile familial : en janvier 2015 (selon son formulaire FDA) ou en novembre 2015 (selon son témoignage devant la SPR); 2) la portée des conversations et le nombre de conversations entre lui et ses parents au sujet du mariage arrangé : plus d’une avant le 30 novembre 2015 ou une seule le 30 novembre 2015, et la durée de cette dernière conversation : très brève ou d’environ cinq heures au cours d’un déplacement de Dakar à Taïba N’diaye; 3) le temps passé chez sa famille avant cette conversation; 4) le lieu de la conversation; 5) le moment où le mariage avec la sœur cadette lui avait été proposé; 6) le moment où sa famille l’avait accusé d’être homosexuel pour la première fois : le 20 décembre 2015 ou avant cette date; ainsi qu’à 7) des contradictions entre son témoignage et son formulaire FDA concernant la question de savoir s’il avait été accusé d’être homosexuel avant son refus d’épouser ces femmes; 8) une contradiction entre ce que, selon ses dires, son ami à Dakar pensait et ce que cet ami avait écrit dans sa lettre d’appui; 9) des divergences entre le contenu de la lettre de protestation de M. Ndiaye rédigée au Sénégal et son témoignage à propos de la question de savoir qui l’avait rédigée et quand elle l’avait été; 10) la lettre d’aide qui aurait été envoyée par le ministère de l’Intérieur.

[7] La SPR a conclu que les deux documents que M. Ndiaye avait présentés avant la deuxième audience étaient probablement frauduleux. Il s’agissait 1) d’une lettre de protestation portant un timbre du ministère des Affaires étrangères, signée le 20 décembre 2015 à Dakar, dans laquelle M. Ndiaye lui-même avait demandé de l’aide, alors qu’il a indiqué dans son exposé circonstancié qu’il n’avait pas demandé d’aide; 2) d’une lettre du ministre de l’Intérieur, également signée le 20 décembre 2015 à Dakar, dans laquelle une protection était accordée à M. Ndiaye. La SPR a également conclu que M. Ndiaye n’avait pas fourni, ni même tenté d’obtenir, des documents corroborants auxquels il était raisonnable de s’attendre, comme le contenu de la demande d’asile qu’il avait présentée aux États-Unis, en dépit du fait que de tels documents lui avaient été demandés.

[8] M. Ndiaye a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR, qui a rejeté l’appel le 7 octobre 2020. Essentiellement, la SAR a exprimé les mêmes réserves en matière de crédibilité que la SPR.

[9] La SAR a énuméré les arguments de M. Ndiaye en appel au paragraphe 4 de sa décision. Selon elle, la question déterminante était celle de savoir si la SPR avait commis des erreurs dans l’évaluation de la crédibilité de M. Ndiaye. La SAR a traité 1) des discussions avec la famille au sujet du mariage; 2) des accusations antérieures d’homosexualité; 3) de la crédibilité en général (incohérences, documents frauduleux, absence de corroboration).

[10] En ce qui concerne la discussion entre M. Ndiaye et sa famille au sujet du mariage arrangé, la SAR a examiné les conclusions de la SPR et les arguments que M. Ndiaye a soulevés en appel, puis, aux paragraphes 23 à 25 de sa décision, elle a exposé son avis. Elle a confirmé que M. Ndiaye n’avait pas été en mesure de fournir une chronologie claire et cohérente des événements, et que l’absence de contexte et de description de la façon dont les membres de sa famille lui avaient parlé de leur proposition de mariage arrangé avait nui à sa crédibilité. Elle a souligné que M. Ndiaye avait expliqué que sa famille avait évoqué le mariage arrangé dans le passé avant d’adopter une position ferme en novembre, mais elle a également souligné que, si tel avait été le cas, il aurait pu l’expliquer devant la SAR, ce qu’il n’avait pas fait.

[11] En ce qui concerne les accusations antérieures d’homosexualité, la SAR a indiqué que la SPR avait demandé à M. Ndiaye s’il en avait fait l’objet dans le passé, c’est-à-dire avant de refuser les mariages arrangés, et qu’il avait répondu plus d’une fois qu’il n’avait pas été accusé d’homosexualité avant novembre 2015, le mois où il avait refusé les mariages arrangés. Elle a également indiqué que, dans son formulaire FDA, M. Ndiaye avait mentionné qu’il avait déjà été accusé d’homosexualité avant de refuser les mariages arrangés et, plus précisément, que sa famille y faisait allusion et faisait des blagues sur la façon dont il s’habillait. Elle a souligné que la SPR avait soumis cette contradiction à M. Ndiaye, qui avait alors expliqué qu’il n’avait pas bien compris la question. Elle a également souligné qu’en appel, M. Ndiaye avait répété que son formulaire FDA indiquait qu’il y avait eu des accusations dans le passé, mais que la question de la SPR n’était pas claire et qu’il n’avait donc pas pu répondre correctement. La SAR n’a pas souscrit à son opinion, soulignant que la SPR lui avait demandé plusieurs fois s’il y avait eu des accusations dans le passé et qu’il avait dit plusieurs fois que non.

[12] En ce qui concerne la crédibilité en général, la SAR a souligné que M. Ndiaye avait convenu qu’il y avait de nombreuses incohérences, mais qu’il avait ajouté qu’aucune ne correspondait à une divergence grave. Elle a également souligné que, dans ses arguments, il n’avait pas indiqué de quelles conclusions défavorables en matière de crédibilité il parlait et qu’il n’avait pas fourni d’arguments précis pour les réfuter. Finalement, elle a conclu que les problèmes de crédibilité étaient importants et qu’ils touchaient au cœur de sa demande d’asile et de sa crédibilité.

III. Les questions dont la Cour est saisie

[13] Devant la Cour, M. Ndiaye a déposé un mémoire supplémentaire, mais il n’a souscrit aucun affidavit.

[14] Il soutient essentiellement que la décision de la SAR est déraisonnable et qu’elle a été rendue sans égard aux faits. Il fait valoir qu’un examen des faits de l’affaire révèle que les réserves en matière de crédibilité étaient injustifiées. Il soulève en particulier des questions concernant 1) le déménagement à Taïba N’Diaye; 2) la conversation; 3) la répétition et l’incohérence; 4) les blagues et les accusations; 5) la corroboration (la nécessité d’une corroboration, le moment de la création, l’expertise, la comparution); et 6) ses documents américains.

[15] Le ministre répond d’abord que, dans cinq des six questions soulevées devant la Cour, M. Ndiaye conteste en fait des conclusions que la SPR avait tirées en première instance et qu’il n’a pas contestées en appel devant la SAR.

[16] La jurisprudence confirme que « […] la demande de contrôle judiciaire ne peut être fondée sur des motifs qui auraient pu être soulevés devant la SAR, mais qui ne l’ont pas été » (Essel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1025 au para 10, citant Canada (Citoyenneté et Immigration) c RK, 2016 CAF 272 au para 6, et Adams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 524 aux para 28 et 29; voir aussi Ghauri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548 au para 34; Shaibu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 109 aux para 6 à 9 [Shaibu]).

[17] Je suis donc d’accord avec le ministre pour dire que seuls les arguments déjà soulevés devant la SAR peuvent être soulevés devant la Cour. L’omission de soulever une question devant la SAR a pour effet d’exclure qu’elle soit soulevée pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Shaibu, au para 9).

[18] Les arguments que M. Ndiaye a soulevés devant la SAR sont indiqués aux pages 31 à 33 du dossier certifié du tribunal [le DCT]. Globalement, M. Ndiaye a soutenu que la SPR avait commis une erreur en concluant qu’il n’était pas crédible. Il a limité ses observations à trois aspects de la décision de la SPR qu’il conteste : 1) la conclusion concernant les discussions avec sa famille au sujet du mariage est erronée, car : a) la SPR n’a pas admis que la discussion importante avait eu lieu en novembre 2015; b) la famille avait fait allusion à son homosexualité avant le 30 novembre 2015; et c) il n’y a jamais eu de discussion d’une minute, il en a plutôt beaucoup été question depuis son retour à la maison; 2) une erreur a été commise au sujet de l’homosexualité, puisque son formulaire FDA et son exposé circonstancié confirmaient clairement qu’il avait été accusé d’être homosexuel dans le passé, mais que la question qui lui avait été posée à l’audience n’était pas claire; 3) en ce qui concerne la crédibilité, toutes ses explications ont été rejetées pour des raisons de crédibilité, et la conclusion de la SPR n’était pas étayée par la preuve présentée.

[19] Fait à noter, M. Ndiaye a convenu devant la SAR qu’il y avait de nombreuses incohérences entre son formulaire FDA, son exposé circonstancié et son témoignage, mais il a soutenu qu’aucune ne correspondait à une divergence grave.

[20] Il ne fait aucun doute que les questions 1) du déménagement à Taiba N’Diaye; 2) de la répétition et de l’incohérence; 3) de la corroboration (le besoin de corroboration, le moment de la création, l’expertise, la comparution); et 4) du défaut de présenter les documents américains ont été soulevées devant la Cour, mais elles ne l’ont pas été devant la SAR. Je ne traiterai donc pas de ces arguments.

[21] Devant la SAR, M. Ndiaye a soulevé un argument concernant les accusations d’homosexualité, mais il est en complète opposition avec celui qu’il soulève maintenant devant la Cour. Il soutient que son affirmation selon laquelle il n’avait pas été accusé d’homosexualité dans le passé était justifiée, puisque, dans son formulaire FDA, il avait parlé de blagues, et non d’accusations, et qu’il y a une distinction à faire entre les deux. Toutefois, il n’a pas fait cette distinction devant la SPR ni dans l’argument qu’il a soulevé devant la SAR. Il fait ensuite valoir plutôt le contraire, soit que son formulaire FDA indiquait clairement qu’il avait en fait été accusé d’être homosexuel dans le passé, mais que la question que la SPR lui avait posée pendant l’audience n’était pas claire et qu’il n’avait donc pas été en mesure de répondre en conséquence et correctement. Puisqu’il a clairement confirmé à la SAR que son formulaire FDA indiquait qu’il avait été accusé d’homosexualité dans le passé, il ne peut pas maintenant faire valoir que ce n’est pas le cas devant la Cour. On ne peut reprocher à la SAR d’avoir traité de l’argument qu’il a soulevé devant elle. Par conséquent, je déclinerai son invitation à examiner cet argument.

Finalement, je conclus qu’un seul des arguments de M. Ndiaye a été dûment soumis à la Cour, soit celui qu’il a soulevé à l’encontre de la conclusion de la SAR concernant la conversation entre lui et sa famille au sujet du mariage. L’argument à propos de l’erreur de date de la SAR, qui a indiqué le 20 plutôt que le 30 novembre, en fait partie.

A. La norme de contrôle

[22] La norme de contrôle qui est présumée s’appliquer à la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable, car aucune des exceptions à cette présomption ne se présente en l’espèce. La Cour doit donc décider si le demandeur a démontré, tel qu’il en avait le fardeau, que la décision de la SAR est déraisonnable.

[23] Au paragraphe 27 de l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Bafakih, 2022 CAF 18 [Bafakih], la Cour d’appel fédérale a récemment rappelé que, dans le cadre d’un contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable, l’enquête « doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 83 [Vavilov]). En fin de compte, la cour de révision doit être convaincue que la décision administrative est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). La Cour d’appel fédérale nous a également rappelé que, comme il a été affirmé dans l’arrêt Vavilov, une cour de révision qui applique la norme de la décision raisonnable doit s’abstenir de trancher elle-même les questions dont le décideur administratif était saisi (Bafakih, au para 52). En outre, elle a souligné qu’« [a]utrement dit, elle “ne se demande […] pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’‘éventail’ des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution ‘correcte’” (arrêt Vavilov au par. 83) » (Bafakih, au para 52).

[24] Par ailleurs, la Cour est attentive aux détails lorsque des conclusions en matière de crédibilité entrent en jeu. Comme il est affirmé au paragraphe 11 de la décision Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558, « […] la crédibilité est une question de fait pour laquelle la retenue s’impose et qui doit être examinée en fonction de la norme de la raisonnabilité ». Au paragraphe 22 de sa décision dans l’affaire Charles c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 520, la juge Walker a récemment conclu que « [l]a Cour doit faire preuve de déférence envers les conclusions de crédibilité de la SAR ((Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319 au para 42). La SAR examine attentivement les conclusions de la SPR, la preuve et les arguments dans le mémoire d’appel des demanderesses. La SAR n’entreprend pas “une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur” (Vavilov au para 102). » La Cour doit « […] faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de crédibilité de la SAR et elle doit considérer les motifs dans leur ensemble, à la lumière du dossier (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 53; Odia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 363 au para 6) » (Ba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 233 au para 10).

B. L’erreur de date

La SAR a écrit le 20 plutôt que le 30 novembre 2015 tout au long de sa décision. Bien que cette question ait été dûment soulevée devant la Cour, l’argument est sans fondement. Une erreur de date dans la décision n’a pas une importance suffisante pour en compromettre le caractère raisonnable et ne justifie pas une intervention judiciaire. Il y a une distinction à faire entre, d’une part, cette erreur et, d’autre part, les contradictions et les incohérences relevées dans le dossier, lesquelles ne peuvent pas raisonnablement être considérées comme des erreurs de transcription.

C. La conversation entre M. Ndiaye et sa famille

[25] M. Ndiaye soutient essentiellement que la SPR et, ensuite, la SAR lui ont attribué des affirmations qu’il n’avait jamais faites, notamment celles selon lesquelles 1) la conversation avec sa famille pendant le trajet de retour en voiture au village avait duré cinq heures; 2) la date de son retour était le 30 novembre; 3) il avait eu une conversation d’une minute, car il s’agissait plutôt d’une question de la SPR, et non d’une affirmation de sa part, et donc d’un élément de preuve provenant, non pas de lui, mais de la SPR.

[26] En particulier, M. Ndiaye soutient que la SAR a eu tort de prendre pour argent comptant les affirmations de la SPR au sujet de son témoignage, en faisant essentiellement abstraction de ce qu’il avait réellement affirmé et en procédant déraisonnablement à un examen microscopique de la preuve, à une chasse au trésor ligne par ligne. Il ajoute que les incohérences et les contradictions s’expliquent, et il en fournit des explications à la Cour.

[27] Premièrement, les explications concernant les incohérences et les contradictions que les avocats fournissent maintenant à la Cour n’ont pas été présentées à la SAR, et M. Ndiaye, n’ayant souscrit aucun affidavit, n’a pas témoigné à ce propos. Je n’examinerai donc pas ces explications.

[28] Deuxièmement, et contrairement à ce qu’affirme M. Ndiaye, la transcription de l’audience de la SPR confirme que le résumé des faits et les conclusions de la SAR concordent avec le témoignage qu’il a effectivement livré. J’ai constaté 1) que M. Ndiaye avait affirmé avoir eu une conversation de cinq heures avec des membres de sa famille pendant le trajet de cinq heures entre Dakar et le village (DCT, à la p 191); 2) que la SAR n’avait confirmé aucune conclusion concernant la date à laquelle il était retourné dans son village, mais, en tout état de cause, que la page 188 du DCT confirme qu’il a témoigné qu’il avait vécu à Dakar de 2007 à 2015, et qu’en 2015, le 30 novembre, il avait quitté Dakar pour Kébémer (dans son formulaire FDA, il avait affirmé avoir déménagé de Dakar à son village en janvier 2015); 3) qu’il avait affirmé que la conversation avait été brève, selon les p 172 et 173 du DCT, qu’il avait confirmé qu’il s’agissait d’une conversation d’une minute, selon la p 173 du DCT, et qu’il avait confirmé une seconde fois qu’il s’agissait d’une [traduction] « très brève » conversation, selon la p 188 du DCT.

[29] Deuxièmement, l’argument de M. Ndiaye selon lequel les renseignements sont tirés d’une question du commissaire de la SPR et non d’une réponse ne saurait être retenu. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que le demandeur ne peut soutenir maintenant devant la Cour qu’il n’avait convenu que d’une partie de la question posée par le commissaire de la SPR, alors qu’il n’a ni témoigné en ce sens ni soulevé cette question devant la SAR.

[30] L’argument de M. Ndiaye selon lequel la SAR et la SPR ne devaient pas procéder à une analyse microscopique de la preuve qu’il avait présentée est sans fondement. La SPR et la SAR doivent précisément examiner avec soin la preuve dont elles disposent. Il semble que M. Ndiaye soit simplement en désaccord avec le poids qui y a été accordé et qu’en fait, il ait appliqué à la SPR et à la SAR une mise en garde portant sur le travail de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Cependant, « [i]l est de jurisprudence constante que le désaccord exprimé au sujet de la valeur accordée à la preuve ne constitue pas un motif justifiant la Cour d’intervenir (Ye c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 1233) » (Omorogie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1255 au para 39).

IV. Conclusion

[31] La décision de la SAR est raisonnable et la demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5327-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée;

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Martine St-Louis »

Juge

Traduction certifiée conforme

N. Belhumeur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5327-20

INTITULÉ :

DAOUDA NDIAYE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 AVRIL 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 9 MAI 2022

COMPARUTIONS :

Philip Zayed

David Matas

POUR LE DEMANDEUR

Brendan Friesen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McIntosh Law & Technology

Winnipeg (Manitoba)

David Matas

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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