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Date : 20220420


Dossier : IMM-4642-20

Référence : 2022 CF 559

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ANA MARIA DEL PILAR CAPETILLO MENDEZ

GONZALO DE VIERNA RAMOS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de l’immigration de l’ambassade du Canada au Mexique a rejeté la demande de résidence permanente des demandeurs au motif qu’ils sont interdits de territoire pour fausses déclarations, au titre des alinéas 40(1)a) et 42(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

Le contexte

[2] Les demandeurs, Ana Maria Del Pilar Capetillo Mendez [la demanderesse] et Gonzalo De Vierna Ramos [le demandeur], forment un couple marié et sont citoyens mexicains. Ils ont été parrainés en vue d’obtenir leur résidence permanente par leur fille, Alejandra Fabiola De Vierna Capetillo [la répondante], qui est citoyenne canadienne et qui a réussi à obtenir une place dans le cadre de la loterie de 2018 pour le parrainage d’un parent ou d’un grand-parent. Dans leurs demandes, les demandeurs ont répondu « non » à la question 4a) demandant s’ils avaient déjà été déclarés coupables d’une infraction, s’ils avaient été complices d’un crime ou d’une infraction, ou s’ils avaient fait l’objet d’une poursuite au criminel dans un pays quelconque.

[3] Dans le cadre du processus de demande, les demandeurs ont reçu une lettre datée du 12 septembre 2019 leur demandant de se soumettre à des examens médicaux et de présenter des certificats de police de la Fiscalia General de la Republica [la FGR], la police fédérale mexicaine. La réponse de la FGR concernant le demandeur est datée du 8 octobre 2019 et a été reçue par la Section de l’immigration le 11 novembre 2019. La FGR a mentionné que [traduction] « des données enregistrées de nature criminelle [avaient] été trouvées ». Le 25 novembre 2019, la Section de l’immigration a envoyé une lettre d’équité procédurale mentionnant que le certificat de police du demandeur montrait qu’il avait été reconnu coupable de conduite avec capacités affaiblies le 27 novembre 1998. La lettre précisait également que la Section de l’immigration estimait que les demandeurs pourraient être interdits de territoire au Canada pour fausses déclarations aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, et qu’elle leur accordait 30 jours pour présenter des observations en réponse.

[4] Les observations des demandeurs en réponse à la lettre d’équité procédurale mentionnent que le demandeur croyait avoir répondu correctement à la question, car il pensait que ses condamnations antérieures avaient été radiées en application de la loi mexicaine en 2000, au terme de ses peines. Cependant, si les demandeurs étaient jugés interdits de territoire, ils allaient solliciter l’examen de leur demande pour des considérations d’ordre humanitaire.

[5] Leur demande a été rejetée par une lettre datée du 21 août 2020.

Les dispositions législatives applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

16(1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

25(1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

40(1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

42(1) Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

La décision faisant l’objet du contrôle

[6] La lettre de refus du 31 août 2020 mentionne que le demandeur a fait des fausses représentations et a fait preuve de réticence quant à ses antécédents criminels au Mexique, et que les considérations d’ordre humanitaire présentées par les demandeurs n’étaient pas suffisantes pour l’emporter sur la conclusion d’interdiction de territoire pour fausses déclarations.

[7] Le dossier certifié du tribunal comprend les notes versées au Système mondial de gestion des cas, qui font état des motifs de l’agent qui a initialement examiné la demande, tiré la conclusion de fausses déclarations et effectué l’analyse des considérations d’ordre humanitaire [l’agent]. Ces notes font également état des motifs de l’agent qui a examiné et confirmé la conclusion de fausses déclarations [l’agent de révision].

[8] L’agent note que, le 11 novembre 1998, le demandeur a été déclaré coupable de conduite avec capacités affaiblies par l’effet de l’alcool et a reçu une amende. L’amende a été payée en totalité le 28 janvier 1999. Une deuxième déclaration de culpabilité a été prononcée le 27 novembre 1999, aussi pour conduite avec capacités affaiblies par l’effet de l’alcool. Une amende a été payée le 10 décembre 1999, et la peine d’emprisonnement, qui avait été remplacée par un programme de déjudiciarisation, a été purgée le 14 juillet 2000. L’agent note que les deux déclarations de culpabilité ont été radiées le 5 novembre 2019. Il était convaincu que le demandeur n’était pas interdit de territoire pour criminalité, car il semblait être présumé réadapté.

[9] L’agent fait remarquer que le demandeur avait répondu « non » à la question « Est-ce que vous avez déjà été déclaré coupable ou êtes présentement accusé d’un crime ou d’une infraction dans un pays quelconque, ou faites l’objet d’un procès ou êtes visé par une procédure au criminel pour un crime ou une infraction, ou avez été complice d’un crime ou d’une infraction, dans un pays quelconque? ». L’agent mentionne qu’en réponse à la lettre d’équité procédurale, le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas divulgué les déclarations de culpabilité parce qu’il croyait qu’elles avaient été radiées après qu’il eut purgé sa peine et que, par conséquent, elles ne se retrouveraient pas dans son certificat de vérification policière. L’agent affirme que le demandeur semblait être au courant des déclarations de culpabilité, et que la lettre d’équité procédurale ne semblait pas être la raison pour laquelle il voulait les radier de son casier judiciaire. L’agent a conclu que la question dans la demande était claire. Il n’était pas convaincu que le demandeur avait été honnête dans sa demande.

[10] Dans ses notes, l’agent de révision a mentionné que la question posée au demandeur était claire et ne laissait aucune place à l’interprétation, et qu’il n’incombait pas au demandeur de décider quels étaient les éléments pertinents dont l’agent devait tenir compte. L’agent de révision a décrit l’explication du demandeur ainsi : [traduction] « il croyait que ses déclarations de culpabilité avaient été radiées de son casier judiciaire et qu’elles ne figureraient pas dans son certificat de police ». L’agent de révision a noté que la question dans la demande ne visait pas à savoir si une personne a un casier judiciaire, mais plutôt si elle avait déjà été déclarée coupable, et que le demandeur devait répondre honnêtement à cette question. Il a conclu que le défaut de divulguer les déclarations de culpabilité constituait une fausse déclaration qui aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR et que, par conséquent, le demandeur était interdit de territoire pour une période de cinq ans.

[11] En ce qui concerne la demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par les demandeurs, l’agent a examiné la gravité de la fausse déclaration, et a conclu que le demandeur aurait dû pécher par excès de prudence et déclarer autant d’informations que possible afin qu’une appréciation claire et éclairée de l’admissibilité puisse être réalisée. L’agent a également fait remarquer que le demandeur n’avait pas mentionné les déclarations de culpabilité dans le cadre de demandes antérieures de visa de résident temporaire et d’autorisation de voyage électronique, ce qui montre qu’il avait omis de déclarer cette information bien avant que les déclarations de culpabilité soient radiées de son casier judiciaire en 2019. De plus, indépendamment de la question de savoir si le demandeur aurait été jugé réadapté, le défaut de mentionner les déclarations de culpabilité antérieures a privé l’agent d’immigration de la capacité de procéder à une appréciation en toute connaissance de cause.

[12] L’agent a également conclu que les demandeurs auraient peu ou pas de difficultés à rester au Mexique, et qu’ils n’étaient pas solidement établis au Canada. La séparation n’était pas non plus un facteur convaincant dans la situation de cette famille. L’agent n’était pas convaincu que les éléments présentés à l’appui des considérations d’ordre humanitaire étaient suffisants pour l’emporter sur la conclusion de fausses déclarations.

[13] Le demandeur a été jugé interdit de territoire au titre de l’article 40 de la LIPR, et la demanderesse interdite de territoire pour inadmissibilité familiale, aux termes de l’article 42 de la LIPR.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[14] La seule question en litige dans la présente affaire consiste à savoir si les décisions de l’agent étaient raisonnables. Plus précisément :

  1. La conclusion d’interdiction de territoire était-elle raisonnable?

  2. La décision relative aux considérations d’ordre humanitaire était-elle raisonnable?

[15] Les parties soutiennent, et je suis d’accord, que la norme de la décision raisonnable s’applique à l’examen des décisions des agents sur le fond (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 23, 25). Pour trancher la question, la cour de révision doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci (Vavilov, au para 99).

La conclusion d’interdiction de territoire

La position des demandeurs

[16] Les demandeurs soutiennent que les agents n’ont pas correctement examiné si la fausse déclaration était une erreur de bonne foi, puisqu’ils ont mal compris l’explication donnée par les demandeurs pour justifier la réponse incorrecte dans leurs formulaires de demande. Le demandeur croyait subjectivement et raisonnablement que ses déclarations de culpabilité avaient été radiées, ce qui aurait justifié le fait d’avoir répondu « non » à la question. Les demandeurs soutiennent que, malgré le fait que les agents n’étaient pas tenus d’accepter l’explication des demandeurs, ils devaient l’examiner correctement.

La position du défendeur

[17] Le défendeur souligne qu’un demandeur de résidence permanente ou temporaire a l’obligation de présenter tous les documents et les renseignements pertinents à l’appui de sa demande, et qu’il est tenu de s’assurer que les documents sont exacts et complets. L’exception étroite à l’application de l’alinéa 40(1)a) relative aux erreurs de bonne foi s’applique uniquement dans des circonstances exceptionnelles, et lorsque le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas de fausse déclaration concernant un fait important. En l’espèce, le demandeur était conscient de ses déclarations de culpabilité antérieures, mais il a choisi de ne pas les divulguer. Par conséquent, il ne croyait pas sincèrement et raisonnablement qu’il ne faisait pas de fausse déclaration à ce sujet. Il ressortait également des motifs des agents que, selon eux, il ne s’agissait pas d’une erreur de bonne foi, et qu’ils n’étaient donc pas tenus de considérer l’exception. Les décisions des agents n’étaient pas non plus fondées sur une erreur de fait.

Analyse

[18] Dans la décision Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 368, je me suis penchée sur l’article 40 et j’ai déclaré ce qui suit :

[15] J’ai déjà résumé les principes généraux portant sur les fausses représentations dans l’affaire Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971, au paragraphe 28. Aux fins de la présente demande, ces principes supposent une interprétation très large de l’article 40 afin d’en promouvoir l’objectif sous-jacent (Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 512, au paragraphe 25 [Khan]), l’objectif étant de prévenir les fausses déclarations et préserver l’intégrité du processus d’immigration. Pour réaliser cet objectif, il incombe au demandeur de s’assurer que sa demande est complète et exacte (Oloumi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 428, au paragraphe 23 [Oloumi]; Jiang, au paragraphe 35; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, aux paragraphes 55 et 56 [Wang]).

[16] En ce sens, le demandeur a une obligation de franchise et de fournir des renseignements complets, fidèles et véridiques en tout point quand il présente une demande d’entrée au Canada (Bodine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 848, aux paragraphes 41 et 42 [Bodine]; Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299, au paragraphe 15 [Baro]; Haque c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 315, au paragraphe 11 [Haque]). L’article 40 est intentionnellement formulé en termes généraux et appliqué de façon élargie, et englobe même les présentations erronées faites par une tierce partie, dont celles d’un consultant en immigration, sans que le demandeur soit mis au courant (Jiang, au paragraphe 35; Wang, aux paragraphes 55 et 56).

[17] L’exception à l’article 40 est restreinte et s’applique uniquement dans des circonstances véritablement extraordinaires où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas de présentation erronée sur un fait important et qu’il était impossible pour le demandeur d’avoir connaissance de la déclaration inexacte (Masoud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 422, aux paragraphes 33 à 37 [Masoud]; Goudarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 425, au paragraphe 40 [Goudarzi]). C’est-à-dire que le demandeur ignorait subjectivement qu’il dissimulait des renseignements (Medel c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 CF 345 (CAF) [Medel]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh Sidhu, 2018 CF 306, au paragraphe 55 [Singh Sidhu]).

[18] Pour décider si une fausse déclaration est importante, il est nécessaire de tenir compte du libellé de la disposition ainsi que de l’objet qui la sous-entend (Oloumi, précité, au paragraphe 22). Il est nécessaire d’examiner les circonstances entourant chaque cas avant de décider si les renseignements dissimulés constituent une présentation erronée des faits (Baro, au paragraphe 17; Bodine, aux paragraphes 41 et 42; Singh Sidhu, aux paragraphes 59 à 61). De plus, une fausse déclaration n’a pas à être décisive ou déterminante; il suffit qu’elle ait une incidence sur le processus amorcé (Oloumi, précité, au paragraphe 25); [sic]

[19] un [sic] demandeur ne peut non plus tirer parti du fait que la fausse déclaration a été mise au jour par les autorités d’immigration avant l’examen final de la demande. L’analyse de la notion de fait important ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement de la demande (Haque, aux paragraphes 12 et 17; Khan, aux paragraphes 25, 27 et 29; Shahin, c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 423, au paragraphe 29 [Shahin]).

(Voir également Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 aux para 38, 39; Tuiran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 324 aux para 25-28).

[19] Pour conclure qu’un demandeur est interdit de territoire au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, il doit avoir donné de fausses déclarations et ces fausses déclarations doivent porter sur un fait important et entraîner ou risquer d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR (Malik c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1004 [Malik] au para 11; Bellido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452 au para 27 [Bellido]).

[20] L’alinéa 40(1)a) n’exige pas que la fausse déclaration soit intentionnelle, délibérée ou faite par négligence (Bellido, aux para 27, 28; Bains c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 57 au para 63). Par conséquent, même si l’on reconnaissait la véridicité de l’explication d’un demandeur concernant une fausse déclaration, il serait tout de même interdit de territoire à moins que l’exception étroitement circonscrite de l’erreur commise de bonne foi ne s’applique, puisque même une omission irrépréhensible de fournir des renseignements importants constitue une fausse déclaration (Tofangchi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 427 aux para 33, 40; Coube de Carvalho c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1485 aux para 18-21; Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 942 au para 35; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059 aux para 56-58; Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 647 aux para 24-25; Smith c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1020 au para 10).

[21] Au sujet de l’exception relative à l’erreur de bonne foi concernant une fausse déclaration, la Cour a déclaré ce qui suit dans la décision Appiah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1043 :

[18] L’exception relative à l’erreur de bonne foi concernant une fausse déclaration est restreinte et ne peut qu’excuser la non-divulgation de renseignements importants que dans des circonstances extraordinaires où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas de présentation erronée sur un fait important, qu’il était impossible pour le demandeur d’avoir connaissance de la déclaration inexacte et que le demandeur n’avait pas connaissance de la fausse déclaration (Wang, au paragraphe 17; Li c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 87, au paragraphe 22; Medel c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 CF 345). L’exception a été appliquée dans certains cas, lorsque les renseignements fournis par erreur ont pu être corrigés par l’examen d’autres documents présentés dans le cadre de la demande, laissant entendre qu’il n’y avait pas eu l’intention d’induire en erreur : Karunaratna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 421, au paragraphe 16; Berlin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1117, [aux paragraphes 18-20]. Les tribunaux n’ont pas appliqué cette exception lorsque le demandeur était au courant des renseignements, mais affirmait ne pas savoir honnêtement et raisonnablement qu’ils étaient importants pour la demande; la connaissance de ces renseignements n’échappait pas à la volonté du demandeur et il est de son devoir de remplir la demande avec exactitude : Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971, aux paragraphes 31 à 34; Diwalpitiye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 885; Oloumi, au paragraphe 39; Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299, au paragraphe 18; Smith c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1020, au paragraphe 10.

[22] Le principal thème de l’observation des demandeurs est le fait que l’analyse par les agents de l’exception relative à l’erreur de bonne foi était fondée sur une erreur de fait. Plus particulièrement, le fait que les agents ont mal compris l’observation des demandeurs.

[23] Les demandeurs soutiennent que la preuve n’établissait pas que le demandeur croyait ne pas avoir à divulguer ses déclarations de culpabilité antérieures parce qu’elles avaient été radiées officiellement, mais plutôt parce qu’il avait mal compris la loi au Mexique. Il pensait qu’elles étaient mineures et qu’elles avaient automatiquement été radiées de son casier judiciaire à la fin de son programme de déjudiciarisation en juillet 2000. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’un élément de preuve subjectif et objectif clé de la croyance sincère, mais erronée, du demandeur, et que cet élément de preuve a été mal compris par les agents, qui ont tiré une inférence défavorable importante en s’appuyant sur cette incompréhension.

[24] Après examen du dossier et des motifs des agents, je ne suis pas convaincue que les agents ont mal compris l’argument des demandeurs ou qu’ils ont traité l’allégation relative à une erreur de bonne foi en fonction de cette incompréhension.

[25] À cet égard, dans la réponse à la lettre d’équité procédurale, le demandeur a déclaré qu’au Mexique, la déclaration de culpabilité est retirée du casier judiciaire de la personne une fois que la peine a été purgée, car elle ne vise pas à pénaliser le délinquant pour le reste de sa vie. Puisque le demandeur avait terminé le programme de déjudiciarisation en juillet 2000, la déclaration de culpabilité ne figurait plus sur les rapports de la police mexicaine, comme le démontre le document intitulé « Constancia de Antecedentes Penales », que le demandeur affirme avoir [traduction] « présenté à l’appui de [s]a demande » et qui est la raison pour laquelle il n’avait pas divulgué la déclaration de culpabilité dans sa demande d’immigration.

[26] L’observation présentée par l’ancien conseil des demandeurs à la Section de l’immigration le 24 décembre 2019 réitère ce point et ajoute que la peine du demandeur a été purgée au Mexique il y a deux décennies et que [traduction] « les entrées auraient été définitivement retirées du casier judiciaire de M. de Vierna Ramos ». Cette observation est confirmée par le document fourni en pièce jointe et indiquant [traduction] « Avis officiel de la décision judiciaire concernant Gonzalo de Vierna Ramos, délivré par le premier tribunal d’exécution des peines de l’État d’Aguascalientes, au Mexique. Le couple ne croyait pas faire de fausses déclarations quant à leur situation, et c’est la raison pour laquelle aucune des parties n’a divulgué les déclarations de culpabilité de M. de Vierna Ramos […] ». Ce document est une ordonnance de radiation datée du 5 novembre 2019. La section « contexte » de l’ordonnance de radiation confirme que le demandeur a achevé le programme de déjudiciarisation pour sa deuxième infraction le 14 juillet 2000, mais ne précise pas que cela suffirait à déclencher la radiation des déclarations de culpabilité de son casier judiciaire.

[27] La chronologie des faits et des documents ne ressort pas clairement des observations du demandeur et de son ancien conseil mentionnées plus haut. Cependant, il est évident qu’après avoir répondu « non » à la question sur les déclarations de culpabilités antérieures et dans le cadre du processus de demande, les demandeurs étaient tenus d’obtenir des certificats de vérification de la police fédérale du Mexique. La lettre de la FGR concernant le demandeur est datée du 8 octobre 2019 et indique qu’il a un dossier de nature criminelle.

[28] Le document auquel a renvoyé le demandeur intitulé « Constancia de Antecedentes Penales », c’est-à-dire le certificat de vérification de l’État mexicain, est daté du 31 octobre 2019. Ainsi, ce document a été obtenu seulement après que les demandeurs ont pris connaissance du document fédéral de la FGR indiquant l’existence de déclarations de culpabilité. Par conséquent, il ne pouvait pas constituer un fondement objectif pour étayer la croyance des demandeurs selon laquelle les déclarations de culpabilités avaient été automatiquement radiées du casier judiciaire du demandeur en juillet 2000, comme les demandeurs semblent le prétendre. Le demandeur a ensuite sollicité la radiation des déclarations de culpabilité, qui a été accordée le 5 novembre 2019.

[29] De même, dans leurs observations présentées dans le cadre du présent contrôle judiciaire, les demandeurs affirment qu’ils se sont appuyés sur le compte rendu contenu dans l’ordonnance de radiation et qu’ils l’ont [traduction] « mal interprété ». Ce compte rendu mentionnait que les déclarations de culpabilité allaient être radiées lorsque la peine serait purgée. Les demandeurs affirment également qu’ils n’ont pas compris qu’une ordonnance devait être demandée et rendue pour effectuer la radiation. L’ordonnance de radiation a été obtenue après qu’ils ont présenté leurs demandes. Ils n’auraient pas pu se fonder sur le contenu de l’ordonnance pour étayer une croyance subjective ou objective selon laquelle la radiation était automatique.

[30] Quoi qu’il en soit, la motivation pour obtenir l’ordonnance de radiation était la lettre de la FGR indiquant l’existence de déclarations de culpabilité antérieures. La lettre d’équité procédurale a ensuite été envoyée le 25 novembre 2019 et le demandeur y a répondu en expliquant que, selon sa compréhension de la loi mexicaine, il croyait que son casier judiciaire serait automatiquement effacé une fois sa peine purgée.

[31] Dans ses motifs, l’agent de révision déclare que la question « Est-ce que vous avez déjà été déclaré coupable ou êtes présentement accusé d’un crime ou d’une infraction dans un pays quelconque, ou faites l’objet d’un procès ou êtes visé par une procédure au criminel pour un crime ou une infraction, ou avez été complice d’un crime ou d’une infraction, dans un pays quelconque? » est claire et ne laisse pas de place à l’interprétation. Il n’appartient pas non plus aux demandeurs de décider quels renseignements l’agent doit prendre en considération. De plus, il est obligatoire de répondre honnêtement à toutes les questions. L’agent de révision fait remarquer qu’en réponse à la lettre d’équité procédurale, le demandeur a affirmé qu’il croyait que son casier judiciaire avait été effacé et que le certificat de vérification policière serait sans objet. Cependant, la question ne vise pas à savoir si une personne a un casier judiciaire, mais plutôt si elle a déjà été déclarée coupable, et le demandeur n’a pas répondu à cette question de manière exhaustive et véridique.

[32] En ce qui concerne les observations des demandeurs relatives à une erreur de bonne foi et selon lesquelles la fausse déclaration n’était pas importante parce que le demandeur avait présenté la lettre de vérification policière de la FGR relevant les déclarations de culpabilité, l’agent de révision déclare que le demandeur a choisi de ne pas mentionner les déclarations de culpabilité antérieures parce qu’il croyait que son certificat de vérification policière serait sans objet. L’agent de révision a ajouté qu’au moment de la présentation de la demande, le casier judiciaire du demandeur n’avait pas encore été effacé et qu’il ne l’avait été qu’un an plus tard.

[33] De même, l’agent a fait remarquer que la radiation a eu lieu le 5 novembre 2019, après la date déterminante de la demande (14 octobre 2018), mais avant l’envoi de la lettre d’équité procédurale (25 novembre 2019). Il a conclu que le demandeur semblait être au courant des déclarations de culpabilité, que la lettre d’équité procédurale n’était pas la raison pour laquelle il a demandé que son casier judiciaire soit effacé, et qu’il a pris lui-même l’initiative de solliciter la radiation de ses déclarations de culpabilité.

[34] L’agent a rejeté l’observation du représentant des demandeurs selon laquelle la fausse déclaration n’était pas importante, puisque les renseignements auraient été révélés de toute façon par la lettre de vérification policière. L’agent a déclaré qu’il avait des doutes quant au fait que le demandeur n’avait pas divulgué les déclarations de culpabilité [traduction] « parce qu’il pensait que son casier judiciaire a[vait] été effacé » et, par conséquent, que les déclarations de culpabilité n’apparaîtraient pas sur son certificat de vérification policière. Ainsi, si son certificat de vérification policière avait été sans objet, comme il l’avait prévu, le demandeur aurait évité de creuser la question.

[35] En d’autres termes, le demandeur était au courant des déclarations de culpabilité. Cependant, il a choisi de ne pas les divulguer parce qu’il croyait à tort que son casier judiciaire avait été effacé en 2000. Pour cette raison, le demandeur croyait que les déclarations de culpabilité n’apparaîtraient pas sur le certificat de vérification policière de la FGR. Par conséquent, elles ne seraient pas portées à l’attention des autorités canadiennes de l’immigration. Puisque le demandeur croyait que les déclarations de culpabilité ne seraient pas portées à l’attention des autorités canadiennes de l’immigration, il a choisi de ne pas les divulguer.

[36] L’agent affirme que la question était claire et, compte tenu des informations au dossier, il n’était pas convaincu que le demandeur avait été honnête dans sa demande. La réponse à la lettre d’équité procédurale n’a pas non plus dissipé les doutes de l’agent. Dans le contexte des considérations d’ordre humanitaire présentées par les demandeurs, l’agent a fait remarquer que le représentant des demandeurs avait soutenu que la fausse déclaration était mineure et que le demandeur n’avait pas voulu [traduction] « duper » l’agent des visas, mais croyait que son casier judiciaire avait été effacé. L’agent a renvoyé à la clarté de la question et a ajouté que le demandeur aurait dû pécher par excès de prudence et déclarer autant d’informations que possible afin que l’agent d’immigration puisse procéder à une appréciation éclairée de l’admissibilité. De plus, bien que le demandeur ait mentionné qu’il croyait que son casier judiciaire avait été effacé, il était clair que ce n’était pas le cas au moment où la demande a été présentée.

[37] À mon avis, les motifs qui précèdent démontrent clairement que les agents ont compris que, selon l’argument des demandeurs, le demandeur avait cru à tort que son casier judiciaire avait été effacé en 2000. Cependant, la date de la radiation des déclarations de culpabilité — qu’il s’agisse de la date erronée de 2000 ou de la date réelle de 2019 — n’a pas aidé les demandeurs. En effet, comme les agents l’ont déclaré, le demandeur savait qu’il avait déjà été déclaré coupable de deux infractions lorsqu’il a répondu à la question dans la demande. Pour les motifs exposés, les agents n’ont pas accepté l’affirmation selon laquelle la fausse déclaration était sans importance ou avait été faite de bonne foi.

[38] En effet, ce que les demandeurs font valoir, c’est qu’ils n’étaient pas tenus de divulguer les déclarations de culpabilité parce qu’ils croyaient qu’elles avaient été radiées et qu’elles n’étaient donc pas importantes ou pertinentes pour la décision des agents. Ils affirment clairement que c’est pourquoi ils n’ont pas divulgué les déclarations de culpabilité. À mon avis, les agents n’ont pas commis d’erreur en concluant qu’il n’appartenait pas aux demandeurs de déterminer ce qui constitue ou non une information pertinente qui doit être divulguée.

[39] L’affaire Smith c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1020, est une circonstance similaire quant aux faits. Dans cette affaire, le demandeur a rempli une demande en ligne pour une autorisation de voyage électronique. Malgré le fait qu’il avait été accusé d’infractions criminelles aux États-Unis et aux Bermudes, le demandeur a répondu « non » à la question « Avez-vous déjà commis une infraction criminelle dans tout pays ou territoire, ou vous a-t-on déjà arrêté pour une telle infraction, accusé d’une telle infraction ou reconnu coupable d’une telle infraction? ». Il a été jugé interdit de territoire pour fausse déclaration. Dans le cadre du contrôle judiciaire, le demandeur a fait valoir que l’agent avait commis une erreur en ne tenant pas compte de son explication et en n’examinant pas si l’exception relative à une erreur de bonne foi devait s’appliquer à sa situation. Plus précisément, puisque l’accusation aux États-Unis avait été rejetée et que son casier judiciaire aux Bermudes avait été effacé, le demandeur ne croyait pas qu’il était nécessaire de déclarer ces déclarations de culpabilité en réponse à la question dans la demande d’autorisation de voyage électronique.

[40] La juge MacDonald a conclu ce qui suit :

[14] M. Smith soutient que l’agent a trop insisté sur la clarté de la question et n’a pas accepté son explication de l’erreur. Je conviens que, dans certains cas, un agent peut avoir l’obligation d’examiner les circonstances plus en détail, par exemple lorsque la question en litige se prête à diverses interprétations ou que les circonstances particulières ne sont pas une réponse à la question en litige. Dans ce cas-ci cependant, je conviens avec l’agent que la question « Avez-vous déjà commis une infraction criminelle dans tout pays ou territoire, ou vous a-t-on déjà arrêté pour une telle infraction, accusé d’une telle infraction ou reconnu coupable d’une telle infraction » n’est ni vague ni trompeuse.

[15] Au contrôle judiciaire, ce n’est pas le rôle du tribunal de réévaluer la preuve là où la décision de l’agent est raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au par. 61). Dans le présent cas, la décision est raisonnable, et elle s’inscrivait dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent et, par conséquent, la Cour doit faire preuve de déférence.

[41] En l’espèce, le demandeur était manifestement au courant de ses déclarations de culpabilité antérieures. De plus, la question qui lui a été posée était très claire. Comme les agents l’ont conclu, la raison pour laquelle le demandeur n’a pas divulgué les déclarations de culpabilité était qu’il croyait à tort que son casier judiciaire avait été effacé en 2000 et, par conséquent, qu’elles n’apparaîtraient pas dans son certificat de vérification policière.

[42] Toutefois, ce propos présuppose que les autorités canadiennes de l’immigration seraient en accord avec le point de vue du demandeur selon lequel la radiation de ses déclarations de culpabilité l’autorisait à répondre « non » à la question de savoir s’il avait déjà été reconnu coupable d’une infraction criminelle. Cela peut être ou non le cas. Comme le fait remarquer le défendeur, la question qui précède immédiatement celle en cause dans la présente affaire demande si le demandeur a été reconnu coupable d’un crime ou d’un délit au Canada « pour lequel un pardon n’a pas été accordé ». La question suivante vise à savoir si le demandeur a été reconnu coupable d’un crime ou d’une infraction dans un pays quelconque et ne contient aucune dérogation similaire concernant les crimes pour lesquels une réhabilitation a été octroyée, la déclaration de culpabilité a été radiée ou une autre mesure d’atténuation a été accordée.

[43] De plus, dans la décision Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153, le demandeur a fait valoir que, puisqu’il s’était vu accorder une amnistie, il n’avait pas à divulguer le fait qu’il avait déjà été arrêté et détenu. L’amnistie signifiait qu’il n’avait jamais commis un geste susceptible de sanctions criminelles ou pénales. Par conséquent, le défaut de divulguer une arrestation antérieure à l’amnistie ne pouvait pas constituer une fausse déclaration. Le juge Gascon n’était pas de cet avis et a conclu ce qui suit :

[26] Je suis disposé à reconnaître que les événements ou arrestations qui font ensuite l’objet d’une amnistie ne peuvent être retenus contre un demandeur si l’interdiction de territoire est fondée sur la criminalité. En effet, l’alinéa 36(3)b) de la LIPR est libellé de telle façon que les « déclarations de culpabilité n’entrent pas en ligne de compte en cas de réhabilitation ou en cas de verdict d’acquittement » (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Cha, 2006 CAF 126 [Cha] au para 30). Toutefois, la situation est différente en l’espèce, puisque l’interdiction de territoire de M. Kazzi repose sur une fausse déclaration. Aucune disposition de la LIPR n’empêche d’interdire de territoire pour fausses déclarations la personne qui omet de divulguer une arrestation antérieure, même si elle a obtenu une amnistie ou un pardon. Le fait qu’une amnistie ait été votée ne libérait pas M. Kazzi de l’obligation, expressément imposée par le paragraphe 16(1) de la LIPR, de donner des réponses véridiques dans ses demandes adressées aux autorités canadiennes de l’immigration.

[44] En l’espèce, comme l’ont fait remarquer les agents, il n’appartient pas aux demandeurs de décider ce qui est important pour leur appréciation de la demande. Comme il est énoncé dans la décision Vetharaniyam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1116 : « […] il n’appartient pas au demandeur de décider les questions auxquelles il doit répondre et ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Il n’a pas le droit de faire obstacle aux enquêtes que pourrait faire un agent. L’objectif de l’alinéa 40(1)a) est de veiller à ce que les demandeurs fournissent des renseignements complets, fidèles et véridiques […] » (au para 23).

[45] De plus, après avoir rejeté l’explication des demandeurs concernant la fausse déclaration et avoir conclu qu’ils étaient au courant des déclarations de culpabilité et que le demandeur n’avait pas répondu à la question de manière exhaustive et véridique, les agents n’étaient pas tenus de considérer l’exception relative à l’erreur de bonne foi. Dans ces circonstances, les agents n’étaient pas tenus d’évaluer si la conviction des demandeurs selon laquelle ils ne dissimulaient pas des renseignements importants était non seulement honnête, mais raisonnable, compte tenu du libellé de la question pertinente dans le formulaire de demande. L’exception n’a aucune application potentielle en l’absence d’une conclusion selon laquelle l’erreur a effectivement été commise de bonne foi (Alalami c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 328 aux para 16, 20; Malik au para 36).

[46] Pour ces motifs, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que les agents ont commis une erreur en comprenant mal leur argument et, par conséquent, en n’examinant pas la question de savoir si la fausse déclaration avait été faite de bonne foi. Les agents ont compris l’argument, et ont conclu que les demandeurs n’avaient pas été honnêtes dans leurs demandes et, par conséquent, que la fausse déclaration n’avait pas été faite de bonne foi. De plus, les agents n’ont pas accepté l’affirmation selon laquelle la fausse déclaration n’était pas importante.

Les considérations d’ordre humanitaire

La position des demandeurs

[47] Les demandeurs soutiennent qu’en appréciant la gravité de la fausse déclaration, l’agent a simplement traité la conclusion d’interdiction de territoire existante comme déterminante quant à la demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR. L’agent a accordé à tort beaucoup d’importance au moment où les déclarations de culpabilité ont été radiées, comme le démontrent ses renvois à des exemples antérieurs de non-divulgation, malgré l’explication des demandeurs selon laquelle le demandeur croyait de bonne foi qu’il n’était pas nécessaire de divulguer les déclarations de culpabilité. L’examen par l’agent de la possibilité de réadaptation et de remords était également entaché d’une erreur. Bien qu’il ait conclu qu’il n’y avait pas d’interdiction de territoire pour criminalité, l’agent est revenu de façon déraisonnable sur l’importance de la fausse déclaration. Dans son analyse du degré d’établissement, il a adopté le mauvais cadre de référence et aurait dû se concentrer sur la question de savoir si les demandeurs pouvaient s’établir au Canada plutôt que s’ils avaient un degré d’établissement important au Canada, un facteur qui ne s’applique que dans le cadre de l’examen des demandes présentées depuis le Canada. De plus, l’agent a minimisé les difficultés qui seraient causées par la séparation de la famille.

La position du défendeur

[48] Le défendeur soutient que l’agent n’était pas tenu d’examiner de nouveau la même explication qu’il avait déjà rejetée lors de l’examen de l’admissibilité, explication qui visait à démontrer que la fausse déclaration n’était pas grave. De plus, lors de l’appréciation du poids à accorder à la fausse déclaration, l’agent était en droit de considérer que les demandeurs avaient fait de fausses déclarations quant aux mêmes faits dans quatre demandes antérieures de visas et d’autorisation de voyage électronique. Le défendeur soutient que l’appréciation par l’agent du degré d’établissement des demandeurs était sensible à leurs observations, qui ne faisaient pas référence à leur capacité de s’établir au Canada ni à une éventuelle occasion manquée de demander la résidence permanente parce qu’ils pourraient être empêchés d’immigrer au Canada à l’avenir, car ils ont initialement présenté une demande dans le cadre du programme de loterie. La conclusion de l’agent selon laquelle les demandeurs éprouveraient des difficultés négligeables était fondée sur les faits qui lui avaient été présentés et était raisonnable.

Analyse

[49] Aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR, le ministre peut, sur demande d’un étranger qui présente une demande de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada, étudier le cas de cet étranger; et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables de la LIPR, s’il estime que « des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché ». Dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], la Cour suprême du Canada a étudié l’objectif et l’application du paragraphe 25(1). Elle a jugé que le pouvoir discrétionnaire fondé sur des considérations d’ordre humanitaire prévu au paragraphe 25(1) permet d’atténuer la sévérité de la loi lorsque le contexte factuel justifie la prise de mesures spéciales pour écarter les répercussions de la LIPR de manière à soulager les malheurs d’autrui (Kanthasamy, aux para 13, 19; voir également Mursalim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 596 au para 25).

[50] Le pouvoir discrétionnaire d’octroyer une dispense au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR est réservé aux situations exceptionnelles. Les circonstances d’ordre humanitaire d’un demandeur doivent justifier son exemption des dispositions par ailleurs applicables des lois canadiennes sur l’immigration. Un décideur procédant à une appréciation des considérations d’ordre humanitaire doit appliquer ces concepts d’equity à la situation factuelle du demandeur. Étant donné que le paragraphe 25(1) sous-tend que le demandeur a dérogé à une ou plusieurs des dispositions de la LIPR, un décideur doit apprécier dans chaque cas la nature de la non-conformité ainsi que sa pertinence et son poids par rapport aux considérations d’ordre humanitaire du demandeur (Dela Pena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1407 au para 17; Mitchell c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 190 au para 23; Damian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1158 au para 27).

[51] Dans leurs observations présentées dans le cadre du contrôle judiciaire, les demandeurs répètent leurs arguments concernant les fausses déclarations lorsqu’ils abordent la question de l’examen par l’agent de leur argument relatif à la gravité de ces fausses déclarations. Plus précisément, ils affirment que l’agent n’a pas examiné leur explication quant à la raison pour laquelle ils avaient omis des renseignements de bonne foi, et quant au fait que, puisque la déclaration a été faite de bonne foi, cela pourrait atténuer les conséquences. Les demandeurs soutiennent qu’il n’y avait aucune raison pour laquelle cette explication ne justifiait pas une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent n’avait pas, dans le cadre de l’analyse des considérations d’ordre humanitaire, à répéter ses conclusions et à expliquer de nouveau pourquoi il n’acceptait pas l’explication des demandeurs.

[52] Je fais remarquer que dans leurs observations présentées à l’agent, les demandeurs ont affirmé que la gravité des fausses déclarations était atténuée parce qu’il était probable que, s’ils avaient répondu « oui » à la question relative aux déclarations de culpabilité, leur interdiction de territoire aurait été examinée, qu’ils auraient été jugés admissibles et que le demandeur aurait probablement été considéré comme étant réadapté.

[53] Dans ses motifs relatifs à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’agent a en fait réitéré l’explication du demandeur selon laquelle il croyait, lorsqu’il a répondu à la question, que son casier judiciaire avait été effacé. L’agent a aussi déclaré qu’indépendamment de la question de savoir si le demandeur aurait été considéré comme étant réadapté (c.-à-d. pas interdit de territoire pour criminalité), le défaut de déclarer les déclarations de culpabilité antérieures a privé l’agent d’immigration de la capacité de procéder à un examen éclairé. L’agent a également fait remarquer que le demandeur n’avait pas déclaré ses déclarations de culpabilité dans ses demandes antérieures de visa de résident temporaire et d’autorisation de voyage électronique, ce qui, selon l’agent, démontrait des antécédents de non-divulgation antérieurs à la suspension de son casier judiciaire en 2019.

[54] Je conviens que l’agent aurait pu exprimer plus clairement sa pondération de la gravité des fausses déclarations par rapport à la demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, mais, en fin de compte, il est évident que l’agent était convaincu que la gravité des fausses déclarations était telle que les facteurs présentés en faveur de la dispense pour des considérations d’ordre humanitaire ne l’emportaient pas sur la conclusion d’interdiction de territoire.

[55] Des antécédents de fausses déclarations sont pertinents lorsqu’il est question d’évaluer la nature de la non-conformité par rapport à la demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Bien que les demandeurs aient pu croire que le casier judiciaire du demandeur avait été effacé lorsqu’ils ont présenté des demandes antérieures de visa de résident temporaire et d’autorisation de voyage électronique, l’agent a conclu qu’ils n’avaient tout de même pas divulgué les déclarations de culpabilité antérieures dans ces demandes. Autrement dit, ils n’avaient pas simplement fait une seule déclaration inexacte dans la demande actuelle, mais avaient fait des déclarations inexactes similaires dans plusieurs autres demandes. L’agent n’a pas commis d’erreur en considérant ces déclarations inexactes antérieures comme faisant partie de la [traduction] « nature de la non-conformité » par rapport à laquelle la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire serait évaluée.

[56] Je ne souscris pas non plus à l’observation des demandeurs selon laquelle l’agent s’est livré à un exercice « sans objet » en ayant recours au cadre d’application de la LIPR pour rejeter les considérations d’ordre humanitaire, comme c’était le cas dans l’affaire Bhalla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1638 (au para 26).

[57] Dans leurs observations présentées à l’agent, les demandeurs ont également relevé la possibilité de réadaptation et de remords comme considération d’ordre humanitaire. Ils ont fait remarquer que le demandeur serait réputé réadapté et ont joint une demande de réadaptation, si elle se révélait nécessaire.

[58] Lorsqu’il a traité de cette observation, l’agent a mentionné ce qui suit :

[traduction]
Je fais remarquer qu’il existe une possibilité de réadaptation, et l’agent a conclu que le demandeur aurait probablement été réputé réadapté après la réception de tous les documents suivant la lettre d’équité procédurale. Néanmoins, comme il est mentionné précédemment, les faits importants nécessaires pour apprécier la criminalité et la réadaptation n’ont pas été présentés en entier avec la demande initiale.

[59] En fait, l’agent avait précédemment conclu que le demandeur avait été réadapté et n’était pas interdit de territoire pour criminalité :

[traduction]
Je suis convaincu que le demandeur principal n’est pas actuellement interdit de territoire pour criminalité. Je fais remarquer la chronologie des accusations, des déclarations de culpabilité et de la radiation. Même si la radiation n’est pas prise en compte, le demandeur principal semble être réputé réadapté. Il n’est pas nécessaire que le demandeur principal présente une demande de réadaptation. Bien que les documents pour une demande de réadaptation aient été présentés, aucun droit n’a été payé. Par conséquent, aucun remboursement n’était nécessaire.

[60] Quoi qu’il en soit, l’agent était tenu d’apprécier la nature de la non-conformité (fausses déclarations) et sa pertinence, et de la pondérer par rapport aux considérations d’ordre humanitaire du demandeur (réadaptation et remords). L’agent a pris acte de la réadaptation et l’a soupesée par rapport aux fausses déclarations. En effet, les demandeurs demandent à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve, ce qui n’est pas son rôle dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Vavilov, au para 125).

[61] Quant au degré d’établissement, dans leurs observations présentées à l’agent, les demandeurs ont mentionné qu’il s’agissait d’une considération d’ordre humanitaire à prendre en compte, et l’ont défini comme la [traduction] « [d]urée du séjour au Canada et le degré d’établissement au pays ». Dans une brève observation, ils ont affirmé que, même s’ils n’avaient pas encore vécu au Canada, ils avaient voyagé au pays à plusieurs reprises pour passer du temps avec leur fille, y avaient noué des amitiés et trouvé une communauté. L’agent a pris connaissance de ces observations, mais a conclu que les demandeurs avaient vécu toute leur vie au Mexique, à l’exception de courts voyages, et qu’ils ne sont pas solidement établis au Canada. L’agent a conclu que les demandeurs étaient solidement établis au Mexique et, bien qu’ils aient le désir d’émigrer au Canada, ils feraient face à peu de difficultés, voire aucune, s’ils restaient au Mexique.

[62] Contrairement à ce que font valoir les demandeurs dans leurs observations dans la présente demande de contrôle judiciaire, l’agent n’a pas incorrectement procédé à une appréciation des considérations d’ordre humanitaire applicable à une demande présentée à partir du Canada; il a plutôt répondu à l’observation telle qu’elle a été présentée par les demandeurs. Je ne relève aucune erreur dans cette appréciation des difficultés.

[63] Enfin, en ce qui concerne la séparation de la famille, les demandeurs ont fait valoir auprès de l’agent que la famille est très soudée. Ils ont soutenu que leur fille qui vit au Canada serait dévastée s’ils ne se voyaient pas accorder la résidence permanente. Elle venait de se marier et espérait bientôt fonder une famille, et il était important pour elle que ses parents contribuent de manière importante à la vie de ces futurs enfants. Les demandeurs ont soutenu qu’il serait contraire aux principes du regroupement familial de ne pas leur accorder la résidence permanente.

[64] L’agent a reconnu la relation familiale étroite, mais a souligné que la fille des demandeurs avait pris une décision éclairée de déménager au Canada, ce qui l’obligeait à être séparée de ses parents, mais que rien ne l’empêchait de leur rendre visite au Mexique. Cette situation n’était pas non plus particulièrement unique. De plus, l’interdiction de territoire au Canada est temporaire et expirerait après cinq ans. Enfin, la réunification de la famille devait être soupesée par rapport à l’interdiction de territoire.

[65] Bien que les demandeurs présentent divers arguments dans la présente demande de contrôle judiciaire, je ne suis pas convaincue que les conclusions de l’agent concernant la séparation de la famille étaient déraisonnables. Il ne s’agit pas d’une situation où un agent n’a pas saisi la situation personnelle du demandeur, comme c’était le cas dans l’affaire Epstein c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1201, et dans d’autres affaires invoquées par les demandeurs. De plus, l’agent a examiné les observations dans le contexte des difficultés. L’observation actuelle des demandeurs, selon laquelle il est plus probable que leurs difficultés ne soient pas temporaires compte tenu du fait que l’admissibilité au parrainage parental est fondée sur une loterie, n’a pas été présentée à l’agent. Je ne suis pas non plus convaincue que l’agent a appliqué un seuil de difficultés déraisonnablement élevé.

[66] L’agent a conclu, sur la base de l’ensemble des renseignements dont il disposait, que les considérations d’ordre humanitaire présentées par les demandeurs à l’appui d’une dispense pour de telles considérations n’étaient pas suffisantes pour l’emporter sur la conclusion de fausses déclarations.

[67] Compte tenu des observations limitées des demandeurs et des motifs de l’agent, je ne suis pas convaincue que la conclusion de l’agent était déraisonnable. L’agent n’a négligé aucun élément sur lequel la demande était fondée. Il a soupesé les considérations d’ordre humanitaire, après avoir examiné et mis en balance tous les faits et les facteurs pertinents dont il disposait, lorsqu’il a décidé de ne pas accorder la mesure d’exception discrétionnaire qui était demandée (Kanthasamy, au para 25; Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082 au para 15; Bhalla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1638 au para 21).

Conclusion

[68] Contrairement à ce que font valoir les demandeurs, les agents ont compris leurs observations, et les motifs des agents sont justifiés, transparents et intelligibles. Les motifs permettent aux demandeurs de comprendre pourquoi leur demande de résidence permanente a été rejetée pour fausses déclarations, et pourquoi les considérations d’ordre humanitaire qu’ils ont présentées ne l’ont pas emporté sur cette conclusion.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4642-20

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés;

  3. Aucune question de portée générale à certifier n’a été proposée, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christopher Cyr


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4642-20

 

INTITULÉ :

ANA MARIA DEL PILAR CAPETILLO MENDEZ, GONZALO DE VIERNA RAMOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence sur Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

le 20 avril 2022

 

COMPARUTIONS :

Mario D. Bellissimo

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Maria Burgos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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