Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220420


Dossier : T‑683‑20

Référence : 2022 CF 566

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), 20 avril 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

DEL RIDGE HOMES INC.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

LEDGEMARK HOMES INC.

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’un appel interjeté contre une ordonnance de la protonotaire Milczynski, datée du 14 février 2022, par laquelle elle a rejeté une requête présentée par Ledgemark Homes Inc. [Ledgemark] pour l’obtention d’une ordonnance conservatoire pourvue d’une disposition restrictive de divulgation « réservée aux avocats » [l’ordonnance]. L’ordonnance est portée en appel par voie de requête en vertu du paragraphe 51(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles].

Contexte

[2] Les faits relatifs au présent appel ne sont en majorité pas contestés.

[3] L’action sous‑jacente à la requête dont la protonotaire était saisie concerne une contrefaçon prétendue de marque de commerce. Del Ridge Homes Inc. [Del Ridge], partie demanderesse dans la présente action, cherche à empêcher Ledgemark d’utiliser les marques « GREENLIFE » de Del Ridge, de même que toute autre marque apparemment semblable.

[4] M. George Le Donne et M. David De Sylva sont tous deux directeurs de Del Ridge. Par l’entremise de Del Ridge, ils ont travaillé ensemble pendant près de 20 ans dans le domaine de la construction de copropriétés et du développement immobilier.

[5] M. Le Donne est également président de Ledgemark, qui œuvre également dans le secteur de la construction de copropriétés et du développement immobilier. Il est également président de Stiver Lane Inc. [Stiver Lane], LivGreen Main Street Inc. [LivGreen] et Gel‑Don Investments Inc. [Gel‑Don].

[6] M. De Sylva est directeur de Miori Investments Inc. [Miori].

[7] La relation d’affaires de M. Le Donne et M. De Sylva s’est désintégrée.

[8] En 2019, Gel‑Don a déposé une requête devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario [OSCJ] (dossier de la Cour no CV‑19‑00632390‑00CL) contre Miori, M. De Sylva et d’autres [litige ontarien] pour demander divers recours en cas d’abus en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, LRO, 1990, c B16 [LSAO], ainsi que d’autres mesures de redressement. Le 9 juin 2021, une décision a été rendue dans le litige ontarien [décision ontarienne], ordonnant la tenue d’un procès et donnant des directives à l’intention des comptables.

[9] Le 29 juin 2020, Del Ridge, sans le consentement de M. Le Donne, a présenté une demande introductive d’instance devant la Cour, intentant une action sous‑jacente pour contrefaçon de marque de commerce. Des affidavits de documents ont été échangés et des interrogatoires ont été conduits.

[10] La question d’une ordonnance conservatoire a d’abord été soulevée par l’avocat de Ledgemark, le 22 octobre 2020. L’avocat de Del Ridge a répondu, le 3 novembre 2020, en exprimant son opinion selon laquelle une ordonnance conservatoire n’était pas nécessaire compte tenu de la règle de l’engagement implicite. Il semble que Ledgemark n’ait pas répondu à ce courriel et qu’elle ait remis son affidavit de documents et son affidavit de documents modifié. Le 18 décembre 2020, Ledgemark a écrit à la juge chargée de la gestion de l’instance, la protonotaire Milczynski, pour l’informer que Ledgemark avait l’intention de présenter une requête contestée demandant une ordonnance conservatoire. Par la suite, cependant, l’avocat de Ledgemark a avisé l’avocat de Del Ridge par courriel, en date du 5 janvier 2021, que Ledgemark ne demanderait pas d’ordonnance conservatoire à ce moment‑là. Le même jour, l’avocat de Ledgemark a informé la protonotaire Milczynski par lettre que Ledgemark avait décidé de ne pas solliciter une ordonnance conservatoire à ce moment‑là. L’avocat a également confirmé qu’un deuxième affidavit de documents modifié avait été signifié, lequel comprenait une production inaltérée des finances. Dans une lettre datée du 21 janvier 2021, l’avocat de Del Ridge a avisé, au nom des deux parties, qu’étant donné que Ledgemark n’avait pas présenté de requête en ordonnance conservatoire comme prévu, le temps que les parties avaient réservé aux fins de cette requête n’était plus nécessaire.

[11] Le 18 août 2021, Del Ridge a présenté une requête visant à obliger Ledgemark à produire certains documents qui n’avaient jusqu’alors été produits qu’en version caviardée. La requête a été entendue le 15 septembre 2021. Le 13 janvier 2022, la protonotaire a délivré une ordonnance obligeant Ledgemark à divulguer et à produire tous les documents pertinents aux affaires financières des immeubles résidentiels de Ledgemark qui ont fait l’objet de publicité utilisant l’un des logos identifiés lors des plaidoiries. Il s’agissait notamment de documents financiers provenant de sociétés liées à Ledgemark et ayant participé à ces projets résidentiels, ainsi que de contrats liant Ledgemark et ces sociétés.

[12] En réponse à la requête de Del Ridge visant à exiger la production des documents et à l’ordonnance qui en a résulté, l’avocat de Ledgemark a avisé l’avocat de Del Ridge que Ledgemark souhaiterait obtenir une ordonnance conservatoire, en raison de la production de documents financiers de tiers. L’avocat de Ledgemark a fourni un projet d’ordonnance, fondé sur le modèle d’ordonnance conservatoire qui figure sur le site Web de la Cour fédérale. L’avocat de Del Ridge a avisé par courriel le 7 octobre 2021 que, compte tenu des préoccupations de Ledgemark sur la production de renseignements financiers de parties liées, Del Ridge était prête à consentir à une ordonnance conservatoire, ce qui permettrait à Ledgemark de produire les documents financiers (y compris les renseignements financiers de tierces parties liées) comme étant confidentiels, mais sans que leur consultation soit « réservée aux avocats ».

[13] Le 13 octobre 2021, l’avocat de Ledgemark a répondu par courriel qu’il croyait avoir mentionné lors de l’audience que Ledgemark aurait besoin d’une désignation « réservé aux avocats », et il a demandé à Del Ridge de reconsidérer l’ordonnance conservatoire pour qu’une telle désignation y soit inclue. À la même date, l’avocat de Del Ridge a répondu par courriel en indiquant que Del Ridge ne consentirait pas à l’inclusion d’une désignation « réservé aux avocats ».

[14] Il semble que lors d’une conférence sur la gestion de l’instance tenue le 3 novembre 2021, Del Ridge a fait savoir qu’elle accepterait, pour faire avancer les choses, que les documents identifiés par Ledgemark soient provisoirement désignés comme étant réservés aux avocats. Del Ridge souligne que cette décision était provisoire, et qu’elle avait été prise en attendant qu’une décision soit rendue dans le cadre de la requête de Ledgemark pour l’ordonnance conservatoire. Ledgemark affirme que les documents produits étaient accompagnés d’un engagement ou d’une entente stipulant qu’ils seraient traités comme étant réservés aux avocats, en attendant la décision finale au sujet de l’octroi d’une ordonnance conservatoire.

[15] La requête visant à obtenir une ordonnance conservatoire présentée par Ledgemark a été rejetée le 14 février 2022.

Décision faisant l’objet d’un recours

[16] La protonotaire a noté que Del Ridge n’était pas contre l’émission d’une ordonnance conservatoire et qu’elle était d’accord avec la plupart des conditions proposées par Ledgemark. Cependant, Del Ridge n’a pas accepté la disposition proposée concernant la disposition pour une divulgation réservée aux avocats. La protonotaire a également fait observer qu’une interdiction de divulgation pour des documents pertinents à un plaideur constitue une mesure extraordinaire. Cela nuit à la capacité d’une partie à participer au déroulement des instances. Une partie faisant face à une telle interdiction ne serait pas pleinement informée et ne pourrait recevoir de renseignements que sous la surveillance d’un avocat, d’un expert ou d’un consultant. Cela nuirait à sa capacité d’être bien conseillée par son avocat, d’examiner les rapports d’experts et de donner des instructions. Cela aurait une incidence sur sa capacité d’examiner pleinement sa situation et celle de la partie adverse et pourrait avoir une incidence sur les perspectives de règlement.

[17] Elle a également reconnu que de telles restrictions, de même que l’affaiblissement de la relation avocat‑client et l’ingérence dans le processus judiciaire normal qu’elles engendrent, peuvent parfois être nécessaires. Cependant, le critère requis pour l’octroi d’une ordonnance limitant la divulgation aux avocats uniquement est rigoureux. La protonotaire a accepté l’énoncé du critère ainsi que son application présentés dans les observations de Ledgemark.

[18] Elle a fait remarquer que la requête dont elle était saisie était quelque peu inhabituelle pour deux raisons. Tout d’abord, en raison de l’état d’avancement du litige, Ledgemark savait exactement quels documents elle souhaitait cacher à Del Ridge. Deuxièmement, et conséquemment, la requête en vigueur combinait les questions de savoir si l’imposition exceptionnelle d’une disposition prévoyant que les documents ne puissent être consultés que par les avocats était une disposition nécessaire dans une ordonnance conservatoire, et si, face à la contestation par Del Ridge des documents à désigner, ce que Ledgemark cherchait à protéger de cette façon était pertinent.

[19] La protonotaire a déclaré que, dans les circonstances, il aurait été utile à la Cour d’avoir pu consulter les documents en question, étant donné que les deux avocats en avaient pris connaissance. La protonotaire a accepté la preuve de Del Ridge selon laquelle :

  • - la rupture des relations d’affaires entre M. De Sylva et M. Le Donne a conduit à des litiges acrimonieux;

  • - il existe une rupture de la confiance qui va « jusqu’à la paralysie »;

  • - M. Le Donne craint que M. De Sylva utilise à mauvais escient l’information sur Stiver Lane et LivGreen;

  • - l’OSCJ a présenté des conclusions au sujet du manque de bonne foi et de la conduite oppressive de M. De Sylva (au sens de la LSAO), illustrés par des incidents comme des perturbations de l’accès au serveur de messagerie électronique, des changements unilatéraux apportés aux ententes, l’omission de participer aux réunions du comité de gestion et la non‑communication des dossiers bancaires.

[20] La protonotaire a également présenté les éléments de preuve du risque allégué pour les intérêts commerciaux, tels qu’ils figurent dans l’affidavit de M. Le Donne. Elle a constaté que la preuve relative à la menace de risque pour Ledgemark et pour les autres entreprises de M. Le Donne était presque entièrement fondée sur la situation de Del Ridge, sur le litige entourant sa dissolution et sur ce que M. Le Donne pense de M. De Sylva.

[21] Elle a fait observer que, dans le cadre de l’action intentée devant la Cour pour contrefaçon de marques de commerce, laquelle se poursuivait depuis 18 mois, il n’y avait pas eu d’utilisation à mauvais escient des renseignements confidentiels de Del Ridge déjà produits, et que les parties s’étaient comportées en étant conscientes de leurs obligations en vertu de la règle de l’engagement implicite. Par conséquent, et il était difficile de conclure que la production de nouveaux documents par Ledgemark serait traitée différemment. Même dans le cadre du litige ontarien, litige qui n’était pas parallèle, mais qui concernait les mêmes personnes, il n’y avait aucune preuve que les renseignements confidentiels avaient été utilisés à mauvais escient.

[22] La protonotaire a déclaré :

[traduction]
Le fait que les procédures engagées par Del Ridge Homes soient acrimonieuses et impliquent d’anciens associés d’affaires et concurrents n’est pas en soi une raison de limiter la consultation des documents aux seuls avocats pour l’une des parties dans le cadre d’autres litiges. Ledgemark doit présenter autre chose que de simples allégations et affirmations voulant que M. De Sylva pourrait violer l’engagement implicite. Il n’y a aucune preuve au dossier de la défenderesse qui décrive les renseignements (en dehors de ceux décrits ci‑dessus) ou la façon dont ces renseignements pourraient être utilisés par la demanderesse pour nuire aux intérêts commerciaux de la défenderesse. Comme il a été mentionné, les documents en question n’ont pas été fournis à la Cour, même s’ils étaient disponibles et qu’ils ont été fournis à l’avocat de la partie demanderesse dans le cadre de la présente requête.

[23] La protonotaire a également relevé une certaine exagération de la part de Ledgemark dans sa proposition d’une désignation « réservé aux avocats » applicable à ces renseignements et documents.

[24] La protonotaire a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’imposer une mesure aussi extraordinaire à Del Ridge. Elle n’était pas convaincue qu’une divulgation à Del Ridge constituait une menace ou un risque grave de préjudice aux intérêts commerciaux de Ledgemark. De plus, bien qu’il soit compréhensible qu’un ancien associé ne veuille pas divulguer certaines informations au sujet de ses nouvelles entreprises, ses préoccupations ou convictions personnelles ne suffisent pas. Ledgemark n’a pas non plus établi que les renseignements pour lesquels elle demandait une consultation limitée aux seuls avocats étaient « de nature si délicate que leur divulgation […] causera un grave préjudice […] » (Glaxo Group Ltd. c Novopharm Ltd. 1998 Can LII 767 CAF).

[25] En ce qui concerne la nécessité d’une ordonnance conservatoire (sans disposition restreignant la consultation), la protonotaire a déclaré que les parties pourraient bénéficier de cette mesure qui leur aurait permis de se concentrer sur leurs obligations qui existent, en tout état de cause, en vertu de l’engagement implicite. Cependant, comme le litige s’est poursuivi pendant 18 mois sans une telle ordonnance, elle n’en a pas imposé une. Par contre, les parties étaient libres de négocier les conditions d’une ordonnance conservatoire en fonction de ses motifs et de les soumettre à la Cour pour révision.

Norme de contrôle

[26] La norme de contrôle applicable en appel d’une décision discrétionnaire d’un protonotaire est la norme de l’« erreur manifeste et dominante », telle qu’identifiée dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 pour les questions de fait, ou les questions mixtes de fait et de droit. Les questions de droit et les questions mixtes de fait et de droit contenant une question de droit isolable sont assujetties à la norme de la décision correcte (Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 au para 79; Worldspan Marine Inc. c Sargeant III, 2021 CAF 130 au para 48; Canada (Procureur général) c Iris Technologies Inc., 2021 CAF 244 au para 33).

[27] Les questions de droit sont des questions qui concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s’est réellement passé entre les parties; les questions mixtes consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique, ou, en d’autres termes, supposent l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits (Teal Cedar Products Ltd. c Colombie‑Britannique, 2017 CSC 32 [Teal Cedar] au para 43). L’application d’un critère juridique à un ensemble de faits est une question mixte. Toutefois, si, durant cette application, le critère juridique sous‑jacent a pu être altéré – par exemple si un élément essentiel de ce critère a été négligé – une question de droit se pose. Il s’agit là d’une question de droit isolable (Teal Cedar, au para 44). Toutefois, « [l]es tribunaux doivent se montrer vigilants lorsqu’il s’agit de faire une distinction entre une partie qui allègue que le critère juridique a pu être altéré lors de son application (une question de droit isolable; Sattva, par. 53) et une partie qui allègue que le critère juridique, qui n’a pas été altéré, aurait dû, lors de son application, donner lieu à un résultat différent (une question mixte) » (Teal Cedar, au para 45).

[28] L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant une grande déférence. Une erreur manifeste est une erreur qui est évidente. Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante. Une erreur dominante en est une qui touche directement à l’issue de l’affaire (South Yukon Forest Corp c R, 2012 CAF 165 au para 46; Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [Mahjoub] aux paras 61‑64; Imperial Manufacturing Group Inc. c Décor Grates Inc, 2015 CAF 100 aux paras 40‑41; voir aussi NCS Multistage Inc. c Kobold Corporation, 2021 CF 1395 aux paras 32‑33).

[29] Ledgemark a fondé son appel uniquement sur la question de savoir si la protonotaire a appliqué le mauvais critère. Plus précisément, elle prétend que la protonotaire a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère pour l’octroi de la disposition limitant la consultation aux seuls avocats. Cette question étroite est soumise à la norme de la décision correcte.

[30] Cependant, comme il en sera question plus loin, je suis d’accord avec Del Ridge pour dire que certaines des observations de Ledgemark visent en fait l’application du critère juridique par la protonotaire. Cet aspect de la décision de la protonotaire, s’il avait été contesté en tant que tel par Ledgemark, serait réexaminé en fonction de la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[31] Ledgemark affirme également que, dans le cadre de la présente requête interjetant appel de la décision de la protonotaire, la Cour devrait déterminer si les parties sont tenues de maintenir la confidentialité des documents en attendant la décision finale sur la question d’une ordonnance conservatoire. Pour Del Ridge, la question est de savoir si Ledgemark peut imposer unilatéralement une restriction limitant la consultation aux seuls avocats. À mon avis, ce que Ledgemark demande, c’est si la Cour devrait rendre une ordonnance provisoire obligeant les parties à maintenir la confidentialité des documents en attendant une « décision finale » sur la question d’une ordonnance conservatoire. Comme il en sera question plus loin, ce n’est pas ce qui est en cause dans l’appel dont je suis saisie.

La protonotaire a‑t‑elle commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère?

[32] Ledgemark fait valoir que, même si la protonotaire a cité le bon critère dans son ordonnance, elle a commis une erreur en omettant [traduction] « de prendre en considération tous les éléments » requis par le critère, tel qu’énoncé aux paragraphes 28 et 29 de la décision Paid Search Engine Tools, LLC c Google Canada Corporation, 2019 CF 559 [Paid Search Engine], ainsi que les principes énoncés dans Richards Packaging Inc. c Distrimedic Inc, 2020 CF 1162 [Richards Packaging], au paragraphe 10. De plus, Ledgemark fait valoir que la protonotaire a tenu compte d’autres facteurs qui n’ont aucun fondement juridique ou qui avaient été traités de façon appropriée dans les observations de Ledgemark.

[33] Del Ridge soutient qu’il n’y a pas eu d’erreur de droit. La protonotaire a cité et adopté le bon critère juridique, en se référant aux propres observations de Ledgemark à cet égard. Il n’y a pas davantage eu d’erreur sur une question de droit isolable, puisque la protonotaire n’a pas modifié le critère juridique. Au contraire, Ledgemark cherche simplement à faire appliquer le critère différemment. Del Ridge soutient également que rien dans l’ordonnance ne laisse entendre que la protonotaire n’a pas tenu compte des éléments relatifs au critère applicable. Quoi qu’il en soit, les considérations relatives au critère ne sont pas exhaustives et ne sont pas déterminantes; le fait de considérer d’autres facteurs ne constitue pas une erreur de droit.

Analyse

[34] Dans ses motifs, la protonotaire a conclu que le critère applicable pour l’octroi d’une ordonnance conservatoire limitant la consultation aux seuls avocats, de même que son application, était bien résumé dans les observations écrites de Ledgemark, qu’elle a reproduites comme suit :

[traduction]
34. Les désignations « réservé aux avocats » [RA] sont un type plus restrictif d’ordonnance ayant été rendue par notre Cour, et ce, même dans le cadre de requêtes contestées.

35. La Cour a récemment énoncé les principes régissant la désignation RA [sic]
36 : A. La désignation C‑RA vise à « empêcher la divulgation de renseignements très délicats et confidentiels aux agents, aux dirigeants, aux employés ou à quiconque prenant part aux activités quotidiennes de la partie qui reçoit les documents de fonder, consciemment ou inconsciemment, leurs décisions d’affaires sur les renseignements confidentiels, au désavantage concurrentiel de la partie qui produit les documents » (Developments Angelcare Inc. c Munchkin, Inc., 2018 CF 447 au para 20 [Angelcare]). La divulgation de renseignements RA doit présenter un risque « réel et important, en ce qu’il est bien étayé par la preuve et menace gravement l’intérêt en question » (Bard Peripheral Vasculaire Inc. c W.L. Gore & Associates, Inc., 2017 CF 585 aux paras 15, 16; Pliteq, Inc. c Wilrep Ltd., 2019 CF 158 aux paras 6, 9 [Pliteq]). B. La partie qui revendique la confidentialité doit établir objectivement, selon la prépondérance des probabilités, 1) qu’elle a considéré l’information comme confidentielle en tout temps; 2) que ses intérêts exclusifs, commerciaux et scientifiques pourraient raisonnablement être lésés par la divulgation des renseignements (AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), 1998 CanLII 8942 (CF) aux paras 29, 30 [AB Hassle]). C. La désignation C‑RA ne sera pas décernée à la légère et elle ne le sera pas sur la foi d’une simple affirmation (Glaxo Group Limited c Novopharm Ltd., 1998 CanLII 7667 (FCA) aux paras 2, 3; Rivard Instruments, Inc. c Ideal Instruments Inc., 2006 CF 1338 au para 2 (Rivard). D. Une désignation C‑RA peut être justifiée si, par exemple : a) les parties sont des concurrents directs et que l’information en cause permettrait à la partie réceptrice de nuire aux intérêts de la partie productrice, intentionnellement ou non (Lundbeck Canada Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 412 aux paras 16, 19 [Lundbeck]); b) la partie réceptrice n’a qu’un seul représentant pouvant, consciemment ou inconsciemment, utiliser l’information en cause pour faire valoir ses intérêts commerciaux (ArkipelagoArchitecture Inc. c Enghouse Systems Limited, 2018 CF 37 aux paras 7, 20, confirmé dans 2018 CAF 192, au para 16 [Arkipelago Architecture]).

[traduction]
36. Pour déterminer si une désignation RA est justifiée, la Cour a tenu compte du critère suivant [sic]
37 : 1. Les conditions correspondent à celles d’une ordonnance semblable rendue dans le cadre d’une action intentée en parallèle. 2. Les conditions de l’ordonnance permettent à l’autre partie de s’opposer à la classification de certains renseignements comme confidentiels, ce qui conférerait en dernier ressort à la Cour le contrôle de la classification et de la divulgation entre les parties. 3. La pratique de la Cour consiste à rendre des ordonnances conservatoires lorsqu’une partie croit de bonne foi que la divulgation publique des renseignements, en particulier lors de l’étape préalable au procès, pourrait nuire gravement à ses droits commerciaux, professionnels ou scientifiques.

[35] Je remarque que, dans la décision Paid Search Engine, le juge Phalen a examiné l’opposition à une requête visant l’obtention d’une ordonnance conservatoire. Dans le cadre de ses motifs, il a discuté des distinctions importantes entre les ordonnances conservatoires et les ordonnances de confidentialité, ainsi que de l’évolution des ordonnances conservatoires et des considérations qui s’y appliquent :

[28] La Cour a reconnu, en particulier dans la décision Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd (1993), 51 CPR (3d) 305, paragraphe 311, [1993] ACF no 1119 (C.F. 1re inst.) [la décision Apotex], qu’à la phase précédant l’instruction, il suffisait de démontrer que l’on croyait que les droits exclusifs, commerciaux et scientifiques d’une partie seraient gravement compromis par la production de renseignements sur lesquels ces droits seraient fondés. La Cour a ensuite reconnu que lorsqu’elle est saisie d’une affaire, le principe de la publicité des débats judiciaires pourrait modifier le régime de confidentialité.

[29] La Cour a favorisé la délivrance d’une ordonnance fondée sur trois considérations, également présentes dans la présente requête :

1. Les conditions correspondent à celles d’une ordonnance semblable rendue dans le cadre d’une action intentée en parallèle.

2. Les conditions de l’ordonnance permettent à l’autre partie de s’opposer à la classification de certains renseignements comme confidentiels, ce qui conférerait en dernier ressort à la Cour le contrôle de la classification et de la divulgation entre les parties.

3. La pratique de la Cour consiste à rendre des ordonnances conservatoires lorsqu’une partie croit de bonne foi que la divulgation publique des renseignements, en particulier lors de l’étape préalable au procès, pourrait nuire gravement à ses droits commerciaux, professionnels ou scientifiques.

[30] Ces trois facteurs ont par la suite été adoptés par la Cour lorsqu’elle a examiné la délivrance d’ordonnances de consultation restreinte aux avocats (voir par exemple la décision Merck & Co. Inc. c Apotex Inc., 2004 CF 567, paragraphe 8, 130 ACWS (3d) 487, et la décision Lundbeck Canada Inc. c Canada (Santé)), 2007 CF 412, paragraphes 14 à 16, 157 ACWS (3d) 161).

[31] La décision Apotex a été suivie par la décision AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1998), 1998 CanLII 8942 (CF), 83 CPR (3d) 428, 1998 CarswellNat 2520 (C.F. 1re inst.), conf. par 2000 CanLII 17121 (CAF), [2000] 3 CF 360 (C.A.) [la décision AB Hassle], où la Cour était saisie d’une contestation de la désignation de renseignements comme confidentiels aux termes d’une ordonnance hybride. La Cour a adopté un critère à deux volets. Le premier volet intégrait la croyance subjective de bonne foi dont il a été question dans la décision Apotex et le deuxième volet indiquait qu’en cas de contestation de la classification, la partie qui demande la confidentialité doit faire la preuve, de façon objective, de la nécessité de la confidentialité – critère relatif au préjudice.

[Caractères gras ajoutés]

[36] Le juge Phalen a noté que Levi Strauss & Co. c Era Clothing Inc./ Vêtements Era Inc, (1999), 1999 CanLII 8401 (CF), 1 CPR (4th) 513, aux paragraphes 17 et 26 à 28, 172 FTR 248, (C.F. 1re inst.), confirmait deux processus différents, l’un ayant trait aux ordonnances conservatoires et l’autre ayant trait aux ordonnances de confidentialité, le premier étant fondé sur la croyance de bonne foi que la divulgation de renseignements avant le procès et hors de l’enceinte de la Cour causera un préjudice. Le juge Phelan a poursuivi en parlant de Sierra Club of Canada c Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [Sierra Club]. Dans ce cas :

[38] La Cour suprême a reconnu qu’il existait une différence entre les ordonnances conservatoires et les ordonnances de confidentialité. Elle a admis que le critère énoncé dans la décision AB Hassle peut être utilisé à la fois pour les ordonnances conservatoires et les ordonnances de confidentialité pour déterminer s’il y avait un risque pour des intérêts commerciaux importants. Toutefois, en ce qui concerne les ordonnances de confidentialité, la partie doit également démontrer qu’il n’existe pas de mesures de rechange raisonnables et que l’ordonnance de confidentialité ne nuit pas de façon disproportionnée à l’intérêt public en vertu du principe de la publicité des débats judiciaires.

[39] Au paragraphe 60 de l’arrêt Sierra Club, la Cour suprême a traité du critère relatif aux ordonnances conservatoires :

60 Le juge Pelletier souligne que l’ordonnance sollicitée en l’espèce s’apparente à une ordonnance conservatoire en matière de brevets. Pour l’obtenir, le requérant doit démontrer que les renseignements en question ont toujours été traités comme des renseignements confidentiels et que, selon la prépondérance des probabilités, il est raisonnable de penser que leur divulgation risquerait de compromettre ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques : AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1998] A.C.F. no 1850 (QL) (C.F. 1re inst.), par. 29‑30. J’ajouterais à cela l’exigence proposée par le juge Robertson que les renseignements soient « de nature confidentielle » en ce qu’ils ont été « recueillis dans l’expectative raisonnable qu’ils resteront confidentiels », par opposition à « des faits qu’une partie à un litige voudrait garder confidentiels en obtenant le huis clos » (par. 14).
[sic]
Le juge Phelan a par ailleurs indiqué qu’alors que l’arrêt Sierra Club donne des directives sur le critère relatif à la délivrance des ordonnances conservatoires, il établit un critère au paragraphe 53 qui vise uniquement les ordonnances de confidentialité, libellé comme suit :

[43] Le critère relatif à la délivrance des ordonnances conservatoires peut se résumer à s’assurer :

– que les renseignements en question ont toujours été traités comme des renseignements confidentiels;

– que les renseignements sont de nature confidentielle;

– qu’il existe une probabilité raisonnable que la divulgation des renseignements nuise aux droits exclusifs, commerciaux et scientifiques d’une partie.

[44] Ce critère correspond essentiellement à celui énoncé dans la décision AB Hassle, bien que les éléments subjectifs et objectifs du critère soient tous deux nécessaires pour la délivrance de l’ordonnance conservatoire. C’est en ces termes que la Cour suprême a décrit le critère dans l’arrêt Sierra Club et c’est de cette façon dont il a été appliqué dans la décision Rivard Instruments, Inc. c Ideal Instruments Inc., 2006 CF 1338, paragraphe 26, 153 ACWS (3d) 818.

[…]

[67] Les ordonnances de « consultation restreinte aux avocats » (CRA) représentent un type plus restrictif d’ordonnances conservatoires. La délivrance de ce type d’ordonnance exige donc que Google établisse l’existence de « circonstances exceptionnelles » (voir Bard Peripheral Vascular Inc. c W.L. Gore & Associates, Inc. 2017 CF 585, paragraphe 15, 280 ACWS (3d) 524 [la décision Gore] et l’arrêt Arkipelago, paragraphe 11. Le risque causé par la divulgation de renseignements confidentiels désignés CRA doit « menace[r] gravement [l’intérêt en question] » et être « réel et importan[t], en ce qu’il est bien étayé par la preuve » (Gore, paragraphe 16). Bien que l’examen des « circonstances exceptionnelles » constitue une analyse contextuelle et souple, la Cour a souvent tenu compte des trois facteurs de la décision Apotex pour déterminer s’il y a lieu de rendre une ordonnance de CRA (Gore, paragraphe 15).

[Non souligné dans l’original.]

[37] Dans la décision Bard c Gore, 2017 CF 585, le juge Manson a examiné l’appel d’une ordonnance d’un protonotaire accueillant la requête de Bard visant à modifier les dispositions d’une ordonnance de non‑divulgation en vigueur afin que la consultation des documents soit restreinte aux avocats, l’action sous‑jacente étant la contrefaçon de brevet. Le juge Manson a statué que :

[15] Les ordonnances de consultation restreinte aux avocats représentent une forme plus restrictive d’ordonnance de confidentialité qui ne devraient être accordées, de l’avis de la Cour, que dans des « circonstances exceptionnelles » (Lundbeck Canada Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 412, au paragraphe 14 [Lundbeck]). Bien que ces « circonstances exceptionnelles » ne soient pas définies, la Cour tient habituellement compte de trois facteurs qui militent en faveur du prononcé d’une ordonnance de confidentialité (Apotex Inc. et autres c. Wellcome Foundation Ltd., (1993) ACF no 1117, aux paragraphes 14 à 16 [Wellcome]) : 1) l’ordonnance proposée va dans le même sens que les ordonnances de confidentialité rendues par consentement des parties dans les instances parallèles aux États‑Unis auxquelles les parties sont directement ou indirectement parties; 2) l’ordonnance doit permettre à la partie adverse de s’opposer à la désignation de tel ou tel document comme confidentiel; 3) la partie qui réclame l’ordonnance de consultation restreinte aux avocats pense en toute bonne foi que ses intérêts commerciaux et scientifiques pourraient être gravement compromis par une divulgation publique.

[16] Ces trois facteurs Wellcome constituent une liste non exhaustive de critères, et la Cour peut juger bon d’examiner et d’appliquer d’autres facteurs pertinents (Lundbeck, au para 16). Toutefois, le préjudice causé par la divulgation des informations du Directeur général doit constituer une grave menace pour l’intérêt en question et doit être réel, substantiel et fondé sur les éléments de preuve (Sierra Club, au para 54).

[Non souligné dans l’original.]

[38] Par la suite, dans l’arrêt Arkipelago Architecture Inc. c Enghouse Systems Limited, 2018 CAF 192 [Arkipelago], la Cour d’appel fédérale a examiné l’appel d’Arkipelago d’une ordonnance de notre Cour ayant rejeté son appel d’une ordonnance de consultation restreinte « aux avocats et aux experts », rendue par une protonotaire agissant à titre de juge responsable de la gestion de l’instance.

[39] La requête visant à obtenir une ordonnance faisait suite à une requête d’Arkipelago demandant l’accès à certains renseignements confidentiels, notamment le code source informatique, les renseignements sur les clients et les ententes conclues avec eux ainsi que les renseignements financiers. La juge responsable de la gestion de l’instance a conclu que la nature très délicate de ces renseignements en justifiait la protection au moyen d’une ordonnance de consultation restreinte. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que la juge responsable de la gestion de l’instance était convaincue que la possibilité que le président d’Arkipelago utilise inconsciemment ou par inadvertance les renseignements confidentiels obtenus au cours de l’instance dans le cadre d’activités commerciales futures représentait un risque réel et important étayé par la preuve.

[40] Saisie de l’appel devant la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer que notre Cour avait énoncé les bons principes juridiques régissant le prononcé d’ordonnances de consultation restreinte et les avait appliqués correctement. Notre Cour était convaincue que l’ordonnance et les motifs établissaient un juste équilibre entre la capacité d’Arkipelago de présenter sa preuve et la protection des renseignements très confidentiels des intimés. Selon elle, aucune erreur manifeste et dominante ne justifiait une intervention.

[41] Devant la Cour d’appel, Arkipelago a soutenu que la Cour fédérale n’avait pas arrêté le bon critère pour décider s’il y avait lieu de prononcer une ordonnance de consultation restreinte et qu’elle avait mal apprécié la preuve lorsqu’elle a conclu que l’ordonnance de consultation restreinte devait être confirmée. En ce qui concerne le premier argument, la Cour d’appel fédérale a statué que :

[8] La question de savoir si la juge de la Cour fédérale a arrêté le bon critère pour décider si l’ordonnance de consultation restreinte était justifiée constitue une question de droit qu’il est possible d’isoler à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. La deuxième question, à savoir si la preuve satisfait à ce critère, est manifestement une question mixte de fait et de droit à laquelle s’applique la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[9] Abordons la première question. Arkipelago soutient que la Cour fédérale, en acceptant que l’emploi non autorisé inconscient ou involontaire suffise à justifier une ordonnance de consultation restreinte, a adopté un critère de risque inférieur à ce qui est requis ou qui, à lui seul, n’autorise pas une telle ordonnance. La preuve doit plutôt établir l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui justifieraient l’ordonnance extraordinaire de consultation restreinte « aux avocats » (Bard Peripheral Vascular Inc. c W.L. Gore & Associates, Inc., 2017 CF 585, par. 15 [Bard]).

[10] Les intimés, pour leur part, soutiennent que le simple risque peut être suffisant pourvu que la preuve démontre que le risque est réel et important et qu’il ne constitue pas simplement une préoccupation généralisée (Rivard Instruments, Inc. c Ideal Instruments Inc., 2006 CF 1338, par. 1 et 2 [Rivard]; Lundbeck Canada Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 412, par. 19 [Lundbeck]).

[11] Il ressort de la jurisprudence que de telles ordonnances ne devraient être accordées que dans des circonstances exceptionnelles (Bard, par. 15; Lundbeck, par. 14; Rivard, par. 37; Angelcare Development Inc. c. Munchkin, Inc., 2018 CF 447, par. 21 et 22). Or, il n’y a pas de définition complète des « circonstances exceptionnelles »; chaque affaire doit donc être tranchée sur le fond. S’il est question du préjudice causé à un intérêt commercial, une ordonnance de consultation restreinte est justifiée lorsque la communication des renseignements confidentiels en cause « menace gravement » l’intérêt en question et que le risque est « réel et important, en ce qu’il est bien étayé par la preuve » (Bard, par. 16; Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [2002] 2 R.C.S. 522, par. 54 [Sierra Club]).

[12] Compte tenu de la jurisprudence qui précède, nous ne sommes pas convaincus que la décision de la juge de la Cour fédérale rompt avec la jurisprudence antérieure et établit une norme de preuve différente. Au contraire, la Cour fédérale et la juge responsable de la gestion de l’instance ont, chacune de leur côté, énoncé la norme juridique correcte qui s’applique à la délivrance d’une ordonnance de consultation restreinte.

[13] De plus, nous sommes également d’accord avec les intimés pour dire que l’appelante invoque à tort l’affaire Pharmascience Inc. c. Glaxosmithkline Inc, 2007 CF 360 [Pharmascience]. L’appelante soutient que cette décision appuie la thèse selon laquelle la « craint[e] des abus » n’est pas suffisante. Toutefois, la décision indique qu’une ordonnance de consultation restreinte ne doit pas être accordée « simplement au motif qu’[on] craint des abus » (Pharmascience, par. 1). À la lumière du contexte, cette décision‑cadre avec la thèse des intimés – et avec les décisions mentionnées plus haut – voulant que la simple crainte ne suffise pas : le risque doit être réel et important et étayé par la preuve.

[Caractères gras ajoutés]

[42] À la lumière de cette jurisprudence, je comprends que le critère pour l’octroi d’une ordonnance conservatoire est celui établi par la Cour suprême du Canada au paragraphe 60 de l’arrêt Sierra Club, tel que résumé par le juge Phelan au paragraphe 43 de l’arrêt Paid Search Engine, c’est‑à‑dire :

  1. que les renseignements en question ont toujours été traités comme des renseignements confidentiels;

  2. que les renseignements sont de nature confidentielle;

  3. qu’il existe une probabilité raisonnable que la divulgation des renseignements nuise aux droits exclusifs, commerciaux et scientifiques d’une partie.

[43] En ce qui concerne l’ordonnance conservatoire limitant la consultation aux avocats, beaucoup plus restrictive, la jurisprudence indique clairement que ces ordonnances ne devraient être accordées que dans des « circonstances exceptionnelles » (Arkipelago, au para 11); Bard au para 15; Lundbeck, au para 14; Rivard au para 37; Développements Angelcare Inc. c Munchkin Inc, 2018 CF 447 au para 21 à 22 [Angelcare]). Ce qui constitue des circonstances exceptionnelles doit être tranché dans chacun des cas sur le fond (Arkipelago, au para 11). En outre, dans le contexte d’un préjudice causé à un intérêt commercial, une telle ordonnance n’est justifiée que lorsque la divulgation des renseignements confidentiels en cause constitue une « grave menace » pour l’intérêt en question et doit être « réel, substantiel et fondé sur les éléments de preuve » (Arkipelago, au para 11); voir également Bard au para 16; Sierra Club. au para 60).

[44] Ledgemark reconnaît que la protonotaire a cité le bon critère. Elle fait toutefois valoir que celle‑ci n’a pas tenu compte de toutes les considérations exigées par le critère. À cet égard, Ledgemark fait référence aux facteurs décrits dans Bard : 1) l’ordonnance proposée va dans le même sens que les ordonnances de confidentialité rendues par consentement des parties dans les instances parallèles aux États‑Unis auxquelles les parties sont directement ou indirectement parties; 2) l’ordonnance doit permettre à la partie adverse de s’opposer à la désignation de tel ou tel document comme confidentiel; 3) la partie qui réclame l’ordonnance de consultation restreinte aux avocats pense en toute bonne foi que ses intérêts commerciaux et scientifiques pourraient être gravement compromis par une divulgation publique.

[45] Je tiens d’abord à souligner que je ne considère pas que la décision Bard donne à penser que ces facteurs, considérés isolément, constituent le critère à respecter. Ils constituent plutôt une liste non exhaustive de critères souvent pris en considération lorsqu’il s’agit d’évaluer l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient la délivrance d’une ordonnance de consultation restreinte aux avocats. Cependant, la prise en compte des « circonstances exceptionnelles » est une analyse contextuelle souple. En outre, bien que la Cour ait souvent pris en considération les trois facteurs susmentionnés pour déterminer s’il convient d’accorder l’ordonnance de consultation restreinte aux avocats (Gore, au para 15; Paid Search Engine, au para 67), il a été jugé qu’il ne s’agissait pas d’une série de critères à examiner dans chaque cas (Angelcare, au para 29; Lundbeck, au para 16). Cela est démontré, entre autres, par le fait que bon nombre des affaires impliquant une ordonnance limitant la consultation seulement aux avocats se rapportent à des cas de contrefaçon de brevet où le litige peut se poursuivre aux États‑Unis. Ce n’est évidemment pas le cas en l’espèce.

[46] Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le premier facteur, à savoir si les modalités proposées de l’ordonnance conservatoire reflètent les modalités des ordonnances de protection accordées lors d’un litige parallèle, la protonotaire a conclu que le litige ontarien n’était pas à proprement parler « un litige parallèle ». Ledgemark convient que c’est le cas étant donné que : Ledgemark n’est pas partie au litige ontarien et, par conséquent, ses renseignements confidentiels n’ont pas été divulgués dans le cadre de ce litige; le litige ontarien porte sur les recours contre oppression pour diverses entités appartenant à Del Ridge; M. Le Donne et M. De Sylva sont tous deux les principaux responsables de Del Ridge et, à ce titre, ils auraient accès aux mêmes renseignements confidentiels dans le cadre du litige ontarien.

[47] Quant au deuxième facteur, à savoir si les conditions de l’ordonnance donnent à un receveur la possibilité de s’opposer à la classification de certains documents comme confidentiels, Ledgemark affirme que la protonotaire n’a pas traité de ce facteur, ce qui constitue une erreur de droit.

[48] Toutefois, la protonotaire a fait remarquer que les documents en cause ont été décrits dans l’affidavit de documents supplémentaire déposé par Ledgemark le 19 novembre 2021. Les documents portant les numéros de production 177 à 195 sont les documents que Ledgemark cherche à désigner comme étant réservés aux avocats. Les documents 117 et 178 sont les états financiers de Ledgemark de 2020 et l’état des revenus et des dépenses de 2021. Les documents 179 à 192 sont les états des revenus et des dépenses de Stiver Lane et de LivGreen de 2018 à 2021. Les documents 194 et 195 sont des conventions de rachat d’actions de LivGreen et Hart Haus (Stiver Lane), où les renseignements sur le client sont caviardés. Le document 193 est une entente‑cadre entre Ledgemark et Stiver Lane.

[49] La protonotaire a conclu que la requête dont elle était saisie était quelque peu inhabituelle pour deux raisons. Premièrement, à cause de l’état d’avancement du litige. Le libellé général ou générique de l’ordonnance conservatoire « standard » est habituellement émis alors que les parties ne peuvent pas encore identifier des documents précis, mais seulement des catégories plus larges de renseignements. Dans l’affaire dont la protonotaire était saisie, Ledgemark savait exactement quels documents elle ne voulait pas divulguer à Del Ridge et, plus précisément, à M. Le Donne. Deuxièmement, parce que cette requête combinait, en fait, a) la question de savoir si l’imposition exceptionnelle d’une disposition « réservé aux avocats » à une ordonnance conservatoire est nécessaire; b) la question de savoir si ce que Ledgemark cherchait à protéger de cette façon est pertinent, compte tenu de la contestation par Del Ridge des documents visés.

[50] La protonotaire a déclaré que, dans les circonstances, il aurait été utile à la Cour d’avoir pu consulter les documents en question, étant donné que les deux avocats en avaient pris connaissance. Puisqu’elle n’en a pas eu l’occasion, la Cour ne pouvait qu’examiner ce qui avait été produit en preuve dans le cadre du contre‑interrogatoire de M. Le Donne (document no 177) et évaluer ce qui pouvait être déduit à partir de l’avis de requête et du dossier, de la transcription du contre‑interrogatoire et des observations des avocats.

[51] Elle a également constaté, en se fondant sur le contre‑interrogatoire de M. Le Donne, qu’il semblait y avoir eu une certaine exagération de la part de Ledgemark dans sa proposition de désigner certains renseignements ou documents comme étant réservés aux avocats. En effet, le contre‑interrogatoire a établi que les documents en cause :

  • - étaient de nature similaire à ceux déjà produits pour d’autres années n’ayant pas fait l’objet d’une restriction de consultation exclusive aux avocats (états financiers sommaires et états des revenus et des dépenses pour d’autres années);

  • - ou étaient des modèles de convention (no 193) ou d’autres conventions de rachat d’actions non confidentiels qui pouvaient être attribués sans restriction de confidentialité ou de non‑divulgation (no 194 et 195).

[52] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas d’accord avec Ledgemark pour dire que la protonotaire a commis une erreur de droit en ne considérant pas la possibilité que les termes de l’ordonnance conservatoire proposée donnent à Del Ridge l’occasion de s’opposer à la classification de certains documents comme confidentiels. La protonotaire a reconnu ce facteur et a considéré que la contestation de Del Ridge à l’égard des documents visés par Ledgemark comme étant réservés aux avocats était incluse dans la requête dont elle était saisie.

[53] En ce qui concerne le troisième facteur, soit qu’une partie croit en toute bonne foi que ses intérêts commerciaux, professionnels ou scientifiques pourraient être sérieusement compromis par une divulgation au public, Ledgemark soutient que la protonotaire a commis une erreur de droit en exigeant davantage qu’une croyance en toute bonne foi d’une possibilité de préjudice.

[54] À l’appui de cette affirmation, Ledgemark fait référence à l’affidavit de M. Le Donne. Ce dernier y indique :

  • - qu’il y a eu une rupture dans les relations d’affaires entre M. La Donne et M. De Sylva;

  • - Le paragraphe 17 de l’affidavit est ainsi libellé :

[traduction]
17. Dans la décision du litige ontarien, la Cour a rendu plusieurs conclusions qui démontrent la conduite de M. De Sylva dans ses rapports avec moi et mes entreprises, notamment :

[5] La prise de décision unanime entre Miori et Gel‑Don n’est plus possible. La relation entre M. De Sylva et M. Le Donne [sic] est marquée par un manque de confiance. Tous deux prétendent avoir subi une conduite oppressive dans leurs relations d’affaires.

[…]

[24] Entre la mi‑décembre et la fin décembre, M. Le Donne [sic] s’est vu refuser l’accès aux serveurs de courriel de Del Ridge [sic] pendant un certain temps. M. Le Donne [sic] n’a pas été informé que les serveurs de messagerie seraient suspendus; ils n’ont été restaurés qu’après l’intervention de l’avocat de Le Donne [sic]. Cependant, les serveurs de messagerie qui avaient été restaurés ont été de nouveau suspendus, ce qui a nui à la capacité de M. Le Donne [sic] et de Gel‑Don de mener des affaires.

[…]

[32] J’estime que Miori, en tant qu’actionnaire majoritaire des copropriétés, a agi de manière injustement préjudiciable en négligeant inéquitablement les intérêts de l’actionnaire minoritaire Gel‑Don.

[33] Parmi les exemples de cette conduite, on peut citer le contrôle sur la prise de décisions concernant huit des copropriétés, qui a été obtenu en chargeant l’avocat qui a rédigé ces ententes de modifier la structure de vote, qui exigeait que les copropriétaires rendent une décision unanime, pour permettre à Miori de contrôler la prise de décision. Bien que M. De Sylva affirme qu’il n’y a aucune preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle il a ordonné à John Morrison d’apporter cette modification aux ententes de copropriétés, je crois qu’il est plus probable qu’il l’ait fait. M. Morrison dit qu’il ne se souvient pas de la façon dont le changement a été apporté, mais M. Le Donne [sic] n’a pas donné d’instructions à M. Morrison à propos des ententes de copropriété : M. De Sylva l’a fait. Gel‑Don s’attendait raisonnablement à ce que les ententes de copropriétés ne soient pas modifiées de façon importante sans que la société en soit avisée.

[34] D’autres exemples de conduite ayant porté préjudice à Gel‑Don et ayant inéquitablement négligé ses intérêts incluent : le refus de laisser Gel‑Don accéder au serveur de courriel sans préavis, alors que Gel‑Don en dépendait pour mener ses activités; le refus de Miori d’assister à une réunion du comité de gestion organisée dans le but de résoudre un certain nombre de questions qui se posent dans le cadre de la présente demande et de la contre‑demande; le refus de fournir tous les renseignements financiers pertinents, notamment les dossiers bancaires et les dossiers à l’appui du rapport de Miori sur [traduction] l’« état de la relation », comme demandé par Gel‑Don.

[35] À la lumière du dossier de la preuve, j’estime que ni les copropriétés ni Gel‑Don n’ont agi de manière oppressive, injuste et préjudiciable, ou d’une manière qui ne tient pas compte des intérêts de Miori, de M. De Sylva ou de Dagin. Il est possible que ce soit parce que Miori, M. De Sylva et Dagin sont les créanciers des copropriétés, tout comme Gel‑Don et M. Le Donne pourraient être les créanciers des copropriétés, mais il reste à déterminer si tel est le cas et, dans l’affirmative, l’ampleur de l’endettement.

[…]

[46] M. De Sylva conteste la revendication de M. Le Donne, mais n’a fourni aucune preuve d’un autre accord. M. De Sylva a témoigné de façon incohérente sur ce point. Contrairement à ce que donnent à penser sa preuve d’affidavit et sa preuve de contre‑interrogatoire, M. De Sylva soutient maintenant que les contrats en étaient de [traduction] « temps et matériaux », que Con‑Struct était surpayé pour ces contrats et que, par conséquent, Con‑Struct devait de l’argent aux copropriétés.

[…]

[87] En me basant sur le dossier, je ne suis pas convaincu que M. De Sylva ait rempli son devoir en toute bonne foi ou qu’il ait agi dans l’intérêt de M. Le Donne pour déterminer si les appels de capitaux étaient nécessaires. M. De Sylva n’a montré aucune preuve de s’être assuré que les fonds nécessaires n’étaient pas disponibles auprès d’un prêteur autre que l’une de ses propres sociétés.

[…]

[98] Étant donné le manque d’efforts déployés par de M. De Sylva pour trouver un prêteur, ce qui aurait éviter aux copropriétaires de faire eux‑mêmes des appels de fonds, l’absence de préavis concernant certains versements de capitaux et l’absence de signalement concernant l’intention de Miori de facturer des intérêts, ou de toute tentative de Miori de récupérer des intérêts sur une distribution de surplus de fonds d’une copropriété, je conclus que M. De Sylva ne s’est pas acquitté de son fardeau, qui était de prouver que M. Le Donne n’avait pas respecté ses obligations en vertu de l’entente de copropriété, de sorte que les dispositions de l’entente relatives aux intérêts s’appliquent, ou que les intérêts soient autrement payables. Avant ce litige, ni M. De Sylva ni Miori n’avaient fait de demande officielle ou produit de document demandant le paiement de tout montant présumément dû par Gel‑Don au titre des prêts et intérêts.

  • - M. Le Donne affirme que l’OSCJ a statué que certaines propriétés devaient être vendues avec le consentement des parties, mais que, jusqu’à présent, M. De Sylva a agi de manière déraisonnable pour y parvenir;

  • - M. Le Donne déclare que Ledgemark et Howland Greens font régulièrement des affaires avec les mêmes tiers, comme des consultants et des spécialistes, et qu’ils sont des concurrents directs sur le marché immobilier de la région du Grand Toronto;

  • - Compte tenu de la rupture de confiance entre M. De Sylva et M. Le Donne, ce dernier déclare croire que si M. De Sylva accédait aux renseignements confidentiels de Ledgemark, cela pourrait, consciemment ou inconsciemment, influencer ses décisions d’affaires au détriment de la concurrence de Ledgemark;

  • - M. Le Donne dit croire que M. De Sylva utiliserait les renseignements obtenus pour faire valoir ses intérêts commerciaux auprès des entités liées à Howland Greens et ses intérêts au nom des entités de Del Ridge dans le cadre du litige ontarien.

[55] À mon avis, il ne fait aucun doute que l’un des facteurs de « circonstances exceptionnelles » qui devront être établis pour l’octroi d’une désignation « réservé aux avocats » dans une ordonnance conservatoire est de savoir si la partie qui sollcite cette ordonnance croit de bonne foi que la divulgation des renseignements pourrait nuire gravement à ses intérêts commerciaux ou professionnels. Toutefois, l’établissement de ce seul facteur ne suffit pas à satisfaire au critère d’une ordonnance conservatoire incluant pareille désignation. Le préjudice causé par la divulgation doit également constituer une grave menace pour l’intérêt en question et être réel, substantiel et fondé sur les éléments de preuve (Bard, au para 16; Lundbeck, au para 16; Sierra Club, au para 54; Archipel, au para 11; Paid Search Engine, aux paras 31, 67). Le critère exige non seulement une croyance subjective de bonne foi qu’un préjudice en résultera, mais aussi « la preuve, de façon objective, de la nécessité de la confidentialité – critère relatif au préjudice » (Paid Search Engine, aux paras 31, 44; AB Hassle, au para 9).

[56] Par conséquent, bien que Ledgemark soutienne que la protonotaire a commis une erreur de droit en exigeant plus qu’une croyance de bonne foi d’une possibilité de préjudice, il est évident en se fondant sur les motifs qu’elle a exposés ci‑dessous que la protonotaire a conclu qu’une croyance de bonne foi était insuffisante. Ledgemark a aussi dû à démontrer l’existence d’une menace grave et d’un préjudice réel, substantiel et fondé sur des éléments de preuves. À mon avis, la protonotaire n’a pas commis d’erreur de droit dans sa présentation et sa compréhension de ce facteur.

[57] En outre, même si Ledgemark soutient que les éléments de preuve présentés ci‑dessus étaient suffisants pour répondre au « critère » d’une croyance de bonne foi de la possibilité d’un préjudice, il ne s’agit pas d’une question de droit. Il s’agit d’appliquer les faits à la loi.

[58] La protonotaire a présenté et accepté la preuve de Ledgemark selon laquelle : la rupture des relations d’affaires entre M. De Sylva et M. Le Donne a conduit à des litiges acrimonieux; il y a une rupture de la confiance « jusqu’à la paralysie »; M. Le Donne craint que M. De Sylva n’utilise à mauvais escient l’information sur Stiver Lane et LivGreen; l’OSCJ a tiré des conclusions au sujet du manque de bonne foi et de la conduite oppressive de M. De Sylva (au sens de la LSAO), illustrés par des incidents comme des perturbations de l’accès au serveur de messagerie électronique, des changements unilatéraux apportés aux ententes, l’omission de participer aux réunions du comité de gestion et la non‑communication des dossiers bancaires. Elle a également cité les paragraphes 26, 28, 29 et 30 de l’affidavit de M. Le Donne, dans lequel celui‑ci dit croire que si une ordonnance conservatoire avec consultation réservée aux avocats n’est pas octroyée, M. De Sylva utilisera l’information pour nuire aux intérêts commerciaux de Ledgemark.

[59] Toutefois, la protonotaire a constaté que la preuve relative à la menace de risque pour Ledgemark et pour les autres entreprises de M. Le Donne était presque entièrement fondée sur la situation de Del Ridge, sur le litige entourant sa dissolution et sur ce que M. Le Donne pense de M. De Sylva. Elle a conclu que beaucoup de prétentions et de suppositions selon lesquelles les renseignements sur Ledgemark et ses sociétés connexes influenceraient M. De Sylva, consciemment ou inconsciemment, lorsqu’il aurait à prendre des décisions commerciales au détriment de la concurrence de Ledgemark, et qu’il utiliserait ces renseignements pour faire valoir ses propres intérêts commerciaux auprès des entités de Howland Green et dans le litige ontarien. La protonotaire a conclu que les deux hommes ne ressentent manifestement aucune sympathie l’un pour l’autre, qu’ils sont des concurrents directs en affaires et qu’ils seront probablement engagés dans des litiges acrimonieux prolongés pour résoudre leurs tractations antérieures. Cependant, la question dont elle était saisie était de savoir si Ledgemark avait établi des motifs suffisants pour justifier une ordonnance de la Cour interdisant à Del Ridge de consulter les documents en question.

[60] À cet égard, elle a fait observer que, dans le cadre de l’action intentée devant la Cour fédérale, qui se poursuit depuis 18 mois, il n’y avait pas eu d’utilisation à mauvais escient des renseignements confidentiels de Del Ridge déjà produits, et que les parties s’étaient comportées en étant conscientes de leurs obligations en vertu de la règle de l’engagement implicite. Dans ce contexte, elle a jugé difficile de conclure que les nouveaux documents produits par Ledgemark et contenant des renseignements sur la société et ses entités connexes (Stiver Lane, LivGreen) seraient traités différemment.

[61] Il n’y avait pas non plus de preuve d’utilisation à mauvais escient de renseignements confidentiels dans le litige ontarien. La protonotaire a conclu que [traduction] « la thèse de l’avocat de la défenderesse, selon laquelle M. De Sylva risquerait [d’utiliser les renseignements à mauvais escient], n’est pas soutenue par la preuve de M. Le Donne au‑delà de sa déclaration qu’il croit que M. De Sylva le fera ». De plus, Ledgemark doit présenter davantage que de simples allégations et affirmations selon lesquelles M. De Sylva pourrait violer l’engagement implicite. La protonotaire a fait remarquer qu’il n’y avait rien au dossier de Ledgemark qui précise quels renseignements sont en cause (au‑delà de ce qui est décrit dans les motifs de la protonotaire), ni comment Del Ridge pourrait utiliser ces renseignements pour nuire aux intérêts commerciaux de Ledgemark.

[62] La protonotaire a également relevé, en se basant sur le contre‑interrogatoire de M. Le Donne et sur son affidavit, qu’il semblait également y avoir eu une certaine exagération de la part de Ledgemark dans sa proposition de désigner certains renseignements ou documents comme étant réservés aux avocats. En effet, il a été établi lors du contre‑interrogatoire que les documents fournis à l’avocat de Del Ridge aux fins de la requête étaient de nature semblable à ceux déjà fournis pour d’autres années et n’ayant pas fait l’objet d’une restriction de consultation exclusive aux avocats (états financiers sommaires et états des revenus et des dépenses pour d’autres années). Sinon, les documents étaient des modèles de convention (no 193) ou d’autres conventions de rachat d’actions non confidentiels qui pouvaient être attribués sans restriction de confidentialité ou de non‑divulgation (no 194 et 195).

[63] La protonotaire n’était pas convaincue qu’une divulgation à Del Ridge constituait une menace ou un risque grave de préjudice aux intérêts commerciaux de Ledgemark. Elle a reconnu qu’il s’agit de concurrents directs, qu’ils sont impliqués dans des litiges acrimonieux et qu’ils ont perdu leur confiance mutuelle. En outre, il a été établi que M. De Sylva avait agi de mauvaise foi lors de la liquidation de Del Ridge, dans le cadre du litige ontarien. Cependant, la protonotaire a estimé qu’elle devait également tenir compte de la nature de cette conduite et de la conduite de Del Ridge dans le litige en l’espèce. Dans cette action, il n’y avait eu aucune utilisation à mauvais escient des renseignements fournis par Ledgemark et aucune preuve de mesures prises pour nuire aux nouvelles entreprises de M. Le Donne.

[64] La protonotaire a déclaré que, même s’il peut être compréhensible, jusqu’à un certain point, qu’un ancien associé d’affaires ne souhaite pas divulguer d’information sur la façon dont ses nouvelles activités se déroulent, [traduction] « ses préoccupations ou convictions personnelles ne suffisent pas ». Ledgemark n’avait pas non plus établi que les renseignements en question étaient d’une nature si délicate que leur divulgation causerait un grave préjudice.

[65] Étant donné les motifs exposés par la protonotaire, susmentionnés, je ne suis pas convaincu qu’elle ait commis une erreur de droit en exigeant davantage qu’une croyance de bonne foi de la possibilité d’un préjudice. Au contraire, la protonotaire a conclu qu’une croyance de bonne foi n’était pas suffisante; Ledgemark devait également démontrer l’existence d’une menace réelle et substantielle de préjudice, fondée sur les preuves, mais ne l’a pas fait.

[66] En résumé, pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas d’accord avec Ledgemark pour dire que la protonotaire a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère lors de l’évaluation de sa requête visant à obtenir une ordonnance conservatoire avec consultation réservée aux avocats.

[67] Cependant, Ledgemark affirme également que la protonotaire a commis une erreur de droit en tenant compte d’autres facteurs qui n’ont aucun fondement en droit ou qui [traduction] « avaient été traités de façon appropriée dans les observations de Ledgemark ».

[68] Premièrement, bien que les trois facteurs relatifs aux circonstances exceptionnelles aient souvent été pris en considération pour déterminer s’il convient d’accorder une ordonnance de consultation restreinte aux avocats, ils constituent une liste non exhaustive de critères (Bard, au para 16; Lundbeck, au para 16; Paid Search Engine, au para 67). Il n’y a pas de définition complète de ce qui constitue « des circonstances exceptionnelles ». Chaque cas doit plutôt être tranché sur le fond en utilisant une analyse contextuelle et souple (Arkipelago, au para 11; Paid Search Engine, au para 67). la Cour peut juger bon d’examiner et d’appliquer d’autres facteurs pertinents (Bard, au para 16; Lundbeck, au para 16). Par conséquent, tenir compte d’autres facteurs pertinents ne constitue pas une erreur de droit.

[69] Deuxièmement, même si Ledgemark est d’avis qu’elle a traité de ces facteurs de façon appropriée dans ses observations, ce qu’elle soumet en réalité, c’est qu’elle n’est pas d’accord avec l’application des faits à la loi par la protonotaire, ni avec la décision qui en découle. Cela ne donne pas lieu à une erreur de droit.

[70] Quoi qu’il en soit, Ledgemark affirme que la protonotaire a fait remarquer qu’il était inhabituel qu’une ordonnance conservatoire soit demandée 18 mois après le début d’un litige. Ledgemark fait valoir qu’il n’y avait pas d’exigence légale nécessitant que l’ordonnance conservatoire soit demandée au début du litige et explique pourquoi elle a déposé sa requête à un stade ultérieur. À mon avis, cette observation ne constitue pas une erreur de droit. La protonotaire n’a pas laissé entendre que la loi exigeait une ordonnance conservatoire en début de procédure. De plus, les raisons pour lesquelles l’ordonnance n’a été demandée que 18 mois après le début de l’instance et que Ledgemark propose maintenant d’expliquer ne sont pas pertinentes quant à la présumée erreur de droit. Ledgemark n’allègue aucune erreur de fait et de droit à cet égard.

[71] Dans le même ordre d’idées, Ledgemark affirme que la protonotaire a commis une erreur en donnant du poids à l’absence de preuves sur le fait que les renseignements confidentiels auraient pu être utilisés à mauvais escient dans le litige ontarien. Ledgemark affirme qu’il ne s’agit pas d’une [traduction] « considération pertinente en droit ». Ledgemark soutient également que la Cour ne peut pas conclure qu’une partie doit attendre la preuve d’une utilisation de renseignements confidentiels à mauvais escient avant de solliciter une ordonnance conservatoire. Bien que je souscrive à cette dernière observation, ce n’est pas ce que la protonotaire a fait dans ce cas‑ci. Elle a plutôt apprécié les éléments de preuve avant de conclure que Ledgemark n’avait pas démontré que la divulgation constituerait une menace ou un risque sérieux de préjudice aux intérêts commerciaux de Ledgemark. Ledgemark affirme également qu’elle a présenté des preuves solides relativement à la conduite de M. De Sylva, notamment sa mauvaise foi et sa conduite préjudiciable dans le litige ontarien, et soutient que la possibilité que des renseignements confidentiels soient utilisés à mauvais escient dans cette action [traduction] « s’inscrit dans la même veine ». Encore une fois, Ledgemark remet en question l’appréciation de la preuve par la protonotaire; cela ne constitue pas une erreur de droit. Ledgemark ne soutient pas que la protonotaire a commis une erreur manifeste et dominante de quelque nature que ce soit. Ledgemark ne prétend pas que la protonotaire a mal interprété la preuve ou a commis une erreur de fait.

[72] Enfin, Ledgemark fait valoir que la protonotaire a critiqué le fait que les documents pour lesquels une désignation « réservé aux avocats » était demandée n’ont pas été fournis à la Cour et a rendu des conclusions exagérées. Ledgemark soutient qu’il n’y a aucune obligation légale de déposer les documents confidentiels proposés devant la Cour, et que la partie requérante doit simplement démontrer que les documents font partie d’une catégorie confidentielle. Ledgemark fait valoir que l’approche qu’aurait dû adopter la protonotaire aurait été d’accorder l’ordonnance sur la base de la catégorie des documents. Après quoi, les parties auraient pu régler toute question d’exagération avec leurs avocats ou utiliser les mécanismes de contestation prévus dans l’ordonnance conservatoire.

[73] Comme discuté précédemment, la protonotaire a reconnu qu’il s’agissait d’une situation inhabituelle puisque l’ordonnance conservatoire avec consultation réservée aux avocats a été demandée 18 mois après le début du litige et que, par conséquent, il ne s’agissait pas d’une situation typique où seule une catégorie de documents pouvait être identifiée comme étant réservée aux avocats. En l’espèce, des documents précis ont été identifiés et ont également été fournis à l’avocat de Del Ridge pour examen, et ce, avant que la requête visant à obtenir une ordonnance conservatoire ne soit entendue et tranchée. La protonotaire a conclu que, dans les faits, la contestation de la protection de ces documents spécifiques faisait partie de la requête contestée. Dans ces circonstances, elle a fait remarquer qu’il aurait été utile que Ledgemark fournisse les documents contestés à la Cour également. Finalement, en se fondant sur les éléments de preuve dont elle disposait, elle a conclu qu’il y avait eu exagération et que Ledgemark n’avait pas établi que la divulgation constituait une menace ou un risque de préjudice grave à ses intérêts commerciaux.

[74] La protonotaire n’a pas commis d’erreur de droit en exigeant que les documents contestés soient déposés auprès de la Cour. Elle a simplement fait remarquer qu’étant donné les circonstances inhabituelles entourant l’affaire dont elle a été saisie, il aurait été utile qu’ils le soient.

[75] En fin de compte, la décision de rendre ou non une ordonnance conservatoire avec consultation réservée aux avocats est une décision discrétionnaire fondée sur la loi applicable et les circonstances. Ledgemark ne fait pas valoir que la protonotaire a commis une erreur manifeste et dominante en prenant sa décision.

Conclusion

[76] En conclusion, la protonotaire n’a commis aucune erreur de droit. Elle a déterminé le critère juridique qu’il convient d’appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer si une ordonnance conservatoire, avec désignation « réservé aux avocats », devrait être accordée. Elle a examiné les trois facteurs relatifs aux « circonstances exceptionnelles » fréquemment utilisés à cet égard, qui ne sont pas exhaustifs, et n’a pas commis d’erreur de droit en tenant compte d’autres facteurs pertinents. Je suis aussi d’accord avec Del Ridge pour dire qu’il n’y a pas eu d’erreur sur une question de droit isolable en l’espèce, étant donné que Ledgemark n’a pas établi que le critère juridique a été modifié par la protonotaire lors de son application.

[77] Bien que Ledgemark ait formulé et fondé son appel exclusivement à partir d’erreurs de droit alléguées, certaines de ses observations, en réalité, parlent de l’application du critère par la protonotaire dans le but d’obtenir un résultat différent. Toutefois, Ledgemark n’a présenté aucun argument dans son appel affirmant que la protonotaire [sic] avait commis une erreur manifeste et dominante dans sa décision.

[78] Pour ces motifs, la requête de Ledgemark en appel de l’ordonnance de la protonotaire est rejetée.

Autres mesures de redressement demandées par Ledgemark

Position de Ledgemark

[79] Ledgemark fait remarquer que la protonotaire, dans ses motifs, a reconnu que pour faciliter l’évolution de la requête dont elle était saisie, [traduction] « [l’]avocat de la défenderesse a produit des documents temporairement désignés comme réservés aux avocats, ce que la demanderesse a accepté ».

[80] Del Ridge a indiqué qu’elle croyait que l’entente provisoire n’allait pas au‑delà de la disposition de la requête.

[81] Ledgemark affirme que l’entente devrait être interprétée comme englobant le règlement final de l’affaire, incluant tous les appels, et non seulement la décision relative à sa requête. En outre, elle affirme que la Cour devrait ordonner que les parties soient tenues de traiter les documents tels qu’ils sont fournis sur la base d’une consultation réservée aux avocats, en attendant que la décision finale concernant la délivrance de l’ordonnance conservatoire soit rendue par voie d’appel. Par ailleurs, elle soumet que même si cette requête peut se présenter comme un sursis d’ordonnance, il ne s’agit pas d’un sursis. Ledgemark soutient que cela est dû au fait qu’il n’y a aucune obligation découlant de l’ordonnance qui exige un sursis. Il n’y avait aucune ordonnance conservatoire en place avant l’ordonnance, et il n’y a pas non plus d’ordonnance conservatoire en place maintenant, après l’ordonnance. Il n’y a que l’entente entre avocats, que Ledgemark soutient qu’elle devrait être maintenue en attendant la conclusion de l’affaire.

La position de Del Ridge

[82] Del Ridge fait remarquer que l’avis de requête de Ledgemark ne sollicite pas la suspension de l’ordonnance, conformément à l’article 398 des Règles, et qu’il ne contient pas non plus les détails nécessaires qui permettraient à la Cour d’imposer un sursis en vertu de cette règle. De plus, l’entente provisoire entre les avocats est reflétée dans la correspondance conjointe des parties à la Cour avant la décision. Del Ridge fait référence à une correspondance datée des 20 et 24 janvier 2022, qui indique que Del Ridge accepterait les documents que Ledgemark proposait de désigner comme étant réservés aux avocats [traduction] « sur une base provisoire seulement, en attendant que la décision relative à la requête de la défenderesse soit rendue » et que M. Le Donne avait été [traduction] « contre‑interrogé à propos de documents acceptés provisoirement comme étant confidentiels, sous réserve de la décision relative à la présente requête ».

[83] Del Ridge soutient que les documents ont été jugés comme n’étant pas confidentiels dans l’ordonnance rejetant la requête. Par conséquent, l’entente provisoire a pris fin et aucune restriction de consultation « réservé aux avocats » ne subsiste.

[84] Bien que Ledgemark adopte maintenant une nouvelle interprétation de l’entente provisoire et allègue une inconduite professionnelle de manière à imposer unilatéralement une consultation [traduction] « réservée aux avocats » jusqu’à ce qu’elle ait épuisé tous les appels, cela n’est pas fondé. Ledgemark n’a pas non plus demandé, dans son avis de requête, de réparation par injonction en vertu de l’article 373 des Règles en se fondant sur sa nouvelle interprétation.

Analyse

[85] Je signale tout d’abord qu’il n’y a aucune preuve qui laisse entendre que la question de la prolongation de l’entente provisoire entre les avocats, en attendant qu’un appel soit interjeté devant la protonotaire, a été soulevée. Ses motifs laissent entendre qu’elle croyait que l’entente était en place en attendant que l’affaire dont elle était saisie soit tranchée. De plus, la correspondance conjointe produite devant la protonotaire chargée de la gestion de l’instance indique clairement que l’entente était en vigueur temporairement, le temps que la décision soit rendue relativement à la requête de Ledgemark. Par conséquent, dans la mesure où Ledgemark affirme maintenant que l’entente était censée survivre à la requête et s’étendre à l’épuisement de tous les appels, la preuve ne l’appuie pas.

[86] De plus, ce que Ledgemark conteste, c’est la portée de l’entente avec Del Ridge sur le traitement des documents contestés. En d’autres termes, l’entente visant à les traiter provisoirement comme étant réservés aux avocats ne s’étend qu’au‑delà de la décision relative à la requête de Ledgemark. Cependant, cette question n’était pas en cause devant la protonotaire. Ce n’est pas le rôle de la Cour, en appel de l’ordonnance de la protonotaire, de s’attaquer à cette nouvelle question sans une requête demandant ce redressement discret.

[87] À cet égard, Ledgemark n’a pas demandé de sursis dans son avis de requête. Cela dit, je comprends que, puisque sa requête a été rejetée, il n’y a pas lieu d’accorder un sursis. Toutefois, dans ces circonstances, il semble que la solution pour Ledgemark aurait consisté à présenter une demande de redressement par injonction. Autrement dit, Del Ridge n’aurait pas pu traiter les documents autrement que comme étant réservés aux avocats jusqu’à ce que l’appel de l’ordonnance de la protonotaire et que tout autre recours soit épuisé. Ledgemark n’a pas utilisé cette approche.

[88] À mon avis et étant donné les circonstances, en demandant à la Cour d’exiger de Del Ridge qu’elle continue de traiter les documents comme étant réservés aux avocats jusqu’à ce qu’il soit statué sur tous les appels, Ledgemark fait fi du fait qu’elle n’a pas demandé cette protection avant la décision relative à la requête. Elle évite également de chercher à obtenir un redressement qui lui était potentiellement offert et, par conséquent, d’établir qu’elle satisfait au critère pour l’octroi d’un allégement préventif. Pour ces motifs, je ne suis pas disposée à ordonner à Del Ridge, en attendant la décision relative à la requête dont la protonotaire est saisie, de traiter les documents initialement fournis par Ledgemark comme étant réservés aux avocats et de continuer de les traiter comme tels en attendant le résultat de tout appel relatif à cette question.

[89] Il va sans dire que l’engagement implicite habituel demeure. Autrement dit, tout document ou renseignement reçu au cours de l’interrogatoire préliminaire ne peut être utilisé qu’aux fins du présent litige (Seedlings Life Science Ventures LLC c Pfizer Canada Inc., 2018 CF 443 au para 3). En outre, les parties sont libres de négocier les conditions d’une ordonnance conservatoire qui est conforme aux motifs de la protonotaire (c’est‑à‑dire les dispositions relatives à la consultation réservée aux avocats) et de la lui soumettre pour examen.

Dépens

[90] Lors de leur comparution devant moi, les parties ont convenu que les dépens d’un montant total de 2 500 $, qui doivent être payés immédiatement, sont appropriés. Je suis du même avis.


JUGEMENT dans le dossier T‑683‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. L’appel est rejeté;

  2. Les dépens en faveur de Del Ridge Homes Inc., s’élevant à un total de 2 500 $, doivent être payés immédiatement par Ledgemark Homes Inc.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


DOSSIER :

T‑683‑20

 

INTITULÉ :

DEL RIDGE HOMES INC. c LEDGEMARK HOMES INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE AU MOYEN DE ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 avril 2022

 

COMPARUTIONS :

Jim Lepore

 

POURLA DEMANDERESSE

(défenderesse reconventionnelle)

 

Abbas A. Kassam

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(demanderesse reconventionnelle)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(défenderesse reconventionnelle)

 

Ridout & Maybee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.