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Date : 20220401


Dossier : T‑1266‑21

Référence : 2022 CF 461

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2022

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

RAY DAVIDSON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 14 juillet 2021, par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté sa plainte en matière de droits de la personne, en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP).

[2] Dans sa plainte à la Commission, le demandeur soutenait que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) avait appliqué de manière discriminatoire une politique concernant les exigences linguistiques, ce qui était contraire aux articles 7 et 10 de la LCDP et constituait une violation de ses droits. Il affirmait également que son identité en tant qu’homme noir avait influé sur la décision de l’ASFC de ne pas lui offrir une possibilité d’emploi pour laquelle il était qualifié. La Commission a jugé que le demandeur n’avait pas fourni un fondement suffisant pour démontrer que sa race et sa couleur avaient joué un rôle dans l’application, par l’ASFC, de la politique concernant les exigences linguistiques.

[3] En l’espèce, le demandeur n’est pas représenté par un avocat. Il prétend que la Commission a commis une erreur en rejetant sa plainte et qu’elle n’a pas adéquatement tenu compte des éléments de preuve sur la façon dont il avait fait l’objet de discrimination, en conséquence du fait que l’ASFC avait appliqué rigoureusement la politique concernant les exigences linguistiques.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la Commission de rejeter la plainte du demandeur est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Les faits

A. La plainte du demandeur

[5] Lorsqu’il a porté plainte, le demandeur était analyste principal, Accès à l’information et protection des renseignements personnels (AIPRP), à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), et son niveau de compétence linguistique en français était BBB selon la Commission de la fonction publique du Canada.

[6] La Commission de la fonction publique du Canada apprécie les compétences linguistiques au moyen de l’Évaluation de langue seconde (l’ELS), qui comporte trois volets : compréhension de l’écrit, expression écrite et compétence orale. Le niveau de compétence des personnes qui se soumettent à l’ELS est désigné par trois lettres, soit une lettre pour chaque volet de l’évaluation, où C correspond au niveau le plus élevé, suivi de B, puis de A. Dans certains cas, la lettre E (pour « exemption ») est utilisée. Le niveau E est supérieur au niveau C. Il signifie que les résultats obtenus sont suffisamment élevés pour que la personne n’ait plus à se soumettre à d’autres tests au cours de sa carrière.

[7] Le demandeur occupait un poste de niveau PM‑05 à IRCC, mais, selon le Commissariat à l’information du Canada, il possédait les qualifications requises pour se voir confier un poste de niveau PM‑06, ce qui lui avait permis d’être ajouté à un bassin de candidats en vue d’être potentiellement nommé à un poste du domaine de l’AIPRP, au sein de divers autres ministères et organismes gouvernementaux, dont l’ASFC.

[8] Le 7 juin 2017, le directeur exécutif de l’AIPRP à l’ASFC, M. Dan Proulx, a envoyé un courriel à quatre directeurs de la fonction publique fédérale, dans lequel il mentionnait qu’il souhaitait pourvoir des postes de niveaux PM‑02 à PM‑06 dans son équipe responsable de l’AIPRP et il demandait que les candidats potentiels communiquent avec lui directement. Le 10 juin 2017, le demandeur a écrit à M. Proulx pour lui signifier son intérêt à l’égard d’un poste de directeur adjoint de niveau PM‑06 à l’ASFC.

[9] Le 12 juin 2017, M. Proulx a envoyé un courriel au demandeur pour l’informer que, d’après les renseignements fournis, il ne satisfaisait pas à l’exigence de la Directive sur l’identification linguistique des postes de l’ASFC (la politique linguistique de l’ASFC) selon laquelle les titulaires d’un poste de niveau PM‑06 à l’ASFC doivent avoir obtenu un niveau de compétence linguistique d’au moins CBC à l’ELS.

[10] Le 31 janvier 2018, le demandeur a déposé une plainte contre l’ASFC auprès de la Commission, dans laquelle il alléguait qu’il y avait eu violation des articles 7 et 10 de la LCDP. Il y soutenait que l’ASFC avait fait preuve de discrimination contre lui au travail, pour des motifs fondés sur la race et la couleur, lorsqu’elle avait refusé de lui offrir un poste pour lequel il était qualifié. Selon lui, son identité en tant qu’homme noir avait incité l’ASFC à appliquer rigoureusement la politique concernant les exigences linguistiques et à ne pas le nommer au poste de niveau PM‑06 qu’il convoitait. Il soutenait également que la politique concernant les exigences linguistiques était appliquée de manière arbitraire dans l’ensemble de la fonction publique fédérale, ce qui donne lieu à de la discrimination au sens de l’article 10 de la LCDP.

[11] Après réception de la plainte du demandeur, la Commission a, en vertu du paragraphe 43(1) de la LCDP, désigné un enquêteur (l’enquêteur) pour enquêter sur la plainte et rédiger un rapport (le rapport d’enquête).

B. Le rapport d’enquête

[12] Dans le rapport d’enquête, daté du 12 avril 2021, l’enquêteur recommande à la Commission de rejeter la plainte du demandeur, en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP, parce que l’examen de celle‑ci n’était pas justifié.

[13] Selon les conclusions du rapport, l’allégation du demandeur selon laquelle l’ASFC avait fait montre de discrimination au travail à son endroit, au sens de l’article 7 de la LCDP, pour des motifs fondés sur la race et la couleur, lorsqu’elle avait refusé de lui offrir un poste de niveau PM‑06, n’est pas corroborée par la preuve. L’enquêteur a jugé qu’il était raisonnable de la part de l’ASFC de ne pas avoir retenu la candidature du demandeur pour le poste de directeur adjoint de niveau PM‑06, car il n’avait pas le niveau de compétence linguistique requis pour occuper ce poste.

[14] Dans son rapport d’enquête, l’enquêteur souligne que la Politique sur les langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (la politique du SCT) s’applique à l’ASFC et que, à l’instar de la politique linguistique de l’ASFC, elle vise à assurer le respect de la Loi sur les langues officielles (la LLO). L’enquêteur précise que le poste de directeur adjoint de niveau PM‑06 en question comporte des fonctions de supervision et que le lieu de travail est situé dans la région de la capitale nationale, qui est une région bilingue. Conformément à la LLO, à la politique du SCT et à la politique linguistique de l’ASFC, cette dernière devait nommer à ce poste une personne qui possédait un profil linguistique en particulier. Le poste devait donc être bilingue et être occupé par une personne dont le niveau de compétence linguistique était d’au moins CBC.

[15] Lorsque le demandeur a fait connaître son intérêt pour le poste, son profil linguistique n’était que de niveau BBB. L’enquêteur a fait observer que rien dans la loi et les politiques applicables n’appuie l’argument du demandeur selon lequel l’ASFC avait le pouvoir discrétionnaire de l’embaucher, compte tenu de ses compétences linguistiques. De plus, selon la preuve, le niveau de compétence linguistique des deux personnes qui avaient obtenu un poste de directeur adjoint de niveau PM‑06 à l’ASFC était supérieur au niveau CBC exigé, puisqu’elles possédaient toutes deux le niveau E. Par conséquent, l’enquêteur a conclu que la preuve n’étayait pas raisonnablement l’allégation selon laquelle une personne moins qualifiée que le demandeur qui ne possédait pas ses caractéristiques de race et/ou de couleur avait obtenu l’emploi.

C. La décision faisant l’objet du contrôle : la décision de la Commission

[16] Dans une décision datée du 14 juillet 2021, la Commission a souscrit à la recommandation formulée dans le rapport d’enquête et a rejeté la plainte du demandeur en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP. La Commission était d’avis que, compte tenu de toutes les circonstances, il n’était pas justifié d’examiner la plainte de manière plus approfondie.

[17] La Commission a certes reconnu les efforts qu’avait faits le demandeur pour attirer son attention sur les répercussions de l’application de la politique concernant les exigences linguistiques dans l’ensemble de la fonction publique fédérale, mais elle a jugé que les détails de sa plainte ne justifiaient pas l’examen de l’allégation générale qui y était formulée. La plainte du demandeur portait sur l’application de la politique concernant les exigences linguistiques par l’ASFC lors de la dotation d’un poste en particulier, qui se trouvait dans une région bilingue et qui consistait à superviser des employés travaillant dans les deux langues officielles. La Commission a jugé que le demandeur n’avait pas fourni un fondement suffisant pour démontrer que sa race et sa couleur avaient joué un rôle dans l’application de la politique concernant les exigences linguistiques par l’ASFC.

III. Les questions préliminaires

A. L’intitulé

[18] À la demande du défendeur, et en l’absence d’objections du demandeur, l’intitulé en l’espèce sera modifié de manière à ce que le procureur général du Canada y soit désigné, comme il se doit, à titre de défendeur, conformément à l’alinéa 303(1)a) et au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

B. Les nouveaux éléments de preuve

[19] Le défendeur fait valoir que le dossier du demandeur contient des documents dont ne disposait pas la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision et que ceux‑ci sont donc inadmissibles. Je suis du même avis. De plus, aucune des exceptions à l’admissibilité des éléments de preuve aux fins de contrôle judiciaire ne s’applique à ces documents supplémentaires dans le dossier du demandeur (Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128 aux para 85‑87). Je conclus donc que les documents supplémentaires soumis par le demandeur sont inadmissibles.

IV. La question en litige et la norme de contrôle applicable

[20] La seule question en litige en l’espèce consiste à savoir si la décision de la Commission est raisonnable.

[21] La norme de contrôle applicable est la décision raisonnable, conformément à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov).

[22] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12, 13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif pertinent, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes touchées par ses conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[23] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit établir que la décision comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

V. Analyse

A. La position du demandeur

[24] Le demandeur avance que la Commission n’a pas tenu compte de la façon dont il avait subi un préjudice, du fait que l’ASFC avait choisi d’adopter une politique discriminatoire concernant les exigences linguistiques durant le processus d’embauche pour le poste de niveau PM‑06 qu’il convoitait. Il soutient que la Commission n’a pas appliqué la décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne dans l’affaire Alliance de la capitale nationale sur les relations inter‑raciales c Canada (Ministère de la santé et du bien‑être social), 1997 CanLII 1433 (TCDP) (Alliance de la capitale nationale sur les relations inter‑raciales). Dans cette affaire, le Tribunal canadien des droits de la personne a fait remarquer qu’il y avait une importante sous‑représentation des personnes racisées au sein de la gestion supérieure à Santé Canada et a conclu que les pratiques de dotation à Santé Canada étaient discriminatoires en raison de la façon dont elles avaient des répercussions néfastes disproportionnées sur les personnes racisées (p. 29).

[25] Le demandeur soutient en outre que la Commission n’a pas tenu compte de la façon dont l’ASFC avait commis un abus de pouvoir en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire à l’égard de sa politique linguistique et en adoptant une politique qui l’empêchait d’étudier objectivement chaque candidature. Selon lui, aucune loi n’empêchait l’ASFC de l’embaucher à l’essai et de lui accorder pendant cette période le temps nécessaire pour obtenir le niveau de compétence linguistique requis, soit le niveau CBC. Le demandeur a donné des exemples de directeurs de l’AIPRP d’autres ministères fédéraux qui auraient nommé à des postes de niveau PM‑06 des personnes qui n’avaient pas obtenu le niveau de compétence linguistique CBC à l’ELS.

[26] Le demandeur affirme que la LLO ne prévoit pas que les titulaires de certains postes doivent posséder un niveau de compétence en langue seconde en particulier, et que l’ASFC n’aurait pas enfreint cette loi si elle l’avait embauché, puisque, comme son niveau de compétence linguistique était BBB, il aurait été en mesure de communiquer avec les membres du personnel dans les deux langues officielles. Il prétend que l’ASFC n’a pas prouvé qu’elle aurait subi un préjudice indu si elle l’avait embauché de façon intérimaire, alors que son niveau de compétence en langue seconde était BBB. Par conséquent, le demandeur soutient que la politique linguistique de l’ASFC a été appliquée de façon discriminatoire, de manière à rejeter sa candidature pour le poste de niveau PM‑06 qu’il convoitait.

B. La position du défendeur

[27] Le défendeur fait valoir que, d’après les renseignements fournis, la Commission a raisonnablement conclu qu’il n’était pas justifié d’examiner la plainte de manière plus approfondie. Comme il est mentionné dans le rapport d’enquête, le demandeur ne possédait pas l’une des qualifications essentielles requises pour occuper le poste en question — à savoir un niveau de compétence en langue seconde CBC — et il n’avait pas non plus contesté le fait que l’ASFC avait été en mesure de doter le poste en y nommant une personne dont le niveau de compétence linguistique était supérieur au niveau CBC.

[28] Le défendeur fait remarquer que la décision de rejeter une plainte en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP repose sur les faits et est de nature discrétionnaire (Keith c Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117 aux para 47‑49). Par conséquent, il faut faire preuve d’une très grande retenue à l’égard de l’examen préalable effectué par la Commission (Harvey c Via Rail Canada Inc, 2020 CAF 95 au para 11), et la Commission doit rejeter une plainte si elle est convaincue que l’examen de celle‑ci n’est pas justifié.

[29] Le défendeur reconnaît que le demandeur a eu raison d’affirmer que la LLO n’exige pas l’obtention d’un niveau de compétence en langue seconde en particulier pour occuper le poste de niveau PM‑06 en question. Toutefois, il soutient que les exigences linguistiques de ce poste ont été établies conformément à la politique linguistique de l’ASFC, qui a été mise en œuvre afin d’assurer le respect de la politique linguistique du SCT et de la LLO. L’ASFC n’a pas agi de manière discriminatoire en respectant sa propre politique linguistique. Le défendeur fait en outre valoir que l’ASFC n’était pas tenue d’offrir le poste de niveau PM‑06 au demandeur et de lui accorder une période d’essai pour voir s’il pouvait obtenir le niveau de compétence linguistique CBC requis.

[30] Enfin, le défendeur est d’avis qu’il était raisonnable de la part de la Commission de se concentrer sur la plainte dont elle était saisie, laquelle portait sur des allégations contre l’ASFC à l’égard d’une possibilité d’emploi en particulier, et non pas sur les méthodes contradictoires employées dans l’ensemble de la fonction publique fédérale pour appliquer une politique concernant les compétences en langue seconde (Desgranges c Canada (Service d’appui aux tribunaux administratifs), 2020 CF 315 (Desgranges) aux para 61, 68‑71). Le défendeur soutient que les exemples donnés par le demandeur d’autres entités fédérales que l’ASFC qui avaient offert des postes de niveau PM‑06 à des personnes dont le niveau de compétence en langue seconde était différent de celui exigé pour occuper le poste en question à l’ASFC ne sont pas suffisants pour justifier sa plainte de discrimination systémique dans l’ensemble de la fonction publique.

C. Analyse

[31] Le présent contrôle judiciaire a pour but de trancher la question de savoir si la décision de la Commission est raisonnable, et non d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait le décideur (Vavilov, au para 125). À mon avis, le demandeur n’a pas démontré que la décision de la Commission comportait suffisamment de lacunes pour être jugée déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[32] Lorsque la Commission adopte les recommandations de l’enquêteur et qu’elle ne fournit que des motifs très succincts, la Cour doit considérer que le rapport d’enquête constitue les motifs de la Commission (Phipps c Société Canadienne des Postes, 2016 CAF 117 au para 6). Je suis d’avis que les motifs de décision énoncés dans le rapport d’enquête sont transparents, intelligibles et justifiés au regard des contraintes juridiques et factuelles en l’espèce (Vavilov, aux para 85, 99).

[33] Bien que le rapport d’enquête ne s’intéresse qu’à la question de savoir s’il y a eu discrimination au sens de l’article 7 de la LCDP et, donc, violation des droits du demandeur, je suis d’avis que la Commission a rendu sa décision après avoir examiné la plainte du demandeur de manière équitable et approfondie et qu’en l’espèce, elle n’a omis d’examiner ni des éléments de preuve essentiels ni des questions fondamentales (Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160 au para 74). À l’instar de la Cour dans l’affaire Desgranges, je ne crois pas que la Commission a commis une erreur en examinant la plainte du demandeur à la lumière de l’article 7 de la LCDP, une disposition générale qui est appropriée aux circonstances décrites dans sa plainte (Desgranges, au para 61). Il était raisonnable de la part de la Commission de conclure que la plainte du demandeur portait sur l’application de la politique concernant les exigences linguistiques par l’ASFC lors de la dotation d’un poste en particulier, qui consistait à superviser des employés travaillant dans les deux langues officielles dans une région bilingue, et que le demandeur n’avait pas démontré que sa race et sa couleur avaient joué un rôle dans le choix de ne pas l’embaucher au poste de niveau PM‑06 qu’il convoitait.

[34] De plus, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les exemples donnés par le demandeur, d’autres organismes fédéraux que l’ASFC qui avaient offert des postes de niveau PM‑06 similaires à des personnes dont le niveau de compétence en langue seconde était différent de celui exigé pour occuper le poste en question à l’ASFC, ne sont pas suffisants pour justifier sa plainte de discrimination systémique dans l’ensemble de la fonction publique.

[35] Contrairement à la Cour dans la décision Alliance de la capitale nationale sur les relations inter‑raciales, je ne suis pas d’avis que la présente espèce constitue une affaire de discrimination systémique, où des personnes ayant le même profil que le demandeur — c’est‑à‑dire des personnes noires travaillant à la fonction publique — subissent des répercussions néfastes disproportionnées en raison de l’application d’une politique fédérale concernant les exigences linguistiques. Dans le rapport d’enquête, l’enquêteur explique raisonnablement comment la preuve démontre que le demandeur ne pouvait pas occuper le poste de niveau PM‑06 en question, parce qu’il ne possédait pas le niveau de compétence en langue seconde requis, et non en raison de sa couleur ou de sa race.

[36] Enfin, je ne suis pas d’avis que l’ASFC a commis une erreur en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire d’embaucher le demandeur. Je ne suis pas non plus d’avis que l’ASFC était tenue de lui offrir le poste de niveau PM‑06 en question et de lui accorder une période d’essai ni qu’elle devait prouver qu’elle subirait un « préjudice indu » si le demandeur était embauché de façon intérimaire. Dans sa réponse à la déclaration d’intérêt du demandeur, le directeur exécutif de l’AIPRP de l’ASFC a clairement indiqué qu’il fallait posséder un certain niveau de compétence en langue seconde pour occuper le poste de niveau PM‑06 en question à l’ASFC, ce que le demandeur ne possédait pas. Comme il est mentionné dans le rapport d’enquête, la preuve indique également que les deux personnes qui avaient obtenu un poste de directeur adjoint de niveau PM‑06 à l’ASFC possédaient le niveau de compétence en langue seconde E, qui est supérieur au niveau CBC exigé.

VI. Conclusion

[37] Bien que je compatisse avec le demandeur, je conclus que la décision de la Commission est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T‑1266‑21

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé est modifié de manière à ce que le procureur général du Canada soit désigné comme il se doit à titre de défendeur.

  2. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B., juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1266‑21

 

INTITULÉ :

RAY DAVIDSON c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 FÉVRIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER AVRIL 2022

 

COMPARUTIONS :

Ray Davidson

(pour son propre compte)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Vanessa Wynn‑Williams

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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