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Date : 20011207

Dossier : IMM-5236-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1344

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

  GONZAGUE LOUIS, Pierre

   sous le pseudonyme Jean David Bozor

   demandeur

  et

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

   

  défendeur

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]  Il s’agit d’une requête demandant le sursis de l’exécution d’une mesure de renvoi devenant exécutoire le 27 août 2001 et devant être exécutée le 8 décembre 2001.

[2]  Le 26 novembre, le demandeur a présenté une requête en sursis à l’exécution devant le juge Lemieux qui a été rejetée.

[3]  Toutefois, le juge Lemieux a déclaré, au paragraphe 4 de sa décision, que le demandeur pouvait déposer une nouvelle requête demandant un sursis légal en vertu de l’article 50 de la Loi sur l’immigration.

 

[4]  La Cour est maintenant saisie de cette requête.

[5]  Brièvement, le demandeur a prétendu que l’arrêt du juge Pierre Viau, de la Cour supérieure, en date du 26 septembre 2001, entre en conflit direct avec la décision concernant la prise d’une mesure de renvoi; que les dispositions de l’alinéa 50(1)a) de la Loi sur l’immigration doivent être appliquées et qu’un sursis doit être accordé.

[6]  La décision du juge Viau se lit comme suit :

[traduction]

Le 26 septembre 2001

L’honorable Pierre Viau, juge de la Cour supérieure

La requête a été renvoyée au maître des rôles aux fins d’inscription pour enquête et audition, à condition que le demandeur présente sa demande au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et au directeur du Registre de l’état civil une deuxième fois et que lui et son épouse soient interrogés.

La Cour mentionne aussi que, selon l’avocat du demandeur, celui-ci est entré au Canada sous le nom de Jean Davis « Bozor », lequel était un pseudonyme utilisé par Pierre Gonzague Louis.

Louise Vermette, secrétaire judiciaire.

Pierre Viau, juge de la Cour suprême

[7]  Il ressort clairement de cette décision que le juge Viau voulait uniquement s’assurer que la requête ne serait pas de nouveau faite par écrit et que, vu les circonstances particulières de l’espèce, il voulait que le demandeur et son épouse soient entendus de vive voix lorsque la requête serait présentée.

[8]  La requête en question porte sur une affaire civile non litigieuse et, sur ce point, il incombe à l’avocat du demandeur d’établir la date à laquelle la personne comparaîtra en cour pour présenter sa requête.

[9]  Le demandeur avait toujours été conscient du fait qu’il était entré au Canada sous un faux nom et qu’il avait obtenu son certificat de mariage également sous un faux nom; en conséquence, il n’avait pas besoin d’une ordonnance d’un juge pour savoir que, s’il voulait rectifier les faits, il devait comparaître devant la Cour supérieure et en faire la demande conformément aux dispositions de la Loi.

[10]  Le demandeur exerce essentiellement un contrôle sur son emploi du temps. Néanmoins, comme le mariage a été officialisé le 26 mai 2001, il aurait pu présenter sa requête ou la faire présenter par un tiers à un moment ultérieur à cette date.

[11]  Le demandeur a reçu et signé l’ordonnance d’expulsion le 27 septembre 2001 et, le 5 novembre 2001, il a reçu un avis de convocation à l’aéroport international de Montréal le 8 décembre pour son renvoi.

[12]  L’avis de présentation indiquant la date de l’audience de la rectification du registre de l’état civil était daté du 21 novembre 2001 et il a été présenté au directeur du Registre de l’état civil, au ministre de la Justice et à la Commission de l’immigration le lendemain, soit le 22 novembre 2001. La Cour a également souligné que le demandeur avait déposé sa première requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi le 21 novembre 2001, laquelle était prévue le 8 décembre et avait été signifiée au défendeur, et que la requête en rectification du registre de l’état civil avait été signifiée le jour suivant.

[13]  Il était impossible que l’avocat du demandeur ignore que la date qu’il avait lui-même fixée pour l’audience de cette requête était postérieure à la date fixée pour l’exécution de la mesure de renvoi.

[14]  Je peux conclure sans hésiter que l’alinéa 50(1)a) de la Loi n’a pas été adopté afin de permettre à des individus de se soustraire aux autres obligations imposées par la Loi.

[15]  Dans Cuskic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 3, la Cour d’appel déclare à la page 13, paragraphe 25 :

À mon avis, l’interprétation large que l’on a donnée aux exceptions précises prévues à l’article 50, en particulier à l’alinéa 50(1)a), mène à des conséquences injustes et déraisonnables que le législateur fédéral n’a pu vouloir produire. J’estime qu’il convient, dans les circonstances de l’espèce, [traduction] « où il semble que les conséquences de l’adoption d’une interprétation seraient absurdes [..] de la rejeter en faveur d’une solution de rechange plausible qui évite l’absurdité » : voir R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., 1994, Toronto : Butterworths, à la page 79. La solution de rechange consiste, selon moi, à considérer que les ordonnances de probation n’étaient pas destinées à surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi valable et à empêcher le ministre de remplir l’obligation que lui impose l’article 48 de la Loi d’agir de façon diligente et expéditive.

[16]  De plus, dans Wood v. Minister of Employment and Immigration, 2 F.T.R. 58, le juge en chef adjoint Jerome a déclaré, à la page 60 :

[...] [traduction] L’alinéa a) porte spécifiquement sur une infraction à toute autre ordonnance rendue par un tribunal ou un agent au Canada. Dans les décisions antérieures, on ne trouvait aucune preuve qu’une ordonnance de la Cour renferme des exigences spécifiques qu’un demandeur ne pourrait pas satisfaire s’il était déporté. »

[...]

[5] La Cour n’a désigné aucun agent de probation et aucune des autres conditions n’exige la présence du demandeur au Canada ou sa présence à la Cour à une heure et dans un lieu spécifiques. Par conséquent, l’ordonnance de probation ne satisfait pas au critère que j’ai énoncé dans la décision Williams et, donc, rien n’oblige le ministre à se soustraire à son obligation d’exécuter une ordonnance d’expulsion valide à l’encontre du demandeur.

(Non souligné dans l’original.)

[17]  L’ordonnance du juge Viau n’obligeait en rien le demandeur à comparaître en Cour à une date spécifique; seuls le demandeur et son avocat pouvaient déterminer la date à laquelle l’audience de leur requête en vue de rectifier le registre de l’état civil aurait lieu. Le demandeur aurait pu faire en sorte que la requête soit présentable devant la Cour bien avant le 8 décembre, car il lui était loisible de la retarder ou de l’abandonner. En fait, il n’est nullement tenu de déposer une telle requête, et je ne crois pas non plus qu’une Cour puisse l’obliger à le faire.

[18]  Accepter les arguments du demandeur lui permettrait à la fin de reporter indéfiniment sa requête en rectification du registre de l’état civil, puis de simplement attendre qu’une nouvelle ordonnance d’expulsion soit rendue à son encontre et ensuite d’invoquer à nouveau le jugement du juge Viau en tant que panacée, ce qu’il n’est absolument pas.

[19]   Je n’hésite donc pas à conclure que l’ordonnance du juge Viau ne satisfait pas au critère énoncé à l’alinéa 50(1)a) de la Loi sur l’immigration et que la requête en sursis n’est pas fondée.

[20]  Pour ces motifs, la présente demande de sursis est rejetée.

Pierre Blais 

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Sophie Debbané, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

PREMIÈRE INSTANCE

  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N° DU DOSSIER DE LA COUR :   IMM-5236-01

INTITULÉ : GONZAGUE LOUIS, Pierre, sous le pseudonyme Jean David Bozor C. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :   Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :     Le 6 décembre 2001

MOTIFS DE L’ORDONNANCE DU JUGE BLAIS

DATE :     Le 7 décembre 2001

COMPARUTIONS :

Paul Fréchette  POUR LE DEMANDEUR

Caroline Doyon  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Paul Fréchette 

Montréal (Québec)    POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg 

Sous-procureur général

du Canada    POUR LE DÉFENDEUR

   

 

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