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Date : 20041105

Dossier : IMM-1191-04

Référence : 2004 CF 1557

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

                                                      PACKIYANATHAR, Hudson

                                       (alias Gerasiyan Hudson PACKIYANATHAR)

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SPR), en date du 21 janvier 2004, par laquelle la SPR concluait que Hudson Packiyanathar (le demandeur) n'avait qualité ni de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger. La demande d'asile était fondée sur la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques et le statut de membre d'un groupe social.


LES FAITS PERTINENTS

[2]                Le demandeur est un Tamoul catholique romain, qui déclare avoir vécu au Sri Lanka jusqu'en septembre 2001, date à laquelle il est venu au Canada en passant par les États-Unis. En 1993, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) ont tenté de recruter le demandeur et ses frères. Le demandeur a travaillé pour eux sporadiquement jusqu'en juillet 1999, alors que les TLET l'ont battu, ainsi que son père, menaçant de le tuer parce qu'il aurait été un indicateur de l'armée.

[3]                Le demandeur a réussi à s'échapper, mais il a été capturé par l'armée, en janvier 2000, parce qu'il était soupçonné de militer au sein des TLET. Il a été torturé et battu. Relâché après le versement d'un pot-de-vin, il s'est enfui à Colombo (une autre ville du Sri Lanka). Même là, il a dû soudoyer la police pour ne pas être arrêté. Le demandeur a finalement quitté le Sri Lanka le 5 septembre 2001, pour se rendre aux États-Unis.

[4]                Arrivé à l'aéroport JFK, aux États-Unis, le demandeur a été arrêté mais il a réussi à obtenir que son renvoi soit différé. Cette décision lui permettait de travailler, sans toutefois lui accorder le droit de devenir un résident permanent.

[5]                Le 30 novembre 2001, le demandeur est arrivé au Canada où il a revendiqué le statut de réfugié. Il n'a pas mentionné alors qu'il avait été détenu aux États-Unis.


LA QUESTION EN LITIGE

[6]                La Commission a-t-elle tiré ses conclusions négatives au sujet de la crédibilité de façon arbitraire et sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?

ANALYSE

[7]                La seule question à trancher en l'espèce consiste à déterminer si la conclusion de la SPR quant à l'absence de crédibilité était manifestement déraisonnable.

[8]                Il ressort d'évidence qu'il est difficile d'évaluer la crédibilité d'un demandeur à l'étape du contrôle judiciaire, puisque notre Cour ne dispose pas d'une reconstitution des témoignages présentés à la première audience. C'est justement pour cela que notre Cour n'a pas à se pencher sur la crédibilité du demandeur. Elle doit plutôt appliquer la norme suivante : la SPR a-t-elle agi de façon manifestement déraisonnable en évaluant la crédibilité du demandeur?

[9]                Il est bien établi que la SPR peut fonder sa décision quant à la crédibilité sur le comportement du demandeur à l'audience, sur son aptitude à répondre aux questions de façon claire et honnête, et sur la cohérence et l'uniformité de ses réponses. Il est tout aussi bien établi que les conclusions au sujet de la valeur des témoignages doivent faire l'objet d'une grande retenue judiciaire.


Le comportement du demandeur, la cohérence de ses propos, son aptitude à présenter des faits spécifiques, et la concordance entre ses assertions et les preuves objectives versées au dossier, sont autant de facteurs de crédibilité intérieure, c'est-à-dire de véracité (ou de manque de véracité) manifeste du témoignage du témoin, envisagé en soi et à la lumière du dossier, c'est-à-dire envisagé à la lumière du comportement, de la franchise, de la promptitude, de la cohérence et de l'uniformité des réponses - ce que je qualifierais de fonds de crédibilité. La confusion, la réticence, les réponses évasives et les contradictions seront des indices de manque de crédibilité. (Tong c. Canada (Secrétaire d'État) [1994] A.C.F. no 479, par. 3; voir aussi Lapointe c. Hôpital Le Gardeur [1992] 1 R.C.S. 351.)

[10]            La SPR était la mieux placée pour évaluer la preuve et lui accorder le poids approprié, et c'est ce qu'elle a fait. Le demandeur soutient qu'on aurait dû admettre en preuve le rapport médical dont la SPR n'a pas tenu compte. Ce rapport n'est qu'un simple feuillet d'ordonnance, où l'on a écrit les mots suivants : [TRADUCTION] « Cinq cicatrices arrondies pigmentées à l'avant bras gauche. Selon les dires du patient, il a été torturé dans son pays par un bout de cigarette brûlante. » Il s'agit clairement de ouï-dire, puisque le médecin n'a fait que consigner les dires de son patient. La SPR a accordé à ce document le poids qu'il méritait à son avis, et elle n'a pas considéré qu'il était assez important pour être mentionné dans sa décision. Je ne vois aucune faute à cela.

Le fait que la Section n'a pas mentionné tous et chacun des documents mis en preuve devant elle n'est pas un indice qu'elle n'en a pas tenu compte; au contraire un tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu'à preuve du contraire. (Florea c. Canada (M.E.I.) [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.), par. 1.)


[11]            Quant aux incohérences soulignées par la SPR, le demandeur n'a pas démontré dans sa présentation que les conclusions à ce sujet étaient manifestement déraisonnables. Contrairement à ce que prétend le demandeur, je conclus que les incohérences dans la façon dont il décrit les circonstances dans lesquelles il s'est échappé afin de venir au Canada, son omission répétée de mentionner qu'il avait été détenu après sa libération en janvier 2000, ainsi que les autres lacunes soulignées par la SPR ne sont pas des questions périphériques, mais elles vont au coeur même de sa demande. Très récemment, notre Cour a examiné cette question dans Xie c. Canada (M.C.I.) [2004] 2 R.C.F. 372, où le juge Kelen déclare ceci, au paragraphe 21 :

Dans les observations qu'elle a adressées à la Cour, la demanderesse a contesté la plupart des incohérences et des invraisemblances décelées par la Section des réfugiés. Or, elle ne fait que reprendre, dans ces observations, les explications qu'elle a données au cours de l'audience. La demanderesse n'a pas démontré que la Section des réfugiés a rendu sa décision de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Elle demande essentiellement à la Cour d'apprécier de nouveau la preuve qui a été produite devant la Section des réfugiés, ce qui n'est pas le rôle de la Cour lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire. La Section des réfugiés pouvait raisonnablement en arriver aux conclusions qu'elle a tirées relativement à la crédibilité et aux invraisemblances. En outre, ces conclusions sont fondées sur la preuve et sont étayées par des motifs détaillés. En conséquence, elles ne sont pas manifestement déraisonnables. [Non souligné dans l'original.]

[12]            Pour tous ces motifs, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

-          Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                                     « Pierre Blais »                 

                                                                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1191-04

INTITULÉ :                                                    PACKIYANATHAR, Hudson

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Diane Nancy Doray                                           POUR LE DEMANDEUR

Sylviane Roy                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Diane Nancy Doray                                           POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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