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     IMM-4548-96

ENTRE:

     ERDULFO MEJIA,

     ROMMEL MEJIA,

     LENIN MEJIA

     OLGA ULLOA,

     OLGA MEJIA,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE HEALD, J.S.

         Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 26 octobre 1996, par laquelle la Commission a statué que les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

Les faits

         Les requérants sont citoyens du Honduras. Ils sont arrivés au Canada en 1994. Le requérant travaillait pour une compagnie américaine de culture et d"exportation du tabac. Il avait la responsabilité de la culture commerciale qui était principalement exportée. Ses fournisseurs étaient des coopératives paysannes. Il a témoigné que, au cours de son emploi, il a fréquemment rencontré les paysans fournisseurs. Au cours de cette période, les paysans tentaient de faire reconnaître leurs revendications territoriales à l"égard de lopins de terres non cultivés possédés par des groupes de propriétaires terriens.

         Le requérant a témoigné que, le 15 juillet 1994, il assistait à une réunion de travail avec un groupe de paysans. La réunion a été interrompue par six hommes armés qu"il a cru être des militaires ou des policiers. Le requérant a été accusé d"être un agitateur paysan faisant la promotion de l"envahissement des terres. On l"a forcé à monter dans un camion, on l"a attaché et lui a bandé les yeux. Les mêmes hommes l"ont alors agressé, lui ont fait des menaces de mort et l"ont laissé le long d"un chemin de terre. Deux semaines après sa sortie de l"hôpital, il s"est adressé à la police qui lui a dit qu"elle ferait enquête. Les policiers n"ont toutefois pas pris de notes et n"ont pas pris sa plainte par écrit.

         En juillet 1994, le requérant s"est rendu au Guatemala afin d"obtenir des visas de visiteurs canadiens. À son retour, il a été suivi par des véhicules réputés être ceux utilisés par les militaires, les policiers et les escadrons de la mort. À la mi-août, les requérants ont commencé à recevoir des menaces de mort par téléphone et leur chien a été abattu. Leur maison était surveillée par des individus qu"ils croyaient être des militaires.

         Le requérant a témoigné que, le 12 août 1994, il assistait à une réunion à laquelle il avait convoqué des groupes de paysans en raison de graves problèmes survenus dans l"emballage et la classification du tabac. La réunion a été interrompue par des personnes que le requérant a cru être des militaires. Ces hommes ont tiré des coups de feu et crié qu"ils voulaient l""agitateur". Un technicien a été tué et le requérant croit que ce technicien a été pris pour lui. Il s"est sauvé et a passé la nuit dans les montagnes. Le lendemain, il a communiqué avec sa famille et lui a dit de rester dans un hôtel. Trois jours plus tard, sa famille partait pour le Canada.

         Le requérant est resté caché sur une ferme qu"il possédait. Le 31 août 1994, il a démissionné de son emploi dans l"espoir d"améliorer sa situation. Deux jours plus tard, des hommes armés se sont présentés à la ferme à la recherche du requérant et sont revenus trois jours de suite. Le 6 septembre 1994, le requérant a décidé de quitter le pays. Il est parti le 7 septembre 1994.

La décision de la Commission

         Bien qu"elle ait conclu que le témoignage des deux requérants adultes était compatible avec les déclarations faites dans leurs formulaires de renseignements personnels (FRP) et qu"il avait été livré avec sincérité, la Commission a décidé, néanmoins, que le récit des requérants n"était pas vraisemblable. La Commission a aussi conclu que le fait que le requérant n"ait pas quitté le Honduras avant le 7 septembre 1994 était incompatible avec la peur de persécution qu"il a invoquée. Il avait le droit de partir beaucoup plus tôt (un visa canadien délivré le 22 juillet 1994 et un visa américain pour séjours multiples renouvelé en mai 1994). La Commission a conclu qu"il n"était pas vraisemblable que les auteurs de persécution persécutaient le requérant là où il se cachait, alors qu"il aurait pu suivre sa famille beaucoup plus tôt qu"il ne l"a fait. La Commission a attaché une certaine importance au fait que les requérants n"ont eu aucun problème à quitter le pays. Le départ tant du requérant principal que des autres requérants a été méticuleusement noté par les autorités du Honduras sans que cela pose la moindre difficulté. Selon moi, la preuve soutient la conclusion de la Commission que [TRADUCTION] " nous ne croyons pas qu"il en aurait été ainsi si les militaires mafieux ou leurs semblables avaient été lancés dans une poursuite meurtrière contre M. Mejia dans tout le pays ".

Analyse

         La jurisprudence applicable recommande de faire preuve d"une grande retenue à l"égard des tribunaux comme la Commission, quant à la vraisemblance des témoignages qu"elle a entendus. L"arrêt de principe dans ce domaine a été prononcé par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Aguebor v. Minister of Employment and Immigration1, où le juge Décary a déclaré:

         Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.                 

         En l"espèce, toutes les conclusions contestées par les requérants sont des conclusions portant sur la crédibilité et la vraisemblance. La Commission, tout en faisant le commentaire que le témoignage du requérant était [TRADUCTION] " sincère ", a conclu néanmoins qu"il n"était pas vraisemblable. Il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer une telle conclusion au vu du dossier. Il était clairement loisible à la Commission de déclarer inacceptable l"explication fournie par le requérant quant aux trois semaines qui s"étaient écoulées avant qu"il quitte le pays. De même, il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure, comme elle l"a fait, que les requérants n"étaient pas recherchés par la police ou les militaires, vu la facilité avec laquelle ils avaient pu partir. Les décisions d"un tribunal comme la Commission ne sont révisables que lorsqu"elles sont manifestement déraisonnables. Il est de règle qu"une cour de justice fasse preuve de retenue à l"égard d"un tribunal spécialisé comme celui-là2. Au vu du dossier, je suis incapable de conclure que la Commission a rendu en l"espèce une décision manifestement déraisonnable.

         Par conséquent, et pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Certification

         Aucun des avocats n"a proposé la certification d"une question grave de portée générale aux termes de l"article 83 de la Loi sur l"immigration. Je suis d"accord avec eux. Par conséquent, aucune question n"est certifiée.

     "Darrel V. Heald"

     ___________________________________

     J.S.

Toronto (Ontario),

26 septembre 1997.

Traduction certifiée conforme:      ___________________________________

     Jacques Deschênes

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE:                      IMM-4548-96
INTITULÉ DE LA CAUSE:              ERDULFO MEJIA ET AUTRES
                             et
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE:                  25 SEPTEMBRE 1997
LIEU DE L'AUDIENCE:                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

PRONONCÉS PAR:                      LE JUGE HEALD, J.S.
DATE:                          26 SEPTEMBRE 1997

ONT COMPARU:

Mme Malila Bhardwaj                  pour les requérants
M. David Tyndale                  pour l'intimé

PROCUREURS AU DOSSIER:

Bhardwaj, Pohani Law Office          pour les requérants

20 Eglinton Avenue West

Suite 903

P.O. Box 2057

Toronto, Ontario

M4R 1K8

M. George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                 No du greffe: IMM-4548-96
                                                 Entre:
                                                 ERDULFO MEJIA ET AUTRES,
                                                      requérants,
                                                 et
                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
                                                 DE L"IMMIGRATION,
                                                      intimé.
                                                 MOTIFS DE L"ORDONNANCE
__________________

1      (1993), 160 N.R. 313 (C.A.F.).

2      Comparer avec De Connick v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) , (1996), 110 F.T.R. 207, les motifs du juge Muldoon.

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