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Date : 19990217

Dossier : T-101-98

ENTRE :

PURANDHAR SETLUR,

demandeur,

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]         La Cour est saisie d'une demande d'annulation d'une décision interlocutoire par laquelle Mme Carolyn Brown, présidente du comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada, a refusé, le 17 décembre 1997, de se récuser relativement à l'audition des appels.

[2]         Au début de l'audience devant la Commission, le demandeur était représenté par un avocat, mais le défendeur, le procureur général du Canada, a décidé de ne pas se faire représenter par un avocat.

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[3]         Le demandeur prétend que la présidente s'est écartée, à plusieurs reprises au cours de l'audience, de son rôle d'arbitre impartial.

[4]         Le demandeur soutient que la présidente a fait preuve de partialité, à plusieurs reprises, contre le demandeur, en offrant son aide au représentant du défendeur, sans qu'il l'ait demandée, en posant des questions qui auraient dû être posées par le défendeur, en faisant des remontrances répétées à l'avocat du demandeur et en intimidant le demandeur pendant qu'il témoignait sous serment.

[Traduction] 11.             À deux occasions pendant l'audience, d'abord vers le mois d'août 1997, puis vers le 3 septembre 1997, le demandeur a demandé des enregistrements de l'audience, pour clarifier certaines parties du témoignage; on l'a informé qu'il les obtiendrait après la fin de l'audition et le prononcé d'une décision.

12.            Vers le 30 octobre 1997, le défendeur, qui était représenté jusqu'alors par Ruth Fox, a donné mandat à Me Robert H. Jaworski, un avocat du ministère de la Justice, de prendre l'affaire en charge.

13             Vers le 3 novembre 1997, la présidente a acquiescé à la demande formulée par le nouvel avocat du défendeur en vue d'obtenir un ajournement et les enregistrements de l'audience jusqu'à ce jour[1].

...

15.            La présidente n'a pas mis en doute la décision du défendeur de demander à un avocat de le représenter à un stade aussi avancé de la procédure, ne s'est pas interrogée sur le retard et les problèmes causés au demandeur du fait que l'avocat du défendeur a dû prendre connaissance du dossier et n'a pas invité l'avocat du demandeur à présenter son point de vue avant d'accorder à l'avocat du défendeur les enregistrements qu'il lui demandait.[2]

[5]         Selon l'avocat du demandeur, lorsque Mme Ruth Fox a communiqué avec la présidente, qui lui avait demandé de la rappeler, elles ont :

[Traduction] 19.             ... discuté de plusieurs éléments relatifs à la preuve présentée à l'audience, du ton sur lequel elle se déroulait et de la prétendue contestation de l'intégrité du président du jury de sélection, M. John Tkaczyk...[3]

[6]         L'avocat du demandeur fait valoir les arguments suivants :

[Traduction] 20.             La présidente a fait preuve d'une plus grande partialité encore, en faveur du défendeur, et d'une plus grande hostilité contre le demandeur après le 6 octobre 1997.

21.            Vers le 3 novembre 1997, l'avocat du demandeur a présenté une requête en vue d'obtenir la récusation de la présidente en raison de sa partialité contre le demandeur. Il a invoqué plusieurs motifs à l'appui de cette requête.

...

22.            La présidente a ajourné la requête en récusation pour cause de partialité au 24 novembre 1997, afin de permettre à l'avocat du défendeur de se préparer.

...

23.            Vers le 19 novembre 1997, un fonctionnaire du service des ressources humaines du défendeur, Louis Vigneault, a communiqué avec la présidente au nom de John Tkaczyk ...[4]

[7]         Le demandeur soutient que la présidente a appliqué deux poids deux mesures aux demandes des parties. Lorsque le demandeur a demandé les enregistrements, elle les lui a refusés, alors qu'elle a acquiescé à la même demande de la part du nouvel avocat du défendeur.

[8]         Le demandeur a également souligné que la présidente n'a pas mis en doute la décision du défendeur de demander à un avocat de le représenter à un stade aussi avancé de la procédure et qu'elle ne s'est pas interrogée sur le retard et les problèmes ainsi causés au demandeur.

[9]         Le demandeur soutient aussi qu'il était totalement irrégulier que la présidente communique avec Mme Ruth Fox, qui représentait le défendeur, à l'insu du demandeur, qu'elle discute avec elle de plusieurs éléments relatifs à la preuve produite à l'audience et qu'elle communique en outre avec un fonctionnaire du service des ressources humaines du défendeur, Louis Vigneault; ces deux communications téléphoniques ont contribué à créer une crainte raisonnable de partialité contre le demandeur de la part du comité d'appel.

[10]       Le demandeur plaide aussi qu'au moment où la présidente a communiqué avec Mme Ruth Fox, qui représentait le défendeur, en l'absence du demandeur, et lui a laissé un message dans sa boîte vocale afin de fixer un nouveau moment pour la déposition d'un témoin à l'audition de la requête, le 24 novembre 1997, l'avocat du défendeur a reconnu que le contact avait été établi par M. Vigneault et que cela était irrégulier. Il a aussi admis l'allégation de crainte raisonnable de partialité contre le demandeur de la part du comité d'appel.

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[11]       Le défendeur soutient que la preuve n'étaye pas l'allégation de partialité de la présidente du comité d'appel formulée par le demandeur.

[12]       Le défendeur affirme que la présidente a dirigé l'audience de façon équitable et impartiale. Il plaide que la présidente a pris les mesures nécessaires pour faciliter le bon déroulement de la procédure, comme elle y était autorisée et comme on pouvait s'attendre qu'elle le fasse en vertu de la loi.

[13]       En ce qui concerne les appels de Mme Fox et de M. Vigneault, des explications crédibles ont été fournies quant aux circonstances de leurs entretiens téléphoniques avec la présidente, et la Cour ne doit donc pas en déduire que la présidente n'est pas impartiale à l'égard du demandeur.

[14]       Le défendeur fait aussi valoir que la présidente n'a pas encore tranché les appels du demandeur ni décidé de leur bien-fondé et que les circonstances de l'appel n'ont rien d'extraordinaire, de sorte que la demande est prématurée.

ANALYSE

[15]       Le 7 août 1997, Mme Ruth Fox, qui représentait le défendeur, s'est plainte au comité après avoir constaté que le demandeur était représenté par un avocat, mais d'après ce que je comprends de la transcription, à la page 59, Mme Fox a surtout manifesté sa surprise du fait qu'elle ne savait pas que le demandeur serait représenté, plus particulièrement par un avocat. Elle a aussi dit :

[Traduction] ... et je pense que le ministère est désavantagé, dans une certaine mesure, pour cette raison.[5]

Même si cette affirmation est exacte, elle ne concerne en rien la question de savoir si la présidente est impartiale ou non.

[16]       Plus tard, le 30 octobre 1997, le défendeur, qui était jusqu'alors représenté par Mme Ruth Fox, a donné à Me Robert H. Jaworski, avocat pour le ministère de la Justice, le mandat de prendre l'affaire en charge.

[17]       L'argument du demandeur portant que la présidente n'a pas mis en doute la décision du défendeur de demander à un avocat de le représenter à un stade aussi avancé de la procédure et qu'elle ne s'est pas interrogée sur le retard et les problèmes causés au demandeur du fait que l'avocat du défendeur a dû prendre connaissance du dossier pour la poursuite de la procédure, ce qui démontrerait que le demandeur et le défendeur n'ont pas reçu un traitement égal, est tout à fait incorrect. Toute partie a le droit de se faire représenter par un avocat à n'importe quelle étape de la procédure; c'est un droit fondamental.

[18]       Tout ce que la présidente doit faire, c'est de s'assurer que cette décision ne cause pas de préjudice à une autre partie. En l'espèce, aucune partie n'a subi un préjudice.

[19]       La prétention du demandeur selon laquelle le refus de lui fournir une copie des enregistrements à deux reprises et l'acquiescement à la demande du nouvel avocat fait deux poids deux mesures est aussi incorrecte.

[20]       Lorsque le demandeur a demandé les enregistrements à la présidente, il a dit, en l'absence de son avocat, le 4 septembre 1997 :

[Traduction] Peut-on obtenir une copie des enregistrements?[6]

La présidente lui a répondu :

[Traduction] Oui, eh bien, je crois que la personne qui vous représente a téléphoné concernant les enregistrements. Vous pourrez les obtenir à la fin de -- une fois la décision rendue.

L'appelant a dit : Oh - o.k.

La présidente a ajouté : o.k.[7]

[21]       Comme la présidente l'a expliqué dans sa décision préliminaire, il me semble que les copies des enregistrements de l'audition des appels ne sont habituellement pas fournies avant la fin des audiences, sauf pour des motifs particuliers valables. Lorsque le demandeur a demandé les enregistrements, il n'a pas justifié sa demande. Et on lui a répondu « oui, vous les aurez, mais à la fin de l'audition. »

[22]       La présidente a jugé que la désignation d'un nouvel avocat pour le ministère constituait un motif valable de lui fournir des copies des enregistrements avant la fin des audiences; par conséquent, lorsque l'avocat du ministère a demandé une copies des enregistrements parce qu'il n'avait pas assisté aux cinq premiers jours d'audience, la présidente a décidé de fournir des copies des enregistrements aux deux parties. Elle n'a pas fait deux poids deux mesures et elle n'a pas causé de ce fait un préjudice au demandeur.

[23]       J'ai soigneusement lu la transcription et rejeté la prétention du demandeur selon laquelle la présidente se serait écartée de son rôle d'arbitre neutre. L'allégation portant que la présidente a un préjugé défavorable à la cause du demandeur n'est pas fondée et je dois la rejeter.

[24]       Je ne retiens pas non plus l'allégation de favoritisme de la part de la présidente envers le défendeur. La présidente a posé des questions et tranché des questions de preuve dans le but d'évaluer correctement le bien-fondé de l'affaire. Elle a aussi posé de nombreuses questions afin de clarifier les questions posées au demandeur et de s'assurer qu'il les comprenait bien. Je suis convaincu que la présidente a dirigé l'audition de façon équitable et impartiale.

[25]       J'ai aussi examiné ce qui s'est passé concernant la conversation téléphonique entre Mme Ruth Fox et la présidente.

[26]       Premièrement, la présidente a téléphoné aux deux parties, à Mme Fox et à M. Ramlall, dans le but de fixer une nouvelle date pour l'audience dans cette semaine d'octobre 1997. M. Ramlall a dit à la présidente, au téléphone, qu'il citerait des témoins et qu'il parlerait avec Mme Fox à leur sujet. Mme Fox a rappelé la présidente et, après avoir parlé de la fixation d'une nouvelle date, elle a mentionné ses préoccupations relativement aux renseignements révélés au cours de l'audience et au ton sur lequel elle se déroulait.

[27]       Dans sa décision interlocutoire, la présidente a expliqué clairement avoir indiqué à Mme Fox qu'elle ne devait pas soulever ces questions au téléphone en s'entretenant avec la présidente en dehors de l'audience et, comme on peut le constater à la lecture de la transcription, la présidente a ensuite révélé, à la séance suivante, tout ce qui avait été dit au cours de ses deux entretiens avec l'avocat du demandeur, M. Ramlall, et avec Mme Fox.

[28]       Lorsque la présidente s'est reportée à sa conversation avec Mme Fox à l'audience du 6 octobre 1997, l'avocat du demandeur a répondu :

[Traduction ] Oui. Oui, je pensais que mon amie me préviendrait de ses préoccupations. Je vais bien sûr communiquer avec ma partie opposée avant de -- en cas d'urgence, je m'adresserai au greffier.[8]

[29]       Le 30 octobre 1997, le nouvel avocat du défendeur, Me Jaworski, a envoyé une lettre à la présidente, avec copie au demandeur, pour demander des copies des enregistrements et un ajournement de dix jours afin de prendre connaissance du dossier avant la poursuite de l'audition.

[30]       La présidente a reçu deux lettres de l'avocat du demandeur, dans lesquelles il se disait surpris que la présidente ait décidé de fournir des copies des enregistrements aux parties après avoir déjà refusé de le faire.

[31]       L'avocat du demandeur a aussi mentionné qu'il s'opposerait à la demande d'ajournement de l'avocat du défendeur à la prochaine séance, le 3 novembre 1997.

[32]       Lorsque la présidente a constaté que l'avocat du demandeur contestait la demande d'ajournement, elle n'a absolument pas agi de façon irrégulière en disant aux parties qu'elle avait l'intention d'entendre les arguments des deux parties à la prochaine séance.

[33]       Le 3 novembre 1997, la présidente a clairement mentionné qu'elle voulait entendre les parties relativement à la demande d'ajournement de l'avocat du défendeur. Celui-ci a présenté ses observations pendant un certain temps, après quoi l'avocat du demandeur a mentionné qu'il s'opposait non seulement à la demande d'ajournement de l'avocat du défendeur, mais aussi à la décision de la présidente de fournir les enregistrements aux parties; il a de plus dit avoir reçu pour instructions de son client, le demandeur, M. Setlur, de demander à la présidente de se récuser et de s'abstenir de procéder à l'audition.

[34]       Il est un peu surprenant que l'avocat du demandeur n'ait pas mentionné dès le début de la séance que son client lui avait donné pour instructions de demander à la présidente de se récuser et de s'abstenir de procéder à l'audition et qu'il ait plutôt attendu que l'avocat du défendeur ait fini de présenter sa demande à la présidente.

[35]       À cette étape de la procédure, la présidente a décidé d'ajourner l'audition jusqu'au 24 novembre 1997 pour permettre aux parties de se préparer à faire valoir leurs prétentions sur la question de savoir si la présidente devait ou non se récuser et s'abstenir de procéder à l'audition.

[36]       Le 24 novembre 1997, au cours de la séance, le demandeur a appris que M. Louis Vigneault avait tenté de communiquer avec la présidente le 19 novembre 1997, puisque l'affidavit de ce dernier disait :

[Traduction] J'avais l'intention de m'enquérir de la possibilité d'examiner les allégations de M. Setlur dans un ordre différent, de façon que M. Tkaczyk puisse assister à la conférence fiscale à Vancouver. J'ai laissé un message dans la boîte vocale de Mme Brown concernant le conflit d'horaire de M. Tkaczyk. Je ne lui ai pas parlé directement.[9]

[37]       Toujours le 24 novembre 1997, la présidente a mentionné avoir reçu le message laissé par M. Vigneault dans sa boîte vocale :

[Traduction] ...J'ai laissé un message dans la boîte vocale de M. Vigneault pour l'informer qu'il ne pouvait pas communiquer avec moi pendant l'instruction de l'appel et qu'une telle demande devait être adressée à l'avocat du ministère.[10]

[38]       La présidente a clairement mentionné dans sa décision interlocutoire que Mme Fox et M. Vigneault n'auraient pas dû lui téléphoner. Elle a ajouté :

[Traduction] ...Ces deux appels ne touchaient que des questions administratives concernant l'appel et il n'a pas été discuté du bien-fondé de l'affaire.[11]

[39]       Je rejette l'argument selon lequel la présidente et le défendeur auraient communiqué ensemble en cachette du demandeur, lui causant ainsi un préjudice. La présidente a fourni, dans sa décision préliminaire, une explication complète, claire et crédible relativement à tous les faits concernant les deux appels téléphoniques.

[40]       Enfin, le dernier argument, mais non le moindre, porte que l'avocat du défendeur a convenu avec l'avocat du demandeur que ces circonstances particulières avaient créé une crainte raisonnable de partialité contre le demandeur de la part du comité d'appel.

[41]       J'ai lu la transcription et j'estime que l'avocat du défendeur était contrarié à l'époque par l'irrégularité de la conduite de deux employés de son client et plus particulièrement par le fait que M. Vigneault a tenté de communiquer avec la présidente sans l'avertir. La Cour n'est pas liée par l'affirmation faite à l'époque par l'avocat du défendeur.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[42]       L'avocat du défendeur a soulevé deux questions principales :

a.La demande est-elle prématurée?

            b.Existe-t-il une crainte raisonnable de partialité?

[43]       L'avocat du demandeur a invoqué l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass[12] à l'appui de son argument portant que de nombreux principes de déontologie doivent être observés pour préserver l'impression d'indépendance que doit donner le pouvoir judiciaire :

[Traduction]

i.               L'avocat d'une partie ne doit pas discuter d'une affaire donnée avec le juge sauf si l'autre partie est au courant, même si sa préoccupation touche une question de procédure et si elle est légitime.

ii.              L'avocat ne devrait pas accéder aux demandes d'une partie sans accorder à l'autre partie la possibilité de présenter son point de vue.

[44]       En ce qui concerne plus particulièrement les appels téléphoniques entre la présidente, Mme Fox et M. Vigneault, j'estime quant à moi que ces principes n'ont pas été enfreints parce que ces irrégularités ont été commises par une personne qui représentait le défendeur et par un autre employé du même défendeur, qu'ils ont été réprimandés directement au téléphone et que, par la suite, lorsque le tribunal a entendu l'affaire, tous les faits mentionnés au cours de ces entretiens ont été portés à l'attention de l'autre partie, à la première occasion, à la séance suivante.

[45]       Le défendeur a cité l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie[13].

La Cour d'appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[46]       Les deux parties se sont reportées à l'arrêt Tobiass[14] :

[par. 70] Le critère qui permet de déterminer si l'impression d'indépendance que doit donner le pouvoir judiciaire a été maintenue est un critère objectif. Il s'agit de savoir si un observateur bien informé et raisonnable conclurait que l'indépendance du pouvoir judiciaire a été compromise. Comme le juge en chef Lamer l'a dit dans l'arrêt R. c. Lippé, [1991] 2 R.C.S. 114, à la p. 139, « [l]a garantie d'indépendance judiciaire vise dans l'ensemble à assurer une perception raisonnable d'impartialité » .

[par. 71] L'essence de l'indépendance judiciaire est le fait d'être libre de toute ingérence extérieure. Dans Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56, à la p. 69, le juge en chef Dickson a défini ce concept en ces termes :

Historiquement, ce qui a généralement été accepté comme l'essentiel du principe de l'indépendance judiciaire a été la liberté complète des juges pris individuellement d'instruire et de juger les affaires qui leur sont soumises: personne de l'extérieur -- que ce soit un gouvernement, un groupe de pression, un particulier ou même un autre juge -- ne doit intervenir en fait, ou tenter d'intervenir, dans la façon dont un juge mène l'affaire et rend sa décision. Cet élément essentiel continue d'être au centre du principe de l'indépendance judiciaire.

[47]       L'avocate du défendeur a eu raison d'affirmer que ce critère s'applique à l'indépendance judiciaire. En l'espèce, ce n'est pas une décision de la Cour, mais une décision d'un tribunal administratif qui est en cause, et un tribunal administratif a le pouvoir de contrôler sa propre procédure pour s'assurer que justice soit rendue conformément à l'équité procédurale.

[48]       J'ai examiné la transcription de l'audition et j'ai étudié soigneusement la décision de la présidente et je crois qu'elle a procédé à l'audition de façon équitable et impartiale et que, si les parties s'étaient mieux préparées à comparaître devant le tribunal, elles auraient pu éviter pareille situation.

[49]       J'estime que la présidente a eu raison d'écrire, dans sa décision préliminaire :

[Traduction] Il est malheureux que la conduite du ministère ait amené l'appelant à s'inquiéter de la perception ou de l'apparence de partialité de la part de la présidente du comité d'appel.[15]

[50]       Le demandeur n'a pas réussi à convaincre la Cour de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité.


[51]       Pour ces motifs, la demande est rejetée avec dépens.

                                                                                                                                           Pierre Blais          

                                                                                                                                    juge

OTTAWA (Ontario)

17 février 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                                 T-101-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                PURANDHAR SETLUR

                                                                        et

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                19 JANVIER 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS ET DE L'ORDONNANCE : 17 FÉVRIER 1999

ONT COMPARU :

Me Latha Sukumar                                             au nom du demandeur

Me Vicky Lou McCaffrey                                  au nom du défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Latha Sukumar

49, croissant Sterling

Markham (Ontario)

L3R 7K3                                                          au nom du demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                               au nom du défendeur



     [1] Dossier du demandeur, onglet 5, Exposé des faits et du droit, paragraphes 11, 12 et 13.

     [2] Dossier du demandeur, onglet 5, Exposé des faits et du droit, paragraphe 15.

     [3] Dossier du demandeur, onglet 5, Exposé des faits et du droit, paragraphe 19.

     [4] Dossier du demandeur, onglet 5, Exposé des faits et du droit, paragraphes 20 à 23.

     [5]Volume 1, page 59, transcription de l'audience du 7 août 1997.

     [6] Volume 3, page 6, transcription de l'audience du 4 décembre 1997.

     [7] Volume 3, page 7, transcription de l'audience du 4 décembre 1997.

     [8] Volume 4, page 4, transcription de la séance du 6 octobre 1997.

     [9] Dossier du défendeur, onglet 2, affidavit de Louis Vigneault, signé le 23 février 1998, page 9.

     [10]                Décision interlocutoire rendue par la présidente le 17 décembre 1997, page 2.

     [11]                Décision interlocutoire rendue par la présidente le 17 décembre 1997, page 6.

     [12]                [1997] 3 R.C.S. 391, aux paragraphes 68 et 69.

     [13]                (1976), 68 D.L.R. (3d) 716 (C.S.C.), à la page 737.

     [14]                Note 13, précité, paragraphes 70 et 71.

     [15]                Décision interlocutoire rendue par la présidente le 17 décembre 1997, à la page 6.

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