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Date : 20220106

Dossier : IMM‑3033‑21

Référence : 2022 CF 10

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

ZHUOLUN DU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Zhuolun Du, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 22 avril 2021, par laquelle un agent des visas (l’agent) de l’ambassade du Canada à Beijing, en Chine, a rejeté sa demande de permis de travail au motif qu’il est interdit de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] Le demandeur soutient que la décision de l’agent est déraisonnable, parce que ce dernier a conclu a) qu’il avait omis de signaler des faits importants à propos de ses antécédents d’immigration et b) qu’il avait fourni un dossier d’emploi frauduleux et avait fait une présentation erronée sur ses antécédents professionnels. Le demandeur prétend en outre que son droit à l’équité procédurale n’a pas été respecté, car la lettre relative à l’équité procédurale de l’agent était trompeuse.

[3] Pour les motifs énoncés ci‑après, je conclus que la décision de l’agent est raisonnable et qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Les faits

A. Le demandeur

[4] Le demandeur est un ressortissant de la Chine âgé de 35 ans. Il a vécu au Canada d’octobre 2011 à août 2017.

[5] En novembre 2020, le demandeur a fait appel à un consultant en immigration (le consultant) pour l’aider à présenter une demande de permis de travail au Canada en s’appuyant sur l’offre d’emploi qu’il avait reçue pour travailler comme superviseur des services alimentaires au restaurant Dagu Rice Noodle, situé à Edmonton.

[6] Dans sa demande de permis de travail, le demandeur a indiqué qu’il travaillait comme superviseur de cuisine au restaurant Sanshijia, en Chine, depuis décembre 2018.

[7] Le 11 janvier 2021, l’agent a demandé au demandeur de fournir des relevés de ses cotisations d’impôt sur le revenu des particuliers, ainsi qu’un relevé de ses cotisations d’assurance sociale pour la période de 2017 à 2020. Le consultant a soumis les documents demandés le 29 janvier 2021.

[8] Le 12 mars 2021, le demandeur a reçu une lettre relative à l’équité procédurale d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, dans laquelle l’agent disait craindre que le demandeur ne puisse pas satisfaire aux exigences du paragraphe 16(1) de la LIPR. Plus précisément, cette lettre mentionnait ce qui suit :

[traduction]

Je crains que vous ne puissiez pas satisfaire aux exigences du paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui est ainsi libellé :

16(1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

1. Plus précisément, je doute que vous ayez répondu véridiquement à la question 2b) de la section sur les antécédents, qui est ainsi libellée : « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire? »

2. Votre emploi de superviseur de cuisine au restaurant Sanshijia n’est pas authentique.

[Souligné dans l’original.]

[9] Le 25 mars 2021, le consultant a répondu à la lettre relative à l’équité procédurale au nom du demandeur, en expliquant que ce dernier avait commis une erreur de bonne foi et avait oublié de fournir des renseignements sur le visa de visiteur qu’avaient refusé de lui délivrer les États‑Unis en 2015. Il a également fourni de plus amples renseignements sur l’emploi du demandeur au restaurant Sanshijia, de même que des photographies et un rapport d’enquête rédigé par un cabinet d’avocats en Chine confirmant l’authenticité des renseignements personnels du demandeur et de la lettre d’emploi du propriétaire du restaurant (le rapport d’enquête).

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[10] Dans une lettre datée du 22 avril 2021, l’agent a rejeté la demande de permis de travail du demandeur au motif qu’il est interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

[11] Dans les notes qu’il a consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC), lesquelles font partie des motifs de sa décision, l’agent a écrit que le demandeur n’avait pas dissipé les réserves soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur avait fourni un dossier d’emploi frauduleux et avait dissimulé des renseignements relativement à ses antécédents d’immigration. L’agent a souligné que le demandeur avait reconnu avoir commis une erreur de bonne foi lorsqu’il a omis de mentionner que les autorités américaines avaient refusé de lui délivrer un visa de visiteur en 2015. Cependant, il n’en a pas moins conclu que le demandeur n’avait pas non plus signalé que sa demande de résidence permanente au Canada avait été rejetée en 2018. L’agent était aussi d’avis que le demandeur avait fait une présentation erronée sur ses antécédents professionnels au restaurant Sanshijia. Par conséquent, conformément à l’alinéa 40(2)a) de la LIPR, l’agent a conclu que le demandeur est interdit de territoire pour une période de cinq ans à compter de la date du rejet de sa demande.

III. La question préliminaire : les éléments de preuve extrinsèques joints aux affidavits

[12] Le défendeur s’oppose aux pièces N et O des affidavits souscrits par Teina Wang, assistante juridique au cabinet de l’avocate du demandeur (l’assistante juridique). La pièce N est constituée d’une copie des deux premiers chapitres de la loi sur l’assurance sociale de la République populaire de Chine, et la pièce O est constituée d’une copie de la loi de l’impôt sur le revenu des particuliers de la République populaire de Chine. L’assistante juridique a utilisé Google Translate pour traduire ces deux pièces en anglais. Le défendeur affirme que ces pièces comportent des éléments de preuve extrinsèques qui auraient dû être présentés à l’agent, et il conteste la méthode utilisée pour traduire ces pièces.

[13] Le demandeur reconnaît que les pièces N et O n’avaient pas été présentées à l’agent, mais il soutient qu’elles ne constituaient pas un avis juridique. Elles visaient plutôt à fournir des renseignements généraux à la Cour pour l’aider à trancher la question de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

[14] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les pièces N et O de l’affidavit de l’assistante juridique sont irrecevables en raison de la méthode utilisée pour les traduire. Ces pièces ne seront donc pas prises en compte.

[15] Le défendeur fait en outre valoir que les affidavits du demandeur et de sa sœur devraient être radiés du dossier du demandeur, car ils contiennent des renseignements qui sont des éléments de preuve extrinsèques ou qui énoncent une opinion ou un argument. Il soutient que, lorsque l’on tente de s’attaquer à une décision, la cour de révision ne peut pas examiner des éléments de preuve dont ne disposait pas le décideur (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 11 au para 29).

[16] Je suis d’avis que ces affidavits renferment des explications en ce qui a trait aux renseignements qui n’avaient pas été fournis à l’agent, comme les raisons pour lesquelles le demandeur n’avait pas indiqué dans sa demande de permis de travail qu’il avait fait une demande de résidence permanente au Canada en 2018. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte des affidavits du demandeur et de sa sœur, puisqu’ils contiennent des éléments de preuve extrinsèques.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[17] Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision de l’agent est‑elle raisonnable?

  2. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[18] Les parties conviennent que la norme de contrôle qui s’applique à la décision d’un agent de délivrer ou non un permis de travail est celle de la décision raisonnable.

[19] Je suis d’avis que la norme de contrôle qui s’applique à la décision de l’agent en l’espèce est celle de la décision raisonnable (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 764 au para 12). La question de l’équité procédurale doit être examinée selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée) aux para 37‑56). Cette conclusion est conforme à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux paragraphes 16‑17.

[20] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov, aux para 12‑13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[21] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que la décision comporte une lacune suffisamment capitale ou importante (Vavilov, au para 100). Ce ne sont pas toutes les erreurs ou préoccupations au sujet des décisions qui justifieront une intervention. Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

[22] La norme de la décision correcte, en revanche, est une norme de contrôle qui ne commande aucune déférence. La cour appelée à statuer sur une question d’équité procédurale doit essentiellement se demander si la procédure était équitable compte tenu de toutes les circonstances, y compris les facteurs énumérés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 21‑28 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 54).

V. Analyse

A. La décision de l’agent est‑elle raisonnable?

[23] Aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, un étranger est jugé interdit de territoire au Canada s’il fait « directement ou indirectement, [...] une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la [LIPR] ». Les principes généraux qui se dégagent des décisions de notre Cour sur l’alinéa 40(1)a) de la LIPR ont été résumés par le juge LeBlanc (alors juge à la Cour fédérale) dans la décision Tuiran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 324 (Tuiran) (citant Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 aux para 38 et 39). Au paragraphe 25 de la décision Tuiran, la Cour a confirmé que les principaux éléments de ces décisions sont les suivants :

  • 1) la disposition doit être interprétée largement afin de favoriser l’objectif qui la sous‑tend;

  • 2) elle a pour objet de décourager les fausses déclarations et de protéger l’intégrité du processus d’immigration au Canada;

  • 3) les exceptions à cette règle générale sont définies de manière étroite et ne s’appliquent qu’aux situations vraiment exceptionnelles;

  • 4) le demandeur est soumis à une obligation continue de franchise et doit fournir des renseignements complets, fidèles et véridiques lorsqu’il présente une demande d’entrée au Canada;

  • 5) il faut tenir compte du libellé de la disposition et de l’objet qui la sous‑tend pour décider si une présentation erronée porte sur un fait important;

  • 6) une présentation erronée porte sur un fait important si elle a une incidence sur le processus d’immigration;

  • 7) une présentation erronée n’a pas besoin d’être décisive ou déterminante pour être importante;

  • 8) le demandeur ne peut tirer parti du fait que la fausse déclaration a été mise au jour par les autorités d’immigration avant qu’elles ne se prononcent sur la demande;

  • 9) l’analyse de l’importance ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement de la demande;

  • 10) la question de savoir si une présentation erronée risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR doit être examinée en fonction du moment où la fausse déclaration a été faite.

[24] De plus, un demandeur peut être interdit de territoire même si la fausse déclaration a été faite par une autre partie (Tuiran, au para 26).

(1) L’omission d’antécédents d’immigration pertinents

[25] Lorsqu’il a répondu à la question sur ses antécédents d’immigration dans le formulaire de demande de permis de travail, le demandeur n’a mentionné ni le rejet de sa demande de visa de visiteur aux États‑Unis en 2015 ni le rejet de sa demande de résidence permanente au Canada en 2018. Dans la lettre relative à l’équité procédurale envoyée au demandeur, l’agent a écrit ce qui suit :

[traduction]

« Plus précisément, je doute que vous ayez répondu véridiquement à la question 2b) de la section sur les antécédents, qui est ainsi libellée : “Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis, interdit l’entrée ou demandé de quitter le Canada ou tout autre pays ou territoire?” »

[Souligné dans l’original.]

[26] Dans la réponse qu’il a fournie au nom du demandeur, le consultant a donné des renseignements au sujet du rejet de la demande de visa de visiteur aux États‑Unis en 2015, mais il n’a fait aucune mention du rejet de la demande de résidence permanente au Canada en 2018 :

[traduction]

M. Zhuolun Du et sa famille ont présenté une demande de visa de visiteur aux États‑Unis en 2015. Ils prévoyaient faire un voyage familial aux États‑Unis, mais, malheureusement, la demande de M. Du a été rejetée. Ce dernier n’avait pas l’intention de dissimuler cette information. Il avait simplement oublié ce rejet lorsque nous avons présenté sa demande. Veuillez donc l’excuser pour cette erreur commise de bonne foi.

[27] Le demandeur prétend que son omission de révéler qu’il avait présenté une demande de résidence permanente en 2018 constituait une erreur de bonne foi, et qu’il croyait honnêtement qu’il ne faisait pas une présentation erronée. Le demandeur invoque la décision Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299, dans laquelle la Cour a déclaré au paragraphe 15 qu’« [i]l y a toutefois une exception si les demandeurs peuvent montrer qu’ils croyaient honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants » (renvoi omis).

[28] Le défendeur soutient que cet argument est sans fondement, car il est bien établi en droit que le demandeur est responsable de la véracité du contenu de sa demande (Bodine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 848 au para 41; Ji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1219 au para 21). D’après le défendeur, l’exception relative aux fausses déclarations faites de bonne foi ne s’applique que « dans des circonstances limitées où “il ne s’agissait pas d’un renseignement dont la connaissance échappait à [l]a volonté” » du demandeur (Tuiran au para 27, citant Suri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 589 au para 20). De plus, il soutient que, hormis l’inadvertance du demandeur, rien ne prouve que la situation était exceptionnelle.

[29] Je suis du même avis. Je ne suis pas convaincu que la situation du demandeur en l’espèce était exceptionnelle et que la connaissance de la présentation erronée échappait à sa volonté (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 107 au para 32, citant Goudarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 425 au para 40). La jurisprudence établit clairement que « les demandeurs d’un statut au Canada ont l’obligation de veiller à ce que les renseignements fournis en leur nom so[ie]nt exacts et complets » (Ibe‑Ani c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 1112 au para 29, citant Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059 aux para 53‑58, conf par 2006 CAF 345).

[30] Je suis donc d’avis qu’il était raisonnable pour l’agent de conclure que les omissions du demandeur concernant ses antécédents d’immigration étaient pertinentes et importantes quant à l’examen de sa demande de permis de travail, d’autant plus que l’occasion lui avait été donnée de dissiper les réserves soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale.

(2) Les antécédents professionnels

[31] L’agent a soulevé la question de l’authenticité de l’emploi du demandeur au restaurant Sanshijia dans la lettre relative à l’équité procédurale. En réponse à cette lettre, le consultant a notamment fourni des photographies montrant le demandeur au restaurant Sanshijia et le rapport d’enquête confirmant l’authenticité des documents présentés par le demandeur, dont une lettre d’emploi du propriétaire du restaurant, ainsi que les relevés des cotisations d’assurance sociale et des cotisations d’impôt sur le revenu du demandeur. Après avoir reçu la réponse du demandeur à la lettre relative à l’équité procédurale, l’agent a examiné ses antécédents professionnels et scolaires, de même que les relevés de ses cotisations d’impôt sur le revenu et de ses cotisations d’assurance sociale pour la période de 2017 à 2020. L’agent a constaté que, le 18 janvier 2021, le demandeur avait fait un paiement rétroactif d’impôt pour la période d’imposition de 2017 à 2020, et que le propriétaire du restaurant Sanshijia, qui était son employeur, n’avait pas payé sa quote‑part à l’assurance sociale du demandeur, comme l’exigeait la loi en Chine. Dans ses motifs, l’agent mentionne ce qui suit :

[traduction]

Il incombe à l’employeur de cotiser à l’assurance sociale et de payer la quote‑part de l’employé en [son] nom. C’est pourquoi le nom de l’employeur figure sur le formulaire.

[32] Le demandeur fait valoir que, dans ses motifs, l’agent laisse entendre à tort que le restaurant Sanshijia n’était pas son employeur, car il avait payé lui‑même ses cotisations à l’assurance sociale et ses cotisations d’impôt sur le revenu. Il affirme que les réserves de l’agent quant à l’authenticité de son emploi au restaurant Sanshijia reposent sur sa compréhension selon laquelle la loi chinoise exige que l’employeur verse des cotisations à l’assurance sociale et des cotisations d’impôt au nom de son employé. Le demandeur reconnaît certes qu’il est loisible à l’agent de tenir compte du droit étranger lorsqu’il examine une demande, mais il soutient qu’il incombait à l’agent en l’espèce de démontrer qu’il avait bien interprété le droit étranger, puisqu’il s’est appuyé sur celui‑ci pour tirer une inférence à l’égard de faits importants.

[33] Le défendeur avance que l’agent a apprécié adéquatement l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise avant de rendre sa décision. Plus précisément, le défendeur soutient que l’agent a conclu de manière raisonnable que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve fiables concernant son emploi au restaurant Sanshijia et qu’il n’avait pas expliqué pourquoi son employeur n’avait pas versé des cotisations à l’assurance sociale ou des cotisations d’impôt en son nom, comme l’exige la loi chinoise.

[34] Je suis d’avis que l’agent s’est appuyé à juste titre sur ses connaissances personnelles des conditions locales, y compris sur sa compréhension du droit étranger, lorsqu’il a examiné la demande (Mohammed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 992 aux para 7 et 8, citant Bahr c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 527 au para 42). Il faut faire preuve de déférence à l’égard de l’expertise et de la compréhension du droit étranger qu’a l’agent. Je suis donc d’avis que la conclusion de l’agent quant à l’authenticité de l’emploi du demandeur est raisonnable.

B. Y a‑t‑il eu manquement à l’équité procédurale?

[35] Le demandeur prétend que son droit à l’équité procédurale n’a pas été respecté, car l’agent n’avait pas indiqué clairement ses réserves dans la lettre relative à l’équité procédurale. Il affirme que l’agent l’a induit en erreur en soulignant les mots [traduction] « refusé un visa » et [traduction] « ou tout autre pays » dans la lettre relative à l’équité procédurale. Il soutient que, en raison de ce soulignement, le consultant a cru que la question avait pour but de savoir si le demandeur s’était déjà vu refuser un visa dans d’autres pays, et il n’a pas mentionné le rejet de la demande de résidence permanente du demandeur au Canada dans sa réponse à cette question. Le demandeur fait en outre valoir que « [p]our qu’une lettre relative à l’équité procédurale soit équitable, elle doit indiquer au demandeur quelles sont les préoccupations de l’agent » (Punia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184 (Punia) au para 62). Il affirme également qu’il ne savait pas quels renseignements il devait fournir pour dissiper les réserves de l’agent, notamment en ce qui a trait, plus spécifiquement, à son emploi.

[36] Dans l’affaire Punia, dans laquelle la demanderesse n’avait pas mentionné le rejet de sa demande de résidence permanente dans son formulaire de demande, la Cour a conclu que la lettre relative à l’équité procédurale de l’agent des visas n’indiquait pas quels éléments du dossier de la demanderesse rendaient sa demande inexacte (au para 62). La demanderesse dans cette affaire se représentait elle‑même. Elle avait envoyé un courriel de suivi, dans lequel elle suggérait à l’agent de consulter son dossier afin de déterminer si elle avait bien répondu à la lettre relative à l’équité procédurale (au para 59). La Cour a déclaré que cet effort ne donnait pas à penser que la demanderesse tentait d’induire en erreur ou de faire de fausses déclarations, mais qu’il témoignait clairement de sa confusion (au para 63). Contrairement à la demanderesse dans l’affaire Punia, qui se représentait elle‑même, le demandeur en l’espèce a fait appel à un consultant pour l’aider à présenter sa demande. Je suis donc d’avis qu’il n’était pas utile pour le demandeur de s’appuyer sur l’affaire Punia.

[37] Le défendeur fait valoir que l’obligation d’équité procédurale envers les demandeurs de visa se trouve à l’extrémité inférieure du spectre (Mehfooz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 165 au para 12, citant Hamza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 264 au para 23), et que les droits du demandeur en matière d’équité procédurale ont été respectés tout au long du processus. Avant l’envoi de la lettre relative à l’équité procédurale, l’agent a demandé au demandeur de soumettre ses relevés de cotisations d’impôt sur le revenu et de cotisations d’assurance sociale. D’après le défendeur, lorsqu’un agent fait une telle demande dans le contexte d’une demande de permis de travail, le demandeur devrait raisonnablement savoir que l’agent s’intéresse à ses antécédents professionnels. Le défendeur affirme en outre que la lettre relative à l’équité procédurale indique clairement les réserves qu’avait l’agent à l’égard de la demande du demandeur (Bhamra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 239 au para 43).

[38] Je souscris à l’affirmation du défendeur. Je suis d’avis que la lettre relative à l’équité procédurale contenait suffisamment de détails pour que le demandeur ait une possibilité véritable de dissiper les réserves de l’agent (Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 809 au para 39). Bien que je reconnaisse que la mise en relief de certains mots dans la lettre relative à l’équité procédurale ait pu porter à confusion, je ne suis pas d’avis que la phrase en question laisse entendre que seuls les visas refusés par d’autres pays étaient à l’origine des réserves de l’agent. En fait, la première partie [traduction] « Vous a‑t‑on déjà refusé un visa ou un permis » est très claire, et le fait de souligner les mots [traduction] « refusé un visa » donne à penser que cette information était particulièrement importante. Il ressort également de l’examen des notes consignées dans le SMGC que l’agent a adéquatement tenu compte de la réponse du demandeur à la lettre relative à l’équité procédurale.

[39] Je suis d’avis qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

VI. Conclusion

[40] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de l’agent est raisonnable. Je suis d’avis qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[41] Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3033‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Manon Pouliot, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3033‑21

 

INTITULÉ :

ZHUOLUN DU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 DÉCEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Monica Wang

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Galina Bining

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Duke Law Office

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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