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Date : 19990423


Dossier : IMM-1598-98

OTTAWA (ONTARIO), le 23 avril 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :


NZIUKI (JEAN-CLAUDE) SITA,


demandeur,

ET :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

[1]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SSR est annulée et

l"affaire est renvoyée pour réexamen et décision par un tribunal différemment constitué.


" P. Rouleau "

_____________________________

JUGE

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules


Date : 19990423


Dossier : IMM-1598-98

ENTRE :


NZIUKI (JEAN-CLAUDE) SITA,


demandeur,

ET :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié rendue le 20 mars 1998 dans laquelle la Commission a statué que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est un citoyen du Zaïre de trente-quatre ans. Il a été professeur de culture africaine et il a aussi enseigné l"anglais au niveau secondaire de 1987 à 1996. En 1987, il devînt un membre actif de l"UDPS, un parti politique en faveur de la démocratie. Le demandeur a assisté à des rencontres et a participé à des manifestations. Pendant ses cours magistraux et aussi à l"occasion de réunions scolaires, il a propagé les idées de l"UDPS. Comme conséquence de ces activités, le demandeur prétend qu"il était ciblé.

[3]      En septembre 1996, deux militaires ont abordé le demandeur dans la rue et lui ont dit de monter dans leur véhicule. Devant le refus du demandeur, ils ont sorti leurs fusils. Le demandeur prétend qu"il a passé les trois jours suivants dans une cellule sombre, sans nourriture. On l"a détenu pendant neuf jours et menacé dans le but de lui faire quitter son poste de professeur. À partir de ce moment, des gens en uniforme l"ont constamment harcelé.

[4]      En janvier 1997, le demandeur a été arrêté pendant qu"il revenait d"une manifestation politique. Pendant sa détention, un gardien l"a aidé à s"échapper et il a fui au Canada. Il craint d"être persécuté du fait de ses opinions politiques.

[5]      Une des conclusions de la Commission qui est attaquée est la suivante :

                Le tribunal est d"avis que l"ensemble de votre témoignage n"établit pas une crainte bien fondée de persécution.                
                ...                
                À la lumière de votre preuve, le tribunal ne croit pas que les autorités de de l"AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) s"intéressent à vous.                
                Aussi, parce que dans le passé vous n"avez pas eu de difficulté avec les autorités de Mobutu. À cet effet, le tribunal ne croit pas que vous avez été arrêté le 3 septembre 1996, parce qu"à l"époque vous n"étiez plus un enseignant.                

[6]      Le demandeur soumet que la Commission a commis une erreur de droit en dénaturant la preuve et en tirant des conclusions déraisonnables compte tenu de la preuve au dossier. Il allègue que la preuve présentée à la Commission appuie la thèse selon laquelle il était un activiste de l"UDPS et que la Commission a sous-estimé l"importance de son " adhérence à un parti politique d"opposition ". La Commission n"a pas bien soupesé la preuve en raison de ses réserves quant à la crédibilité du demandeur, ce qui a entraîné une conclusion erronée qui fait abstraction de la preuve.

[7]      Dans sa décision, la Commission donne à entendre qu"elle ne croit pas que le demandeur a été arrêté en septembre 1996, concluant ainsi erronément que le demandeur n"était plus un enseignant au jour de l"arrestation.

[8]      Il est allégué que la preuve documentaire établit clairement une crainte bien fondée de persécution au Zaïre/RDC suite au changement de gouvernement et que la Commission n"a pas apprécié convenablement cette preuve qui corrobore la crainte de persécution du demandeur.

[9]      Finalement, le demandeur soumet que son témoignage doit être présumé véridique à moins qu"il n"y ait des raisons qui permettent de douter de sa véracité et, en tirant une telle conclusion, la Commission a l"obligation de souligner les contradictions.

[10]      Après un examen attentif de la décision, de la transcription et de la preuve documentaire, je crois que parce que la Commission a déterminé que le demandeur n"était pas crédible, elle n"a pas analysé la preuve documentaire qui corroborait effectivement la prétention du demandeur selon laquelle il pourrait encourir de sérieux problèmes à cause de son activisme politique s"il retournait au Zaïre. Les membres de la Commission ont eu tort de ne pas mentionner précisément les contradictions du témoignage et de ne tenir aucunement compte de la preuve documentaire vu les changements intervenus dans la situation au pays.

[11]      Il paraît clair qu"ils n"ont pas cru que le défendeur était toujours enseignant au moment de son arrestation au début de septembre 1996. Un certificat daté d"octobre 1996 provenant de l"établissement où il était employé a été déposé. Ce certificat atteste que le demandeur était professeur à temps plein au cours des deux dernières années scolaires et ce, jusqu"à la fin du trimestre de printemps, soit jusqu"en juillet 1996. Le demandeur a fourni une explication très crédible quant au fait qu"il n"apparaisse plus dans les dossiers en tant que professeur en septembre 1996. Puisqu"il avait été arrêté au début du mois de septembre 1996, le certificat ne pouvait démontrer qu"il était effectivement professeur à temps plein au début du mois de septembre, le contrat habituel ayant cours à partir du mois de septembre jusqu"à la fin du trimestre de printemps de l"année suivante. Le document indique qu"il n"avait pas conclu de contrat en septembre 1996. Évidemment, il n"avait pas conclu de contrat pour une période complète, puisqu"on l"avait arrêté et menacé dans le but de lui faire abandonner sa profession. Cela n"appuie pas la conclusion de la Commission selon laquelle il n"était pas professeur au moment de son arrestation. Cela paraît être le fondement de la conclusion de la Commission que le demandeur n"était pas crédible.

[12]      La Commission n"a pas tenu compte non plus d"une lettre écrite par un autre professeur du même établissement datée du mois de novembre 1997 qui vient appuyer la thèse du demandeur voulant qu"il soit toujours recherché par les autorités. Cette lettre atteste qu"un ancien collègue professeur, qui était parfaitement au courant des activités politiques du demandeur, était devenu actif et puissant au sein du régime Kabila, et s"informait régulièrement des activités du demandeur. La lettre dit : " Heureusement que personne ne lui a encore dit ta nouvelle résidence... Mais sache qu"il est animé de mauvaises intentions et veut profiter de sa position actuelle pour intenter à ta vie ".

[13]      Il y a eu un manquement complet de la part de la Commission de tenir compte, à la lumière de la preuve qui a été déposée, de l"incidence des changements intervenus au pays. Ceci constitue une erreur susceptible de contrôle.


[14]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SSR est annulée et l"affaire est renvoyée pour réexamen et décision par un tribunal différemment constitué.


" P. Rouleau "

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JUGE

OTTAWA (Ontario)

le 23 avril 1999

Traduction certifiée conforme

    

Martin Desmeules

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :                      IMM-1598-98                     

INTITULÉ DE LA CAUSE :              AZIUKI (JEAN-CLAUDE) SITA c. M.C.I.

LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :                  le 15 avril 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                      23 AVRIL 1999

ONT COMPARU :

M. Peter Reiner                      POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Peter Reiner                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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