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                                                                                                                                 Date : 20040813

                                                                                                                    Dossier : IMM-6540-04

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1130

ENTRE :

                                                        AGU EUGENE NNEMEKA

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                        et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Introduction

[1]                Le demandeur est un citoyen du Nigéria qui fait l'objet d'une mesure de renvoi en raison de l'échec de sa demande d'asile. Il allègue maintenant qu'au cours de sa détention en attendant l'exécution de la mesure de renvoi, il est devenu homosexuel. Par conséquent, il conteste la décision défavorable rendue sur sa demande d'ERAR et cherche à obtenir un sursis parce qu'il craint de rentrer au Nigéria où le système juridique et les valeurs sociales condamnent le comportement homosexuel.


[2]                L'exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur doit avoir lieu d'ici le 23 août 2004. Il cherche à faire surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion datée du 9 août 2004. L'exécution de cette mesure de renvoi avait d'abord été prévue pour le 12 août 2004.

Historique

[3]                Le demandeur avait demandé l'asile parce qu'il craignait son oncle qui voulait s'approprier l'héritage terrien du demandeur. La demande d'asile ainsi que la demande d'autorisation ont été rejetées.

[4]                Pendant qu'il était détenu parce qu'on craignait qu'il ne disparaisse, le demandeur a présenté une demande d'ERAR. Dans sa demande d'ERAR, il a affirmé avoir découvert qu'il était homosexuel et qu'il s'exposerait donc à de la persécution en rentrant au Nigéria.

[5]                Pour les fins de sa demande d'ERAR, le défendeur a présumé que le demandeur était homosexuel mais n'a tiré aucune conclusion en ce sens. En traitant le demandeur de cette façon, l'agent d'ERAR n'était pas obligé de tenir une audience. L'agent a constaté que le demandeur [traduction] « n'a pas démontré de façon probante qu'il était effectivement devenu homosexuel pendant sa détention par les services d'Immigration » .

[6]                Après avoir étudié tous les éléments de preuve disponibles, l'agent d'ERAR a conclu que, malgré l'existence de dispositions législatives qui prohibent les pratiques homosexuelles, rien ne montrait que ces dispositions étaient appliquées contre les homosexuels ou que ceux-ci étaient victimes de persécution. L'agent a conclu que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'il serait arrêté et détenu en raison de son orientation sexuelle ou qu'il serait persécuté de quelque autre façon.


[7]                Le demandeur a déposé une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision sur l'ERAR et il cherche aussi à faire surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion qui a été prise suite à la décision sur l'ERAR.

Analyse

[8]                Le critère à trois volets de l'arrêt Toth est bien connu. Dans la présente affaire, si le demandeur avait satisfait soit au critère de la question sérieuse, soit au critère du préjudice irréparable, il satisferait au critère de la prépondérance des inconvénients.

[9]                En ce qui concerne le critère de la « question sérieuse » , le demandeur prétend que la décision sur l'ERAR est manifestement déraisonnable. Même si le demandeur n'a pas déposé son dossier relativement à la demande d'autorisation il est donc trop tôt pour tirer quelque conclusion que ce soit sur l'autorisation, si l'on se fonde sur la documentation dont dispose présentement la Cour, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la décision était manifestement déraisonnable.

[10]            Toutefois, on peut fonder la décision dans la présente affaire sur l'omission de démontrer le préjudice irréparable. Pour satisfaire à ce critère, le demandeur doit démontrer que, selon la prépondérance des probabilités a) il est homosexuel; b) il sera exposé à de la persécution entre le moment de l'exécution de la mesure de renvoi et la décision quant à sa contestation de la décision sur l'ERAR.


[11]            Le fait que le défendeur a, pour les fins de l'analyse de la demande d'ERAR, accepté la prétention relative à l'homosexualité du demandeur n'oblige aucunement la Cour à tirer une conclusion de fait qu'il est homosexuel. Sa déclaration est le seul élément de preuve relatif à cette nouvelle orientation du demandeur. L'absence de corroboration est importante étant donné la propension du demandeur au mensonge et à la tromperie. À cet égard, son parcours va de l'utilisation répétée de faux documents au mensonge relativement à des faits importants de sa demande.

[12]            Le moment qu'il a choisi pour divulguer son orientation sexuelle, l'absence générale chez lui de crédibilité et l'absence de quelque élément de preuve à l'appui de sa prétention mènent à la conclusion que le demandeur n'a pas réussi à démontrer, pour les fins de la présente requête, qu'il est homosexuel.

[13]            Même si on pouvait dire que sa prétention relativement à son orientation sexuelle doit être acceptée, il n'a pas réussi à démontrer qu'il subirait un préjudice irréparable s'il devait rentrer au Nigeria.

[14]            Le demandeur n'a pas réussi à démontrer qu'il courrait un danger immédiat à son retour au Nigeria. Rien ne montre que les autorités nigérianes connaissent ou pourraient vraisemblablement connaître son orientation sexuelle, à moins que le demandeur ne leur en fasse part. L'ignorance de ce fait peut aussi être attribuée aux autorités locales et religieuses. Le demandeur n'a pas réussi à démontrer que les dispositions législatives qui prohibent les actes homosexuels sont appliquées.

[15]            La présente affaire est remarquablement analogue à la situation examinée dans la décision Aire c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 41, rendue en janvier 2004. Dans cette affaire-là, le juge Von Finckenstein a maintenu une conclusion du tribunal que la même loi nigériane dont il est question était rarement appliquée et qu'elle n'avait pas pour effet de persécuter les contrevenants.


[16]            Même si la Cour n'est pas liée par cette décision relativement aux conclusions de fait tirées par le tribunal, la décision montre que les conclusions de l'agent d'ERAR trouvent leur fondement dans la réalité. Le demandeur n'a pas démontré qu'il se trouverait dans une situation différente de celle de M. Aire.

[17]            Enfin, le demandeur dit que l'agent d'ERAR a omis d'obtenir des éléments de preuve de l'ambassade du Nigeria, ainsi que d'autres sources, en ce qui concerne l'application de la loi en question. Le demandeur, à qui incombe le fardeau de la preuve, a également omis de fournir ces éléments de preuve.

[18]            Pour ces motifs, je conclus que le demandeur n'a pas satisfait à toutes les exigences pour l'obtention d'un sursis. La demande de sursis sera rejetée.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

                                                                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6540-04

INTITULÉ :                                                    AGU EUGENE NNEMEKA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et LE SOLLICITEUR DU CANADA

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 11 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 13 août 2004

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

I.E. Amana                                                        POUR LE DEMANDEUR

Caroline Cloutier                                               POUR LE DÉFENDEUR

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