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     Date : 19990618

     Dossier : IMM-2475-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 18 JUIN 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :


SVETLANA KAISH,

CRISTINA KAISH,

     demanderesses,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


     défendeur.



ORDONNANCE


La demande de contrôle judiciaire est rejetée.



     J.E. Dubé

                                                 Juge

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L






     Date : 19990618

     Dossier : IMM-2475-98


ENTRE :


SVETLANA KAISH,

CRISTINA KAISH,

     demanderesses,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ :

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué, le 4 mai 1998, que les demanderesses n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention.

[2]      La principale demanderesse, une citoyenne de la République de Moldova âgée de 28 ans, est la mère de Cristina Kaish, la demanderesse mineure. La mère fonde sa revendication sur sa nationalité juive.

[3]      La demanderesse s'est plainte d'avoir subi de la persécution à plusieurs occasions à la garderie, à l'école, à son travail et de la part de voisins. Lorsqu'elle a signalé l'un de ces incidents aux policiers, ils lui ont dit de quitter le pays.

La décision de la Commission

[4]      La Commission a conclu que, [Traduction] " séparément ou ensemble ", tous ces incidents constituent du harcèlement ou de la discrimination plutôt que de la persécution, définie comme [Traduction] " une violation grave, soutenue et systémique des droits fondamentaux de la personne ". Elle a jugé que certains des événements relevaient de [Traduction] " suppositions ou de faits peu plausibles ". Elle a dit qu'une personne vivant dans la crainte d'être attaquée physiquement aurait fait de gros efforts pour savoir si les Juifs étaient à l'abri d'attaques physiques dans une autre partie de la ville ou même dans d'autres villes. De même, la demanderesse n'a pas sérieusement envisagé d'aller s'établir en Israël à l'instar de nombreux Juifs. Pour contrer cette argument, elle a expliqué que son mari, qui n'est pas Juif, ne souhaitait pas aller en Israël. La Commission a fait remarquer que les relations de la demanderesse avec son mari étaient acerbes depuis plusieurs années et qu'ils ont divorcé en 1996. Qui plus est, la propre mère de la demanderesse, qui vit toujours dans la République de Moldova, ne subit apparemment pas de persécution.

[5]      La Commission a également conclu que, selon la plupart des documents, dans la République de Moldova, les cas de violence physique exercée contre les Juifs sont rares, mais qu'il existe certains cas isolés d'antisémitisme. Elle a fait remarquer : [Traduction] " on constate une résurgence de la vie et de la culture juive. La situation des Juifs dans la République de Moldova est meilleure qu'auparavant et meilleure que dans d'autres anciens États soviétiques ".

[6]      La Commission a fait mention de la note discordante de l'avocat William Cohen, président du " Centre for Human Rights Advocacy ", dont le siège social est situé aux États-Unis. Selon lui, l'antisémitisme est généralisé dans la République de Moldova. M. Cohen s'est surtout fié aux Juifs qui revendiquent le statut de réfugié dans les pays de l'ouest. Le tribunal a accordé davantage de valeur aux [Traduction] " documents variés, fiables et à jour suivant lesquels le type d'antisémitisme allégué par la demanderesse principale est rare de nos jours dans la République de Moldova ".

[7]      Enfin, la Commission a conclu que la revendication du statut de réfugié de la demanderesse n'a pas de fondement objectif et subjectif et qu'il [Traduction] " n'existe qu'une simple possibilité que les demanderesses soient persécutées si elles retournent dans la République de Moldova ".

Analyse

[8]      À l'audition, l'avocat de la demanderesse a relevé cinq erreurs quant à la façon dont la Commission a interprété les faits à partir de la preuve soumise par la demanderesse et de la preuve documentaire. Toutefois, c'est la demanderesse qui a le fardeau de prouver qu'elle a une crainte fondée de persécution. Il lui incombait donc de s'assurer que la Commission comprenait bien son cas. La question de savoir si, suivant l'appréciation de la preuve, un comportement donné équivaut à de la persécution et non pas simplement à de la discrimination, est une question mixte de fait et de droit qui relève de la Commission. Comme le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale l'a mentionné dans l'affaire Sagharichi c. Canada (M.E.I)1, il est difficile de tracer la ligne de démarcation entre la discrimination et la persécution. Il a enchaîné :

         ... Toutefois, il reste que, dans tous les cas, il incombe à la Section du statut de réfugié de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de preuve, et que l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable.

[9]      La Commission a adopté une définition du mot persécution qui est juste en droit et on ne saurait conclure que son appréciation des faits est clairement déraisonnable. Pour qu'une erreur de fait alléguée donne ouverture au contrôle judiciaire, la conclusion attaquée doit être vraiment erronée, ou avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve. Le rôle de la Cour n'est pas d'examiner minutieusement et à la loupe chacun des événements. La Cour doit plutôt tenir compte de l'ensemble de la preuve afin de déterminer si la Commission pouvait conclure que les événements en cause constituaient ou ne constituaient pas une violation grave, soutenue et systémique des droits fondamentaux de la personne.

[10]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



[11]      Il n'y a pas de question de portée générale à certifier.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 juin 1999



     J.E. Dubé

                                             Juge



Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-2475-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :      SVETLANA KAISH, CRISTINA KAISH c.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ     

                     ET DE L'IMMIGRATION


LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)


DATE DE L'AUDIENCE :      LE 9 JUIN 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ


EN DATE DU :              18 JUIN 1999



ONT COMPARU :             

Me LAGHA FANAIAN          POUR LES DEMANDERESSES


Me R. JEFF ANDERSON          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Me LAGHA FANAIAN          POUR LES DEMANDERESSES

OTTAWA (ONTARIO)


Me MORRIS ROSENBERG      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR

GÉNÉRAL DU CANADA

__________________

     1      (1993), 182 N.R. 398 (C.A.F).

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