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                                                                                                                             Date : 20041022

                                                                                                                          Dossier : T-300-04

                                                                                                            Référence : 2004 CF 1466

Ottawa (Ontario), le vendredi 22 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

ENTRE :

                                              SALAH ELDIN MOHAMED KHAIRY

                                                                                                                                      demandeur

                                                                          - et -

                             CANADA (MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

                                          ET DU COMMERCE INTERNATIONAL)

                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                  DERRICK STEWART ET JEAN-MARC LESAGE

                                                                                                                                       défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA PROTONOTAIRE TABIB


[1]                Le demandeur poursuit la Couronne en raison des difficultés, souffrances et frais qu'il a dû supporter afin de protéger sa fille contre un plan que son ex-épouse avait mis au point pour l'enlever de son pays de résidence, les Émirats arabes unis (les « Émirats » ) et l'emmener au Japon, en contravention d'une ordonnance de garde rendue par les tribunaux des Émirats, qui interdisait que l'enfant ne voyage avec un seul de ses parents. Ayant appris l'existence du plan, le demandeur a lui-même emmené sa fille en Égypte afin de le déjouer. Le plan, inutile de le dire, n'a pas été exécuté; l'enfant vit cependant en Égypte depuis 2001, séparé de son père, qui travaille encore dans les Émirats et qui doit voyager pour voir sa fille; le différend entre le demandeur et son ex-épouse concernant la garde suit son cours dans la procédure d'appel introduite dans les Émirats.

[2]                La Couronne, de dire le demandeur, est responsable de son préjudice parce qu'un agent consulaire posté dans les Émirats et un représentant du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le « MAECI » ), à Ottawa, connaissant les détails du plan de l'ex-épouse et sachant que le plan était « illégal » , ont néanmoins aidé l'ex-épouse dans son entreprise. Simultanément, ces fonctionnaires n'ont pas aidé le demandeur ni même répondu à ses demandes de renseignements ou d'assistance.

[3]                Les préposés de la Couronne auraient, ce faisant, agi en contravention des obligations du Canada selon plusieurs conventions internationales et accords bilatéraux et auraient enfreint les lois des Émirats. La conduite des préposés de la Couronne constituerait aussi un délit, assimilable à un complot contre le demandeur, et/ou aurait ignoré les droits fondamentaux reconnus au demandeur par l'article 7 de la Charte des droits et libertés.

[4]                Le défendeur dépose cette requête en radiation de la déclaration du demandeur parce qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable ou, subsidiairement, il prie le demandeur de préciser certains paragraphes de la déclaration.


[5]                La difficulté que pose la déclaration du demandeur est qu'elle ne donne aucun détail sur les démarches effectives que les deux fonctionnaires ont faites ou ont accepté de faire pour aider dans son projet l'ex-épouse du demandeur. Il n'est nulle part allégué que les démarches qu'ont faites ou que se proposaient de faire l'agent consulaire ou le représentant du MAECI étaient en soi illégales, irrégulières, fautives ou non autorisées, ni qu'elles outrepassaient leurs attributions. Durant les plaidoiries, l'avocat du demandeur n'a d'ailleurs pas prétendu que les agissements effectifs ou projetés des fonctionnaires étaient en soi illicites. Le caractère illicite ou illégal des mesures prises par les fonctionnaires semble reposer uniquement sur le fait que les fonctionnaires ont pris ou promis les mesures en question en étant informés de l'enlèvement ou avec l'intention de le faciliter, et sur le fait que cette conduite ternit sérieusement l'engagement international du Canada de mettre fin aux enlèvements internationaux d'enfants, outre qu'elle était de nature à causer au demandeur un préjudice qui était prévisible. J'ai extrait de la déclaration du demandeur, en les reproduisant dans l'annexe des présents motifs, les allégations qui concernent expressément les agissements des préposés de l'État. Essentiellement, les faits importants avancés dans la déclaration sont les suivants :[1]

1.          Une ordonnance d'un tribunal des Émirats interdisait à l'ex-épouse du demandeur de voyager seule avec la fille du couple;

2.          L'ex-épouse du demandeur a révélé, dans le détail, aux fonctionnaires canadiens son intention d'emmener sa fille des Émirats vers le Japon, ce qui était illégal. La déclaration n'est pas avare de détails sur les desseins de l'ex-épouse;

3.          Les fonctionnaires canadiens lui ont dit qu'ils feraient « tout ce qu'ils pourraient » pour l'aider dans son projet. Aucun détail n'est donné sur les mesures concrètes que cette promesse supposait;


4.          Les fonctionnaires canadiens « ont discuté » le plan. Aucun détail n'est donné sur la teneur générale de ces discussions;

5.          Les fonctionnaires canadiens n'ont pas informé le demandeur, les autorités des Émirats ou les autorités égyptiennes au sujet du plan et ils ont expressément refusé d'informer le demandeur de la situation lorsqu'ils en ont été priés.

6.          Les fonctionnaires canadiens n'ont pas apporté une aide au demandeur et ne l'ont pas défendu lorsqu'ils ont été priés de le faire. La nature de l'aide demandée et refusée n'est pas précisée;

7.          Les fonctionnaires canadiens « sont allés de l'avant avec le plan » ; « ont aidé » et « assisté » l'ex-épouse dans l'exécution de son projet; « ont agi » et « comploté » ; « ont coordonné leur aide » . Aucune précision n'est donnée sur la nature des démarches effectivement faites ou qui devaient être faites;

8.          Les fonctionnaires canadiens ont eu, à l'insu du demandeur et sans son consentement, des contacts secrets et illégaux avec ses avocats dans les Émirats, afin d'obtenir des renseignements sur lui. La déclaration ne dit pas si ces contacts ont permis d'obtenir des renseignements et s'ils ont été utilisés, et à quelle fin.


[6]                Plus exactement, toute cause d'action avancée à l'encontre des défendeurs serait fondée sur les actions ou omissions suivantes :

-            refus d'informer;

-            refus d'apporter une aide consulaire;

-            promesse d'aide et aide effective à un tiers, en sachant que l'aide faciliterait un acte illégal et causerait un préjudice au demandeur;

-            communications illicites avec l'avocat du demandeur, en secret et sans le consentement du demandeur.

[7]                On peut disposer en peu de mots de la quatrième et dernière action « dommageable » . La déclaration ne prétend nulle part que les contacts établis avec l'avocat du demandeur dans les Émirats ont causé à celui-ci un préjudice ou contribué de quelque façon aux dommages qu'il a subis. Il est bien établi en droit qu'une conduite illicite ne peut constituer le fondement d'un droit d'action s'il n'y a pas de préjudice ou si aucune disposition législative ne prévoit expressément une indemnisation en l'absence d'un préjudice. Aucune loi semblable n'a été invoquée. Je suis donc d'avis qu'il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d'action valable qui reposerait sur le fait que les fonctionnaires du MAECI ont eu avec les avocats du demandeur dans les Émirats des discussions secrètes et non autorisées.


[8]                Le lien de causalité entre les trois actions ou omissions dommageables restantes et le prétendu préjudice peut parfois sembler quelque peu ténu, mais les affirmations de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité sont suffisantes pour que soit examinée davantage la question de savoir si les prétendues actions ou omissions révèlent une cause d'action valable.

Manquement à une obligation publique

[9]                La manière dont les griefs de la déclaration sont présentés et structurés évoque surtout une procédure pour manquement à une obligation publique.

[10]            Les règles relatives à l'existence d'une cause d'action civile pour manquement à une obligation publique ont été clairement exposées par la Cour suprême dans l'arrêt Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205 : Il n'y a pas de délit civil appelé manquement à une obligation publique qui donnerait droit à recouvrement sur la seule preuve d'un manquement et d'un préjudice. Les conséquences civiles d'une contravention à une loi sont englobées dans le droit de la responsabilité. L'expression législative d'une obligation peut constituer une norme utile et spécifique de conduite raisonnable, et la contravention à une loi peut être la preuve d'une faute, mais une obligation de diligence en common law doit être alléguée et prouvée, ainsi qu'une faute ou une absence de diligence.

[11]            Naturellement, lorsqu'un recours civil est clairement prévu par une loi, une action peut être engagée conformément à cette loi. Mais tel n'est pas le cas ici. Aucun des instruments ou accords internationaux allégués, ni aucune des lois transposant dans le droit interne certains de ces instruments, ne prévoient un recours civil.

[12]            Par ailleurs, aucune obligation publique explicite n'est imposée au Canada ou aux fonctionnaires nommés par les instruments internationaux ou textes législatifs invoqués.


[13]            Deux des instruments internationaux invoqués n'ont pas été transposés dans le droit interne (l'Accord bilatéral entre le Canada et l'Égypte[2] et la Convention relative aux droits de l'enfant, Recueil des traités du Canada, 1992, n ° 3) et ne sauraient donc conférer des droits ou obligations à des particuliers (R. c. Vincent (1993), 12 O.R. (3d) 427, et Re Vincent et Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1983), 148 D.L.R. (3d) 385).

[14]            L'article 41 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, une disposition invoquée par le demandeur, a été expressément omis de la transposition de cette Convention dans le droit interne par la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, 1991 L.C. ch. 41, article 3.


[15]            La Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, Recueil des traités du Canada, 1983, n ° 35 (la « Convention » ), qui est elle aussi invoquée par le demandeur, a été mise en oeuvre dans les lois provinciales. Elle n'est toutefois manifestement pas applicable aux circonstances exposées dans la déclaration. L'article 4 de la Convention prévoit d'ailleurs expressément qu'elle « s'applique à tout enfant qui avait sa résidence officielle dans un État contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite » . La fille du demandeur résidait semble-t-il dans les Émirats à l'époque pertinente, et les Émirats ne sont pas un État contractant. Par ailleurs, la Convention fût-elle applicable, les obligations qu'elle prévoit s'adressent uniquement aux autorités centrales constituées sous son égide par les gouvernements de chaque province et visent essentiellement au retour d'enfants enlevés. La Convention ne prévoit aucune obligation générale ou particulière d'empêcher l'enlèvement d'enfants, et aucune obligation du genre n'est imposée aux fonctionnaires fédéraux ou aux agents consulaires.

[16]            Il est donc manifeste et évident que la déclaration ne révèle aucune cause d'action pour manquement à une obligation publique. Les affirmations qu'elle renferme, même si elles sont prouvées, ne laissent pas voir que, par leurs agissements, les fonctionnaires canadiens désignés ont contrevenu à une loi canadienne applicable. Cela dit, la conduite reprochée peut fort bien être contraire à l'esprit et à l'intention des principes adoptés et défendus par le Canada lorsqu'il a adhéré à ces divers instruments internationaux. À cette fin, les instruments internationaux peuvent, dans le contexte d'une action en responsabilité, renfermer des indications sur la norme de conduite raisonnable attendue des agents consulaires, mais les présumés « manquements » auxdits instruments ne donnent pas comme tels naissance à une cause d'action.

Le délit de faute dans l'exercice d'une charge publique

[17]            Même s'il n'en a pas été fait état dans la déclaration ou durant l'audience qui s'est déroulée devant moi, il m'appartient, dans l'examen d'une requête en radiation fondée sur l'absence d'une cause d'action valable, d'interpréter la déclaration aussi largement que possible et de dire si, plaidés différemment, les faits qu'elle contient révéleraient ne serait-ce qu'une « parcelle » ou un « germe » de cause d'action. Je me suis donc demandé si les faits allégués peuvent donner lieu à une action fondée sur le délit de faute dans l'exercice d'une charge publique.

[18]            Les éléments constitutifs de ce délit civil ont été rappelés par la Cour suprême dans l'arrêt Succession Odhavji c. Woodhouse, [2003] 3 R.C.S. 263 (au paragraphe 22) :


« Dans l'arrêt Three Rivers[[3]], la Chambre des lords a statué qu'il y avait deux façons -- que je regrouperai sous les catégories A et B -- de commettre le délit de faute dans l'exercice d'une charge publique. On retrouve dans la catégorie A la conduite qui vise précisément à causer préjudice à une personne ou à une catégorie de personnes. La catégorie B met en cause le fonctionnaire public qui agit en sachant qu'il n'est pas habilité à exécuter l'acte qu'on lui reproche et que cet acte causera vraisemblablement préjudice au demandeur. »

[19]            Le demandeur ici affirme effectivement que les préposés de l'État savaient que leurs actes - ou les actes qu'ils se proposaient d'accomplir - allaient vraisemblablement lui causer un préjudice. Cependant, il ne prétend pas que l'intention des préposés était précisément de lui causer un préjudice (ce que requiert la « catégorie A » ) ou que leurs actes étaient, à leur connaissance, non autorisés ou invalides (ce que requiert la « catégorie B » ). Comme je l'ai dit plus haut, le demandeur ne dit pas que les actes proposés ou accomplis étaient non autorisés ou qu'ils dépassaient les pouvoirs des fonctionnaires. Au vu des faits allégués, les prétentions du demandeur doivent être rejetées si elles sont fondées sur le délit de faute dans l'exercice d'une charge publique.

Faute

[20]            Une faute doit présenter les éléments suivants :

a)          il doit y avoir eu préjudice;

b)          le préjudice doit avoir été causé par le défendeur;

c)          la conduite du défendeur doit avoir été fautive, c'est-à-dire avoir contrevenu à la norme de prudence établie en droit;

d)          il doit exister une obligation reconnue en droit d'éviter ce préjudice;


e)          la conduite du défendeur doit être une cause immédiate du préjudice ou, autrement dit, le préjudice ne doit pas être une conséquence trop éloignée de la conduite du défendeur;

f)           la conduite du demandeur ne doit pas avoir été telle qu'elle fasse obstacle à une réparation, c'est-à-dire que le demandeur ne doit pas lui-même avoir commis une faute et ne doit pas avoir assumé volontairement le risque.

(Khaper c. Canada, [1999] A.C.F. n ° 1735, au paragraphe 19, citant Linden, Canadian Tort Law (6e édition, 1997), à la page 99.)

[21]            Les deux éléments en cause ici sont l'obligation de prudence et le manquement fautif à cette obligation. Il faut aussi se rappeler que, en application de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50, article 3, la responsabilité délictuelle de l'État ne peut être engagée qu'à l'égard des délits civils commis par ses préposés. Il faut donc qu'un préposé de l'État soit investi d'une obligation de prudence et qu'il ait manqué à cette obligation.

[22]            La déclaration indique deux sources possibles d'une obligation de prudence à laquelle pouvaient être astreints les préposés désignés de l'État : les obligations publiques figurant dans les divers instruments internationaux invoqués, et les obligations des préposés de l'État en tant qu'agents consulaires.

[23]            Comme je l'ai dit, aucune obligation publique n'était imposée aux fonctionnaires ou agents par les instruments internationaux cités. La seule obligation invoquée qui pourrait donner naissance à une cause d'action valable en cas de manquement est une obligation découlant de l'accomplissement des tâches officielles des préposés de l'État.


[24]            S'agissant des prétendus actes dommageables de non-information et de non-assistance, le demandeur n'a pas allégué l'existence d'une autre obligation particulière des préposés de l'État qui consisterait à informer ou à assister, que cette obligation figure dans les lois régissant leur conduite et leurs attributions en tant qu'agents consulaires, ou qu'elle résulte d'une promesse ou déclaration, expresse ou tacite, qui lui aurait été faite. De même, s'agissant de l' « acte dommageable » consistant à promettre ou à apporter une aide à un tiers, il n'apparaît pas clairement dans la déclaration que les préposés de l'État avaient une obligation envers le demandeur, en leur qualité d'agents consulaires, ou en raison d'une relation particulière avec lui, dans la manière de répondre aux demandes d'aide qui pouvaient leur être adressées par des tiers - par exemple l'ex-épouse du demandeur.

[25]            L'avocat du demandeur a fait valoir à l'audience, bien que la déclaration n'en fasse pas expressément mention, que les préposés de l'État avaient l'obligation de ne pas contrevenir aux lois des Émirats, indépendamment de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques ou de la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales. À quelles lois des Émirats les défendeurs auraient-ils contrevenu? La seule loi des Émirats dont il est fait état dans la déclaration est une loi interdisant les contacts secrets et non autorisés avec les avocats d'une partie, outre l'ordonnance d'un tribunal des Émirats interdisant tout voyage de l'enfant avec un seul de ses parents. Comme je l'ai indiqué précédemment, une contravention aux lois des Émirats interdisant de communiquer avec des avocats ne donnerait pas ici naissance à une cause d'action. L'ordonnance du tribunal des Émirats, quant à elle, ne semble renfermer aucune obligation ou interdiction expresse s'adressant aux préposés de l'État canadien. L'État canadien n'était apparemment pas partie aux procédures à l'issue desquelles l'ordonnance a été rendue. Dans la mesure où une loi des Émirats, expressément ou implicitement, ferait obligation à des personnes non désignées dans des ordonnances judiciaires, ou non parties à des procédures, de s'abstenir de prendre des mesures susceptibles d'entraîner une contravention à une ordonnance, la déclaration ne fait état d'aucune loi semblable.


[26]            Dans son dossier de réponse à la requête, le demandeur fait valoir qu'un rapport de proximité suffisante a pris naissance entre le demandeur et les préposés de l'État dès le moment où le consul du Canada dans les Émirats l'a informé que les fonctionnaires du MAECI n'intervenaient pas dans les affaires familiales, surtout s'il s'agit de droits de garde. La déclaration, telle qu'elle est rédigée actuellement, ne dit pas avec suffisamment de précision si et comment ces propos des fonctionnaires du MAECI ont donné naissance à une obligation de renseignement, d'assistance ou de prudence dans le traitement de demandes d'aide formulées par un tiers. Je reconnais toutefois que les faits invoqués pourraient raisonnablement donner lieu à un tel argument. Si un rapport de proximité était l'unique élément absent de la déclaration, je conclurais que ces faits renferment le « germe » ou la « parcelle » d'une possibilité raisonnable d'invoquer une obligation de prudence, et j'autoriserais le demandeur à modifier sa déclaration.

[27]            Cependant, à supposer même que puisse être plaidée une obligation de prudence de common law en raison de l'existence d'une relation de proximité, les faits allégués dans la déclaration suffisent-ils à établir l'autre élément constitutif de la faute civile : l'absence de prudence ou de discernement des préposés de l'État dans l'accomplissement de cette obligation? Tout ce que renferme la déclaration, ce sont de simples affirmations :

-            que les préposés de l'État n'ont pas donné de renseignements précis; cependant, la déclaration ne dit pas si le manquement était fautif ou irréfléchi;

-            que les préposés de l'État n'ont pas apporté leur aide; cependant, la déclaration ne dit pas quelle aide était demandée et elle ne dit pas non plus si le fait pour les préposés de ne pas avoir apporté cette aide était fautif ou irréfléchi;


-            que les préposés de l'État se sont engagés à « tout mettre en oeuvre pour aider » , « ont assisté » , « ont aidé » , etc., l'épouse du demandeur; cependant, la déclaration ne dit pas quelle forme l'aide promise ou apportée a prise, et encore moins si cette aide était fautive ou irréfléchie.

[28]            L'affirmation générale contenue dans le paragraphe 80 de la déclaration, selon laquelle la conduite et les agissements du défendeur « sont loin d'atteindre le niveau des soins apportés par le MAECI aux Canadiens qui connaissent des difficultés à l'étranger » , n'est pas une allégation suffisante de faute, car elle n'indique pas la nature précise de l'obligation dont le demandeur est créancier et n'indique pas non plus la nature précise de la conduite reprochée (George c. Beaubien, [1997] O.J. No. 3300 (C. Ont., Div. gén.)).

[29]            Par conséquent, bien que la déclaration expose des faits matériels qui pourraient donner naissance à une obligation de prudence en raison des contacts établis entre le demandeur et le consul du Canada dans les Émirats, elle ne renferme pas suffisamment de détails sur la nature et l'étendue de cette obligation et, qui plus est, elle n'indique aucun fait concret qui me permettrait de conclure à une faute ou à un manque d'attention, quand bien même les faits invoqués seraient-ils tenus pour avérés.

Le délit de complot


[30]            L'absence d'une cause d'action fondée sur la faute n'empêche pas l'existence possible d'une cause d'action fondée sur le délit de complot. Les règles du délit de complot ont en effet évolué pour englober expressément les actes accomplis par deux ou plusieurs personnes, qui ne constitueraient pas un délit s'ils étaient accomplis par une seule d'entre elles, mais qui sont accomplis collectivement dans le dessein premier de nuire à un tiers. Les éléments du délit de complot sont les suivants :

« (1)       indépendamment du caractère légal ou illégal des moyens employés, la conduite des défendeurs vise principalement à causer un préjudice au demandeur; ou

   (2)      lorsqu'il s'agit d'une conduite illégale, elle est dirigée contre le demandeur seul ou contre lui et d'autres personnes en même temps et que les défendeurs eussent dû savoir dans les circonstances que le préjudice subi par le demandeur était une conséquence probable. »

(Ciment Canada LaFarge Ltée c. British Columbia Lightweight Aggregate Ltd., [1983] 1 R.C.S. 452.)

[31]            Ici, la déclaration renferme une simple affirmation selon laquelle « les défendeurs ont sciemment agi de mauvaise foi et ont comploté en vue de nuire au demandeur » (au paragraphe 58). La déclaration ne dit pas que l'objet principal des préposés de l'État était de nuire au demandeur. Durant l'audition de la requête, l'avocat du demandeur n'a pas dit que tel était le cas. Une cause d'action valable fondée sur le délit de complot repose donc sur l'existence d'affirmations selon lesquelles la conduite des préposés de l'État était illicite. Comme je l'ai dit précédemment, la déclaration ne révèle aucun manquement à une loi de la part des préposés de l'État. Quant au sens du mot « illicite » en common law, à défaut d'affirmations précises sur la nature des actes effectivement accomplis par les préposés de l'État, il est tout à fait impossible d'établir si l'un d'eux était « illicite » .

[32]            Par ailleurs, outre une simple entente, le délit de complot requiert que des actes soient accomplis en exécution de cette entente :


[traduction] Considéré comme un délit civil, cependant, le complot est une cause d'action très singulière. Le fond de la cause d'action est le préjudice causé au demandeur; tant qu'elle reste inexécutée, l'entente, qui seule constitue le délit pénal de complot, n'entraîne aucun préjudice; seuls les actes accomplis en exécution de l'entente sont aptes à causer un préjudice; le délit civil, contrairement au délit pénal, consiste donc non pas dans l'entente, mais dans les actes concertés accomplis conformément à l'entente » .

(Lonrho Ltd. et al. v. Shell Petroleum Co. Ltd. et al., [1982] A.C. 175.)

[33]            Il est donc nécessaire qu'une déclaration dise précisément quels actes ont en fait été accomplis conformément à la prétendue entente. C'est là une tâche ardue; la déclaration [traduction] « doit ensuite indiquer, avec clarté et précision, les actes manifestes qui ont censément été accomplis par chacun des présumés conspirateurs pour donner effet au complot [...] » Normart Management Limited v. West Hill Redevelopment Company Limited et al. (1998), 37 O.R. (3d) 97 (C.A.), à la page 104).

[34]            La déclaration, dans sa forme actuelle, est clairement lacunaire sur cet aspect. Elle est beaucoup trop vague sur la question de savoir si les préposés de l'État ont simplement promis une aide à l'épouse du demandeur, si l'aide promise a effectivement été apportée, et dans quelle mesure elle l'a été. Elle est silencieuse - vice irrémédiable - sur un quelconque acte manifeste qu'aurait accompli l'un des présumés conspirateurs.

Manquements à la Charte

[35]            L'article 7 de la Charte est ainsi formulé :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.


[36]            Selon le droit tel qu'il existe aujourd'hui, un manquement à l'article 7 doit être établi selon un processus en deux étapes : « il faut constater d'abord qu'il a été porté atteinte au droit "à la vie, à la liberté et à la sécurité [d'une] personne" et, en second lieu, que cette atteinte est contraire aux principes de justice fondamentale » (R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, à la page 401). Le deuxième critère, selon lequel l'atteinte doit être contraire aux principes de justice fondamentale, a été interprété comme un critère d'après lequel l'intéressé doit être lésé à la suite d'un contact direct avec le système judiciaire ou, à tout le moins, avec un organe d'application de la loi, ou lésé par une menace de poursuites judiciaires (voir par exemple Renvoi relatif au paragraphe 94(2) de la Motor Vehicle Act (Colombie-Britannique), [1985] 2 R.C.S. 486; Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G.(J.), [1999] 3 R.C.S. 46; Rodriguez c. Colombie-Britannique (P.G.), [1993] 3 R.C.S. 519; et Jane Doe v. Board of Commissioners of Police for the Municipality of Metropolitan Toronto, 74 O.R. (2d) 225).

[37]            Ici, même si l'on pouvait étirer l'affirmation du demandeur selon laquelle il a traversé des difficultés « considérables » et souffre d'une « grande détresse émotionnelle et psychologique » , au point de constituer pour lui une privation de son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, la déclaration ne renferme tout simplement aucun élément qui permette de conclure que la privation était contraire aux principes de justice fondamentale.

[38]            Je sais qu'une réclamation ne saurait être radiée du seul fait qu'elle est inédite, et que la jurisprudence relative aux violations de l'article 7 de la Charte évolue constamment vers un élargissement du genre d'interaction avec l'État qui déclenche l'application des principes de justice fondamentale. Pour autant, je ne puis décemment voir le fondement adéquat d'une cause d'action dans une simple affirmation selon laquelle les actes non précisés de préposés de l'État ont entraîné une atteinte au droit du demandeur selon l'article 7, sans que soit allégué le caractère illicite ou fautif de tels actes.


Autorisation de modification

[39]            J'ai pu arriver à la conclusion décisive que la réclamation du demandeur ne révèle aucune cause d'action pour manquement à une obligation publique et qu'elle est vouée à l'échec sur ce fondement, mais l'absence d'une cause d'action valable fondée sur la faute, la mauvaise exécution d'une charge publique, le complot ou la violation de l'article 7 de la Charte est davantage imputable à l'absence ou à l'insuffisance de faits concrets allégués qu'à une absence apparente de bien-fondé. Dans la mesure où le demandeur apporterait le détail des actes et agissements effectifs des préposés de l'État, pour invoquer ensuite des faits qui suffiraient à les qualifier de fautifs, d'irréfléchis ou d'illicites, alors pourrait apparaître une cause d'action valable fondée sur la faute, la mauvaise exécution d'une charge publique ou le complot. Je ne serais pas aussi affirmative en ce qui a trait à la violation de droits garantis par la Charte, mais encore une fois, sur ce point, la déclaration est si avare de détails qu'il est impossible de prédire ce qui pourrait être plaidé pour produire une cause d'action.

[40]            Par conséquent, la déclaration est radiée, mais avec autorisation de la modifier de telle sorte que soient indiqués les actes ou agissements précis des préposés de l'État, ainsi que les autres faits concrets, pouvant donner lieu à une cause d'action fondée sur la faute, la mauvaise exécution d'une charge publique, le complot ou la violation de l'article 7 de la Charte. Le défendeur conserve le droit de déposer une nouvelle requête, le cas échéant, en vue de faire radier la déclaration modifiée.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Avec le consentement du demandeur :

a)          Les paragraphes 1a), b) et c) de la déclaration sont radiés, sans préjudice du droit du demandeur de déposer une nouvelle procédure sous la forme d'une demande de contrôle judiciaire;

b)          La déclaration est radiée en ce qui concerne le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, Derrick Stewart et Jean-Marc Lesage;

c)          Les paragraphes 37 à 40, 43, 79, 82 et 83 sont radiés, sans autorisation de les modifier.

2.          Le reste de la déclaration est radié, avec autorisation de la modifier en conformité avec les présents motifs, et sous réserve du droit des défendeurs de déposer, le cas échéant, une requête en radiation de la procédure modifiée.

                                                                                                                                  « Mireille Tabib »          

                                                                                                                                         Protonotaire              

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                              Annexe « A »

                                                      Extraits de la déclaration

8.        M. Stewart [consul du Canada dans les Émirats] a indiqué au demandeur que l'ambassade n'intervient pas dans les affaires familiales, surtout s'il s'agit de droits de garde. M. Stewart a aussi indiqué au demandeur que des restrictions étaient imposées par le MAECI aux voyages de sa fille et au renouvellement du passeport de celle-ci.

9.        M. Stewart n'a jamais répondu à la lettre du demandeur [dans laquelle il demandait des détails sur les restrictions se rapportant aux voyages de sa fille].

10.        Lpouse du demandeur envisageait d'enlever la fille des parties et de l'emmener au Japon, avec l'aide de diplomates canadiens et japonais.

11.        Dans ses courriers électroniques adressés à M. Lesage [MAECI, Ottawa] et à M. Stewart, l'ex-épouse du demandeur les informait de son plan. Elle a décrit le plan comme un plan « illégal » .

14.        M. Lesage lui a répondu en lui disant que le MAECI mettra tout en oeuvre pour l'aider à exécuter son plan.

17.        M. Lesage a envoyé par télécopieur à M. David Knockaert, consul du Canada à Tokyo, les courriers électroniques qu'il avait envoyés à lpouse du demandeur.

18.        Les questions posées par M. Lesage dans la correspondance [échangée avec lpouse du demandeur] indiquent que les mesures prises par le MAECI s'expliquaient et étaient motivées par la race et les convictions religieuses du demandeur, ainsi que par le fait que le demandeur et son épouse vivent dans un « pays arabe » .

21.        Le demandeur a communiqué avec l'ambassade du Canada dans les Émirats pour demander à M. Stewart une explication concernant les courriers électroniques.

23.        Le demandeur a envoyé de nombreux courriers électroniques à M. Stewart pour lui demander son aide ainsi que certains renseignements. M. Stewart n'a pas donné suite aux demandes et aux préoccupations évidentes du demandeur.

27.        Le demandeur a envoyé deux autres courriers électroniques à M. Stewart pour lui demander son aide. M. Stewart n'a jamais répondu au demandeur.

35.        Le demandeur s'est heurté à une absence de soutien de la part du MAECI, et en particulier de M. Stewart.

36.        Les avocats du demandeur ont envoyé deux lettres au MAECI afin d'obtenir communication de documents. Le MAECI a refusé de donner des détails ou de répondre aux questions.


41.        Le MAECI a eu des contacts secrets avec les avocats du demandeur dans les Émirats, afin d'obtenir des renseignements sur le demandeur.

42.        Les avocats du demandeur au Canada ont envoyéune lettre au MAECI pour lui demander des réponses concernant les contacts du MAECI avec les avocats du demandeur dans les Émirats. Le MAECI n'a pas répondu à la lettre du demandeur.

51.        Dans sa correspondance échangée avec M. Stewart, l'ex-épouse du demandeur décrivait le plan, selon lequel l'ambassade du Canada allait délivrer pour la fille du demandeur un document de voyage urgent et le remettre à l'ex-épouse du demandeur, et selon lequel les diplomates [du Canada et du Japon] allaient aider l'ex-épouse du demandeur à franchir les contrôles d'immigration et de passeports des Émirats.

52.        L'ex-épouse du demandeur se demandait, dans sa correspondance adressée à M. Stewart, si les autorités de l'immigration et des passeports des Émirats auraient des soupçons. Elle a aussi demandé à M. Stewart si les autorités des Émirats auraient des soupçons.

53.        Lpouse du demandeur a discuté dans sa correspondance avec M. Stewart des détails de son plan d'enlèvement, en ce qui a trait à la sécurité et au renseignement, et elle évoquait aussi les renseignements antérieurs au plan, concernant les mesures dvasion qu'elle se préparait à mettre à exécution.

54.        Le MAECI n'a pas informéle demandeur des desseins de son ex-épouse.

55.        Les défendeurs ont intentionnellement aidé l'ex-épouse du demandeur à enlever la fille du demandeur.

56.        Les défendeurs sont allés de l'avant avec le plan d'enlèvement et ont aidé l'ex-épouse du demandeur à exécuter ce plan illégal.

58.        Les défendeurs ont sciemment agi de mauvaise foi et ont conspiré contre le bien-être du demandeur.

61.        Le MAECI n'a pas présenté le cas du demandeur à la Commission consultative mixte ainsi que le requiert l'Accord bilatéral entre le Canada et lgypte concernant la coopération relative aux aspects consulaires des affaires d'ordre familial.

63.        Le MAECI n'a pas informéle ministère égyptien des Affaires étrangères des intentions de l'ex-épouse du demandeur.

65.        Le MAECI a coordonné son aide avec les autorités japonaises.

71.        Le MAECI aurait dû prendre des mesures pour informer les autorités des Émirats des desseins de l'ex-épouse du demandeur, mais il ne l'a pas fait.


74.        [M. Stewart et M. Lesage] ont discuté avec l'ex-épouse du demandeur, par courriers électroniques et par téléphone, d'activités [qui étaient] « illégales » et qui contrevenaient aux lois des Émirats.

76.        Les actes du MAECI contredisent la politique du MAECI [concernant les enlèvements internationaux d'enfants].

77.        Le MAECI a eu des contacts secrets avec les avocats du demandeur dans les Émirats, à l'insu du demandeur ou sans son consentement.

78.        Les lois des Émirats et les règlements du ministère de la Justice des Émirats interdisent aux tiers de communiquer secrètement avec les avocats représentant des clients, à l'insu des clients ou sans leur consentement.

80.        L'aide apportée par le MAECI à l'ex-épouse du demandeur contrevenait aux droits garantis au demandeur par l'article 7 de la Charte.

81.        Le refus continu du MAECI d'aider le demandeur dans les Émirats, la négligence du MAECI à communiquer des preuves essentielles, et le comportement des employés du MAECI àlgard du demandeur, sont loin de correspondre à la norme des soins apportés par le MAECI aux Canadiens qui connaissent des difficultés à ltranger.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-300-04

INTITULÉ:                                            Salah Eldin Mohamed Khairy

c.

Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), le Procureur général du Canada, Derrick Stewart et Jean-Marc Lesage

LIEU DE L'AUDIENCE :                    OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 14 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                          LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

DATE DES MOTIFS :                         LE 22 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Edward C. Conway                                                                POUR LE DEMANDEUR

Karine J. Devost

John S. Tyhurst                                                                       POUR LES DÉFENDEURS

Ramona Rothschild

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LEWIS LANGEVIN LLP                                                        POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                                       POUR LES DÉFENDEURS

Ottawa (Ontario)



[1] Dans ses documents de requête et au cours de l'audience, l'avocat du demandeur a consenti à la radiation de plusieurs paragraphes de la déclaration. J'ai donc considéré la déclaration comme si ces paragraphes n'y figuraient pas.

[2] Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République arabe dgypte concernant la coopération relative aux aspects consulaires des affaires d'ordre familial, Recueil des traités du Canada, 1999, n ° 27.

[3] Three Rivers District Council v. Bank of England (No. 3), [2000] 2 W.L.R. 1220.


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