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Date : 20020326

Dossier : T-2380-00

Référence neutre : 2002 CFPI 338

ENTRE :

                                                             SÉBASTIEN BOUCHARD,

                                                                                                                                              Demandeur,

                                                                              - et -

             PHILIP C. CAMPBELL, en sa qualité d'Officier responsable par intérim

             pour la section du personnel de la Gendarmerie royale du Canada

                     MICHAEL ROBINEAU, en sa qualité de Caporal pour la section

                              du personnel de la Gendarmerie royale du Canada

                       JOSSELYN GAUDET, en sa qualité de Surintendant principal

                                          pour la Gendarmerie royale du Canada

                     LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA et

                                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                                                                                                               Défendeurs.

                                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

M. LE JUGE NADON

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée à l'encontre d'une décision de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC » ) de ne pas accepter la candidature du demandeur comme membre régulier de la GRC.

[2]                 Le 31 mars 1998, alors qu'il était étudiant en droit, le demandeur a déposé une demande d'engagement comme membre régulier de la GRC. Suite à une enquête concernant son employabilité, la GRC a refusé sa candidature. Le 27 mars 2000, Philip C. Campbell, Inspecteur, Officier responsable par intérim de la section du personnel et des affectations, Division A et la DG, écrivait au demandeur dans les termes suivants:

Suite à votre demande d'engagement comme membre régulier pour la Gendarmerie royale du Canada, j'ai le regret de vous annoncer qu'en raison des résultats de l'enquête d'admissibilité nous devons mettre un terme à l'étude de votre demande. Nous avons donc constaté que vous n'êtes pas admissible comme membre régulier avec la GRC et avons fermé votre dossier.

[3]                 Le 27 juin 2000, le demandeur écrivait à M. Campbell pour protester le refus de sa demande d'embauche comme membre régulier de la GRC. Selon le demandeur, la décision de M. Campbell était arbitraire et manifestement mal fondée en fait et en droit.

[4]                 Le 13 novembre 2000, le demandeur écrivait au Commissaire de la GRC afin de demander un réexamen ou une révision de la décision rendue par M. Campbell le 27 mars 2000. La lettre du demandeur se lit comme suit:

La présente est pour faire appel à votre pouvoir de réexamen ou de révision de la décision finale rendue M. Philip C. Campbell au sujet de mon embauche comme membre régulier au sein de la Gendarmerie royale du Canada. Cette révision devrait être examinée à la lumière des faits suivants:

- Considérant que mon dossier d'applicant est irréprochable.

- Considérant que la décision de M. Campbell fut basée sur un rapport de police n'ayant aucune force probante et qu'aucune déclaration de culpabilité ne fut déclarée ni même aucune poursuite intentée, il était de son devoir de fonder sa décision sur une preuve pertinente.


- Considérant que je n'ai jamais été mis au courant de l'existence d'un tel rapport et que j'ai soutenu la fausseté des allégations incluses.

- Considérant l'obligation pour tout décideur de respecter la présomption d'innocente du doute raisonnable. À ce sujet M. Campbell aurait dû s'en tenir aux conclusions des enquêteurs en charge de mon dossier, M. Jean-Guy Caron et M. Y.J. Drouin, dont les conclusions furent favorables.

Je vous demande d'acquiescer à ma demande de révision afin de corriger ce refus injustifié et d'assurer que l'administration gouvernementale soit conduite dans le respect d'agir équitablement.

[5]                 Le 4 décembre 2000, le Surintendant principal Josselyn Gaudet répondait à la lettre du demandeur datée le 13 novembre 2000, dans les termes suivants:

La présente fait suite à votre lettre du 13 novembre 2000 au Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada concernant votre candidature comme aspirant policier à la GRC. Votre lettre m'a été transmise pour que je puisse faire une révision de votre dossier.

J'ai examiné attentivement tous les aspects de votre dossier. J'ai constaté que vous avez réussi avec succès l'entrevue de sélection des membres réguliers. Cependant, l'enquête qui s'ensuivit et qui fait une partie intégrale du processus de sélection, a révélé certaines lacunes. Compte tenu de ces résultats et du nombre de postulants qui sollicitent les quelques postes disponibles à la GRC et après mûre réflection, je me vois contraint d'accepter et d'appuyer la décision de l'Officier responsable de la Section du personnel et des affectations, Ottawa.

Je regrette de ne pas être en mesure de donner une réponse favorable à votre demande. Néanmoins, vous pourrez si vous le désirez, présenter votre candidature à nouveau dans deux ans.

[6]                 Le présent litige soulève deux questions. En premier lieu, il s'agit de décider si la demande de contrôle judiciaire du demandeur est hors délai. Si oui, la demande doit être rejetée. Si la réponse à la première question est non, il s'agit dès lors de décider si les principes de justice naturelle et d'équité procédurale ont été respectés.

[7]                 Le paragraphe 18.1(2), de la Loi sur la Cour fédérale, prévoit que toute demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la première communication de la décision attaquée. En l'instance, la demande de contrôle judiciaire du demandeur a été déposée le 22 décembre 2000, soit dans les 30 jours suivant la communication de la lettre de M. Gaudet du 4 décembre 2000. Si la lettre de M. Gaudet constitue une décision au sens du paragraphe 18.1(2), et que cette décision est celle à laquelle s'adresse la demande de contrôle judiciaire du demandeur, la demande a été déposée à l'intérieur du délai prescrit.

[8]                 Selon la défendeur, la décision que devait contester le demandeur est celle rendue par M. Campbell le 27 mars 2000. Puisque le demandeur n'a déposé sa demande de contrôle judiciaire que le 22 décembre 2000, soit presque neuf mois après communication de la décision de M. Campbell, elle doit être rejetée.

[9]                 Comme mon collègue le juge Teitelbaum, dans Drolet c. Inspecteur des faillites (1996), 118 F.T.R. 147, j'en viens à la conclusion que la demande de contrôle judiciaire du demandeur doit être rejetée parce que la décision que conteste véritablement le demandeur est celle rendue par M. Campbell le 27 mars 2000.

[10]            En premier lieu, les paragraphes introductifs de la demande de contrôle judiciaire déposée le 22 décembre 2000 se lisent comme suit:

LA PRÉSENTE EST UNE DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE CONCERNANT:


La Gendarmerie royale du Canada (ci-après G.R.C.), plus spécifiquement la section du recrutement de la région de la capitale nationale, pour les motifs dans sa décision de refuser au demandeur l'admissibilité comme membre régulier au sein de son organisation.

Cette décision fut révisée par la G.R.C. à notre demande et datée du 4 décembre 2000, mais confirmée officiellement au demandeur le 7 décembre 2000.

Il est évident que cette décision a été fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte des éléments concluants à l'effet contraire.

[11]            Tel qu'il appert des paragraphes introductifs de la demande de contrôle judiciaire, le demandeur fait référence à la décision de M. Campbell et à la « décision » de M. Gaudet en date du 4 décembre 2000. Lorsque le demandeur utilise le mot « décision » au troisième paragraphe ci-haut, il n'est pas évident, à première vue, à quelle décision il fait référence. À mon avis, une lecture attentive de ces paragraphes mène à la conclusion que la décision contestée par le demandeur est celle de M. Campbell.

[12]            Je note aussi que dans l'affidavit qu'il a déposé au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur s'adresse principalement à la décision de M. Campbell. Il ne fait référence à la « décision » de M. Gaudet qu'au paragraphe 33 de son affidavit, où il déclare:

33.           Suite à une demande de révision de ma part, le 7 décembre dernier, je me vois refuser une seconde fois une rectification de cette injustice.    Le répondant, M. Gaudet de [sic] G.R.C. se contente de confirmer la première décision sans pour autant expliciter ses motifs. Piéce D-9

[13]            Aux paragraphes 10 et 11 de son Mémoire, le demandeur énonce les questions en litige comme suit:

10.           Est-ce que le processus de recrutement de la Gendarmerie royale du Canada a violé les principes de justice naturelle à l'égard de M. Sébastien Bouchard?

11.           La décision est-elle impartiale, juste et équitable compte tenu des déclarations du Caporal Michael Robineau?

[14]            Une lecture du Mémoire du demandeur me convainc que sa demande de contrôle judiciaire est dirigée à l'encontre de la décision de M. Campbell du 27 mars 2000. Cette même lecture me convainc aussi que la demande judiciaire n'est nullement dirigée à l'encontre de la « décision » de M. Gaudet du 4 décembre 2000. Le demandeur ne soulève aucune erreur, ni dans sa demande de contrôle judiciaire, ni dans son Mémoire, qu'aurait commise M. Gaudet lorsqu'il a refusé de réviser la décision de M. Campbell.

[15]            J'en viens donc à la conclusion que la demande de contrôle judiciaire déposée le 22 décembre 2000 est hors délai. Puisque le demandeur n'a présenté aucune demande visant à proroger le délai de trente jours, sa demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[16]            Puisque j'ai conclu que la demande de contrôle judiciaire est hors délai, je n'ai pas à décider si la lettre de M. Gaudet du 4 décembre 2000 constitue une décision au sens du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale.


[17]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée, le tout sans frais.

                                                                                               Marc Nadon

                                                                                                             Juge

O T T A W A (Ontario)

le 26 mars 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: T-2380-00

INTITULÉ:SÉBASTIEN BOUCHARD c. PHILIP C. CAMPBELL ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE: QUÉBEC, QUÉBEC DATE DE L'AUDIENCE : LE 14 MARS 2002 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NADON EN DATE: 26 MARS, 2002

COMPARUTIONS

M. SÉBASTIEN BOUCHARD POUR LE DEMANDEUR (LUI MÊME)

ME MARIE-DOSÉE MONTREUIL POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DÉPARTEMENT DE LA JUSTICE 284, RUE WELLINGTON OTTAWA, ONTARIO

KIA OH8 POUR L'INTIMÉ

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