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                                                                                                                                            Date : 20011011

                                                                                                                                Dossier : IMM-5244-00

                                                                                                             Référence neutre : 2001 CFPI 1101

Entre :

                                          NTEMO BIENVENU DIMENENE

                                                                                                       Partie demanderesse

                                                               - et -

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                        Partie défenderesse

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue le 26 septembre 2000 par J.-M. Sirois, agent d'immigration, Citoyenneté et Immigration Canada, statuant que le demandeur ne pouvait être admis sous la catégorie des demandeurs non-reconnus du statut de réfugié au Canada ( « DNRSRC » ) en raison d'un manquement au délai de quinze jours, prescrit au Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-72, pour la soumission de sa demande. Au besoin, le demandeur sollicite une prorogation de délai, en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la « Loi » ) en regard de décisions antérieures rendues les 29 août 2000 et 5 septembre 2000.

[2]         Les décisions en question sont contenues dans trois lettres datées respectivement du 29 août 2000, du 5 septembre 2000 et du 26 septembre 2000.


[3]         La lettre du 29 août 2000 constitue la décision originale :

L'examen de votre dossier révèle que vous ne pouvez être admis à titre de membre de la catégorie des DNRSRC du fait que vous devez en être exclu pour la ou les raisons suivantes :

[x]           vous n'avez pas soumis votre demande d'admission à la catégorie des DNRSRC dans les délais prescrits, vingt-deux (22) jours au total; votre délai expirait le 23 juin 2000 et votre demande nous a été signifiée le 10 juillet suivant seulement, soit dix-sept (17) jours après le délai prévu;

[4]         La lettre du 5 septembre 2000 fait suite à une demande de révision faite par le demandeur et maintient la décision originale du 29 août 2000 :

. . . Nous avons réexaminé votre dossier et en sommes venu (sic) à la même conclusion. Votre défaut de présenter une demande d'admission dans les vingt-deux (22) jours suivant la décision de la Section du statut de réfugié (SSR) vous exclut de la catégorie des DNRSRC, car il n'y a pas eu de demande au sens de cette catégorie particulière.

En effet, le 1er juin 2000, la SSR vous adressait sa décision à votre dernière adresse connue de leur service, c'est à dire le 550 Ash #1 à Montréal. Mais vous ne l'aviez pas informée de votre dernière adresse, celle qui apparaît en haut de cette lettre. Ce serait pour cette raison et après des recherches entreprises par le Greffe de la SSR que finalement cette décision vous était transmise le 28 juin 2000. Comme la SSR n'avait pas commis d'erreur d'adresse, le 1er juin dernier, elle n'avait pas à modifier la date de son avis de décision.

Et le délai pour s'inscrire à la catégorie des DNRSRC est toujours calculé à partir de l'avis de décision de la SSR. C'est pourquoi nous ne pouvons pas faire droit à votre demande de reconsidérer notre décision du 29 août dernier qui demeure valide et fondée.

[5]         La lettre du 26 septembre 2000 répond à une demande de révision additionnelle faite par le demandeur et maintient toujours la décision originale du 29 août 2000 :

. . . votre dernière intervention parle de preuve contraire pour demander que votre client soit considéré dans la catégorie des DNRSRC.

Nous ne sommes pas d'avis qu'une telle preuve contraire a été faite dans ce cas. Selon des interprétations déjà fournies par nos représentants auprès de Justice Canada, il n'a pas été établi que votre client ait pu avoir été empêché d'agir, comme par exemple dans le cas d'un emprisonnement, d'une maladie grave invalidante ou d'une absence du pays, pour n'en nommer que quelques-unes.

[. . .]

Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas considérer que votre client s'est déchargé du fardeau de fournir promptement ses changements d'adresse et de nous signifier dans le délai prévu une demande d'admission à la catégorie des DNRSRC. Ainsi, il ne sera pas considéré dans la catégorie des DNRSRC.

Vous pouvez contester cette décision en vous adressant à la Cour fédérale du Canada pour une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, selon les règles établies par cette Cour.


[6]         Comme la demande d'autorisation, dans cette affaire, n'a été déposée que le 5 octobre 2000, seule la décision du 26 septembre 2000 pouvait faire l'objet de cette demande d'autorisation sans la nécessité d'une demande de prorogation de délai. De fait, l'ordonnance d'autorisation du 24 mai 2001 vise expressément et uniquement la décision « en date du 26 septembre 2000 » .

[7]         À l'instar de mon collègue monsieur le juge Noël dans Dumbrava c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (25 septembre 1995), IMM-3068-94, [1995] A.C.F. no 1238 (QL), je suis d'avis que l'agent d'immigration, tirant son pouvoir décisionnaire de la loi écrite, ne peut exercer que les pouvoirs qui y sont expressément prévus. L'agent d'immigration ne peut donc réviser une décision rendue en vertu de la même loi sans y être directement autorisé. Dans Dumbrava, supra, le juge Noël a en effet écrit :

Je pense qu'il vaudrait mieux aborder la question dans l'autre sens, étant donné que faute d'attribution expresse de compétence, il est douteux qu'une autorité décisionnaire puisse revoir une décision antérieure sur la base de nouveaux motifs et exercer son pouvoir discrétionnaire derechef [voir Note 5 ci-dessous]. L'agente des visas tire son pouvoir décisionnaire de la loi écrite, elle ne peut donc exercer que les pouvoirs qui y sont expressément prévus. Je ne doute pas que les lapsus, fautes de frappe et autres erreurs matérielles visibles puissent être rectifiés après coup, mais à mon avis, le pouvoir discrétionnaire de l'autorité décisionnaire est vidé, une fois qu'il a été exercé de la manière prévue par la loi. Il s'ensuit que cette autorité ne peut prononcer deux fois sur la même question.

En l'espèce, l'agente des visas a rejeté la demande le 10 janvier 1994, et a communiqué au requérant les motifs de sa décision par lettre portant la même date. Cela fait, elle n'avait plus compétence pour décider de nouveau l'affaire comme elle l'a fait. Il s'ensuit que ce recours n'a pas d'objet.

Note 5 : Voir par exemple cette conclusion tirée par le juge Pigeon en page 592 de l'arrêt Grillas c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1972] R.C.S. 577 : . . .

[8]         Sur la base de ce raisonnement, donc, le présent recours, dans la mesure où il vise la décision du 26 septembre 2000, laquelle l'agent d'immigration n'était pas expressément autorisé à rendre, n'a pas d'objet. La demande de contrôle judiciaire de cette dernière décision doit donc être rejetée. À cet égard, il y a lieu de certifier la question suivante :


Un agent d'immigration, à la demande d'une partie directement intéressée, a-t-il le pouvoir de réviser le fond d'une décision qu'il a rendue?

[9]         Dans les circonstances, l'autorisation accordée le 24 mai 2001 ne visant que la décision du 26 septembre 2000, il est maintenant nécessaire, vu la règle 6 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d'immigration, DORS/93-22, de considérer la demande d'autorisation dans la mesure seulement où elle vise la décision originale du 29 août 2000 et celle du 5 septembre 2000, et les demandes de prorogation de délai y afférentes.

[10]       À ce sujet, le demandeur a cru plus opportun de faire modifier ces deux décisions en cherchant à en obtenir la révision par l'agent d'immigration plutôt que le contrôle judiciaire par cette Cour. À mon sens, cela ne justifie pas le retard. La prudence requérait du demandeur qu'il dépose une demande de contrôle judiciaire dans le délai requis, quitte à laisser tomber ce recours si ses tentatives de faire changer autrement ces décisions s'avéraient fructueuses.

[11]       Le demandeur soulève aussi comme excuse du retard le fait d'être déménagé le même jour où fut posté l'avis de la décision. Je ne vois pas là d'excuse raisonnable, et ce, pour les raisons suivantes :

-           Le demandeur n'a pas fait preuve de diligence, puisqu'il ne s'est adressé à Postes Canada que le jour même de son déménagement, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que le service ne prendrait effet que 5 à 10 jours plus tard. De plus, sur sa demande, le demandeur a indiqué la date de départ comme le 2 juin et non le 1er, ce qui a ajouté au délai.


-           Contrairement aux obligations qui lui incombaient, le demandeur n'a avisé la Section du statut de réfugié de son changement d'adresse que le 6 juin 2000. Pourtant, le jour de son arrivée au Canada, le demandeur s'était engagé par écrit à aviser Citoyenneté et Immigration Canada de tout changement d'adresse dans les quarante-huit heures. À cette date, le demandeur avait aussi reçu, dans son avis de convocation devant la Section du statut de réfugié, instruction écrite d'informer immédiatement celle-ci de tout changement d'adresse, ce qu'il n'a pas fait.

[12]       Les prorogations de délai demandées sont donc refusées et la demande d'autorisation y reliée, rejetée. Un motif additionnel de rejet de la demande d'autorisation concernant la décision du 5 septembre 2000 réside dans le raisonnement suivi pour le rejet de la demande de contrôle judiciaire visant la décision du 26 septembre 2000.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 11 octobre 2001

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