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                                                                                                                                           T-1266-96

 

                           AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                                                             L.R.C. (1985), C-29;

 

                                        ET un appel interjeté à l'encontre d'une décision

                                                        d'un juge de la citoyenneté;

 

                                                                            ET

 

                                                                    To Ning Ng,

                                                                                                                                              appelant.

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE ROULEAU

 

 

            Il s'agit d'un appel de la décision par laquelle, le 20 mai 1996, un juge de la citoyenneté a refusé la citoyenneté canadienne à l'appelant.  Il a été déterminé que M. Ng ne satisfaisait pas à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, aux termes duquel l'auteur d'une demande de citoyenneté canadienne doit, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.  Le juge de la citoyenneté a conclu que l'appelant n'avait été physiquement présent au Canada que 318 jours sur les 1 460 jours qui se sont écoulés depuis qu'il a obtenu le droit d'établissement, de sorte qu'il lui manquait 777 jours pour arriver au total de 1 095 jours requis.

 

            Il a été déterminé que l'appelant n'avait pas maintenu de liens suffisants avec le Canada pendant ses absences pour que celles‑ci soient prises en compte pour la durée de résidence sous le régime de la Loi; le juge de la citoyenneté a statué qu'il n'y avait aucune raison de recommander au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire.  Pour arriver à sa décision, le juge de la citoyenneté a tenu compte du fait que l'appelant n'avait été au Canada que pendant trois semaines avant sa première absence.  Elle a exprimé l'opinion que l'appelant n'avait pas établi une résidence lorsqu'il était arrivé au Canada en tant qu'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement, que ses absences du Canada étaient volontaires et qu'elles n'étaient pas de nature temporaire, et qu'il n'avait pas fait la preuve de son intégration à la collectivité canadienne et de son intention de vivre au Canada.

 

            Puisque les appels interjetés à la Cour fédérale sous le régime du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté sont des appels de novo, je suis autorisé à tenir compte de tous les éléments de preuve devant moi, y compris du témoignage de l'appelant et de celui de tout autre témoin.

 

            L'appelant a comparu en ma présence à Toronto, le 7 mai 1997.

 

            Dans son avis d'appel, M. Ng a soumis les arguments suivants :

 

[TRADUCTION]  1. Le juge a à tort conclu que je n'avais pas établi qu'en pensée et en fait, j'avais centralisé mon mode de vie au Canada.

 

2.  Le juge a à tort conclu que je n'avais pas établi de résidence lorsque j'étais arrivé au Canada à titre d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement.

 

3.  Le juge a à tort conclu que je n'avais pas établi, de façon concrète ou autre, ma contribution au maintien d'un domicile canadien.

 

4.  Tout autre moyen que l'avocat juge opportun et que la Cour autorise.

 

            L'appelant, un homme de 52 ans, est né à Canton, en Chine, le 5 janvier 1945.  Il est arrivé au Canada, à Vancouver, avec son épouse et leurs enfants, le 3 octobre 1989, et ils ont obtenu le statut de résidents permanents le même jour.  L'appelant et sa famille se sont immédiatement établis à Mississauga (Ontario).  Avant de venir au Canada, l'appelant avait vendu l'une de ses deux entreprises de vente au détail de vêtements de mode à Hong Kong.  Subséquemment, à savoir en mars 1990, il y est retourné pour fermer l'entreprise qui restait et pour vendre les locaux.

 

            En juillet 1990, il a constitué en société Daye Fashion Co. Ltd., une société ontarienne faisant l'importation et l'exportation de vêtements de mode.  Cette compagnie fait affaires à Toronto.  On a soutenu que M. Ng devait se rendre à Hong Kong à de nombreuses occasions pour le compte de Daye Fashion Co. Ltd., qui a un réseau de relations étendu à Hong Kong, où lui‑même négocie avec des acheteurs et des fournisseurs.  On a également fait valoir que M. Ng se rendait aussi en Chine pour y visiter son père âgé, qui souffre d'une hernie discale et d'arthrite sévère au genou; en raison de l'incapacité de celui‑ci à se déplacer, l'appelant a dû l'aider à prendre soin de lui‑même et il a dû prendre des dispositions pour que l'on prenne soin de lui en son absence car sa mère vieillit elle aussi et elle n'est pas en bonne santé.

 

            L'appelant a parrainé ses parents et des neveux au Canada et il a participé à leur préparation en vue d'immigrer.  Pendant la période en cause, l'appelant s'est rendu à Hong Kong et en Chine à 16 reprises, principalement pour affaires et pour prendre soin de son père malade.

 

            Dans son questionnaire sur la résidence, l'appelant a déclaré qu'il était venu au Canada pour mettre une entreprise sur pied et pour s'établir avec sa famille dans un pays qui offre un climat politique stable, un meilleur environnement et un meilleur système d'éducation pour ses enfants.

 

            Invoquant différentes décisions, l'avocat de l'appelant soutient que la [TRADUCTION] «présence physique au Canada pendant 1 095 jours en tout dans les quatre ans qui ont précédé la date de la demande de citoyenneté n'est pas strictement nécessaire dans les cas où le requérant a maintenu et continuera à maintenir et à établir une résidence permanente au Canada, sous la forme d'un lieu d'attache ou pied‑à‑terre.»

 

            L'appelant en l'espèce a comparu en ma présence à Toronto, le 7 mai 1997, et il a déclaré ce qui suit dans son témoignage.  Son métier consiste à exploiter des boutiques de vêtements; il en avait deux auparavant à Hong Kong, et elles comptaient dix employés; il s'est défait des deux boutiques depuis son arrivée au Canada.  Il a obtenu le droit d'établissement à titre d'entrepreneur et, aux termes des conditions dont était assorti son visa, il devait établir une entreprise au Canada et employer des Canadiens.  Peu après son arrivée, il a investi dans deux locaux dans le quartier chinois de l'avenue Spadina : l'un pour la vente en gros et l'autre, pour la vente au détail.  Il emploie trois Canadiens.  Il admet s'absenter fréquemment du Canada parce qu'il se rend encore à Hong Kong pour acheter des vêtements de mode haute couture et d'autres articles qu'il vend dans ses boutiques au Canada.  Lorsqu'il est au Canada, il fréquente la Chinese Community Service Association, où il suit, cinq heures par jour, des cours d'anglais et de citoyenneté, à la suite desquels il s'occupe de son entreprise.

 

            Depuis son arrivée, lui‑même, son épouse et un enfant issu de ce mariage résident à la même adresse à Mississauga.  Deux des autres enfants issus d'un mariage précédent vivent également avec lui.  Ils sont inscrits à l'école primaire et le sont depuis leur arrivée.  L'aîné fréquente l'Université de Toronto.  L'épouse de l'appelant et l'aîné sont maintenant des citoyens canadiens.

 

            Il n'y a aucun doute dans mon esprit que l'appelant a établi sa résidence au Canada et qu'il s'est canadianisé.  Il a investi environ 650 000 $ ici et il paye des impôts sur le revenu ainsi que des impôts sur les sociétés depuis son arrivée.  Il ne retourne à Hong Kong que pour acheter des stocks pour son entreprise et ne se rend en Chine continentale que pour s'occuper de ses parents malades.  Il a tenté de parrainer ces derniers pour qu'ils viennent au Canada, mais leur demande a été refusée pour des raisons médicales.  L'amicus curiae et moi‑même sommes tous deux convaincus qu'il a établi un pied‑à‑terre ferme au Canada.  J'accueille l'appel à l'audience.

 

 

                                                                                                                                    P. ROULEAU       

                                                                                                                                                  JUGE         

 

 

 

OTTAWA (Ontario),

28 mai 1997.

 

 

Traduction certifiée conforme                               

Christiane Delon, LL. L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-1266-96

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Loi sur la citoyenneté

et To Nin Ng

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :le 7 mai 1997

 

MOTIFS DU JUGEMENT de M. le juge Rouleau

 

EN DATE DU :28 mai 1997

 

 

ONT COMPARU :

Stephen W. Greenpour l'appelant

Peter K. Largel'amica curiae

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegelpour l'appelant

Avocats et procureurs

Toronto (Ontario)

 

Peter K. Largel'amicus curiae

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

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