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     Date: 20000712

     Dossier: T-627-00


ENTRE:

     ED WAHL BOAT BUILDERS

     AND REPAIRS LTD.,

     demanderesse,

     - et -


PAUL HOLM et ANTOINETTE HOLM, LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « NORSE-POL » , PORTANT LE NO OFFICIEL 1058601, AINSI QUE TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE,

     défendeurs.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


M. JOHN A. HARGRAVE,

PROTONOTAIRE


[1]      La présente action résulte du contrat de construction du yacht Norse-Pol, de 64 pieds. L'entreprise ayant construit le navire, Ed Wahl Boat Builders and Repairs Ltd. (Wahl), allègue qu'il lui est dû un solde de 330 000 $ pour des travaux additionnels.

[2]      La présente requête porte sur le paragraphe 13 de la déclaration, dans lequel Wahl demande un dédommagement pour enrichissement sans cause, paragraphe dont les défendeurs requièrent la radiation, en plus de demander la fourniture de précisions sur diverses autres allégations de la déclaration ainsi que la prorogation du délai applicable au dépôt de leur défense.

[3]      J'ai radié le paragraphe 13 de la déclaration pour les motifs exposés ci-dessous. Une ordonnance rendue à la même date statue sur les demandes de précisions et de prorogation du délai nécessaire.

ANALYSE

[4]      Le paragraphe 13 de la déclaration est ainsi libellé :

     [TRADUCTION]
     Subsidiairement, la demanderesse demande que les Holm lui versent des dommages-intérêts de 330 000 $ pour enrichissement sans cause.

Les défendeurs affirment que ce paragraphe ne révèle pas l'existence des conditions nécessaires à l'exercice de ce recours.

[5]      Les principes fondamentaux du recours pour enrichissement sans cause ont été énoncés par le juge Dickson (tel était alors son titre) dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Rathwell c. Rathwell, [1978] 2 R.C.S. 436, à la p. 455; (1978) 83 D.L.R. (3d) 289, à la p. 306 :

     En principe, le tribunal ne permettra pas à quelqu'un de s'approprier injustement des biens acquis par le travail d'un autre. Le lien du mariage entre les parties ne met pas en échec ce principe; mais pour qu'il l'emporte, les faits doivent démontrer un enrichissement, un appauvrissement correspondant et l'absence de tout motif juridique - tel un contrat ou une disposition légale - à l'enrichissement. [Non souligné dans l'original]

[6]      Le juge Dickson, s'exprimant au nom de la majorité de la Cour dans l'arrêt Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834, aux p. 847 et 848; (1981), 117 D.L.R. (3d) 257, aux p. 273 et 274, a répété les trois éléments, soulignant que la théorie s'appuyait sur les principes généraux de l'équité élaborés par les tribunaux au cours de siècles. Alors qu'il était juge en chef, le juge Dickson a eu l'occasion de se repencher sur cette question dans l'affaire Sorochan c. Sorochan, [1986] 2 R.C.S. 38, aux p. 43 ss.; (1986) 29 D.L.R. (4th) 1, aux p. 4 ss., et il a expressément posé les exigences nécessaires à l'existence de l'enrichissement sans cause : premièrement, un enrichissement, deuxièmement, un appauvrissement correspondant et, troisièmement, l'absence de tout motif juridique à l'enrichissement.

[7]      Il appert des allégations de la déclaration, considérées comme prouvées pour les fins de la présente requête, qu'il n'existe aucune cause d'action pour enrichissement sans cause. Cette voie de recours y est simplement invoquée, sans aucune précision quant à l'enrichissement ou quant à l'appauvrissement correspondant. Il s'agit là d'un défaut qui peut être corrigé en fournissant des précisions ou en modifiant la déclaration. Un obstacle important se dresse toutefois devant la demanderesse, savoir la présence d'un motif juridique à l'enrichissement - le contrat de construction du Norse-Pol, plaidé au paragraphe 5 de la déclaration. Ce point revêt toutefois un autre aspect.

[8]      En concluant à l'absence de cause d'action pour enrichissement sans cause, j'ai tenu pour avérés les allégués de la déclaration sans le secours d'une preuve par affidavit, ainsi que l'exige la règle 221(2). Les défendeurs disent vouloir faire la preuve qu'il s'appuient aussi sur le contrat de construction existant, dont ils affirment qu'il régit la totalité des rapports entre Wahl et les défendeurs. Bien que je ne puisse examiner cette preuve de l'invocation du contrat ou le contrat lui-même dans le contexte de l'absence de cause d'action, je puis en tenir compte dans le contexte de l'un des motifs exposés dans la requête des défendeurs, savoir que le paragraphe 13 de la déclaration est scandaleux, frivole ou vexatoire. L'avocat des défendeurs a informé la Cour que les défendeurs reconnaissent le contrat de construction - la pièce C de l'affidavit de Mme Lara Petrescu - et s'appuient sur ses clauses. La clause 7 du contrat régit les modifications et additions apportées au navire ainsi que le paiement de ces travaux additionnels.

[9]      Pour déterminer s'il convient de radier le paragraphe 13 de la déclaration, je dois me demander s'il est évident et manifeste que le recours est voué à l'échec. C'est le cas en l'espèce.

CONCLUSION

[10]      Le paragraphe 13 de la déclaration est radié sans autorisation de modification, à la fois parce qu'il ne révèle aucune cause raisonnable d'action et parce qu'il est frivole ou vexatoire puisque le contrat de construction, sur lequel les deux parties s'appuient, régit les travaux aditionnels, savoir les modifications et les additions, et prévoit également les modalités de paiement. De plus, si pour une raison encore inconnue, le juge du procès devait décider de ne pas prendre en considération le contrat de construction - un document passablement long comportant quatre-vingt-dix pages paraissant avoir été signé dans les règles -, le recours subsidiaire en quantum meruit protège parfaitement Wahl.


                             (Signé) « John A. Hargrave »

                                     Protonotaire

Le 12 juillet 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)


Traduction certifiée conforme


Ghislaine Poitras, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-627-2000

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ED. WAHL BOAT BUILDERS AND REPAIRS LTD. c.
                     PAUL HOLM AND ANTOINETTE HOLM, LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « NORSE-POL » , PORTANT LE NO OFFICIEL 1058601, AINSI QUE TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE,
DATE DE L'AUDIENCE :      15 mai 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE HARGRAVE PRONONCÉS LE 12 JUILLET 2000


ONT COMPARU :

Mme Judith Rost              pour la demanderesse

M. Glenn Morgan              pour les défendeurs


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alexander Holburn

Vancouver (C.-B.)              pour la demanderesse

Davis & Co.

Vancouver (C.-B.)              pour les défendeurs

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