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     Date : 19981105

     Dossier : T-2187-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel interjeté de la décision

     d'un juge de la citoyenneté,

     ET

                     SAYNAB ALI NUUR,

     appelante.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    

LE JUGE REED

[1]      L'appelante interjette appel de la décision par laquelle le juge de la citoyenneté a rejeté sa demande de citoyenneté parce qu'elle n'avait pas une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, comme l'exige l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté.

[2]          Il ne fait pas de doute qu'une partie des difficultés de l'appelante provient de son manque de facilité en anglais. En fait, son avocate a critiqué le processus devant le juge de la citoyenneté parce qu'on n'avait pas dit à l'appelante d'emmener un interprète avec elle. Je ne crois pas que cette critique soit fondée. La Loi exige une connaissance "suffisante" de l'une des deux langues officielles. Elle exige une connaissance "suffisante" du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. Cela veut dire que, dans les deux cas, la connaissance devrait être suffisante pour permettre à l'appelante de participer de façon indépendante au processus politico-gouvernemental, en tant que citoyenne, de façon significative (p. ex. en votant). En fait, dans l'affaire Re Adolfo d'Intino, T-819-78 (5 juillet 1998), la Cour a refusé de permettre le recours par l'appelant à un interprète, dans un appel interjeté de la décision par laquelle un juge de la citoyenneté avait conclu que l'appelant n'avait pas connaissance des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. Une différente approche a été adoptée dans Affaire intéressant Abdul-Hamid, [1979] 1 C.F. 600 (1re inst.), et le recours à un interprète a été autorisé. J'estime qu'un demandeur devrait, à tout le moins, posséder une compréhension suffisante de l'une des deux langues officielles, sous forme écrite ou parlée, pour lui permettre d'exercer ses avantages.

[3]          Pour ce qui est de la connaissance du Canada requise par l'alinéa 5(1)e) de la Loi, je ne suis pas persuadée que l'appelante ait rempli les conditions. Le fait qu'une si grande partie de son témoignage a dû être rendu par l'entremise d'un interprète, ce dernier devant intervenir non seulement dans les réponses de l'appelante que dans la formulation des questions, a rendu difficile la détermination de la mesure dans laquelle elle avait réellement la connaissance requise. Elle a effectivement répondu à un nombre de simples questions et ce, correctement, mais pas toujours avec facilité. Tant son avocate que l'amicus curiae ne lui posaient que les questions les plus simples, probablement en raison de la difficulté avec laquelle elle répondait à de simples questions.

[4]          En fait, l'avocate de l'appelante elle-même a insisté sur les facteurs qui, selon elle, auraient dû amener le juge de la citoyenneté à recommander une dispense ministérielle des exigences de connaissance. L'avocate a fait valoir que si la présence d'un interprète n'était nécessairement pas appropriée pour aider l'appelante dans les exigences de connaissance posées par l'alinéa 5(1)e), cette présence était au moins appropriée pour permettre au juge de la citoyenneté de déterminer si une dispense devrait être recommandée. À l'appui de son argument selon lequel une dispense aurait dû être recommandée, l'avocate a mentionné le fait que l'appelante était analphabète dans sa propre langue, qu'elle n'avait pas reçu d'éducation officielle, qu'elle s'était mariée à l'âge de 17 ans, qu'elle était venue au Canada en tant que réfugiée fuyant les luttes dans la guerre civile en Somalie, qu'elle avait six enfants, qu'elle n'avait jamais travaillé à l'extérieur de la maison, que ses enfants plus âgés fréquentaient maintenant l'université et qu'elle n'avait commencé à prendre des leçons d'anglais que récemment.

[5]          J'ai l'impression que l'appelante est une personne très alerte et intelligente et qu'avec le temps, l'instruction et l'effort, elle pourrait acquérir une connaissance suffisante de l'anglais, du Canada et de son système gouvernemental pour obtenir la citoyenneté sans qu'il soit besoin d'une dispense ministérielle. Elle est relativement jeune et, comme je l'ai indiqué, semble avoir une grande capacité. Je ne saurais reprocher au juge de la citoyenneté de n'avoir pas recommandé une dispense.

[6]          On m'a invitée à conclure que parce que l'appelante et ses enfants étaient entretenus aux frais des contribuables du Canada, par l'assistance publique, depuis leur arrivée au Canada, cela démontre la non-compréhension des responsabilités de la citoyenneté. Je ne me prononce pas sur la question de savoir s'il s'agit là d'un facteur pertinent. Je n'en ai pas tenu compte dans ma décision.

[7]          En bref, je ne saurais conclure que l'appelante a rempli les conditions de l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté. En même temps, il lui est toujours loisible de présenter une nouvelle demande de citoyenneté lorsqu'elle aura amélioré ses


connaissances linguistiques et étendu sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté.

                             B. Reed

                                 Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 5 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      T-2187-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29,
                             ET un appel interjeté de la décision d'un juge de la citoyenneté,
                             ET
                             SAYNAB ALI NUUR,

     appelante.

DATE DE L'AUDIENCE :              Le mardi 3 novembre 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Reed

EN DATE DU                      Jeudi 5 novembre 1998

ONT COMPARU :

    Alex Neve                          pour l'appelante
    Peter K. Large                      amicus curiae

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    South Etobicoke Community Legal Services
    Avocats
    2970, boul. Lakeshore ouest, Pièce 303
    Toronto (Ontario)
    M8V 1J5                          pour l'appelante
    Peter K. Large
    610-372, rue Bay
    Toronto (Ontario)
    M5H 2W9                          amicus curiae

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19981105

     Dossier : T-2187-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29,

ET un appel interjeté de la décision

     d'un juge de la citoyenneté,

     ET

         SAYNAB ALI NUUR,

     appelante.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    

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