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     Date: 19990812

     Dossier: IMM-3936-98

Entre :

     Mustafa Ahmed HARB,

     Wafika CHAGHLIL,

     Wessam HATAHET,

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE,

     Partie défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 14 juillet 1998 par la Section du statut de réfugié statuant que les membres de la partie demanderesse (ci-après les demandeurs), Mustafa Ahmed Harb, son épouse Wafika Chaghlil et leur fils Wessam Hatahet, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      La Section du statut a trouvé Mustafa Ahmed Harb, le demandeur principal, non crédible en raison de contradictions et d'explications insatisfaisantes.

[3]      Les demandeurs reprochent à la Section du statut d'avoir fondé sa décision sur du ouï-dire, soit les documents de point d'entrée contenant des informations obtenues par un agent d'immigration américain concernant la possibilité de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis. À ce sujet, il importe de noter que la Section du statut n'est pas liée par des règles strictes concernant la preuve, tel que l'indique le paragraphe 68(3) de la Loi sur l'immigration:

68. (3) The Refugee Division is not bound by any legal or technical rules of evidence and, in any proceedings before it, it may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances of the case.

68. (3) La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.


[4]      En outre, dans Prassad c. M.E.I., [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568 et 569, la Cour suprême du Canada a traité ainsi des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure:

         . . . Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. . . .                 

[5]      Dans un contexte où les demandeurs ne se sont pas objectés au dépôt de la preuve en question lors de l'audience devant la Section du statut et où les demandeurs connaissaient déjà l'information contenue dans les notes de l'agent d'immigration, je ne vois donc aucune iniquité dans la procédure suivie par le tribunal.

[6]      Les demandeurs se plaignent en outre de violation aux principes de justice naturelle en raison de la langue utilisée. Ils allèguent que la Déclaration au point d'entrée du demandeur principal, faite en anglais, n'aurait pas dû être soumise en preuve parce qu'il n'y avait pas alors d'interprète; dans un même souffle, ils se plaignent qu'une partie de l'audience devant le tribunal ait été tenue en arabe, leur langue maternelle, plutôt qu'en anglais, comme l'avait d'abord requis le demandeur principal. À cet égard, il importe de rappeler que les demandeurs ne se sont pas objectés au dépôt de la Déclaration en question devant la Section du statut. En outre, la preuve révèle que le demandeur principal, qui a travaillé en anglais aux États-Unis pendant plus de six ans, comprend très bien l'anglais: 1) sa Formule de renseignements personnels (F.R.P.) a été complétée en anglais, sans interprète; 2) sa représentante n'a pas fait d'objection basée sur la langue, ayant au contraire indiqué au tribunal qu'il n'y avait aucun problème à ce que l'audience se tienne partie en anglais, partie en français, vu la traduction en arabe faite par interprète qualifié et 3), l'extrait suivant de la transcription, à la page 357 du dossier du tribunal:

         -      Monsieur parle très bien l'anglais.                 
         [. . .]                 
         Q.      Donc, vous parlez très bien l'anglais? Donc, vous comprenez bien les questions qui étaient posées là-dedans?                 
         R.      À 90%, 95%.                 

[7]      Dans les circonstances, la position des demandeurs, quant à l'usage ou au non usage de l'anglais, au point d'entrée et à l'audition devant le tribunal, m'apparaît plutôt paradoxale.

[8]      Enfin les demandeurs reprochent à la Section du statut d'avoir conclu à la non crédibilité du demandeur principal sur la base d'éléments non essentiels. Considérant qu'il y a lieu de présumer, en l'absence d'une preuve claire et convaincante au contraire, que la Section du statut a considéré la totalité de la preuve (voir l'arrêt Hassan1), je ne suis pas convaincu, après révision de la preuve, que ce tribunal spécialisé ne pouvait pas raisonnablement conclure comme il l'a fait (voir l'arrêt Aguebor2). Comme l'a décidé l'arrêt Sheikh3, la perception de la Section du statut que les demandeurs ne sont pas crédibles équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible pouvant justifier leur revendication du statut de réfugié.

[9]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 août 1999

__________________

1      Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992), 147 N.R. 317, à la page 318.

2      Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315, aux pages 316 et 317.

3      Sheikh c. Canada, [1990] 3 C.F. 238, à la page 244.

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