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Date : 20020909

Dossier : IMM-5741-01

Référence neutre : 2002 CFPI 948

ENTRE :

                                       PAULOS BOGALE

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

             MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision d'un agent principal. Datée du 29 novembre 2001, la décision en cause refusait le droit d'établissement au demandeur.

[2]         Le demandeur est un citoyen éthiopien qui a obtenu au Canada le statut


de réfugié au sens de la Convention après en avoir fait la demande. Subséquemment, en février 1992, il a introduit une demande de droit d'établissement mais la décision n'a pas été rendue en temps opportun, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) n'ayant pu faire la recherche d'antécédents qui s'imposait. Ce retard a amené le demandeur à introduire une requête de mandamus devant la Cour en vue d'obtenir de CIC une décision finale sur sa demande. CIC, qui n'a pas contesté la demande, a été tenu, sur ordonnance de la Cour, de rendre une décision au plus tard le 30 novembre 2001.

[3]         Le retard dans le traitement de la demande était lié au fait que les agents

de CIC attendaient du gouvernement de l'Éthiopie des documents officiels sur la participation du demandeur à l'ancien régime du pays et sur les accusations criminelles portées contre lui. Le 6 novembre 2001, l'unité des crimes de guerre de CIC a finalement reçu des éléments de preuve réels mais de portée générale. Le 23 novembre 2001, l'agent principal a reçu une documentation de cent pages, traduite en anglais et portant sur la mise en accusation.

[4]         Le 29 novembre 2001, l'agent principal rejette la demande au motif qu'il n'a

pas été convaincu que le demandeur n'était pas une personne décrite dans

l'alinéa 19(1)j) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, qui dispose de la


non-admissibilité des personnes pour lesquelles il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont commis une infraction visée par la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Plus précisément, l'agent principal soutient qu'il y a des raisons de croire que le demandeur était complice de crimes contre l'humanité. Les dates de deux incidents particuliers ont été mentionnées en même temps que le nombre de personnes qui auraient été assassinées. Les informations ont été prises directement de l'acte d'accusation traduit en anglais.

[5]         L'argumentation de fond du demandeur sur cette demande de contrôle

judiciaire de la décision en cause était qu'en n'accordant pas l'occasion de contester les faits allégués avant qu'une décision fût prise, l'agent principal n'avait pas respecté l'obligation d'agir équitablement.

[6]         Le défendeur a soutenu qu'aucune faute n'avait été commise, étant donné que

le demandeur était conscient de la nature des accusations qui pesaient contre lui. Alors que le dossier, dans la précédente requête de mandamus, révélait au demandeur la cause du retard et le fait que CIC essayait d'établir s'il était ou non un criminel de guerre, aucune possibilité réelle n'avait été offerte au demandeur de contester la preuve particulière sur la base de laquelle la décision a été prise.

[7]         Il ressort d'une jurisprudence bien établie que l'obligation d'agir équitablement

impose d'informer le demandeur de la preuve négative et de l'appréciation négative qu'un décideur peut avoir à son égard (Muliadi c. M.E.I., [1986] 2 C.F. 205 (C.A.F.). Cette obligation naît, singulièrement, lorsque le décideur s'appuie sur une preuve

extrinsèque. (Shah c. M.E.I., [1994] A.C.F. n01299 (C.A.F.).


[8]         Dans la présente affaire, l'agent principal a obtenu une preuve

extrinsèque contenant notamment l'acte d'accusation déposé contre le demandeur. Le demandeur n'a pas été informé de l'existence du document. Il n'a pas non plus eu l'occasion de répondre aux allégations graves qui pesaient contre lui. Il apparaît clairement de l'affidavit que le demandeur a produit à l'appui de la présente demande que ce dernier est fondé à contester ces allégations.

[9]         Selon moi, étant entendu la nature très grave des accusations et les

conséquences qui en découlent pour le demandeur quant à sa non-admissibilité sur la base de l'alinéa 19(1)j), l'agent principal était lié par l'obligation de donner au demandeur une chance réelle de répondre aux accusations pesant contre lui. Ne pas l'avoir fait constitue une erreur susceptible de contrôle.                          

                                                    ORDONNANCE

En conséquence, la décision de l'agent principal est annulée et l'affaire renvoyée pour un réexamen par un autre agent principal.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Calgary (Alberta)

Le 9 septembre 2002

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                                   

                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    IMM-5741-01

INTITULÉ :                                  PAULOS BOGALE c. MCI

                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :        Le 9 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :              Le 9 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Mme Roxanne Haniff-Darwent                                               POUR LE DEMANDEUR

M. W. Brad Hardstaff                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Darwent Law Office

Calgary (Alberta)                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                        POUR LE DÉFENDEUR

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