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Date : 20000623


Dossier : IMM-1303-00



Entre :

     PATRICIA ANDREA MARTINEZ SALINAS,

     CRISTIAN ENRIQUE MONCADA CONTRERAS,

     CESAR ALBERTO PEDRAZA MARTINEZ et

     CARLOS ARTURO PEDRAZA MARTINEZ,

     demandeurs,

     - et

     LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION

     ET DE LA CITOYENNETÉ,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE DENAULT


[1]      Le défendeur en appelle d'une ordonnance du protonotaire Morneau qui a rejeté sa requête visant à obtenir le rejet de la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire au motif que la personne agissant au nom des demandeurs n'était pas qualifiée pour les représenter.


[2]      Cet appel vise en particulier des décisions rendues dans deux dossiers1 regroupant eux-mêmes d'autres dossiers2. Dans la mesure où le problème soulevé par le défendeur était le même dans chacun des dossiers, même si le "représentant" du demandeur variait dans certains d'entre eux, le protonotaire n'a rendu que deux décisions, les motifs devant valoir mutatis mutandis dans les autres dossiers. En appel, les arguments de fond sont les mêmes dans tous les dossiers, chacun présentant cependant des variantes quant aux faits. J'entends donc traiter d'abord de la question de fond; j'analyserai dans chaque dossier respectif les faits qui leur sont propres.


[3]      Un résumé des faits généraux s'impose. Alléguant faire face à un problème endémique dans le domaine de l'immigration en raison de la pratique illégale d'individus qui, sans être avocats3, préparent et rédigent des procédures devant cette Cour, le défendeur a déposé dans chaque dossier une requête en rejet de ces demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire. Il plaidait, entre autres, que cette façon d'agir était contraire à l'article 11 de la Loi sur la Cour fédérale (la Loi) et à la règle 119 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles). La requête du défendeur fut rejetée dans le dossier IMM-1320-00 dans des termes qu'il importe de reproduire:

[3]      Il est évident que la Cour ne saurait approuver que des tiers qui ne sont pas avocats puissent poser des gestes qui sont du ressort exclusif des membres du Barreau. Toutefois, même si cela est possiblement le cas en pratique dans les dossiers ci-avant mentionnés et même si la partie demanderesse dans tous les dossiers, sauf le présent, n'a pas réagi face à la requête du défendeur, je ne considère pas néanmoins que la preuve soumise par le défendeur nous amène clairement et assurément à conclure que dans chacun des dossiers, des gestes réservés aux avocats ont été posés par des personnes qui n'en sont pas et que les demandeurs ne peuvent être vus comme se représentant seuls. Seuls certains indices filtrant des dossiers sont mis en lumière par le défendeur. Il ne semble pas que ce dernier ait procédé à interroger quelque personne intéressée dans l'un ou l'autre des dossiers pour étayer sa position. Il n'apparaît pas également des dossiers que le défendeur ait saisi de la situation les autorités chargées de sanctionner la pratique illégale de la profession.
[4]      D'autre part, même si l'on devait se montrer satisfait qu'il y a dans les dossiers une pratique illégale de la profession, je ne suis pas convaincu que le remède à accorder à l'encontre des demandeurs - victimes en quelque sorte de cette représentation illégale - serait d'ordonner le rejet de leur demande. Compte tenu de ma conclusion quant à la preuve du défendeur, je n'ai pas à regarder quel serait le remède ou l'ordonnance approprié alors à accorder à défaut d'ordonner le rejet des demandes. À cet égard, le défendeur ne suggère aucune alternative.
[5]      La présente requête du défendeur est donc rejetée, le tout sans frais.

En ce qui concerne les dossiers IMM-1303-00 et IMM-1304-00, le protonotaire a reconnu que l'avocat des demandeurs n'était plus inscrit au tableau de l'ordre des avocats mais il a ajouté:

"However, I am not convinced that the remedy to be granted by this Court should be to strike out the application. This remedy would appear to the applicants to be harsh to resolve the situation which is most likely unknown to them."

[4]      Bref, tout en désapprouvant que des individus agissent comme avocats sans l'être, le protonotaire a estimé insatisfaisants les indices démontrant si les demandeurs avaient agi seuls ou par personnes non qualifiées. Il a de plus suggéré que le défendeur aurait pu



procéder de façon différente et que, de toute façon, le remède recherché était trop radical par rapport à la "faute" commise.

[5]      J'estime que le protonotaire avait tout à fait raison d'énoncer que la Cour ne saurait approuver que des tiers qui ne sont pas avocats puissent poser des gestes qui sont du ressort exclusif des membres du Barreau. Et son attitude à se montrer exigeant quant à la preuve que des personnes agissent de façon irrégulière pour le compte d'autrui, et surtout son hésitation à rejeter, pour ce motif, une demande d'autorisation, partent d'un bond naturel de bon aloi et qui ne peut qu'être encouragé.

[6]      Mais, si dure soit la sanction - le rejet de la demande d'autorisation - , j'estime néanmoins que l'appel doit être accueilli et les demandes d'autorisation rejetées.

[7]      C'est en effet le rôle et le devoir de la Cour de s'assurer du respect de sa Loi et de ses Règles et que ceux qui comparaissent devant elle ou rédigent des procédures destinées à y


faire valoir des droits sont des fonctionnaires judiciaires (articles 11(1) et (3) de la Loi et 119 des Règles4). En l'espèce, la Cour estime que le pouvoir discrétionnaire du protonotaire a été exercé suite à une appréciation trop restrictive de la preuve du défendeur. En effet, les faits mis en preuve dans chacune des requêtes du défendeur constituaient beaucoup plus que des indices et devaient inexorablement mener à la conclusion que, dans chaque cas, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire des demandeurs avait été préparée et rédigée par un mandataire qui ne pouvait agir à titre de représentant devant cette Cour. Il est vrai qu'un demandeur peut, aux termes de la Règle 119, agir seul mais s'il décide de se faire représenter, alors la règle est claire, il doit l'être par un avocat. Je reconnais par ailleurs que ce n'est pas le rôle du défendeur de veiller au respect de la loi du Barreau; l'organisme professionnel qui représente les avocats est mandaté pour le faire. Mais j'estime cependant qu'il relève de son devoir de fonctionnaire judiciaire de signaler à la Cour un manquement aussi flagrant à ses règles.

[8]      En ce qui concerne ce dossier IMM-1303-00, il appert qu'au moment où la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire a été déposée au greffe par Me Gordon J. Prieur au nom de ses clients, celui-ci n'était plus inscrit au tableau de l'Ordre du Barreau du Québec, ayant été radié par le comité administratif du Barreau le 25 octobre 1999. Et tel qu'il appert de l'affidavit de Jocelyne Anctil, Gordon J. Prieur n'avait pas régularisé sa situation au moment du dépôt des procédures.

[9]      J'en conclus que Gordon J. Prieur n'était pas habilité à représenter les demandeurs devant cette Cour et qu'en conséquence la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[10]      Pour ces motifs, la Cour accueille l'appel du défendeur et rejette la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire des demandeurs.

     ORDONNANCE

     L'appel du défendeur, à l'encontre de la décision du protonotaire R. Morneau rendue le 27 avril 2000, est accueilli, et en conséquence, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.

                             _________________________

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 23 juin 2000

__________________

     1      IMM-1303-00 et IMM-1320-00.

     2      La décision rendue dans IMM-1303-00 s'appliquait aussi au dossier IMM-1304-00, et celle rendue dans le dossier IMM-1320-00 s'appliquait aussi aux dossiers IMM-1219-00, IMM-1220-00, IMM-1221-00, IMM-1237-00 et IMM-1232-00.

     3      Dans les dossiers IMM-1303-00 et IMM-1304-00, le représentant des demandeurs n'était plus avocat, à défaut d'avoir payé ses cotisations, et n'était donc plus inscrit au tableau de l'Ordre du Barreau du Québec.

     4      11.(1) Avocats - Les avocats qui exercent dans une province peuvent agir à titre d'avocats à la Cour.      (2) . . .      (3) Qualité de fonctionnaire judiciaire - Quiconque peut exercer à titre d'avocat ou de procureur à la Cour en est fonctionnaire judiciaire.
     119. Personne physique - Sous réserve de la règle 121, une personne physique peut agir seule ou se faire représenter par un avocat dans toute instance.      . . . . . . . . .
     11.(1) Barrister or advocate - Every person who is a barrister or advocate in a province may practise as a barrister or advocate in the Court.      (2) . . .      (3) To be officers of the Court - Every person who may practise as a barrister, advocate, attorney or solicitor in the Court is an officer of the Court.
     119. Individuals - Subject to rule 121, an individual may act in person or be represented by a solicitor in a proceeding.

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