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Date : 20000403


Dossier : IMM-5394-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 3 AVRIL 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER


ENTRE :


KAI WING LAM



demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



O R D O N N A N C E


     La décision que l'agent des visas Gregory Chubak a prise est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci.



« Danièle Tremblay-Lamer »

                                         JUGE



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000403


Dossier : IMM-5394-98


ENTRE :


KAI WING LAM


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire contre la décision, datée du 18 septembre 1999, dans laquelle Gregory Chubak, vice-consul au consulat général du Canada à Hong Kong (l'agent des visas), a rejeté la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir le statut de résident permanent du Canada.

[2]      Le demandeur est un résident permanent de Hong Kong âgé de 40 ans. Il a présenté une demande de résidence permanente au Canada, par l'entremise du consulat du Canada à Hong Kong, en tant qu'entrepreneur et en tant que travailleur autonome, dans le cadre du programme d'immigration des gens d'affaires.

[3]      Au cours des 15 dernières années, le demandeur a pris considérablement d'expérience tant sur le plan des affaires que sur le plan professionnel. Il a d'abord travaillé en tant que mécanicien au sein d'une entreprise de construction, à titre d'employé de cette dernière, et, après plusieurs années, il a fondé sa propre entreprise de réparation de camions à moteur diesel. À l'heure actuelle, les ventes de son entreprise s'élèvent annuellement à 400 000 $ CAN, et elle produit chaque année un bénéfice net qui varie entre 60 000 $ CAN et 70 000 $ CAN. Le demandeur a un capital net de 750 000 $ CAN.

[4]      Dans sa demande, le demandeur a décrit le type d'entreprise qu'il entendait fonder :

[TRADUCTION] J'ai l'intention d'immigrer au Canada en tant que travailleur autonome ou encore en tant qu'entrepreneur. Si je suis accepté en tant que travailleur autonome, je me spécialiserai dans le réusinage de moteurs diesel et je travaillerai dans mon propre atelier, ce qui est très répandu au Canada. Nous travaillons seulement sur les moteurs, pas sur les véhicules. Si je ne suis pas accepté en tant que mécanicien de moteurs diesel autonome, j'établirai un atelier de réparation de camions ou encore un atelier hydraulique et j'embaucherai un mécanicien diplômé, avec qui je ferai le travail et partagerai mon expérience et mes connaissances. Je me chargerai du service à la clientèle et de l'expansion de l'entreprise. J'envisagerai également les possibilités de travailler avec une entreprise déjà implantée, afin de ne pas avoir à chercher des clients dès le départ. Une fois que les gens connaîtront la qualité de mon travail, on m'enverra des clients. Dans ce domaine, les mécaniciens vraiment bons et efficaces sont rares; c'est la raison pour laquelle les bons mécaniciens ne manquent jamais de travail. J'ai l'intention de dépenser 100 000 $ pour fonder mon entreprise, si je le fais seul. Ou encore d'investir 100 000 $, si je fonde l'entreprise avec un associé local1.

[5]      Le demandeur a eu une entrevue le 17 septembre 1998 avec Gregory Chubak, avec l'aide d'un interprète.

[6]      Dans une lettre datée du 18 septembre 1998, l'agent des visas a informé le demandeur que sa demande de résidence permanente avait été rejetée.

[7]      L'agent des visas a conclu que le demandeur n'était admissible ni en tant qu'entrepreneur, ni en tant que travailleur autonome.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[8]      Voici comment le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 19782 (le Règlement) définit le terme « entrepreneur » :

(a)      who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependents, and
(b)      who intends and has the ability to provide active and ongoing participation in the management of the business or commercial venture.

a)      qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et
b)      qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

[9]      Le paragraphe 2(1) du Règlement contient également la définition de l'expression « travailleur autonome » :

an immigrant who intends and has the ability to establish or purchase a business in Canada that will create an employment opportunity for himself and will make a significant contribution to the economy or the cultural or artistic life of Canada.

un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

L'ANALYSE

[10]      En l'espèce, il ressort de la lettre de refus3 et des notes CAIPS de l'agent des visas que ce dernier a conclu que le demandeur n'était pas en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise qui contribuerait de façon importante à la vie économique canadienne, comme le prévoit la définition d' « entrepreneur » . Le demandeur soutient que l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive lorsqu'il a omis de l'apprécier au regard de la catégorie « est en mesure d'investir une somme importante dans une entreprise » . Je suis d'accord.

[11]      Dans Mak c. MCI4, le juge Campbell a clairement souligné qu'en appréciant un éventuel « entrepreneur » , l'agent des visas devait, en vertu de son obligation d'agir équitablement, apprécier le demandeur non seulement au regard de la capacité de celui-ci d'établir une entreprise, mais également de sa capacité d'acheter une entreprise ou un commerce ou d'y investir une somme importante.

[12]      En l'espèce, la seule mention de l'éventuelle somme que le demandeur investirait dans une entreprise fait partie des notes CAIPS de l'agent des visas :

[TRADUCTION] L'INTÉRESSÉ A DIT QU'IL POURRAIT SE FIER SUR UN AMI QUI VIT PRÉSENTEMENT AU CANADA ET QUI LUI AURAIT DEMANDÉ DE FAÇON INFORMELLE DE DEVENIR SON ASSOCIÉ EN AFFAIRES, À L'ÉGARD D'UNE STATION LIBRE-SERVICE DE RICHMOND. IL N'A DRESSÉ AUCUN PLAN D'URGENCE. IL N'A FAIT AUCUNE RECHERCHE NI ÉTUDE DE FAISABILITÉ, MALGRÉ DES VISITES ANTÉRIEURES AU CANADA5.

[13]      À mon avis, cette seule observation ne constitue pas une appréciation de la capacité du demandeur d'investir dans une entreprise ou un commerce.

[14]      De plus, je n'accepte pas l'argument du défendeur selon lequel on doit présumer que l'agent des visas a tenu compte des ressources dont disposait le demandeur et, en conséquence, de sa capacité d'acheter une entreprise déjà implantée au Canada, étant donné qu'aucune preuve n'établit qu'il n'a pas été tenu compte de ce renseignement. Il ressort d'un examen attentif du dossier que l'agent des visas n'a pas tenu compte du capital net dont disposait le demandeur ni du résumé relatif au demandeur, dans lequel ce dernier renvoie à l'investissement d'une somme de 100 000 $ dans une entreprise6, ni de son projet d'entreprise, dans lequel il mentionne la possibilité d'exploiter un garage avec un associé en Colombie-Britannique7. Voici la seule déclaration que l'agent des visas a faite au sujet des ressources financières du demandeur :

[TRADUCTION] DEPUIS 1984 ENVIRON, L'INTÉRESSÉ EXPLOITE UNE ENTREPRISE DE RÉPARATION DE VÉHICULES À HK. INVESTISSEMENT INITIAL TRÈS FAIBLE (ET TAUX D'INCORPORATION ACTUEL ÉGALEMENT TRÈS FAIBLE, L'ÉLÉMENT D'ACTIF LE PLUS IMPORTANT ÉTANT UN MODESTE COMPTE DÉBITEUR). L'INTÉRESSÉ A DÉCRIT L'ENTREPRISE ET FOURNI DES PHOTOGRAPHIES. ENTREPRISE TRÈS RUDIMENTAIRE8.

[15]      En outre, l'affaire Bakhshee c. MCI9, à laquelle le défendeur a renvoyé, peut être distinguée de la présente affaire vu que les allégations et la preuve du demandeur dans cette affaire portaient uniquement sur l'établissement d'une entreprise. En l'espèce, le demandeur n'a pas fondé sa demande et produit d'éléments de preuve à l'égard d'une seule des trois possibilités que prévoit la définition du terme « entrepreneur » .

[16]      Par conséquent, je suis d'avis que l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive lorsqu'il a omis d'apprécier la capacité du demandeur d'investir dans une entreprise et de tenir compte d'éléments de preuve dont il disposait au sujet des ressources financières du demandeur.

[17]      Vu les conclusions que j'ai tirées, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'aborder les autres arguments que l'avocat du demandeur a soulevés.

[18]      En conséquence, la décision que l'agent des visas Gregory Chubak a prise est annulée et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci.

[19]      L'avocat du demandeur invite la Cour à certifier la question suivante :

L'agent des visas a-t-il l'obligation d'apprécier le demandeur qui présente sa demande en tant qu'homme d'affaires en fonction d'autres catégories, à la demande de ce dernier?

[20]      En l'espèce, l'agent des visas a apprécié le demandeur en tant qu'entrepreneur et en tant que travailleur autonome. Je ne suis donc pas convaincue qu'il s'agit d'une affaire propice à la certification de cette question.



« Danièle Tremblay-Lamer »

                                         JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 avril 2000.







Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-5394-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KAI WING LAM

                     c.

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 29 MARS 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :              3 AVRIL 2000



ONT COMPARU :


M. LAWRENCE WONG                      POUR LE DEMANDEUR

M. GARTH SMITH                          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. LAWRENCE WONG                      POUR LE DEMANDEUR

VANCOUVER (C.-B.)

M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

__________________

1      Dossier certifié du tribunal, à la page 21.

2      DORS/78-172.

3      Dossier du demandeur, à la page 54.

4      (1997) 38 Imm. L.R. (2d) 15.

5      Affidavit de Kai Wing Lam, pièce B.

6      Dossier certifié du tribunal, à la p. 21.

7      Dossier du demandeur, à la page 18.

8      Dossier du demandeur, à la page 15.

9      (1998) 154 F.T.R. 158.

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