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Date : 20211105


Dossier : IMM‑2637‑20

Référence : 2021 CF 1192

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

YAN YAN WONG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Mme Yan Yan Wong, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du 30 janvier 2020 de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) par laquelle celle‑ci l’a déboutée de son appel de la décision d’un agent d’immigration (l’agent) qui a conclu qu’elle avait violé l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Lors de l’audience tenue devant la SAI, la demanderesse n’a pas contesté la validité juridique des conclusions de l’agent, mais a sollicité la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire. La SAI a décidé que la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau de la convaincre qu’il y avait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

[2] La demanderesse soutient que la décision de la SAI de refuser la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire afin de lever les exigences relatives à son visa de résident permanent (RP) est déraisonnable. Elle prétend que la SAI n’a pas examiné adéquatement son degré d’établissement au Canada, les difficultés auxquelles elle serait confrontée si elle devait retourner en Chine et l’intérêt supérieur de sa petite‑fille née au Canada.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAI est déraisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Faits

A. La demanderesse

[4] La demanderesse est une citoyenne de Chine âgée de 63 ans. Elle est arrivée au Canada en tant que résidente permanente le 16 novembre 2010 accompagnée de son seul enfant, monsieur Ka Cheung Henry Chan (M. Chan), qui était une personne à sa charge à l’époque.

[5] M. Chan est devenu citoyen canadien en 2013. En 2014, il a épousé une citoyenne canadienne et a eu une enfant née au Canada en octobre 2015. M. Chan et sa famille vivent à Vancouver, en Colombie‑Britannique.

[6] La demanderesse a acheté un appartement dans le même immeuble que son fils à Vancouver et contribue aux soins prodigués à sa petite‑fille. En tout, elle possède trois propriétés résidentielles au Canada : une pour son usage personnel et deux autres à titre d’investissement.

[7] La demanderesse et son fils ont aussi loué un immeuble pour quinze ans à Surrey, en Colombie‑Britannique, où ils planifient d’établir un centre de la petite enfance. La demanderesse a transféré la majorité de ses avoirs au Canada pour investir dans le centre de la petite enfance.

[8] Selon la demanderesse, après être devenue résidente permanente, elle a vendu sa propriété résidentielle en Chine et a arrêté de s’occuper des affaires de sa société commerciale située à Guangzhou en Chine.

[9] La demanderesse vient d’une fratrie de quatre : elle a une sœur et deux frères. En décembre 2010, sa sœur a été hospitalisée puis est décédée en février 2012 après 14 mois passés dans un état critique.

[10] La mère de la demanderesse souffrait également d’une santé précaire et a souvent été hospitalisée durant la période quinquennale examinée par l’agent. Elle est décédée le 1er avril 2020.

[11] Les deux frères de la demanderesse n’étaient pas en mesure de soutenir leur sœur ou leur mère quand elles étaient malades ni ne le souhaitaient. La demanderesse est donc revenue en Chine en décembre 2010 pour prendre soin de sa sœur. Après le décès de celle‑ci, elle est demeurée en Chine pour prendre soin de sa mère lorsque sa santé a périclité.

[12] La demanderesse a habité au Canada pendant un temps en 2013 et 2014 et y est retournée en 2015 lorsque sa petite‑fille est née.

[13] En novembre 2015, la demanderesse a soumis une demande de renouvellement de sa carte de RP qui était arrivée à échéance le 13 décembre 2015. Après l’expiration de celle‑ci, elle n’a plus été en mesure de voyager au Canada.

[14] Le 14 janvier 2019, l’IRCC a envoyé à la demanderesse une lettre concernant sa demande de carte de RP et a exigé qu’elle se présente à une entrevue en personne à Vancouver afin qu’une autre carte de RP lui soit délivrée. La demanderesse a alors présenté une demande de titre de voyage pour résident permanent pour se rendre à Vancouver. Celle‑ci est parvenue à l’IRCC le 29 janvier 2019 et a été rejetée le 23 juillet 2019 par l’agent du bureau des visas de l’IRCC à Guangzhou.

[15] L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas respecté son obligation de résidence prévue à l’article 28 de la LIPR, qui exige qu’un résident permanent réside au Canada pour au moins 730 jours de chaque période quinquennale. Pendant la période quinquennale examinée par l’agent, la demanderesse est restée au Canada pendant seulement 104 des 730 jours exigés.

[16] La demanderesse a interjeté appel devant la SAI de la décision de l’agent pour des motifs d’ordre humanitaire.

B. La décision contestée

[17] L’audience devant la SAI s’est tenue le 30 janvier 2020. La demanderesse a témoigné en personne, tout comme son fils. Le 6 février 2020, la SAI a débouté la demanderesse de son appel parce qu’elle n’avait pas établi qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce. La décision de la SAI énonce ce qui suit :

[3] L’appelante ne conteste pas la validité juridique de la décision. Elle reconnaît ne pas s’être conformée à son obligation de résidence au cours de la période quinquennale précédant la présentation de sa demande de titre de voyage le 29 janvier 2019. Je conclus que la décision est valide en droit.

[4] Je conclus également que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, qu’il y a, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché, des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. L’appel est rejeté.

[18] La SAI a examiné le profil de résidence de la demanderesse durant la période quinquennale visée et a conclu qu’il ne démontrait pas une forte motivation de la part de la demanderesse de résider ou de s’établir au Canada. La SAI a conclu que l’étendue du manquement de la demanderesse à son obligation de résidence était importante, que sa présence au Canada avait diminué avec le temps et qu’elle continuerait de manquer à son obligation dans un avenir prévisible.

[19] Bien que la SAI ait admis que la demanderesse avait déployé des efforts pour s’établir d’une façon permanente au Canada en vendant sa propriété en Chine pour ensuite acheter des propriétés au Canada et investir dans une entreprise commerciale, elle a estimé que ces transactions avaient été principalement effectuées à des fins d’investissement.

[20] La SAI a admis que la principale raison qui avait poussé la demanderesse à résider surtout en Chine durant la période quinquennale visée était de prendre soin de sa sœur et de sa mère malades et que, n’eût été cette situation, elle serait demeurée au Canada avec son fils unique et la famille de celui‑ci. La SAI a également reconnu que le retard dans le traitement de la demande de carte de résident permanent expliquait en partie pourquoi la demanderesse n’était pas revenue au Canada pendant près de quatre ans. Cependant, la SAI a décidé que la demanderesse n’avait pas tenté de revenir au Canada à la première occasion et que la séparation d’avec la famille de son fils était suscitée par sa « compulsion […] à rester auprès de sa mère » et que cette séparation se poursuivrait, peu importe l’issue de l’appel.

[21] Enfin, la SAI a jugé que l’intérêt supérieur de la petite‑fille de la demanderesse était que cette dernière joue un rôle actif et à part entière dans sa vie. La SAI a conclu que l’issue de l’appel n’aurait pas d’incidence sur sa relation avec sa petite‑fille, puisqu’aucun plan n’avait été établi pour le retour de la demanderesse au Canada pendant qu’elle prenait soin de sa mère. La SAI a statué qu’en l’absence d’un plan pour revenir et s’établir de façon permanente au Canada, l’intérêt supérieur de l’enfant ou un préjudice hypothétique ne peuvent se voir accorder beaucoup de poids.

III. Question en litige et norme de contrôle

[22] La seule question en litige consiste à savoir si la décision de la SAI est raisonnable.

[23] Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Je suis de cet avis. Les décisions de la SAI relatives à la prise ou non de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire afin de rendre inopposable l’inobservation de l’obligation de résidence sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1028 au para 8, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux para 16‑17, 23‑25).

[24] Cette norme de contrôle est fondée sur la déférence, mais elle est rigoureuse (Vavilov, aux para 12‑13). La cour de révision doit se prononcer sur la question de savoir si la décision qui fait l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). La décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif pertinent, du dossier dont disposait le décideur et de l’incidence de la décision sur ceux qui en subissent les conséquences (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[25] Pour qu’une décision soit déraisonnable, un demandeur doit démontrer que celle‑ci comporte des lacunes qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Les cours de révision doivent s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, elles ne doivent pas modifier les conclusions de fait (Vavilov, au para 125).

IV. Analyse

[26] L’article 28 de la LIPR dispose que le résident permanent doit être effectivement présent au Canada pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale. La demanderesse ne conteste pas la conclusion de l’agent selon laquelle elle n’a pas respecté l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la LIPR. Elle fait plutôt valoir que la SAI a pris une décision déraisonnable lorsqu’elle a conclu que les motifs d’ordre humanitaire invoqués ne suffisaient pas pour rendre inopposable, en vertu de de l’alinéa 28(2)c) de la LIPR, l’inobservation de l’obligation de résidence.

[27] Le défendeur avance que la transcription de l’audience et les motifs de la décision démontrent que la SAI a énuméré correctement les facteurs pertinents pour statuer s’il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales, et qu’elle a pondéré attentivement l’ensemble de la preuve ainsi que la situation de la demanderesse.

[28] Dans la décision Ambat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292 (Ambat), au para 27, la Cour a repris les facteurs pertinents dont la SAI doit tenir compte pour juger s’il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales :

  • (i) l’étendue du manquement à l’obligation de résidence;

  • (ii) les raisons du départ et du séjour à l’étranger;

  • (iii) le degré d’établissement au Canada, initialement et au moment de l’audience;

  • (iv) les liens familiaux avec le Canada;

  • (v) la question de savoir si [le demandeur] a tenté de revenir au Canada à la première occasion;

  • (vi) les bouleversements que vivraient les membres de la famille au Canada si [le demandeur] est renvoyé du Canada ou si on lui refuse l’entrée dans ce pays;

  • (vii) les difficultés que vivrait [le demandeur] s’il est renvoyé du Canada ou s’il se voit refuser l’admission au pays;

  • (viii) l’existence de circonstances particulières justifiant la prise de mesures spéciales.

[29] Outre ces facteurs, la SAI se doit d’examiner l’intérêt supérieur des enfants directement touchés (Ambat, au para 27).

A. Les raisons du départ et du séjour à l’étranger

[30] Lors de l’examen des motifs d’ordre humanitaire, le décideur doit « véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à sa connaissance et leur accorder du poids » (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 (Kanthasamy) au para 25, citant Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 74‑75). Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême a affirmé « [qu’i]l peut y avoir des motifs dictés par l’humanité ou la compassion pour laisser entrer des gens qui, règle générale, seraient inadmissibles » (Kanthasamy, aux para 12‑13).

[31] La décision de la SAI relève l’expectative selon laquelle les résidents permanents doivent s’établir au Canada en y étant effectivement présents. Par contre, la demanderesse a témoigné sur les circonstances qui l’ont empêchée de se trouver effectivement présente au Canada.

[32] Je conclus qu’une myriade d’éléments de preuve déposés devant la SAI démontraient que l’absence de la demanderesse du Canada était temporaire et était causée par le devoir de prendre soin de sa sœur et de sa mère malades. La demanderesse était limpide : elle a toujours eu l’intention de s’installer au Canada pour être auprès de son fils et de la famille de celui‑ci.

[33] Au moment de l’audience tenue devant la SAI, la mère de la demanderesse était encore malade et la demanderesse a témoigné qu’elle prévoyait revenir au Canada pour remplir son obligation de résidence lorsque sa mère guérirait ou décéderait:

[traduction]

[…] De plus — la seule raison qui me tient éloignée de mon fils est ma mère qui a besoin de soins. Donc, dès son décès, je reviendrai ici. Ou lorsqu’elle ira mieux, je reviendrai ici. Vous savez, je reviendrais ici à la moindre possibilité. Il n’y a aucune chance que je ne revienne pas, parce que tous mes avoirs sont au Canada et que j’ai déjà fait un investissement.

[34] Je me rallie à l’argument de la demanderesse selon lequel cette déclaration démontre son intention de revenir au Canada et que prendre soin de ses proches constituait sa seule raison de quitter le pays et de rester en Chine.

B. Le degré d’établissement au Canada et la motivation de résider au Canada

[35] Bien que la SAI ait admis que la demanderesse avait des raisons personnelles impérieuses de ne pas résider au Canada, elle a conclu qu’elle ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer l’existence de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. La SAI a reproché à la demanderesse de ne pas avoir démontré une forte motivation de résider ou de s’établir au Canada et lui a aussi reproché l’absence d’un plan tangible pour le faire dans le futur, car sa raison pour rester en Chine — prendre soin de sa mère — était toujours la même au moment de l’audience. La SAI a aussi remarqué que la présence de la demanderesse sur le sol canadien avait diminué au fil du temps et qu’elle n’avait pas réussi à démontrer que, depuis les dix dernières années, elle voulait fortement s’établir au Canada.

[36] À titre de prémisse à sa conclusion selon laquelle la demanderesse ne s’est que minimalement établie au Canada, la SAI s’est aussi montrée préoccupée du fait que la demanderesse n’avait pas établi d’une manière crédible qu’elle ne tirait plus de revenus ou ne possédait plus d’actifs en Chine, puisqu’elle a été en mesure de transférer de grosses sommes et d’obtenir des prêts hypothécaires considérables pour ses investissements au Canada.

[37] La demanderesse soutient que l’accent mis par la SAI sur le peu de temps qu’elle a passé au Canada fait abstraction de l’ensemble du contexte propre à sa situation. Lors de l’audience devant la SAI, la demanderesse a été interrogée à propos du temps passé à l’extérieur du Canada. Elle a expliqué que la nécessité de prendre soin de sa mère malade et l’expiration de sa carte de RP étaient ce qui la retenait à l’étranger :

[traduction]

Q: Donc, de novembre 2015 à août 2019, vous avez passé environ dix jours au Canada pendant toute cette période ?

A: À ce moment‑là, ma carte de RP était arrivée à échéance. De plus, ma mère était malade, donc je ne voyais pas d’autres solutions pour revenir ici.

[38] La demanderesse fait également valoir qu’en statuant qu’elle n’avait pas l’intention de résider au Canada à long terme, la SAI a mis l’accent sur le temps qu’elle a passé à l’étranger et a omis de pondérer adéquatement son absence de liens avec la Chine, ses liens familiaux au Canada, et ses efforts pour implanter ses avoirs au pays en investissant dans l’immobilier et en œuvrant pour ouvrir une entreprise locale.

[39] Pour ce qui a trait aux préoccupations de la SAI à propos de fonds auxquels la demanderesse aurait accès en Chine, le défendeur déclare que la SAI a raisonnablement statué que la demanderesse doit encore avoir accès à des sommes considérables en Chine si elle a été en mesure d’obtenir des prêts hypothécaires substantiels. Je ne suis pas de cet avis. Les éléments de preuve déposés par la demanderesse montrent qu’elle ne possède plus de propriété en Chine, n’a pas d’emploi ou de sources de revenus dans ce pays et que rien ne prouve qu’elle continue à avoir accès à des fonds en Chine.

[40] Je suis convaincu par les observations de la demanderesse que la SAI a omis de tenir compte de l’ensemble du contexte propre à sa situation. La demanderesse a fait la preuve de sa motivation à s’établir au Canada en transférant ses avoirs de Chine, en investissant dans l’achat de propriétés et en élaborant des plans avec son fils pour ouvrir une entreprise.

[41] Je conclus que les motivations de la demanderesse ne se cantonnent pas à la sphère financière et qu’elle a clairement établi qu’elle souhaitait rester près de son fils unique et de la famille de celui‑ci au Canada, y compris en jouant un rôle actif dans la vie de sa petite‑fille. D’après la preuve présentée par la demanderesse, son absence durant la période quinquennale examinée par l’agent était de nature temporaire et découlait de ses obligations familiales consistant à prendre soin de sa mère et de sa sœur malades, aujourd’hui décédées. Au moment même où elle accomplissait ses devoirs filiaux, elle continuait de planifier de faire sa vie au Canada.

[42] Vu la preuve au dossier de la SAI et la déposition de la demanderesse voulant que son temps passé à l’extérieur du Canada était temporaire et était seulement causé par la nécessité de prendre soin de sa mère en Chine, je ne peux pas statuer que la conclusion de la SAI était justifiée et intelligible (Vavilov, au para 15).

[43] Pour ces motifs, j’estime que la décision de la SAI est déraisonnable. Au vu de cette conclusion, je ne considère pas qu’il soit nécessaire d’aborder les observations de la demanderesse à l’égard de l’ISE ou des difficultés liées à son éloignement d’avec sa famille au Canada, car je les ai suffisamment commentées ci‑dessus.

V. Conclusion

[44] La demanderesse était déchirée entre le Canada et la Chine durant une période où elle a rempli ses obligations familiales en prenant soin de sa mère malade en Chine. Bien que la SAI ait tenu compte des raisons pour lesquelles la demanderesse ne se trouvait pas au Canada, elle n’a pas reconnu le caractère temporaire de son absence. Plus précisément, la SAI a omis d’accorder le poids requis quant à l’absence de liens de la demanderesse avec la Chine et quant aux efforts qu’elle a déployés pour s’établir au Canada de manière à être près de son fils unique et de la famille de celui‑ci.

[45] Aucune question aux fins de certification n’a été proposée et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2637‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI pour qu’il rende une nouvelle décision.

  2. Il n’y a pas de question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2637‑20

 

INTITULÉ :

YAN YAN WONG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 SeptembRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 5 NovembRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Joshua Slayen

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nima Omidi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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