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Date : 19980723


Dossier : IMM-2937-97

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :


ASHOK KUMAR CHHIBBER,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

Pour les motifs écrits accompagnant la présente ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                     " Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.


Date : 19980723


Dossier : IMM-2937-97

ENTRE :


ASHOK KUMAR CHHIBBER,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l"agente des visas Marlene Edmond a rejeté, le 10 juin 1997, la demande de résidence permanente déposée par le demandeur invoquant la catégorie des travailleurs autonomes.

LES FAITS

[2]      Le demandeur, un citoyen de l"Inde, est marié et il a deux fils. Il exploite pour son propre compte deux entreprises qui lui appartiennent, à New York. Il possède et exploite un magasin de tabac appelé M.M. Smoke Shop, et il est " revendeur " de vêtements pour femmes dans des marchés aux puces.

[3]      Après avoir déposé plusieurs documents au Consulat général du Canada à New York, le demandeur a eu une entrevue avec l"agente des visas. À l"entrevue, l"agente des visas a dit qu"elle avait des doutes sur l"achat par le demandeur de M.M. Smoke Shop, de sa belle-soeur. À l"époque, la seule preuve dont disposait l"agente des visas établissant que l"entreprise appartenait au demandeur était une déclaration écrite de sa belle-soeur. Le demandeur lui aurait montré les certificats des actions qu"il possédait dans l"entreprise, mais l"agente des visas lui aurait dit que le transfert de l"entreprise aurait dû être effectué par un avocat pour qu"il soit satisfait à certaines exigences légales.

[4]      Le demandeur soutient qu"aucune question ne lui a été posée sur l"exploitation de son magasin de tabac ni sur son métier de revendeur. Cependant, le défendeur fait remarquer qu"il ressort des notes d"entrevue de l"agente des visas que le demandeur vend des cigares, des cigarettes et des billets de loterie, et qu"il reçoit une commission de six pour cent sur la vente de billets de la New York State Lottery. Le défendeur prétend donc qu"il est clair que l"agente des visas a posé des questions au demandeur au sujet de son magasin de tabac.

[5]      Le demandeur a dit qu"il avait déjà travaillé comme commis à l"expédition, vendeur, et directeur de l"expédition. Il a également dit que bien qu"il ne fût jamais venu au Canada, plusieurs de ses amis et parents vivaient dans la région de Toronto, travaillaient pour leur propre compte, et pourraient l"aider.

[6]      L"agente des visas a noté que le bénéfice net de l"entreprise était de 2 325 $US en 1993 et de 1 109 $US en 1994, et elle a avisé le demandeur que son entreprise ne paraissait pas très rentable et n"établissait pas qu"il était en mesure d"établir une entreprise au Canada.

[7]      Après l"entrevue, l"avocat du demandeur a envoyé des documents supplémentaires à l"agente des visas afin d"établir que le magasin de tabac appartenait à son client. Ces documents comprenaient des copies des certificats d"actions du demandeur, des chèques annulés pour payer le loyer de l"entreprise signés par le demandeur, des lettres de deux anciens employeurs du demandeur décrivant les tâches de celui-ci, une lettre de la belle-soeur du demandeur concernant l"avis de transfert des actions et de la propriété de l"entreprise à celui-ci, de même qu"une lettre de Smokes & Butts International. L"avocat du demandeur a également dit s"être entretenu avec un avocat à New York qui lui avait dit que le transfert de l"entreprise au demandeur avait satisfait à toutes les exigences légales. L"agente des visas a accepté que le demandeur possédait la société à laquelle appartenait le magasin de tabac.

[8]      L"agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente. Dans sa décision, elle a dit que le demandeur n"était pas en mesure d"établir ni d"acheter une entreprise au Canada qui contribuerait de façon importante à l"économie canadienne.

[9]      L"agente des visas a dit que les tâches que le demandeur devait remplir dans le cadre de ses emplois antérieurs se limitaient au travail de bureau et de commis, et à la vente. Elle a ajouté que le demandeur ne paraissait pas bien connaître son entreprise de vente de tabac, qu"il n"était jamais venu au Canada, mais qu"il avait tout de même l"intention d"établir plusieurs magasins de tabac à Toronto.

[10]      Elle a également fait remarquer que le demandeur possédait des avoirs liquides s"élevant à 60 307,31 $US, des dividendes d"assurance-vie s"élevant à 29 280 $US, et une propriété en Inde dont on estimait la valeur à 40 000 $US. L"agente des visas a conclu qu"il n"était pas réaliste de considérer que ces fonds permettraient au demandeur d"acheter une entreprise qui contribuerait de façon importante à l"économie et ferait vivre le demandeur et les personnes à sa charge.

LES OBSERVATIONS

Les observations du demandeur

[11]      Les observations écrites que le demandeur a déposées dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire comprennent plusieurs arguments en ce qui concerne la raison pour laquelle la décision de l"agente des visas devrait être annulée. À l"audition tenue devant moi, le demandeur a fait deux observations sur cette question.

[12]      L"argument clé du demandeur est que l"agente des visas a commis une erreur lorsqu"elle a déterminé, en se fondant sur la rentabilité de son entreprise, qu"il n"était pas en mesure d"établir avec succès un " magasin de tabac "

[13]      Le deuxième argument présenté par le demandeur est que l"agente des visas a commis une erreur lorsqu"elle a déterminé que le demandeur serait incapable d"établir une entreprise au Canada qui contribuerait de façon importante à l"économie canadienne.

L"ANALYSE

[14]      Après avoir examiné tous les documents dont disposait l"agente des visas, je ne peux conclure que celle-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon erronée lorsqu"elle a rejeté la demande déposée par le demandeur.

[15]      Il incombe au demandeur de convaincre l"agente des visas qu"il est en mesure d"établir avec succès une entreprise au Canada qui contribuera de façon importante à l"économie canadienne.

[16]      En quoi consistait la preuve dont disposait l"agente des visas établissant que le demandeur était en mesure d"établir avec succès un " magasin de tabac " - c"est-à-dire une entreprise qui contribuerait de façon importante à l"économie canadienne?

[17]      L"agente des visas dit, au paragraphe 9 de son affidavit :

                 [TRADUCTION] Le demandeur ne semble pas bien connaître son entreprise. Je lui ai expliqué à l"entrevue que j"étais d"avis que, compte tenu des éléments d"actif qu"il possédait et des responsabilités familiales qui lui incombaient, il ne serait pas en mesure d"acheter une entreprise au Canada. Je lui ai également dit que j"étais d"avis qu"il n"était pas en mesure d"établir une entreprise au Canada qui contribuerait de façon importante à l"économie ou à la vie culturelle ou artistique canadienne.                 

[18]      Le demandeur a acheté l"entreprise de sa belle-soeur en 1991 au prix de 50 000 $US, et la valeur nette de l"entreprise était de 58 903 $US en 1996. La valeur nette de l"entreprise a donc augmenté d"environ 9 000 $US sur une période d"environ six ans.

[19]      Il ressort des déclarations de revenus de l"entreprise pour les années 1993, 1994 et 1995, comme le dit l"avocat du défendeur, que [TRADUCTION] " l"entreprise est très légèrement rentable ".

[20]      Selon le U.S. Corporation Income Tax Return pour l"année d"imposition 1993, le chiffre d"affaires brut de M.M. Smoke Shop Inc. était de 96 903 $US, ce qui générait un profit brut de 14 797 $US qui, additionné aux commissions de la New York State Lottery, qui s"élevaient à 22 879 $US, engendrait des recettes brutes totales de 37 676 $US desquelles il fallait déduire des dépenses de 35 351 $US, ce qui donnait un montant imposable de 2 325 $US1.

[21]      Il ressort de cette déclaration de revenus que la somme de 9 120 $US a été versée aux dirigeants en guise de rémunération. Je suppose que cette somme a été versée au demandeur. En conséquence, le revenu total net provenant de l"entreprise était de 11 445 $US pour l"année 1993. C"est très peu pour faire vivre une épouse et des enfants. Il ne s"agit pas d"une somme établissant la capacité d"exploiter une entreprise avec succès.

[22]      Pour l"année 1994, il ressort de la déclaration de revenus que le revenu imposable s"élevait à 1 109 $US et que la somme de 9 120 $US a été versée aux dirigeants en guise de rémunération, ce qui donne un total de 10 229 $US. Le revenu total net était donc inférieur à celui de 19932. Encore une fois, il ne s"agit pas d"une somme établissant la capacité d"exploiter une entreprise avec succès.

[23]      Pour l"année 1995, les recettes brutes de l"entreprise ont été grandement supérieures à celles de l"année d"imposition 1994. En 1994, les recettes brutes provenant des ventes s"élevaient à 87 455 $US, alors qu"en 1995, elles s"élevaient à 554 975 $US. Le profit brut pour l"année 1995 a été de 91 548 $US, et c"est à même ce profit que la somme de 15 006 $US a été versée aux dirigeants en guise de rémunération et que la somme de 18 750 $US a été versée à titre de salaires. Après les autres déductions, le revenu imposable était de 7 731 $US, et de cette somme, 1160 $US ont dû être versés à titre d"impôt.

[24]      Par conséquent, au mieux, les revenus du demandeur provenant de l"entreprise pour l"année 1995 ont été de 15 006 $US, 18 750 $US et 6 571 $US, pour un total de 40 327 $US.

[25]      Je suis convaincu que, même compte tenu de l"augmentation soudaine des revenus de l"entreprise pour l"année d"imposition 1995, l"agente des visas n"a pas exercé son pouvoir discrétionnaire à tort lorsqu"elle a rejeté la demande déposée par le demandeur au motif que celui-ci n"était pas en mesure d"établir une entreprise avec succès.

[26]      Il ressort de la lettre de refus, datée du 3 juin 1997, que l"agente des visas a envoyée au demandeur que la demande de résidence permanente au Canada de ce dernier a également été rejetée au motif que [TRADUCTION] " [...] vous n"avez pas établi que vous étiez en mesure d"établir ou d"acheter une entreprise au Canada qui [...] contribuerait de façon importante à l"économie ou à la vie culturelle ou artistique canadienne ".

[27]      Ni l"une ni l"autre partie n"a invoqué d"arrêt définissant le mot " important ".

[28]      Selon le American Heritage Dictionary ce mot signifie [TRADUCTION] " important ou notable " lorsqu"il est utilisé avec le mot " contribution ". Le Shorter Oxford English Dictionary dit lui aussi que ce mot signifie [TRADUCTION] " important ou notable ".

[29]      Je ne vois pas comment le demandeur, en ouvrant un magasin de tabac, contribuera de façon importante ou notable à l"économie canadienne. Je sais très bien qu"il n"est pas nécessaire d"établir que l"entreprise créerait de nombreux emplois pour démontrer qu"elle contribuera de manière importante à l"économie canadienne, mais il ne ressort pas de la preuve que le demandeur embaucherait même un seul Canadien.

[30]      Mon rôle ne consiste pas à mettre en doute la décision que l"agente des visas a prise en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Compte tenu de la preuve dont elle disposait, sa décision me paraît raisonnable.

[31]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[32]      Ni l"une ni l"autre partie ne m"a soumis de question à certifier.

                                     " Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-2937-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ashok Kumar Chhibber c. M.C.I.

LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 17 juillet 1998

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :              23 juillet 1998

ONT COMPARU :

Mme Carole Dahan                          POUR LE DEMANDEUR

M. Kevin Lunney                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Dossier du tribunal, à la page 69.

2      Dossier du tribunal, à la page 70.

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