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Date : 20051118

Dossier : IMM-268-05

Référence : 2005 CF 1558

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

IEVA STANKEVICIUTE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]           Mme Stankeviciute, Lituanienne de 22 ans, a demandé un contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision, la Commission a déterminé que Mme Stankeviciute n'était pas une réfugiée au sens de la convention ni une personne ayant besoin de protection. À la conclusion de l'audience, j'ai précisé que la demande serait rejetée, et formulé brièvement les motifs du rejet. J'expose ici ces motifs en détail pour plus de clarté, et je cite mes sources.

[2]           La demanderesse est arrivée au Canada avec un visa de visiteur le 2 juillet 2001 et a présenté sa demande d'asile quelques jours plus tard. Elle disait craindre de retourner en Lituanie en raison de l'expérience qu'elle avait vécue avec un ancien ami de coeur qu'elle disait croire impliqué dans le trafic des personnes et de la drogue, et qui avait notamment agressé son père. Elle disait aussi que l'État n'assurerait pas sa protection.

[3]           Ayant évalué le témoignage de la demanderesse au regard des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, la Commission a jugé que la demanderesse était un témoin crédible. La Commission a accepté ses allégations concernant son ami de coeur, mais n'a pas accepté comme étant raisonnable l'explication qu'a donnée la demanderesse pour n'avoir pas demandé la protection de l'État. En se fondant sur la présomption de protection de l'État, la Commission a maintenu que la demanderesse n'avait pas établi de manière claire et convaincante que la Lituanie était incapable de la protéger, et qu'elle n'avait pas réfuté cette présomption.

[4]           La conclusion qu'il n'avait pas été raisonnable de ne pas déclarer le problème était fondée en partie sur le témoignage de la demanderesse, selon lequel la police avait fait enquête sur la plainte du père quand il a été agressé par le fiancé à la maison familiale. La preuve documentaire présentée par la demanderesse montrait que, bien qu'aucune accusation n'avait été portée, la police avait informé le père de la demanderesse de son droit de faire appel de cette décision devant le procureur et les tribunaux.

[5]           Cette procédure portait sur une seule question, à savoir si la Commission avait erré dans ses conclusions que la demanderesse pouvait obtenir la protection de l'État.

[6]           La Cour a exprimé des points de vue divergents concernant la norme de contrôle applicable à la détermination de la protection de l'État, mais il est clair que ses conclusions de fait ne peuvent être annulées que si elles ont été faites de façon abusive et arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose (Loi sur les Cours fédérales, al. 18.1(4)d). Comme l'affirme la Cour suprême du Canada dans Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 38, le tribunal de révision doit manifester une « grande déférence » à l'égard de ces conclusions.

[7]           Une fois les conclusions de fait établies, elles doivent être évaluées au regard du critère fixé dans la décision Canada (Procureur général) c. Ward [1993] 2 R.C.S. 689, c'est-à-dire qu'il faut se demander si les faits confirment « d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer sa protection » , ce qui permettrait de réfuter la présomption. C'est une question mixte de faits et de droit qui permet de faire preuve d'une moins grande déférence devant la décision du tribunal. Dans l'ensemble, la norme de contrôle appliquée aux fins de la décision de la Commission devrait être celle de la décision raisonnable : Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 193; Muszynski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 1075; Franklyn c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 1249.

[8]           Dans ce cas, la décision de la Commission a été prise au regard des preuves documentaires de la protection de l'État assurée en Lituanie, et plus précisément des récents efforts de ce pays pour combattre le trafic d'êtres humains et pour aider les victimes de violence familiale. D'après les preuves présentées à la Commission, il est clair que des jeunes femmes comme la demanderesse sont particulièrement vulnérables au risque de trafic d'êtres humains et que cette pratique est un problème grave en Lituanie depuis sa séparation d'avec l'ancienne Union soviétique. Il est quand même clair que ce pays a fait des efforts marqués pour régler ce problème. Je suis sûr que la Commission a examiné à fond les preuves documentaires tant à l'appui qu'à l'encontre des affirmations de la demanderesse, ainsi que le témoignage et les arguments de celle-ci, en rendant sa décision qu'elle n'avait pas réfuté la présomption de protection de l'État.

[9]           En conséquence, je conclus que la constatation des faits relativement à la protection de l'État n'a pas été faite de façon abusive et arbitraire, ni sans égard aux documents dont la Commission était saisie, et que la décision, dans l'ensemble, était raisonnable.

[10]       Aucune question grave de portée générale n'a été posée, et aucune n'est donc certifiée.

ORDONNANCE

          LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Isabelle Rochon, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-268-05

INTITULÉ :                                        IEVA STANKEVICIUTE

                                                            ET

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 10 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                       LE 18 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Robin Morch

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

ROBIN MORCH

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

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