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Date : 19991014


Dossier : T-1315-98

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 1999

EN PRÉSENCE DU JUGE DENAULT

Entre :

     DANIEL RICCIO,

     Demandeur,


     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Défendeur.


     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.






    

     Juge












Date : 19991014


Dossier : T-1315-98


Entre :

     DANIEL RICCIO,

     Demandeur,


     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     Défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE DENAULT

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'un rapport rendu le 25 mai 1998 par une enquêteuse en matière de mutation à la Commission de la fonction publique. Le rapport a rejeté la plainte du demandeur qui alléguait avoir été muté sans son consentement et contrairement aux dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique1.

[2]          Depuis 1985, le demandeur est un fonctionnaire faisant partie du personnel civil des Forces armées canadiennes. Il est chargé de l'application du programme d'assurance de la qualité du gouvernement dans le cadre des évaluations techniques des entreprises qui fournissent, fabriquent ou réparent des produits destinés au ministère de la Défense nationale.

[3]          Le 23 juillet 1992, le demandeur a accepté l'offre d'un poste de représentant de l"assurance de la qualité au groupe et niveau TI-4 (Dossier du demandeur (D.d.) p. 49). Il fut alors appelé à exercer son emploi auprès de la compagnie Lockheed Martin. Le 8 février 1996, le demandeur fut avisé par courrier de l'abolition de son poste et d'une mutation latérale contre un autre poste de groupe et de niveau TI-4; son lieu de travail devint alors la compagnie Canadian Aviation Electronics Ltd. (CAE) (D.d. p. 48).

[4]          Le 11 février 1998, le Quartier général de la Défense nationale avisait le demandeur qu'en raison de changements dans les besoins opérationnels, son lieu de travail serait dorénavant chez Allied Signal Aérospatiale (ASA) à Ville St-Laurent (D.d. p. 41). Insatisfait de cette mutation, le demandeur s'est aussitôt plaint à son commandant (D.d. p. 39); quelques jours plus tard, il a déposé auprès de l'administrateur général du ministère de la Défense nationale une plainte relative à cette mutation de CAE à ASA (D.d. p. 38). La sous-ministre adjointe-associée de la Défense nationale a peu après confirmé la décision d'affecter le demandeur à un nouveau site de travail (D.d. p. 35). Le demandeur a alors adressé une Demande d'enquête sur une mutation à la Commission de la fonction publique (D.d. p. 21). Dans son rapport rendu le 25 mai 1998 (D.d. p. 10 à 15), l'enquêteuse a décidé que dans le mesure où il n'y avait pas eu de mutation, elle était sans compétence juridictionnelle pour agir et n'a pas recommandé qu'il soit donné suite à la plainte du demandeur.

[5]          Le demandeur réclame le contrôle judiciaire de ce rapport dans lequel l'enquêteuse, jugeant que le demandeur était appelé, en vertu de sa description de travail (D.d. p. 24 à 26), à visiter divers établissements dans le cadre de ses fonctions normales, il n'avait pas été muté d'un poste à un autre. Elle a en effet estimé que le fait de passer d'une compagnie à une autre n"a pas fait perdre au demandeur son lien d'emploi avec son poste d'attache, poste qui n'est en rien relié au lieu physique où il est appelé à travailler. L'enquêteuse a donc conclu qu'elle n'avait pas la compétence juridictionnelle pour agir et n'a pas donné suite à la plainte du demandeur.

[6]          Au soutien de la demande de contrôle judiciaire, le procureur du demandeur plaide en substance que la décision de l'enquêteuse est erronée en ce qu'elle n'est pas basée sur la preuve à l'enquête. Il soutient en effet que le demandeur a été muté, en février 1998, de son poste d'attache à la compagnie CAE chez ASA sans son consentement, et contrairement aux dispositions de la Loi. Il souligne en particulier que l'avis d'affectation lui assignait un nouveau lieu de travail, sous la direction d'un nouveau gestionnaire, et qu"il changeait ainsi de groupe, passant du groupe de représentant de l"assurance de la qualité en résidence à celui d'itinérant. Il plaide enfin que lorsqu'il avait changé de lieu de travail en 1996 de son poste à la compagnie Lockheed Martin à son nouveau poste d'attache à la compagnie CAE, il avait alors été muté de façon formelle, après avoir consenti à la mutation; il prétend qu"en 1998, on aurait dû agir ainsi à son égard.

[7]          Le défendeur, de son côté, plaide que le changement de lieu de travail, en l'espèce, ne peut être assimilé à un changement de poste et que dans la mesure où le numéro de poste et la description des fonctions du poste sont demeurés les mêmes, l"assentiment du demandeur n"était pas requise, le rapport ne comporte donc pas d'erreurs révisables par cette Cour.

[8]          En l'espèce, il est acquis et les parties en ont convenu que la norme de contrôle judiciaire est celle de l'exactitude2.

[9]          Aux termes de l"article 10 de la Loi sur la fonction publique , "les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite...". Un amendement à cette règle générale, intervenu en 19923, a cependant accordé le droit aux administrateurs généraux de muter un fonctionnaire sans son consentement, "sauf si l'acceptation d'être muté fait partie des conditions d'emploi de son poste actuel" (paragraphe 34.2(3)). Bien que la Loi ne définisse pas ce qu"est un poste, elle définit pourtant (par. 2(1)) ce qu"est une "mutation": "affectation d'un fonctionnaire à un autre poste".

[10]          Pour démontrer que l'enquêteuse avait erré dans l'appréciation de la preuve présentée à l'enquête, le demandeur s'est attardé à relever plusieurs éléments qui, selon lui, démontraient qu'en fait, son affectation chez ASA constituait une mutation au sens de la Loi. Il plaide d"abord qu"en passant de chez CAE à ASA, la nature de son poste a changé: chez CAE, il se rapportait régulièrement chez le même employeur où il occupait un bureau sur place et travaillait sous la direction d"un superviseur, M. Bélanger. Devant maintenant exercer ses fonctions chez ASA, il plaide que non seulement son lieu de travail est changé, mais son superviseur aussi (M. Jurkovic), et qu"il est maintenant affecté à un groupe de représentants itinérants plutôt qu"en résidence.

[11]          J"estime qu"aucun des éléments relevés par le demandeur, lorsque remis dans son contexte, ne résiste à l"analyse. Il suffit, pour s"en rendre compte, de se référer d"abord au poste auquel il avait été affecté en 1992 et à la description de ce travail, puis de voir les circonstances ayant entouré la mutation de poste à laquelle il avait été assujetti en 1996. Le 17 juillet 1992, il fut affecté au numéro de poste ND-93030-08511, et le lieu d"exercice de son emploi était à Montréal. Il a dûment accepté cette offre (D.d. p. 49). Mais ce poste fut aboli en 1996. Le demandeur conserva cependant son statut d"employé indéterminé et, par mutation latérale, son numéro de poste devint le 73251-02411. Il accepta cette mutation, laquelle était effectuée selon les conditions d"emploi initiales (D.d. p. 46). Or, la Description de travail d"un représentant de l"assurance de la qualité de groupe et niveau T1-4 prévoit, au chapître des conditions de travail, que "le titulaire entretient régulièrement des contacts avec les entrepreneurs, dans diverses installations de fabrication et de R & R. Il est donc appelé à voyager fréquemment..." (D.d. p. 26). Par ailleurs, contrairement à ce que plaide le demandeur, rien dans la description de tâche ne prévoit que les fonctionnaires affectés à un tel poste forment deux groupes distincts à savoir ceux en résidence, dont il se revendiquait lorsqu"exerçant ses fonctions chez CAE, et les itinérants, groupe dont il dit maintenant faire partie.

[12]          Il appert donc, de l"analyse de la preuve, que lorsque le demandeur a été muté chez CAE en 1996, c'était en raison de l'abolition de son poste; il fallait donc l'affecter à un nouveau poste, ce qui fut fait avec son consentement. Il n'en fut pas ainsi de son affectation de 1998: lorsqu'on l'a avisé qu'il exercerait dorénavant ses fonctions chez ASA, c'était en raison d'un besoin organisationnel, sans abolition de poste. Il n'y avait alors pas nécessité de l'affecter à un nouveau poste dans la mesure où son travail devait être le même sauf qu'il devait être effectué dans un lieu différent. En effet, sa nouvelle affectation était conforme à la Description de travail à laquelle il avait été d'abord assigné en 1992 puis réaffecté en 1996, dans la région de Montréal.

[13]          J'estime donc que le demandeur, en l'espèce, n'a pas été affecté à un autre poste et qu'en conséquence, il n'y a pas eu de mutation au sens du paragraphe 2(1) de la Loi. Bien que le demandeur ait passé deux ans à exercer ses fonctions chez la compagnie CAE, cela ne suffisait pas à mon avis à démontrer qu'il y avait un lien entre cette entreprise et le poste permettant de conclure que le changement du lieu de travail constituait une affectation à un autre poste. Vu que le numéro de poste du demandeur et la description de ses fonctions sont demeurés les mêmes, je suis d'opinion qu'il n'y a pas eu mutation en l'espèce.

[14]          Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


                                

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

le 14 octobre 1999

__________________

     1      L.R.C. 1985, ch. P-33.

     2      Pezim c. C.-B. (Superintendent of Brokers) [1994], 2 R.C.S. 557; Maslanko c. Procureur général du Canada, 132 F.T.R. 14.

     3      1992, ch. 54, article 22.

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