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Date : 20051206

Dossier : IMM-7147-05

Référence : 2005 CF 1660

Toronto (Ontario), le 6 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

NEPTALI JHONIEL CARDENAS MARTINEZ,

MARILINA VICARIO CIAMPI

et BRYAN CARDENAS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

A) Le contexte

[1]                Les demandeurs sollicitent un sursis d'exécution en attendant l'issue de leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire relative à la décision du 4 novembre 2005 par laquelle l'agente Fox, agente d'évaluation du risque avant le renvoi (l'agente d'ERAR), a conclu, sur la base de la preuve dont elle disposait, qu'ils ne seraient pas exposés aux risques visés à l'article 96 ou aux alinéas 97(1)a) ou b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi) s'ils étaient renvoyés au Venezuela.

[2]                Le renvoi des demandeurs du Canada aux États-Unis, qui doit se faire à partir de Niagara Falls (Ontario), est prévu pour le 8 décembre 2005 à 9 heures du matin.

[3]                Les demandeurs forment une unité familiale; il s'agit d'un couple et de leur fils Bryan, âgé de quatre ans, qui sont arrivés au Canada des États-Unis le 28 juin 2003 et ont présenté des demandes d'asile. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté ces demandes le 9 mars 2004, et les demandeurs se sont vu refuser l'autorisation d'interjeter appel de cette décision devant la Cour fédérale.

[4]                À cette unité familiale s'ajoute un deuxième fils, Brandon, qui est né à Welland (Ontario) le 19 janvier 2005 et est donc citoyen canadien.

[5]                Neptali Jhoniel Cardenas Martinez est un citoyen vénézuélien qui a quitté le Venezuela en octobre 1996. Il a résidé illégalement aux États-Unis jusqu'à ce qu'il cherche refuge au Canada. Il n'a pas présenté de demande d'asile aux États-Unis, facteur dont la SPR a tenu compte.

[6]                Marilina Vicario Ciampi, qui avait ouvert un commerce de tissus à Caracas en 1997, a quitté le Venezuela pour les États-Unis à la suite de l'arrivée au pouvoir du président Chavez. Ayant d'abord confié son commerce à ses parents, elle est retournée au Venezuela pour le vendre lorsque la situation a empiré, puis a fui le pays. Elle a épousé le codemandeur Cardenas Martinez aux États-Unis, où est né leur fils, qui est donc citoyen américain. Pour compliquer les choses, elle a la double citoyenneté vénézuélienne et italienne, mais elle n'a pas fait valoir devant la SPR une crainte fondée de persécution en Italie.

[7]                La demande d'asile présentée par Neptali Jhoniel Cardenas Martinez au Canada était fondée sur la crainte d'être persécuté par les partisans de Chavez et les membres des Cercles bolivariens, qui, selon ses déclarations, ont essayé de tuer son père en 1998 et 1999, ainsi que son frère (qui porte le même nom que lui, au deuxième prénom et au deuxième nom de famille près) en 2003. Son père et son frère résident toujours au Venezuela. Sa mère, ses soeurs et peut-être un autre frère résident aux États-Unis.

B) Analyse

[8]                Le principal argument avancé par l'avocate des demandeurs est que l'agente d'ERAR n'a pas pris en considération l'intérêt supérieur des enfants, qui étaient tous deux inscrits comme personnes à charge dans la demande d'ERAR. L'agente d'ERAR s'est contentée de dire que [TRADUCTION] « le demandeur a un enfant canadien qui ne fait pas l'objet d'une mesure de renvoi et qui est inscrit comme personne à charge dans la demande d'ERAR » . Le demandeur a également inscrit comme personne à charge le jeune Bryan, qui, selon le couple, a besoin d'un traitement orthophonique, traitement qu'il n'est pas possible d'obtenir dans les écoles publiques vénézuéliennes.

[9]                L'avocate des demandeurs fait valoir subsidiairement que l'agente d'ERAR n'a pas pris en compte tous les éléments de preuve produits, notamment un DVD en langue espagnole représentant une manifestation.

[10]            Il est important de noter que, au moment où l'agente d'ERAR a rendu sa décision, il n'y avait pas à l'examen de demande de résidence permanente au Canada fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. En outre, il ne s'agit pas ici de la décision d'un agent de renvoi de ne pas reporter l'exécution d'un renvoi pour des raisons d'ordre humanitaire.

[11]            Je suis d'accord avec l'avocate du défendeur pour dire que la présente demande de sursis d'exécution doit être rejetée au motif que les demandeurs n'ont rempli aucune des trois conditions nécessaires que prévoit le critère applicable à de telles demandes.

[12]            Les demandeurs n'ont pas démontré qu'il y ait une question sérieuse à trancher, même suivant le critère peu exigeant appliqué par les tribunaux. Pour ce qui concerne l'intérêt supérieur des enfants, en supposant - sans trancher la question - qu'il fût permis à l'agente d'ERAR de prendre en compte les considérations d'ordre humanitaire, les demandeurs n'ont tout simplement présenté ni éléments de preuve ni conclusions sur ce point. Ils se sont contentés d'inscrire les enfants dans leur demande, sans plus. Cela ne suffit pas. Je me fonde ici sur El Ouardi c. Canada (Solliciteur général) 2005 CAF 42, au paragraphe 10, et sur Sherzady c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 516.

[13]            L'avocate des demandeurs s'est beaucoup appuyée sur la décision Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 180. Or, cette décision n'est pas applicable à la présente espèce. Elle portait en effet sur la décision d'un agent de renvoi de ne pas reporter l'exécution d'un renvoi pour des raisons d'ordre humanitaire dans un contexte où une demande de résidence permanente au Canada fondée sur de telles raisons était à l'examen.

[14]            Quant au traitement orthophonique dont le jeune Bryan aurait besoin, ce fait n'a pas été présenté à l'agente d'ERAR, qui n'a donc pu en tenir compte. Je dois par conséquent rejeter cet argument.

[15]            Pour ce qui concerne le DVD, cet argument est mal fondé : le DVD n'était pas traduit et, en tout état de cause, il datait de trop longtemps et ne concernait pas personnellement les demandeurs.

[16]            Le préjudice irréparable n'a pas été établi non plus. Les arguments avancés à ce titre revenaient seulement à dire que la vie des demandeurs serait perturbée en cas de renvoi. Cela ne suffit pas (voir Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CAF 261, aux paragraphes 13 à 16).

[17]            Quant au critère de la prépondérance des inconvénients, il joue ici manifestement en faveur du ministre.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la présente demande de sursis d'exécution soit rejetée.

« François Lemieux »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7147-05

INTITULÉ :                                        NEPTALI JHONIEL CARDENAS MARTINEZ,

                                                            MARILINA VICARIO CIAMPI

                                                            et BRYAN CARDENAS

demandeurs

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                                                                                 L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 5 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                       LE 6 DÉCEMBRE 2005          

COMPARUTIONS :

Karen Kwan Anderson

             POUR LES DEMANDEURS

Sharon Stewart Guthrie

            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pace Law Firm

Etobicoke (Ontario)

            

             POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

             POUR LE DÉFENDEUR

           

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