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     Date: 19990319

     Dossier: T-390-98

Entre:

     PIERRE DESROCHERS

     et

     NOVATECH FABRICATION INC.

     et

     KIMPEX ACTION INC.

     Demandeurs

     Défendeurs reconventionnels

     ET

     BOMBARDIER INC.

     Défenderesse

     Demanderesse reconventionnelle

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]      Il s'agit en l'espèce d'une requête des demandeurs et défendeurs reconventionnels (les demandeurs) en vertu des règles 174 et 181(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) afin qu'il soit ordonné à la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (la défenderesse) de leur fournir des détails plus amples et plus précis sur certains paragraphes de la défense et demande reconventionnelle amendée de la défenderesse (la défense).

Règles de droit en matière de détails

[2]      Les normes que doivent respecter les plaidoiries en ce qui concerne les détails sont énoncées aux règles 174 et 181(2) des règles. En voici le texte:

                      174. Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l'appui de ces faits.                 
                      181.(2) La Cour peut, sur requête, ordonner à une partie de signifier et de déposer des précisions supplémentaires sur toute allégation figurant dans l'un de ses actes de procédure.                 
                 [Mon souligné]                 

[3]      Dans la décision Glaxo Canada Inc. c. Ministère de la Santé nationale & du Bien-être social du Gouvernement du Canada et autres (1987), 15 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1ère inst.), à la page 10, le juge Rouleau fait la remarque suivante en ce qui concerne l'exigence applicable en matière de précisions:

                 Des plaidoiries adéquates définissent avec précision et clarté la question en litige entre les parties. Les deux parties ont droit à un avis juste de la preuve qu'elles doivent faire pour pouvoir produire des éléments de preuve pertinents aux questions révélées par les plaidoiries.                 

[4]      Cependant, toute demande de précisions paraît également faire l'objet de certaines restrictions. En un mot, avant de rendre une ordonnance en la matière, la Cour doit se demander si une partie dispose de renseignements suffisants pour comprendre la thèse de la partie adverse et préparer une réponse adéquate, qu'il s'agisse d'une défense ou d'une réponse. (Voir Astra Aktiebolag c. Inflazyme Pharmaceuticals Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 178 (C.F. 1ère inst.), à la page 184.)

[5]      Dans la décision Embee Electronic Agencies Ltd. c. Agence Sherwood Agencies Inc. et al (1979), 43 C.P.R. (2d) 285 (C.F. 1re inst.), à la page 287, le juge Marceau explique dans quelle mesure la partie défenderesse est en droit d'obtenir, à l'étape des plaidoiries, des détails quant à la preuve de la partie demanderesse. J'estime que les observations suivantes du juge Marceau peuvent s'appliquer, avec les adaptations nécessaires, à la demande de détails présentée par les demandeurs au sujet de la défense:

                 À ce stade préliminaire, un défendeur a le droit d'obtenir tous les détails qui lui permettront de mieux saisir la position du demandeur, de savoir sur quoi se fonde l'action contre lui et de comprendre les faits sur lesquels elle s'appuie, afin de pouvoir répondre intelligemment à la déclaration et énoncer correctement les moyens sur lesquels il appuie sa propre défense, mais il n'a pas le droit d'aller plus loin et d'en demander plus.                 
                 [Non souligné dans l'original]                 

[6]      On notera que la règle 174 citée plus avant fait référence au fait qu'un acte de procédure doit contenir un exposé des "faits substantiels". Or, le paragraphe 181(2) des règles, soit le paragraphe qui porte précisément sur la requête à l'étude, fait état de la possibilité de produire des "précisions supplémentaires sur toute allégation". Ce paragraphe 181(2) ne restreint pas nécessairement cette Cour à n'accorder des précisions supplémentaires que si elle est convaincue que ces précisions sont de la nature de "faits substantiels". À mon avis, sous le coup du paragraphe 181(2) la Cour peut ordonner qu'une partie fournisse à une autre des précisions de texte propres à permettre à la partie qui recherche les précisions à comprendre suffisamment la thèse de la partie adverse et à préparer, en retour, une réponse adéquate et intelligente. (Voir Glaxo Canada et Embee, supra.) C'est là le but recherché. En retour, il n'y a pas lieu en vertu du paragraphe 181(2) d'amener indûment une partie à révéler la nature légale de son argumentation. Chaque cas mérite d'être évalué à ses propres mérites.

Analyse

[7]      Il y a lieu maintenant de revoir les paragraphes de la défense visés par la requête des demandeurs et de voir si face aux précisions recherchées, il y a lieu d'aider les demandeurs en vue de leur réponse à cette défense.

[8]      Le paragraphe 15 de la défense se trouve à être le premier paragraphe visé par la requête. Il se lit:

                 15.      La prétendue invention revendiquée dans le brevet '946 n'était pas brevetable, conformément à l'article 2 de la Loi sur les brevets, parce qu'elle ne présente pas le caractère de l'utilité, en ce que ce ne sont pas les caractéristiques décrites et revendiquées dans le brevet '946 qui réduisent ou éliminent le problème soulevé.                 

[9]      Dans leur requête, les demandeurs cherchent à connaître les précisions suivantes:

                 a)      quels sont les faits matériels permettant d'affirmer que l'invention n'est pas utile;                 
                 b)      à quelles caractéristiques du brevet canadien no. 2,147,946 (ci-après "le brevet '946") la défenderesse réfère lorsqu'elle affirme "[...] que ce ne sont pas les caractéristiques décrites et revendiquées dans le brevet '946 qui réduisent ou éliminent le problème soulevé."                 

[10]      Quant au paragraphe a), j'accepte l'affirmation du procureur de la défenderesse à l'effet qu'il n'y a pas de faits substantiels au sens de la règle 174 supportant l'allégation et que cette dernière n'est qu'une question d'argumentation technique et légale. Il reviendra aux demandeurs à s'assurer à l'audition que la défenderesse soit tenue à cette affirmation.

[11]      Quant au paragraphe b), soit les caractéristiques du brevet, je pense qu'il s'agit là d'une précision de texte, soit celui du brevet, qui mérite d'être octroyée aux demandeurs. Je ne pense pas que dans les circonstances de la présente affaire cette précision en soit une qui entraîne la défenderesse à compromettre réellement son argumentation juridique ou technique à venir.

[12]      Le paragraphe 16 de la défense constitue le prochain paragraphe visé par la requête des demandeurs. Ce paragraphe se lit comme suit:

                 16.      Chacune des revendications 1, 5 et 8 du brevet en cause est nulle, conformément à l'article 27(4) de la Loi sur les brevets, en ce que chacune d'elles est ambiguë et ne définit pas distinctement et en des termes explicites l'objet de la prétendue invention.                 

[13]      À l'égard de ce paragraphe, les demandeurs veulent que la défenderesse précise:

                 a)      pour chacune des revendications indépendantes 1, 5 et 8 du brevet '946, quels sont les éléments permettant à la défenderesse d'affirmer que la revendication est ambiguë;                 
                 b)      pour chacune des revendications indépendantes 1, 5 et 8 du brevet '946, quels sont les éléments permettant à la défenderesse d'affirmer que la revendication ne définit pas l'objet de l'invention;                 

[14]      Telles que libellées, ces demandes si elles devaient recevoir réponse entraîneraient assurément la défenderesse dans une argumentation. Pour cette raison, elles se doivent d'être refusées. À l'audition, la procureure des demandeurs a indiqué que le véritable but derrière ces demandes était de savoir si la défenderesse entendait soulever que chacune des revendications 1, 5 et 8 était ambiguë de façon générale ou si cette affirmation devait être attribuée de façon spécifique à un ou des termes dans chacune des revendications. De l'affirmation même de la procureure des demandeurs, les revendications en litige sont simples et je pense que les demandeurs peuvent très bien répondre à la défense sans cette précision additionnelle.

[15]      Le paragraphe 18 est également sujet à une demande de précisions. Ce paragraphe se lit comme suit:

                 18.      Le brevet '946 est invalide, conformément à l'article 27(3) de la Loi sur les brevets, en ce que le mémoire descriptif ne décrit pas d'une façon exacte et complète la prétendue invention, et n'expose pas clairement le mode de fabrication de la prétendue invention dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science, de fabriquer la prétendue invention.                 

[16]      Les demandeurs recherchent des précisions dans les termes qui suivent:

                 a)      quels sont les éléments qui permettent à la défenderesse d'affirmer que le mémoire descriptif du brevet '946 ne décrit pas d'une façon exacte l'invention;                 
                 b)      quels sont les éléments qui permettent à la défenderesse d'affirmer que le mémoire descriptif du brevet '946 ne décrit pas d'une façon complète l'invention;                 
                 c)      quels sont les éléments qui permettent à la défenderesse d'affirmer que le mémoire descriptif du brevet '946 n'expose pas clairement le mode de fabrication de l'invention;                 
                 d)      quels termes du mémoire descriptif du brevet '946 ne sont pas complets, clairs, concis et exacts;                 

[17]      Telles que libellées, je suis d'avis que ces demandes entraîneraient la défenderesse à se lancer dans une argumentation technique qui relève davantage du mandat qui pourra être confié à un expert de la défenderesse. Ces demandes n'auront donc pas à être rencontrées.

[18]      Le dernier paragraphe visé par les demandeurs est le paragraphe 19 de la défense. Il se lit:

                 19.      Le brevet '946 est invalide en ce que la réalisation préférentielle qui y est décrite ne constitue pas la meilleure manière de réaliser la prétendue invention.                 

[19]      À son égard, la précision suivante est recherchée:

                 a)      quels sont les éléments ou faits matériels permettant à la défenderesse d'affirmer que la réalisation préférentielle décrite au brevet '946 ne constitue pas la meilleure manière de réaliser l'invention;                 

[20]      Pour les mêmes motifs élaborés quant aux demandes logées à l'égard du paragraphe 18 de la défense, cette précision n'aura pas à être rencontrée.

[21]      Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 19 mars 1999

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-390-98

PIERRE DESROCHERS et

NOVATECH FABRICATION INC. et

KIMPEX ACTION INC.

     Demandeurs

     Défendeurs reconventionnels

ET

BOMBARDIER INC.

     Défenderesse

     Demanderesse reconventionnelle

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 15 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 19 mars 1999

COMPARUTIONS:


Me Sylvie Lequin

pour les demandeurs et défendeurs reconventionnels


Me François Guay

pour la défenderesse et demanderesse reconventionnelle

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Bélanger Sauvé

Me Sylvie Lequin

Montréal (Québec)

pour les demandeurs et défendeurs reconventionnels


Smart & Biggar

Me François Guay

Montréal (Québec)

pour la défenderesse et demanderesse reconventionnelle


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