Dossier : IMM-2677-20
Référence : 2021 CF 1111
Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2021
En présence de madame la juge Roussel
ENTRE :
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IMELDA MUNETON GUTIERREZ
OCTAVIO FLORES RODRIGUEZ
ALFONSO FLORES MUNETON
RAUL FLORES MUNETON
MARIA FERNANDA FLORES MUNETON
OCTAVIO FLORES MUNETON
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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I.
Aperçu
[1] Mme Imelda Muñeton Gutierrez [la demanderesse], son mari, Octavio Flores Rodriguez et leurs quatre (4) enfants [collectivement, les demandeurs] sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 novembre 2018 par un agent principal d’immigration [l’agent], qui a refusé de leur accorder une dispense de l’obligation de présenter une demande de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada pour des motifs d’ordre humanitaire.
[2] Tous citoyens du Mexique, les demandeurs sont arrivés au Canada en mars 2009 et ont demandé l’asile. La Section de protection des réfugiés a rejeté leur demande en octobre 2011 en raison de préoccupations en matière de crédibilité. La Cour a ensuite, en mars 2012, refusé de leur accorder l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision.
[3] Les demandeurs ont présenté, en octobre 2012, une demande d’examen des risques avant renvoi, dont ils ont été déboutés en avril 2013. Leur renvoi du Canada a été fixé à juillet 2013, mais ils ne se sont pas présentés le jour prévu.
[4] En novembre 2016, les demandeurs ont déposé, depuis le Canada, une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire au titre de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Leur demande reposait sur les motifs suivants : leur établissement au Canada, l’intérêt supérieur des enfants et les difficultés auxquelles ils se seraient heurtés advenant leur retour au Mexique. La demande a été rejetée le 25 mai 2017. Cette décision a toutefois été annulée à l’issue d’un contrôle judiciaire en 2018, et l’affaire a été renvoyée à un autre agent d’immigration afin qu’il rende une nouvelle décision (Gutierrez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 906 [Gutierrez]).
[5] Les demandeurs ont présenté d’autres observations et éléments de preuve en 2018. Leur demande a de nouveau été rejetée en novembre 2018. L’agent a jugé que les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour permettre aux demandeurs de solliciter la résidence permanente à partir du Canada. Pour quelque raison inconnue, la décision n’a été communiquée ni aux demandeurs ni à leur conseil. C’est seulement après que le conseil des demandeurs eut communiqué avec un avocat du ministère de la Justice, qui s’est ensuite renseigné sur l’affaire, que les demandeurs ont appris qu’une décision avait été rendue en novembre 2018.
[6] Les demandeurs soulèvent plusieurs observations dans leur mémoire, qui peuvent être résumées comme suit :
l’examen par l’agent de la question de la propriété d’une entreprise par la demanderesse n’a pas été effectué conformément à l’équité procédurale;
l’agent a commis une erreur en faisant intervenir les règles juridiques de fond applicables au statut de réfugié dans l’analyse des difficultés;
l’agent a commis les mêmes erreurs susceptibles de contrôle que celles relevées dans la décision Gutierrez;
l’agent a évalué de façon déraisonnable l’intérêt supérieur des demandeurs mineurs;
l’agent a évalué de façon déraisonnable l’établissement des demandeurs.
II.
Analyse
A.
Norme de contrôle
[7] La décision d’accorder ou de refuser une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 16-17 [Vavilov]; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2015 CSC 61 au para 44 [Kanthasamy]. La Cour doit s’intéresser « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision »
(Vavilov, au para 83). Elle doit ainsi analyser la question de savoir « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
(Vavilov, au para 99). De plus, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable »
(Vavilov, au para 100).
[8] En ce qui concerne l’équité procédurale, la Cour d’appel fédérale a précisé, dans l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Canadian Pacifique], que les questions d’équité procédurale ne se prêtaient pas nécessairement à une analyse fondée sur une norme de contrôle. Le rôle de la Cour consiste plutôt à vérifier si les procédures étaient équitables dans toutes les circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 54-56; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35).
B.
Question préliminaire
[9] Le défendeur soulève une question préliminaire, à savoir l’admissibilité du nouvel affidavit de la demanderesse. Le défendeur préconise qu’aucun poids ne lui soit accordé, car il contient des informations postérieures à la décision de l’agent.
[10] J’ai examiné le nouvel affidavit de la demanderesse. Elle y traite de la situation actuelle des demandeurs, du fardeau que la pandémie de COVID-19 a fait peser sur sa famille et de leurs projets pour les années à venir. Bien que je sois sensible à leur situation, il est clairement établi en droit que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, mis à part quelques exceptions circonscrites, les seuls éléments qui doivent être pris en compte sont ceux qui ont été présentés au décideur administratif (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20). Les demandeurs n’ont pas démontré que le contexte décrit dans le nouvel affidavit relève d’une exception reconnue à l’interdiction de territoire. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte des informations qu’il renferme dans mon examen de la décision rendue par l’agent.
C.
Manquement à l’équité procédurale
[11] Les demandeurs soutiennent que l’agent a enfreint leur droit à l’équité procédurale lors de son examen de la question de la propriété d’une entreprise de peinture par la demanderesse. Ils affirment qu’en concluant à l’absence de preuve démontrant que la demanderesse avait lancé une entreprise de peinture et de décoration devenue florissante, l’agent a mis en doute l’authenticité du permis d’exploitation fourni en preuve, ou a jugé que la demanderesse n’était pas crédible quant à la propriété de son entreprise. Dans les deux cas, selon les demandeurs, l’agent aurait dû soit les convoquer à un entretien de vive voix, soit les informer de ses préoccupations et leur donner la possibilité d’y répondre.
[12] L’argument des demandeurs ne saurait être retenu.
[13] Lorsque l’agent a déclaré [traduction] « [qu’]aucune preuve n’a été fournie à l’appui de cette déclaration »
, il ne faisait pas allusion à la propriété de l’entreprise, mais plutôt aux lacunes de la preuve censée démontrer que l’entreprise était effectivement florissante. Le permis d’exploitation de l’entreprise, que l’agent a expressément mentionné avoir pris en compte pour rendre sa décision, permettait seulement d’établir qu’une entreprise était effectivement enregistrée. Il ne prouvait ni que l’entreprise était en activité ni qu’elle était florissante. Cette déclaration de l’agent doit être interprétée au regard de son contexte. Elle se trouve dans un passage de la décision où l’agent examinait la façon dont les demandeurs géraient globalement leur situation financière au Canada. Je ne suis pas convaincue que la déclaration de l’agent soulève un problème d’équité procédurale.
D.
Droit des réfugiés et évaluation des difficultés
[14] Les demandeurs soutiennent que l’agent s’est fondé sur certains éléments du droit des réfugiés pour parvenir à sa décision, tels que la protection de l’État, les risques auxquels ils seraient personnellement exposés à l’avenir et la possibilité de refuge intérieur.
[15] Je ne suis pas convaincue par l’argument des demandeurs.
[16] Dans leur demande de dispense fondée sur des motifs humanitaires, les demandeurs ont fait valoir qu’ils seraient confrontés à des difficultés considérables en raison des conditions défavorables qui règnent au Mexique. Ils ont expliqué qu’ils étaient venus au Canada pour échapper à la violence et à la criminalité liées aux cartels dans leur pays d’origine, et que, malgré le passage du temps, la situation ne s’était pas beaucoup améliorée. Ils se sont appuyés sur des rapports indiquant que le taux de violence et de criminalité demeure élevé au Mexique, et ont exprimé leur crainte d’y retourner. Compte tenu de la crainte qu’ils allèguent, la question de savoir s’ils seraient victimes d’actes criminels à leur retour et s’ils pourraient obtenir l’aide des autorités était un facteur pertinent pour l’évaluation de l’agent des difficultés invoquées par les demandeurs.
[17] De même, je suis d’avis que l’agent ne se référait pas au risque auquel les demandeurs seraient personnellement exposés à l’avenir étant donné qu’ils n’avaient pas à prouver qu’ils seraient personnellement ciblés au Mexique. L’agent réagissait aux observations des demandeurs. Il a ensuite conclu que les documents relatifs aux conditions générales au Mexique ne permettaient pas d’établir un lien entre les demandeurs et les difficultés qu’ils prétendaient devoir subir advenant leur retour dans ce pays. Après quoi, l’agent a évalué la demande sur la base des renseignements fournis. Il était également raisonnable que l’agent tienne compte du fait que la preuve démontrait que les conditions difficiles alléguées par les demandeurs n’étaient pas uniformes sur tout le territoire mexicain et qu’ils pouvaient décider du lieu où ils voudraient vivre et travailler au Mexique.
[18] Par conséquent, compte tenu de mon interprétation de la décision, je ne suis pas convaincue que l’agent a indûment intégré des notions du droit des réfugiés au processus décisionnel, ou qu’il a amalgamé les critères énoncés aux articles 25, 96 et 97 de la LIPR. Les demandeurs avaient le fardeau d’établir qu’il existait un lien entre les difficultés alléguées dans leur demande fondée sur des motifs humanitaires et leur situation personnelle : (Nashir c Canada (Sécurité publique et Protection civile)), 2020 CF 147 au para 39; Pena Mora c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 297 au para 18; Bakenge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 517 au para 32; Paul c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 744 au para 24). L’agent a raisonnablement conclu qu’ils ne s’étaient pas acquittés de leur fardeau.
[19] Les demandeurs avancent également que l’évaluation de l’agent s’est exclusivement intéressée aux difficultés qu’ils éprouveraient s’ils devaient quitter le Canada, et n’a tenu compte ni de la preuve qu’ils ont présentée ni de l’approche fondée sur la compassion décrite dans la décision Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 4 AIA 351 [Chirwa], et analysée dans l’arrêt Kanthasamy.
[20] Je ne puis souscrire à la prétention des demandeurs. Les motifs de l’agent ne reflètent pas le comportement d’une personne qui n’était pas sensible à la situation des demandeurs. L’agent a fait explicitement référence au critère énoncé dans la décision Chirwa lorsqu’il a souligné que [traduction] « l’objet du paragraphe 25(1) est d’offrir une mesure à vocation équitable lorsque les faits sont de nature à inciter une personne raisonnable d’une société civilisée à soulager les malheurs d’autrui »
. L’agent également tenu compte des circonstances propres à chaque membre de la famille, et de toutes les considérations d’ordre humanitaire pertinentes. Ultimement, l’agent n’a pas été convaincu que la situation des demandeurs, examinée globalement, justifiait l’octroi d’une dispense leur permettant de solliciter la résidence permanente à partir du Canada. L’application de l’approche décrite dans la décision Chirwa ne doit pas conduire automatiquement l’agent à accorder une dispense pour des motifs humanitaires. À mon avis, la conclusion défavorable aux demandeurs que l’agent a tirée à l’issue de son appréciation de la preuve ne signifie pas qu’il a manqué de compassion ou appliqué le mauvais critère.
E.
Erreurs relevées dans la décision Gutierrez
[21] Dans la décision Gutierrez, la Cour a conclu que l’agent « s’en [était] tenu de manière déraisonnable à la question de l’emploi sans autorisation dans l’évaluation de la demande pour motifs d’ordre humanitaire »
. La Cour n’était pas non plus convaincue que l’agent avait raisonnablement évalué la question des difficultés généralisées, puisqu’il avait omis de reconnaître que l’auteur d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire peut invoquer des difficultés auxquelles sont également confrontées d’autres personnes dans le pays de renvoi (Gutierrez, aux para 7-8). Les demandeurs soutiennent que les erreurs relevées dans la décision Gutierrez ont aussi été commises par l’agent qui a rendu la nouvelle décision.
[22] Je ne suis pas d’accord.
[23] L’agent a explicitement déclaré deux fois que l’issue de la demande ne [traduction] « repos[ait] pas »
sur la question de savoir si les demandeurs avaient travaillé illégalement. Les demandeurs ont justifié leur situation irrégulière en expliquant qu’ils n’auraient pas enfreint la législation canadienne s’ils s’étaient vu délivrer des permis de travail. Il n’était pas déraisonnable que l’agent se penche sur leur argument. L’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve de l’établissement des demandeurs et ne s’est pas intéressé uniquement au fait qu’ils avaient travaillé sans autorisation.
[24] Comme l’a déclaré la Cour dans la décision Joseph c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 904 [Joseph], « la durée du séjour illégal et de la participation illégale à l’économie sont des faits pertinents que l’agent chargé d’évaluer la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire peut prendre en considération »
. Les demandeurs ne peuvent s’attendre à bénéficier des années vécues en situation irrégulière et à se retrouver ainsi en meilleure position que celle des gens qui respectent les lois et le régime d’immigration du Canada (Joseph, aux para 28-29).
[25] En ce qui concerne l’évaluation par l’agent des difficultés généralisées au Mexique, les demandeurs ne m’ont pas convaincue que l’agent était d’avis qu’ils ne pouvaient invoquer des difficultés également éprouvées par d’autres résidents du Mexique. Les motifs de l’agent démontrent qu’il a tenu compte de la preuve présentée par les demandeurs au sujet des difficultés généralisées. Toutefois, l’agent a conclu qu’ils n’avaient pas établi l’existence d’un lien entre leur situation personnelle et les difficultés alléguées. L’agent a explicitement déclaré qu’il n’avait pas fait abstraction de leur crainte et qu’il en avait tenu compte dans son analyse.
F.
Évaluation raisonnable de l’intérêt supérieur des enfants
[26] Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, l’agent n’a pas commis d’erreur dans son interprétation du dossier et il n’en a pas retenu que les passages qui lui convenaient. Il ne s’est pas non plus concentré indûment sur la capacité des demandeurs mineurs à parler espagnol. L’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve et des observations présentées par les demandeurs, y compris la documentation sur la situation au Mexique traitant des effets que provoquerait un retour dans ce pays chez les enfants. Il a reconnu que certains aspects de la situation au Mexique auraient des conséquences néfastes pour les enfants et qu’il serait dans leur intérêt supérieur de vivre au Canada. Toutefois, l’agent a raisonnablement souligné que l’intérêt supérieur des enfants n’était qu’un des nombreux facteurs importants qui doivent être pris en compte pour rendre une décision fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. L’agent a conclu qu’ultimement, bien qu’il fût dans l’intérêt supérieur des enfants de rester au Canada, la preuve ne l’avait pas convaincu que l’intérêt des enfants devait l’emporter sur tous les autres facteurs en cause dans la demande.
[27] Les demandeurs s’appuient largement sur la mention, par l’agent, des difficultés que causerait un renvoi du Canada à l’enfant d’âge adulte. Selon eux, la décision de l’agent est entachée d’une contradiction, car les passages de ses motifs qui concernent le deuxième enfant d’âge mineur n’expliquent pas pourquoi l’enfant adulte éprouverait de grandes difficultés s’il devait quitter le Canada, mais non son frère cadet.
[28] À mon avis, il n’y a là aucune contradiction. Lorsque l’agent a examiné la demande, l’aîné des enfants avait vingt-et-un (21) ans. Il s’était créé un réseau de soutien composé d’amis et de membres de sa famille vivant au Canada, et entretenait depuis longtemps une relation amoureuse. Il travaillait également depuis deux (2) ans. Le deuxième enfant était âgé de quinze (15) ans au moment où l’agent a été saisi de la demande. Les deux (2) frères n’avaient manifestement pas atteint la même étape de leur vie. Il n’était pas déraisonnable que l’agent conclue qu’il serait très difficile pour l’enfant d’âge adulte de devoir quitter sa petite amie advenant son renvoi du Canada.
[29] Comme l’agent l’a indiqué à juste titre dans sa décision, il est bien établi que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un facteur certes important, mais non déterminant. Il doit être soupesé avec les autres facteurs (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CAF 189 aux para 24, 39 [Kisana]). La preuve et les arguments présentés par les demandeurs ne m’ont pas convaincue que l’analyse de l’agent était déraisonnable.
G.
Évaluation raisonnable de l’établissement
[30] Les demandeurs soutiennent que l’agent a omis de se pencher sur les observations et éléments de preuve qu’ils ont présentés à l’appui de leur établissement. Selon eux, l’agent s’est contenté de mentionner certains facteurs témoignant de leur établissement, puis de conclure que celui-ci était habituel pour une famille ayant vécu au Canada. Ils affirment que leur établissement constituait l’un des piliers de leur demande, et qu’il devait faire l’objet d’une évaluation adéquate. Les demandeurs font également valoir que l’agent a commis une erreur en retenant l’établissement comme facteur défavorable à leur égard.
[31] Je ne suis pas d’accord. L’agent a effectué un examen exhaustif et équitable des observations et éléments de preuve présentés par les demandeurs à l’appui de leur établissement. L’agent a mis en relief certains aspects positifs de leur établissement, tels que leur travail, leurs liens d’amitié, leurs liens avec la communauté et leur participation à des cours d’anglais, mais il a aussi relevé des lacunes dans la preuve censée démontrer que leur entreprise de peinture et de décoration était florissante et qu’ils géraient convenablement leurs finances personnelles au Canada. De plus, l’agent a souligné que les demandeurs vivaient au Canada depuis neuf (9) ans et qu’ils s’étaient soustraits à leur renvoi pendant cinq (5) de ces années. Contrairement à ce qu’avancent les demandeurs, l’agent était en droit de tenir compte du séjour prolongé des demandeurs au Canada sans autorisation pour évaluer leur établissement. De plus, l’agent pouvait prendre en considération les compétences qu’ils avaient acquises au Canada pour évaluer les difficultés que leur causerait un retour au Mexique (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 163 au para 17).
[32] L’octroi d’une dispense fondée sur des considérations humanitaires en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR constitue une mesure exceptionnelle et discrétionnaire (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125 au para 15), et il incombe au demandeur d’établir qu’une telle dispense est justifiée (Kisana, au para 45). Le demandeur agit à ses risques et périls lorsqu’il présente une preuve insuffisante à l’appui de sa demande fondée sur des motifs humanitaires (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 38 aux para 5, 8). L’octroi d’une dispense pour des motifs humanitaires n’est pas censé constituer un régime d’immigration parallèle (Kanthasamy, au para 23).
[33] Je suis convaincue que l’agent a, en l’espèce, pris en considération et soupesé tous les facteurs soulevés par les demandeurs, y compris leur situation personnelle. Compte tenu de la preuve et des arguments présentés, il pouvait raisonnablement conclure que ceux-ci ne justifiaient pas une dispense de l’obligation de présenter une demande de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada. Les demandeurs peuvent ne pas souscrire à l’appréciation globale de la preuve effectuée par l’agent et au poids accordé à chaque considération d’ordre humanitaire, mais il n’appartient pas à la Cour de procéder à un nouvel examen de la preuve et d’attribuer un niveau d’importance différent aux considérations d’ordre humanitaire pertinentes dans la présente demande (Kisana, au para 24).
[34] En conclusion, les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer que la décision de l’agent comportait une erreur susceptible de contrôle. Je suis convaincue qu’interprétée de façon globale et contextuelle, la décision de l’agent satisfait à la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov.
[35] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-2677-20
LA COUR STATUE que:
la demande de contrôle judiciaire est rejetée;
aucune question de portée générale n’est certifiée.
« Sylvie E. Roussel »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2677-20
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INTITULÉ :
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IMELDA MUNETON GUTIERREZ ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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audience TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 8 SEPTEMBRE 2021
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
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LA JUGE ROUSSEL
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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le 20 OCTOBRE 2021
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COMPARUTIONS :
Adela Crossley
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POUR LES DEMANDEURS
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Matthew Siddall
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Crossley Law
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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