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Date : 20210929


Dossier : IMM-895-21

Référence : 2021 CF 1013

Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2021

En présence de l’honorable madame la juge Roussel

ENTRE :

CESAR GONZALEZ RODRIGUEZ

GRISSEL SOSA VIVEROS

CESAR GONZALEZ SOSA

AXEL GONZALES SOSA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte

[1] Le demandeur, Cesar Gonzalez Rodriguez, sa conjointe, Grissel Sosa Viveros, ainsi que leurs deux (2) enfants mineurs, sont citoyens du Mexique. Ils sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 janvier 2021 par la Section d’appel des réfugiés [SAR] dans laquelle la SAR confirme le rejet de leurs demandes d’asile en raison d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] ailleurs dans leur pays d’origine.

[2] Les demandeurs allèguent craindre le cartel Jalisco Nueva Generacion [JNG]. Ils affirment qu’en décembre 2018, deux (2) hommes armés sont entrés au bureau des entreprises que le demandeur détient avec sa conjointe, exigeant un versement de 80 000 pesos, en plus d’un paiement mensuel de 15 000 pesos à titre de frais de protection. Le premier paiement est récupéré le lendemain et d’autres suivent en janvier et février 2019. En mars 2019, le demandeur et sa conjointe décident de fermer leurs entreprises et de retirer leurs enfants de l’école. Ils croisent deux (2) hommes qui les informent être au courant de la fermeture. Le demandeur nie le tout et indique qu’il va continuer à payer. En avril 2019, le demandeur trouve une enveloppe à son bureau qui contient cinq (5) photos de sa conjointe qui allait chercher les enfants à leur ancienne école. Le demandeur se rend au bureau du procureur pour déposer une plainte, où on l’informe qu’il doit payer la somme de 10 000 pesos pour capturer les extorqueurs. Le lendemain, le demandeur est enlevé et détenu pendant cinq (5) jours par le cartel JNG. Il est libéré après le paiement d’une somme de 100 000 pesos par sa conjointe. Craignant pour leur sécurité, les demandeurs quittent le Mexique le 10 mai 2019 pour se rendre au Canada et présentent des demandes d’asile.

[3] Le 23 avril 2020, la Section de la protection des réfugiés [SPR] rejette les demandes d’asile, estimant que les demandeurs disposent d’une PRI dans deux (2) autres villes au Mexique. Les demandeurs interjettent appel de cette décision à la SAR, affirmant que la SPR a commis une erreur dans l’évaluation de la PRI. Ils ne contestent que l’analyse de la SPR sous le premier volet du test pour établir une PRI.

[4] La SAR conclut que les demandeurs disposent d’une PRI dans les deux (2) endroits proposés et que la SPR n’a pas commis d’erreur. Elle estime que la preuve ne démontre pas, selon la prépondérance des probabilités, que le cartel JNG aurait aujourd’hui l’intérêt de pourchasser les demandeurs dans les villes proposées advenant leur retour au Mexique. Elle est également d’avis que le demandeur et sa conjointe n’ont allégué aucune autre raison que leur crainte du cartel JNG qui les empêcherait de se relocaliser ailleurs au Mexique.

[5] Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAR est déraisonnable. Ils reprochent notamment à la SAR d’avoir erré dans son évaluation de la motivation des agents de préjudice à les retrouver dans les PRI proposées.

II. Analyse

[6] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. La Cour est du même avis.

[7] Lorsque la norme du caractère raisonnable s’applique, la Cour doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit se demander si la décision possède les « caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99 [Vavilov]). De plus, il « incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov au para 100).

[8] Le test pour établir l’existence d’une PRI a deux (2) volets. La SAR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités : (1) qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés dans la région de la PRI proposée; et (2) qu’il n’est pas déraisonnable, à la lumière de l’ensemble des circonstances, y compris la situation personnelle des demandeurs, que ces derniers y cherchent refuge (Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 aux pp 709-711 (CAF) (QL); Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CAF). Il revient aux demandeurs d’asile de démontrer que la PRI est déraisonnable.

[9] En l’espèce, les demandeurs contestent essentiellement les conclusions de la SAR concernant le premier volet.

[10] Contrairement aux arguments des demandeurs, la SAR a tenu compte de la preuve documentaire objective qui démontre qu’une dette importante ou qu’une vengeance personnelle peut motiver un cartel à rechercher quelqu’un à l’extérieur de leur région. Toutefois, elle considère que les demandeurs ne se trouvent pas dans cette situation. La SAR souligne que les demandeurs ont payé les sommes extorquées par le cartel JNG et le demandeur a été libéré et laissé sain et sauf suite à la remise du montant de 100 000 pesos. Quant à la plainte logée par le demandeur auprès de la police contre les agents de préjudice, la SAR souligne que celle-ci a été déposée le 3 avril 2019, soit un mois avant le départ des demandeurs du Mexique, contre des agresseurs non précisés et sans aucune référence au cartel JNG, n’incriminant donc pas ce groupe. La SAR conclut que les demandeurs n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le cartel JNG aurait aujourd’hui l’intérêt ou la motivation de les retracer dans les PRI proposées situées à plusieurs centaines de kilomètres de la ville où ils résidaient. Les demandeurs n’ont pas démontré que cette conclusion est déraisonnable.

[11] Les demandeurs font valoir dans leur mémoire qu’ils auraient toujours une dette envers le cartel JNG. Plus précisément, le procureur du demandeur allègue que les demandeurs n’auraient pas payé le montant dû pour le mois de mars 2019. Or, l’existence d’une telle dette n’apparaît pas clairement au dossier. De plus, la Cour estime qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure à l’inexistence d’une telle dette puisque le demandeur a été libéré sain et sauf après le paiement d’une somme de 100 000 pesos.

[12] Il importe de rappeler que les conclusions de la SAR sur l’existence d’une PRI sont essentiellement factuelles et reposent sur son évaluation de l’ensemble de la preuve, incluant la preuve documentaire objective. Elles relèvent de son champ d’expertise et commandent un degré élevé de retenue de la part de cette Cour. À la lumière de l’ensemble de la preuve, la SAR pouvait raisonnablement conclure que les demandeurs n’avaient pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les agents de préjudice avaient intérêt à les retracer ailleurs que dans leur ville de résidence et qu’ils seraient à risque dans les villes proposées à titre de PRI. Il n’appartient pas à cette Cour de réévaluer et de soupeser la preuve pour en arriver à une conclusion qui serait favorable aux demandeurs. Son rôle est d’évaluer si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable (Vavilov aux para 99, 125; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59). La Cour estime que c’est le cas.

[13] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification et la Cour est d’avis que cette cause n’en soulève aucune.


JUGEMENT au dossier IMM-895-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée; et

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IM-895-21

INTITULÉ :

CESAR GONZALEZ RODRIGUEZ ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 SEPTEMBRE 2021

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 29 SEPTEMBRE 2021

COMPARUTIONS :

Francisco Alejandro Saenz Garay

Pour LES DEMANDEURS

Edith Savard

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Francisco Alejandro Saenz Garay

Montréal (Québec)

Pour LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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