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Date : 20041015

Dossier : IMM-2308-03

Référence : 2004 CF 1412

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                              HERNAN EVELIO RISCO-FLORES,

                                             TULA LILA QUIROZ-VELASQUEZ et

                                                      CARMEN NATALY RISCO

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Hernan Risco-Flores est arrivé au Canada en 2000, en provenance du Pérou, avec son épouse et sa fille. Il a prétendu que des membres du groupe terroriste Sentier lumineux l'avaient menacé et agressé, et qu'ils avaient tenté de lui extorquer de l'argent en 1999. Mme Tula Quiroz-Velasques a affirmé qu'elle et sa fille avaient été agressées en 2000 par des hommes qui étaient à la recherche de son mari. M. Risco-Flores croyait que les assaillants étaient des membres du Sentier lumineux.

[2]                Les demandeurs visaient à obtenir l'asile au Canada mais un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande. Une agente d'immigration a ensuite procédé à un examen des risques avant renvoi pour conclure que la famille ne serait pas en danger si elle retournait au Pérou.

[3]                Les demandeurs font valoir que l'agente n'a pas examiné les éléments de preuve appuyant leur prétention selon laquelle le Sentier lumineux était toujours à la recherche de M. Risco-Flores. Ils me demandent d'ordonner un nouvel examen par un autre agent. Je reconnais que l'agente a omis de tenir compte d'éléments de preuve importants et par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

I. La question en litige

L'agente d'immigration a-t-elle omis d'examiner des éléments de preuve hautement pertinents?

II. Analyse


[4]                M. Risco-Flores a prétendu que le Sentier lumineux s'intéressait particulièrement à lui en raison de son implication dans la réparation de tours électriques que les terroristes avaient bombardées. Il a fourni un rapport de police qui appuyait sa prétention. Ce rapport décrivait un incident qui s'était produit dans la ville de Chiclayo en juin 2002, soit plus de deux ans après que les demandeurs eurent quitté le Pérou. Des membres du Sentier lumineux ont visité des parents des demandeurs résidant toujours au Pérou. Les visiteurs ont demandé où se trouvaient les demandeurs et ils ont agressé le père de M. Risco-Flores. Le rapport mentionne que ces personnes sont toujours à la recherche de M. Risco-Flores et de sa famille afin de le punir pour le travail qu'il a effectué sur les tours électriques. Leur objectif, selon la police, est de tuer les demandeurs. L'auteur du rapport recommandait que les membres de la famille se trouvant encore au Pérou bénéficient de la protection de la police.

[5]                Il me semble que l'agente qui a procédé à l'examen des risques avant renvoi ne s'est pas penchée sur le fond de ce rapport. Dans ses motifs, elle a fait allusion à un rapport de police mais elle n'a pas pris en compte son importance évidente à titre d'élément de preuve du risque constant auquel font face les demandeurs.


[6]                Il existe une présomption selon laquelle les décideurs ont examiné toute la preuve dont ils disposaient, même s'ils ne font pas expressément mention de chacun des éléments : Gourenko c. Canada (Solliciteur général), [1995] A.C.F. no 682 (C.F. 1re inst.) (QL). Toutefois, plus le document est au coeur de la question à trancher, plus grande est l'obligation à laquelle est tenu le décideur d'en traiter expressément : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.) (QL). Cela est particulièrement vrai lorsque le document en question contredit les propres conclusions du décideur : Cepeda-Gutierrez et Thang c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 457, [2004] A.C.F. no 559 (C.F. 1re inst.) (QL).

[7]                En l'espèce, le document en question contient une analyse du risque que pose le Sentier lumineux pour les demandeurs. Il provient d'une source crédible et tire une conclusion contraire à celles de l'agente. À mon avis, elle était tenue de faire mention de ce rapport dans ses motifs. Elle pouvait, bien entendu, écarter le rapport ou conclure qu'il n'était pas authentique. Mais toute conclusion en ce sens devait être accompagnée d'explications dans ses motifs. L'agente n'a donné aucune raison pour laquelle elle n'avait pas pris en compte le fond du rapport.

[8]                Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu'un autre agent procède à un nouvel examen des risques.


                                                                   JUGEMENT

LE JUGEMENT DE LA COUR :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et il est ordonné qu'un autre agent procède à un nouvel examen des risques.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »       

                                                                                                                                                     Juge                    

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-2308-03

INTITULÉ :                                                                HERNAN EVELIO RISCO-FLORES,

TULA LILA QUIROZ-VELASQUEZ et

CARMEN NATALY RISCO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 26 MAI ET LE 4 JUIN 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                       LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                               LE 15 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Chantal Tie                                                                    POUR LES DEMANDEURS

Derek Rasmussen                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SOUTH OTTAWA COMMUNITY

LEGAL SERVICES                                                     POUR LES DEMANDEURS

Ottawa (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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