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     Date : 19981127

     Dossier : IMM-3366-96

ENTRE

     CHING SHIN HENRY WONG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

        

LE JUGE REED

[1]          Il s'agit d'une demande de clarification d'une ordonnance que j'ai rendue le 27 février 1998. Cette ordonnance a annulé une décision qui a refusé l'admission du demandeur en tant que résident permanent du Canada parce que sa fille souffre d'une arriération qui va de l'état léger à l'état modéré. L'affaire a été renvoyée pour réexamen fondé sur la preuve médicale existante, mais il est toutefois permis de produire des éléments de preuve additionnels relativement à la question de savoir si l'admission de la fille entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux du Canada.

[2]          Cette ordonnance a été accordée pour un motif important, savoir qu'il y avait eu violation des règles d'équité (en fait de justice naturelle) parce que les facteurs qui avaient été considérés comme se rapportant à la prise de la décision n'avaient pas été révélés, et que le demandeur avait donc été privé de la pleine possibilité de répondre. Deux paragraphes des motifs de l'ordonnance, datée du 14 janvier 1998, expliquent ce

raisonnement :

         [26] Mais ce qui est encore plus important, c'est qu'on n'a pas communiqué au requérant des renseignements concernant le fondement sur lequel cet avis a été rendu. Le requérant et son avocat souhaitaient répondre à la conclusion selon laquelle l'admission de la fille du requérant au Canada entraînerait, en raison de son état de santé, un fardeau excessif pour les services sociaux. Pour être en mesure de le faire d'une façon logique et intelligente, ils devaient être informés des facteurs considérés comme pertinents. À mon avis, la non-communication des renseignements demandés constitue un manquement aux principes de justice naturelle et aux règles d'équité.
         [27] Bien que ce manque d'information puisse mettre un décideur à l'abri des contestations de la décision qui a été prise, il n'est pas juste que la personne qui fait l'objet de cette décision en fasse les frais. Ce n'est pas non plus, d'un point de vue plus général et public, une bonne politique. La transparence mène en général à de meilleures décisions. Elle a aussi généralement pour effet d'augmenter la confiance du public et de faciliter l'acceptation des décisions négatives. La transparence dans le processus décisionnel est un facteur important dans le contexte actuel où le respect témoigné aux fonctionnaires est en baisse et où la population a une attitude de plus en plus cynique envers ses députés (politiciens).

[3]          L'avocat du demandeur a attiré mon attention sur d'autres décisions de la Cour dans des affaires semblables : Poste c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] F.C.J. No. 1805 (22 décembre 1997); Lau c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] F.C.J. No. 485 (17 avril 1998); Li c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] F.C.J. No. 1395 (30 septembre 1998). L'avocat du demandeur a également attiré mon attention sur la décision Tang c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] F.C.J. No. 1397 (30 septembre 1998). Il craint que la demande de ses clients ne connaisse le même type d'"impasse" auquel le demandeur dans cette dernière affaire faisait face, lorsque la Cour a à plusieurs reprise cassé la décision des agents en cause, et que ceux-ci ont simplement répété leurs décisions antérieures. L'avocat soutient que le processus de contrôle judiciaire repose sur la présomption qu'un organisme décideur dont la décision est radiée prendra une nouvelle décision conformément à l'esprit et aux motifs qui ont été invoqués pour la radiation de la première décision. Je conviens que si cela n'existe pas, la procédure de contrôle judiciaire devient un trompe-l'oeil.

[4]          Quoi qu'il en soit, après l'ordonnance du 14 février cassant la décision qui faisait l'objet du contrôle, l'avocat du demandeur a écrit des lettres pressant les agents d'immigration de prendre la seconde décision en temps opportun. Il a également demandé à plusieurs reprises que les facteurs se rapportant à la décision qui serait prise soient relevés. On lui a assuré, à plusieurs occasions, qu'il aurait cette information : dans une lettre datée du 31 mars 1998 provenant de l'agente d'immigration Maria Escott; dans des lettres datées du 7 avril et du 15 avril 1998 rédigées par l'avocat du défendeur; dans une lettre datée du 16 juin 1998 écrite par Maria Escott. Je reproduis des passages extraits des lettres du 7 avril et du 15 avril :

         (Lettre du 7 avril 1998)
         [TRADUCTION] Il nous est clair que vous avez des questions concernant le processus et la méthode par lesquels les médecins agréés vont former leur avis "fardeau excessif" dans cette affaire, en application du sous -alinéa 19(1)a )(ii) de la Loi sur l'immigration. Soyez assuré que vous aurez amplement la possibilité de poser vos questions aux médecins agréés dans cette affaire au cas où ils décideraient encore qu'il y aura lieu à "fardeau excessif". De plus, les médecins agréés répondront à vos questions et, par la suite, ils vous donneront la possibilité de présenter d'autres observations sur la question du "fardeau excessif" avant de rendre définitive leur décision sur le "fardeau excessif".
         En bref, Mme Escott et moi nous présumons que votre lettre du 4 avril 1998 signifie que vous n'avez pas d'autres documents à présenter à ce stade sur la question du "fardeau excessif". En conséquence, nous prévoyons que les médecins agréés seront en mesure d'exprimer leur avis provisoire, leur nouvel avis sur le "fardeau excessif", conformément à l'ordonnance de la Cour. S'ils décident qu'il y a lieu à fardeau excessif", vous recevrez leur "avis médical" et vous aurez la possibilité de poser vos questions, de recevoir la réponse des médecins agréés et, par la suite, de présenter d'autres observations si vous le désirez, avant que les médecins agréés ne mettent la dernière main à leur avis sur la question du "fardeau excessif".
         (Lettre du 15 avril 1998)
         [TRADUCTION] Quand Mme Escott aura reçu le nouvel "avis médical", cet avis vous sera envoyé pour vos commentaires et vos réponses. Dans nos deux lettres susmentionnées, nous avons précisé à votre intention que toutes vos questions pendantes recevraient des réponses des médecins agréés avant tout avis médical définitif sur les questions "fardeau excessif" dans cette affaire.

[5]          Le 16 juin 1998, le nouvel avis médical a été émis. Il porte notamment :

         [TRADUCTION] Si elle obtient le droit d'établissement, elle [la fille du demandeur] et sa famille auront droit à une variété de soutiens et vont probablement en avoir besoin. Les soutiens incluront des soutiens pour le fonctionnement intellectuel et la capacité d'adaptation. En particulier, des questions de santé et de sécurité, des études, des occupations d'agrément et l'acquisition des capacités professionnelles. L'exigence de ces structures de soutien vont probablement entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens, ce qui rend le demandeur non admissible en application du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration.

[6]          La lettre explicative envoyée à l'avocat du demandeur, qui accompagnait cet avis, répète l'engagement antérieur selon lequel les questions de l'avocat sur le fondement du nouvel avis recevront des réponses pour permettre à son client de répondre à l'avis qui y est exprimé :

         [TRADUCTION] Ainsi que je l'ai précédemment dit dans ma lettre en date du 31 mars 1998 qui vous a été adressée, vous aurez un délai de trente jours pour répondre à ce nouvel avis médical avec des documents, observations ou questions qui, selon vous, se rapportent à l'avis médical auquel les médecins sont maintenant parvenus.
             Tous documents additionnels ou toutes observations qui sont portés à mon attention dans ce délai de trente jours seront envoyés aux médecins agréés pour qu'ils les examinent, afin qu'ils déterminent si cela pourrait modifier le nouvel avis sur la question du "fardeau excessif". De même, toutes questions que je reçois peut-être de vous seront, par mes soins, envoyées aux médecins agréés pour qu'ils y répondent. Si rien n'est reçu de vous dans les trente jours, je prendrai ma décision sur cette demande de visa d'immigrant.

[7]          Malgré ces assurances, les questions de l'avocat du demandeur n'ont toujours pas reçu de réponses à la date actuelle (27 novembre 1998). Il est clair que le texte de l'avis médical, ne donne pas, de par sa formulation, suffisamment de renseignements précis pour permettre qu'on y réponde intelligemment : Quels sont les services particuliers dont on présume que la fille du demandeur à l'instance va les demander? Le fardeau excessif repose-t-il sur les coûts ou sur l'inexistence du service? (Je pose les deux questions ci-dessus à titre d'exemple seulement, puisque je ne dispose pas des questions précises auxquelles Me Rotenberg demande qu'on réponde.)

[8]          L'avocate du défendeur convient que les questions posées doivent recevoir des réponses de la part des médecins agréés conformément en engagements qui ont été faits. Elle convient également qu'un délai précis devrait être imposé.

[9]          J'ajouterais que je trouve qu'il est très étrange que les médecins agréés semblent ne pas être en mesure de décrire les motifs de leur avis de façon opportune. Ces motifs doivent certainement avoir été connus avant l'émission de l'avis?

[10]          En tout état de cause, une ordonnance sera rendue pour clarifier mon ordonnance du 27 février 1998 de manière à exiger expressément que les médecins agréés répondent aux questions posées par Me Rotenberg et ce, avant le 4 janvier 1999.

                             B. Reed

                                 Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 27 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-3366-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Ching Shin Henry Wong

                             et

                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
DATE DE L'AUDIENCE :              Le vendredi 27 novembre 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Reed

EN DATE DU                      vendredi 27 novembre 1998

ONT COMPARU :

    Cecil Rotenberg                  pour le demandeur
    Diane Dagenais                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Cecil L. Rotenberg, c.r.
    Avocat
    255, chemin Duncan Mill
    Pièce 808
    Don Mills (Ontario)
    M3B 3H9                          pour le demandeur
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
                                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                  Date : 19981127
                                                  Dossier : IMM-3366-96
                                             ENTRE
                                             CHING SHIN HENRY WONG,
                                                  demandeur,
                                                  et
                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                                      défendeur.
                                            
                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                                                     
                                            
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